La plante à l'honneur
La première partie de cet article a été consacrée à des généralités sur le genre Helleborus et à une de ses espèces H. foetidus, la plus fréquente en France continentale. Cette partie s’attachera à H. viridis, l'hellébore vert.
Pour le nom du genre voir la première partie de cet article. L’épithète viridis (vert) renvoie à la couleur des sépales pétaloïdes.
Nom français : Hellébore vert.
Pour les noms populaires et leur analyse, voir en fin de cette partie.
Cette espèce est présente mais assez rare en France, plus fréquente dans les Pyrénées, absente en Bretagne dans le Finistère et le Morbihan, absente ou disparue dans le centre de la France, très rare dans le Sud Est, absente en Corse.
C’est une espèce d’ombre ou de demi-ombre, mésophile*, qui préfère les sols calcaires. Elle pousse dans des milieux forestiers, forêts de feuillus, chênaies-hêtraies, hêtraies, plus en altitude, hêtraies‑sapinières, ripisylves en plaine. Elle est essentiellement collinéenne et montagnarde mais on peut la rencontrer de 0 à 1500 (1600 – 2300).
La plante fleurit entre (janvier) mars – avril.
- Plante glabre, vert foncé.
- Tige nue jusqu’aux premiers rameaux. 1 ou 2 feuilles basilaires vertes foncées qui se dessèchent en été et disparaissent en hiver à la différence de celles d’Helleborus foetidus, palmatiséquées***à 9 – 11 folioles lancéolés, profondément dentés.
- Les fleurs actinomorphe, de 2 à 5 cm de diamètre sont vert pomme et parfois rosées. Elles apparaissent au sommet de longs pédoncules concolores, annuels. Les sépales pétaloïdes sont ovales à elliptiques, étalés après la floraison. Les pétales sont réduits à des cornets nectarifères et masqués par une large couronne d’étamines, nombreuses et jaunâtres.
- Les bractées sont situées vers le haut du pédoncule. Elles sont sessiles, palmatiséquées.
- Les fruits sont des follicules presque aussi longs que larges, bec égalant la moitié de la longueur.
[* Mésophile : se dit d’une plante ou d’une communauté végétale qui pousse sur un sol ayant un gradient moyen sur l’axe humidité / sécheresse.]
[** Géophyte : plante vivace qui passe la mauvaise saison avec ses bourgeons de renouvellement enfouis dans le sol.]
[*** palmatiséqué : se dit d’une feuille au limbe palmé et profondément divisé en segment bien individualisés et soudés seulement à la base.]
Confusions
Lorsque la plante est développée, il est difficile de la confondre avec des espèces appartenant à un autre genre ou à une autre famille. Mais lorsqu’il s’agit de jeunes pousses, l’identification est plus difficile. La littérature rapporte le cas d’une jeune femme de 38 ans qui s’est gravement intoxiquée en mangeant des pousses d’H. viridis qu’elle avait ramassées par erreur en les confondant avec des pousses d’asperges sauvages (Bossi et al. 1981). Elle présentait des symptômes semblables à ceux d’une intoxication à la digitaline : très grave arythmie cardiaque mettant en jeu son pronostic vital, hypotension systémique (c’est celle que l’on mesure d’ordinaire avec le nombre le plus élevé) et gastro-entérite.
Pollinisation & dispersion
La pollinisation se fait par les insectes, essentiellement hyménoptères et diptères, la dispersion par les fourmis. Des graines de cette espèce pourvues de leur élaïosome ont été observées trainées par des fourmis (cf. Servigne 2008, p. 143).
Plante à rhizome d’ombre ou de demi-ombre, myrmécochore, son rayon de dispersion est limité. On la trouve plus souvent dans les forêts anciennes et elle fait partie du cortège de plantes indicatrices de ce type de forêts. En ce qui concerne H. foetidus, c’est l’inverse. On la trouve plus fréquemment dans les forêts récentes et dans bien d’autres milieux. Pourtant les deux espèces sont vivaces, ont le même type de dispersion ; elles poussent sur des sols ayant des caractéristiques quasi identiques. Elles différent surtout quant à l’exposition. H. foetidus est une plante héliophile ou de demi-ombre. C’est sans doute dans cette différence de caractère qu’il faut chercher la différence entre l’abondance de cette dernière et la relative rareté de H. viridis qui se voit cantonné à un milieu forestier peu répandu, même si globalement les surfaces forestières ont tendance à progresser avec la déprise agricole et les plantations de résineux qui sont certes des espaces boisés mais sont abusivement appelées forêts. Il s’agit de milieux moins propices à son implantation.
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▪ Helleborus viridis : une espèce ou un groupe ?
Dans la flore Costes, et d’autres flores anciennes comme celle de Rouy et Foucaud ou de Grenier et Godron ainsi que dans la Flore des Renonculacées de France de A. Gonnard, les feuilles sont décrites pédalées. La Flore forestière française les décrit palmatiséquées. C’est le parti que j’ai pris compte tenu de mes propres observations. Dans Flora Gallica, une note indique que « aucune description ne prend en compte la variabilité individuelle, notamment la forme des feuilles (…). Certaines populations des Pyr. et des Alp.-Maritimes, comme d’ailleurs la plupart de celles d’Italie, couvrent pratiquement à elles seules toute la variabilité foliaire et florale du groupe. » (p.946).
Rouy et Foucaud, Tome 1, page 117 et notes distinguaient cinq sous-espèces avec des formes de transition. On en retient d’ordinaire deux H. viridis subsp. orientalis (Reut) Schiffner (= H.occidentalis Reuter) et H. viridis L. subsp. viridis (= H. bocconi P. Fourn. = H. laxus Host = H.pallidus Host). Flora gallica ne distingue pas de sous-espèces. En attendant une révision taxinomique faut-il considérer que H. viridis réfère plutôt à un groupe qu’à une espèce ? Je donne ici les caractéristiques distinctives de ces deux sous-espèces telles que précisées par Gonard (2010, p. 221)
˃ H. viridis L. subsp. viridis : feuilles pubescentes sur la face inférieure à segments finement dentés, sépales larges ovales.
Cette dernière sous-espèce n’est présente à l’état spontané en France que dans les Alpes Maritimes.
▪ A quoi sert la persistance des sépales après la floraison ?
L’Hellébore vert et l’Hellébore fétide ont tous les deux des sépales qui persistent et croissent après la floraison. Ceux de l’hellébore fétide restent en forme de cloche et forment presque un tube depuis l’éclosion jusqu’à la floraison et ne s’ouvrent totalement qu’au moment de la fructification et restent alors bien ouverts pendant toute la maturation du fruit. Par contre ceux de l’Hellébore vert sont ouverts dès l’éclosion et le demeurent jusqu’à la maturation du fruit. A ces différences dans le développement de la fleur s’ajouterait une différence curieuse et quelque peu inattendue dans la fonction des sépales de ces deux plantes.
Herrera (2005) a montré expérimentalement que si on supprimait les sépales d’une fleur d’Hellébore fétide qui accompagnent normalement la fructification jusqu’à sa maturation, le poids des graines diminuait sensiblement. Les sépales participent donc via la photosynthèse qu’elles effectuent à la croissance de ces graines. Dans le cas de H. viridis, à partir d’une expérimentation du même type, Guitian et al. (2014) ont montré que la réduction plus ou moins complète du périanthe ne change rien au poids des graines, ce qui permet de penser, selon les auteurs, que les sépales ne contribuent pas au développement de celles-ci alors qu’elles-mêmes croissent pendant le développement des stades post floraison comme le font celles de H. foetidus. Ils en concluent que ce n’est pas la croissance des sépales qui peut contribuer au développement du fruit dans le cas de H. foetidus mais le fait qu’en s’ouvrant, ils pourraient participer à la photosynthèse plus efficacement : « Par conséquent, l’apport des sépales au poids des graines pour H. foetidus pourrait être dû à l’ouverture des sépales qui augmente sans doute sa performance photosynthétique et non à la croissance des sépales. Cette dernière pourrait correspondre à un simple effet architectural de la croissance de la structure florale toute entière, à la fois pour H. foetidus et H. viridis. (The resource contribution of sepals to seed weight in H. foetidus, hence, could be due to sepal opening – which likely increases its photosynthetic performance – rather than sepal growth. The latter could respond to simple architectural effects of the growing of the whole floral structure, both in H. foetidus and H. viridis). » Comme le montre cette citation, c’est avec beaucoup de prudence que cette hypothèse est avancée.
Les auteurs écrivent : «Nos résultats prouvent que la persistance des sépales après la floraison de H. viridis ne contribue pas au développement des graines, de même que les manipulations sur la dimension du calice n’ont pas d’effet significatif sur le nombre et le poids des graines produites (Our results provide evidence that the post-floral persistent sepals of H. viridis do not contribute to the development of seeds, as calyx size manipulation had no significant effect on the number and weight of seeds produced.) ». De ces deux propositions, seule la seconde est effectivement prouvée par les expérimentations rapportées. En affirmant la première, ils affirment plus que ce qu’ils ont vraiment prouvé. Ils ont montré que l’ablation des sépales après la floraison n’a pas d’effet significatif sur le développement des graines. Cela ne prouve pas que, lorsqu’ils sont présents, les sépales ne contribuent pas à ce développement. Puisqu’ils sont aptes à la photosynthèse, ce serait même étonnant qu’ils ne le fassent pas.
Jusqu’à l’apparition des feuilles qui a lieu relativement tardivement dans le développement annuel de la plante, les sépales sont l’une des sources des produits de cette photosynthèse. Selon Aschan et al. (2005) : « Comme les feuilles de la base apparaissent tard, pendant le développement du fruit, les sépales photosynthétiquement actifs sont au début du printemps la principale source des assimilats, contribuant à plus de 60% au gain de CO2 de la plante entière. (As the basal leaves emerge late during fruit development, the photosynthetically active sepals are a major source of assimilates, contributing more than 60 % of whole-plant CO2 gain in early spring. The ripening dehiscent fruits are characterized by an effective internal re-fixation of the respirational carbon loss and thus additionally improve the overall carbon budget) » (p. 55) L’appareil reproducteur de nombreuses espèces est quasiment autotrophe par son aptitude photosynthétique et sa capacité à refixer le CO2 endogène de respiration. (cf. Aschan et al. 2003)
Dans le cas où ils ont été ôtés artificiellement, ce sont les feuilles, ou le pétiole qui peuvent être mobilisés, au détriment peut-être du stockage de nutriments dans le rhizome pour la nouvelle pousse qui surgira au prochain printemps. La réduction totale ou partielle du calice n’ayant pas de conséquence quant au fruit, sa maturation et les graines obtenues, cela prouve simplement que H. viridis est capable de faire face à cette mutilation et « choisit » si l’on ose dire de mobiliser des ressources supplémentaires pour le développement de son fruit à partir des feuilles (elles sont grandes dans cette espèce) ou des réserves stockés dans le rhizome. H. foetidus ayant tout une structure aérienne à entretenir pendant la période hivernale ne peut peut-être pas se permettre une allocation de ressources suffisantes pour pallier complétement le manque induit par l’ablation des sépales lors du développement et de la maturation du fruit.
▪ Une lance pour percer la terre
Dans un article, où il étudie l’émergence printanière des organes aériens des plantes vivaces des forêts, Edward James Salisbury (1916) classe H. viridis parmi les plantes nettement géophytes (pronounced geophytes). Toutes les espèces vivaces géophytes possèdent un type de pousse en forme de lance (spear shoot) dont la structure est plus ou moins spécialisée pour réussir cette émergence. Cette spécialisation est d’autant plus prononcée que la plante est plus nettement géophyte. Dans le cas de H. viridis, il s’agit d’une pousse robuste, pointue et dure protégée par des écailles foliaires. C’est à la paroi épaisse des cellules de l’épiderme et des tissus sous-jacents de ces écailles que la pousse doit sa dureté et sa rigidité propres à percer le sol.
▪ Retourner les effets du poison contre l’empoisonneur ? Des tenthrèdes l’ont fait.
C’est en effet ce que réalisent les larves de deux espèces d’hyménoptères l’une vivant sur H. viridis et l’autre sur H. foetidus.
Les hellébores se défendent contre leurs prédateurs éventuels en métabolisant des composés chimiques toxiques. De ce fait, elles sont peu attaquées. Cependant en ce qui concerne H. foetidus et H. viridis ces poisons sont sans effet sur des espèces de larves d’hyménoptères du genre Monophadnus qui se nourrissent de leurs feuilles. Les imagos sont de petites bestioles ressemblant à des mouches de 5 à 6 mm de la famille des Tenthredinidae (mouches à scie). Les larves ressemblent à des chenilles de papillons. Ce sont de « fausses chenilles » qui ont six vraies pattes thoraciques comme les vraies chenilles mais quatorze fausses pattes abdominales alors que les vraies chenilles n’en n’ont jamais que de quatre à dix. En tout cas ces fausses chenilles sont de vrais ravageurs. Celles qui dévorent les feuilles de différentes plantes horticoles, potagères ou d’arbres sont bien connues et combattues pour cela. Par contre celles qui se nourrissent des feuilles des plantes sauvages ne sont pas toutes décrites. Cela serait le cas de l’espèce vivant et se nourrissant sur les hellébores fétides comme celui de l’espèce vivant et se nourrissant sur les hellébores verts selon José Prieto et ses co-auteurs qui ont établi comment l’une et l’autre utilisaient le poison qu’elles absorbaient en mangeant les feuilles de ces plantes (Prieto et al. 2007).
Non seulement les larves de ces deux espèces ne sont pas sensibles aux composés toxiques métabolisés par la plante mais l’une et l’autre stockent l’un d’entre eux (une saponine furostanol) dans leur hémolymphe qui présente des concentrations jusqu’à 200 fois plus élevées que celui des cellules des feuilles de la plante. En cas d’attaque la larve sécrète une gouttelette de son hémolymphe qui a un effet répulsif sur son prédateur, les ouvrières de la « Fourmi rouge » (Myrmica rubra). Elle peut ainsi continuer tranquillement de dévorer les feuilles de l’hellébore qui lui sert de repas. L’hellébore aura donc donné à son prédateur une des armes dont elle se sert pour s’en défendre. Il l'utilise pour se protéger après l'avoir affutée !
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Toute la plante est fortement toxique. C’est peut-être même l’espèce la plus toxique de toutes. Néanmoins les intoxications sont très rares chez les hommes comme chez le bétail. L’issue est souvent fatale.
En médecine humaine et vétérinaire on a utilisé principalement la racine, parfois les feuilles. Comme nous l’avons indiqué dans le chapitre consacré à H.foetidus, il est difficile de savoir quelle racine de quelle espèce d’hellébore, voire de quelle espèce de renonculacée, était vendue dans le commerce et donc quelle plante était utilisée en fait. Donc, les indications que l’on a mentionnées pour H.foetidus valent aussi, sans doute pour H. viridis, comme valent celles qui étaient traditionnellement attribuées à H. niger.
Après avoir tenté d’éclaircir la question des espèces employées, Mérat et De Lens (1837) estiment que c’est H. viridis qu’il faut utiliser de préférence compte tenu de la ressemblance entre cet Hellébore et celui qu’ils supposent avoir été réellement utilisé par les « anciens », c’est-à-dire principalement les médecins grecs de l’antiquité : « Ce serait celle qu’il faudrait employer de préférence à l’hellébore noir, puisqu’elle se rapproche le plus de celui des anciens, qu’elle a plus d’activité que le noir, d’après Allioni, et qu’on peut se procurer facilement ses racines ; tandis que le noir étant plus rare, on les a souvent falsifiées, au dire des auteurs. » (p. 384). Cette « activité » supérieure de l’Hellébore vert constatée empiriquement a été confirmée et expliquée par les analyses contemporaines de la composition chimique des différentes espèces d’Hellébores (Cf. Cornelia &. Dobrotă 2013). Ajoutons comme l’indique l’Atlas de la Flore d’Auvergne, qu’H. viridis a été cultivé comme plante médicinale dans les jardins des demeures féodales et des monastères. Ce sont souvent des échappées ayant fait souche que l’on retrouve dans la nature.
Les dénominations vernaculaires de cette plante suggèrent que l’on a dû y recourir abondamment en médecine vétérinaire populaire et empirique. Ce qui est confirmé par les études ethnobotaniques. Selon les recensions d’Iqbal et Jabbar in Katerere et al., Ch. 6 (2010), H. viridis ferait partie des 20 premières plantes parmi les plus utilisées dans le Monde. Il a été ou est utilisé pour soigner les blessures, comme antiseptique, comme analgésique, comme traitement des maladies métaboliques et de la reproduction, pour soigner les dermatoses de diverses origines…
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Cet hellébore a reçu un grand nombre de noms vernaculaires. Ceux retenus dans la Flore forestière sont : ‘Herbe de Saint-Antoine’, ‘Herbe à sétons’, ‘Herbe à la broche’, ‘Herbe à la bosse’ et ‘Pommelière’ ; auxquels on peut ajouter ‘Herbe à la broche’, retenu par Gonard (2010).
◊ ‘Herbe à séton’ et ‘Herbe à la broche’ se comprennent, en référence à son usage en médecine populaire vétérinaire et/ou humaine, comme plante que l’on utilisait pour faire les dits ‘sétons’ (voir H. foetidus, rubrique « Usages » dans la première partie de cette étude). Les autres dénominations ne manquent pas d’étonner. On les retrouve de flore en flore sans explication, sans justification lexicographique de la sélection de ces noms parmi bien d’autres. On a l’impression que les flores se sont copiées entre elles. Dans ce chapitre, on essayera de comprendre le pourquoi de ces dénominations ou du moins de donner des pistes à ce sujet.
◊ En ce qui concerne l’appellation ‘herbe de Saint-Antoine’, cela peut être, comme souvent, soit une allusion à son usage comme « simple », soit une allusion à la date de floraison. Cette deuxième hypothèse pose problème car si cette floraison peut avoir lieu en Janvier, elle a plutôt lieu entre Mars et Avril alors que la fête du Saint tombe le 17 janvier. Il reste qu’on ne peut pas être certain que cette appellation réfère spécifiquement à H. viridis et ne désigne pas plus vaguement le genre. Par exemple, les dates coïncideraient assez bien pour H. foetidus ou H. Niger.
Certes cet Hellébore ne figure pas dans les quatorze plantes qui entraient dans la composition du baume de Saint Antoine* utilisé dès le XVe siècle contre l’ergotisme encore nommé ‘mal des ardents’ et ‘mal de Saint Antoine’. On peut néanmoins se demander si la dénomination ‘Herbe de Saint Antoine’ n’a pas de rapport avec cette maladie qui a fait de gros ravages parmi les populations humaines et les cheptels, avant de disparaître en ce qui concerne les humains, au moins dans les pays dits développés**. Elle était due à la consommation de céréales infectées par l'ergot de seigle, un champignon groupe des ascomycètes, parasite du seigle et autres graminées***. Pour appuyer cette hypothèse on peut rappeler que ce champignon parasite contient de l’acide lysergique dont est dérivé le LSD, ce qui explique que la maladie a parmi ses symptômes, outre des sensations de chaleur brûlante alternant avec des sensations de froid intense qui lui ont donné son nom, des troubles psychiques avec délires, convulsions, troubles du comportement, altération des perceptions et de la conscience, manies et psychoses.
Cependant, c’est plutôt plus spécifiquement l’Hellébore noir ou l’Hellébore du levant qui étaient censés traiter ces maladies mentales et pas l’Hellébore vert.
En ce qui concerne H. viridis spécifiquement, Rolland rapporte comme nom « herbe Saint- Antoïgne, f., Boulonnais, comm. par M. B. de Kerhervé » et indique que cet informateur lui a précisé qu’« avec cette herbe les cultivateurs vaccinent les porcs contre les épidémies. » (Tome1, p. 87) Il fait aussi mention de l’utilisation de la plante contre la rage porcine (herbe à la rage, employée dans La Manche) mais là, le nom est commun à toutes les espèces d’Hellébores.
Toutes ces dénominations suggèrent donc que les plantes du genre Helleborus et en particulier H. viridis étaient utilisés en médecine vétérinaire populaire pour traiter le bétail, notamment les porcs. Elles étaient sans doute cultivées à cet effet car la plante n’est pas des plus communes.
C’est là selon moi que se trouve en fin compte la raison de cette appellation d’Herbe de Saint Antoine.Pour le comprendre, il faut se souvenir que dans l’iconographie du saint, celui-ci est représenté, dès le Moyen-âge, avec un petit cochon à ses pieds et que les suidés ont un rôle important dans sa légende. Rappelons également que l'Ordre des Hospitaliers de Saint-Antoine, connus sous le nom des « Antonins » était spécialisé dans le soin du « Mal des Ardents ». Outre des médications comme le baume éponyme qui étaient mises en contact avec les reliques du saint censées guérir la maladie, les malades bénéficiaient d’une nourriture non contaminée à base de viande de porc, l’animal lié à Saint Antoine. De plus depuis la chute mortelle du fils du roi Louis VI le Gros, causée par un cochon, en 1131, les porcs étaient interdits en ville. Ceux des Antonins, indispensables pour la thérapie contre l’ergotisme et pour le régime des malades qui affluaient dans leurs établissements, obtinrent une dérogation et purent ainsi être nourris, au moins en partie, par la population. Ils étaient marqués d'un T (croix de Saint Antoine) et reconnaissables aussi à la clochette qu'ils devaient porter suspendue à l’oreille. C’est donc bien en relation avec Saint Antoine et le mal des ardents que H. viridis a été nommé ‘Herbe de Saint-Antoine’ mais c’est par l’intermédiaire de son cochon !
◊ Pour ce qui concerne l’appellation ‘Herbe à la bosse’, elle est d’autant plus curieuse que parmi les multiples usages des hellébores, leur emploi pour guérir les contusions ne sont pas mentionnés en priorité même si elles étaient utilisées pour pratiquement tous les maux et maladies chez les anciens. Dans l’énumération de Cazin 1868, cet usage n’apparaît même pas.
On peut faire un rapprochement entre ‘Herbe à la broche’ et ‘Herbe à la bosse’, le second serait alors une déformation du premier.
On peut aussi avancer une autre hypothèse car ‘bosse’ n’a pas toujours eu le sens étroit que nous lui donnons aujourd’hui, celui d’enflure due à un coup. Il signifiait aussi « tumeur » au sens large de protubérance sur la peau, plus spécialement d’abcès. Littré dans la partie historique cite Jean de Meung (XIII Siècle) : « Car toutes boces [il] peut crever /Et son cuer jusqu’au vif caver, /Pour garir tout mors de serpent » Le terme ‘boce’ a aussi été utilisé pour désigner les bubons des pestiférés. Dans le dictionnaire de Godefroy on peut lire à l’article « Boce » : « Boce, boche, bosse, s. f. bouton de la peste, bubon » Et entre autres citations illustratives, Godefroy donne celle-ci : « Les Anglais avoient tres grande puyssance ; toutefois en leur armée se mist la boce, dont plusieurs moururent sans cop frapper (1431, Fragm. d’une version franç. Des Grandes Chroniq. de St-Denis, Bibl. elz) » (Godefroy, 1881, p. 668).
Il ne semble pas, cependant, que les Hellébores, toute espèce confondue, aient été utilisés comme remède spécifique contre la peste, mais seulement à titre de purgatif parmi d’autres plantes car certains médecins croyaient que l’usage de vomitifs et purgatifs permettaient de traiter cette maladie en ses débuts, ce qui était contesté par d’autres, au motif de bon sens que ces purgations diminuaient la capacité de résistance du malade en l’affaiblissant. En ce qui concerne la peste, l’Hellébore (sans précision d’espèce) est mentionné aussi comme pouvant servir, associé à d’autres plantes, à des fumigations préventives des locaux. (cf. Jean-Jacques Manget, 1721).
Dans le Französisches Etymologisches Wörterbuch (FEW), on trouve comme sens retenu depuis 1867 « maladie du porc caractérisée par une tumeur à la gorge », sens que l’on retrouve également dans le dictionnaire d’Emile Littré qui indique « maladie des porcs dite aussi soie » (1877).
Selon Robert Martin et Pierre Cromer (2015) dans le Dictionnaire du Moyen Français (1330-1500) ‘bosse’ désignerait «toute protubérance naturelle » et notamment « grosseur », « tumeur », « abcès » ce qui renverrait également à la pratique des sétons. ‘Herbe à la bosse’ serait sans doute soit la désignation de la plante qui est censée soigner cette maladie du porc, soit l’abcès résultant de la pose d’un séton. Rappelons que dans sa Flore populaire, Rolland signale que dans le Boulonnais c’est avec cette herbe que les cultivateurs vaccinent les porcs contre les épidémies.
◊ Quant à ‘pommelière’ ce terme est aussi le nom ancien de la tuberculose pleurale des bêtes à cornes (Meyer C., ed. sc., 2017). Des préparations contenant de l’hellébore étaient utilisées pour soigner cette maladie (Cf. Delafond, 1844, Ch. 7). Le choix du nom se fait ici en référence à la maladie traitée à l’aide de la plante.
[* Voici la liste de ces plantes : feuilles de choux, de noyer, de bette, de laitue, des deux sortes plantain, de sureau, de sanicle, de tussilage, de joubarbe, d’orties, de ronces avec leurs sommités]
[** Sa dernière manifestation en France pourrait dater de l'été 1951, avec « l’affaire du Pain maudit », une série d'intoxications alimentaires qui frappe la France et dont la plus sérieuse a lieu à partir du 17 août à Pont-Saint-Esprit, où elle fait sept morts, 50 internés dans des hôpitaux psychiatriques et 250 personnes affligées de symptômes plus ou moins graves ou durables. Si l’on a fortement suspecté que « le pain maudit » contenait de l'ergot du seigle, on n’a pas pu en donner la preuve formelle.]
[*** Par contre, elle peut faire encore des ravages parmi le bétail.]
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Complément pour H.viridis aux références citées dans la première partie
Aschan G., Pfanz H., 2003. « Non-foliar photosynthesis – a strategy of additional carbon acquisition» Flora 198, p.p. 81– 97. DOI : 10.1078/0367-2530-00080
Aschan G., Pfanz H., Vodnik D., Bati F., 2005. « Photosynthetic performance of vegetative and reproductive structures of green hellebore (Helleborus viridisL. agg.). » Photosynthetica 43, p.p. 55-64.
Bossi M., Brambilla G., Cavalli A., Marzegalli M., Regalia F., 1981. « Threatening arrhythimia by uncommon digitalic toxicosis (author,s transl) », G Ital Cardiol, 11, 12, 2254-7.
Cornelia M., Dobrotă C., 2013. « Natural compounds with important medical potential found in Helleborus sp. », Central European Journal of Biology, 8(3), 2013, pp. 272-285 DOI: 10.2478/s11535-013-0129-x
Delafond O., 1844. Traité de la maladie de poitrine du gros bétail, connue sous le nom de péripneumonie contagieuse, Libraire de la faculté de médecine, Paris.
Grenier C., Godron D. A., 1848-1856. Flore de France, ou description des plantes qui croissent naturellement en France et en Corse. Tome 1, - Librairie de l'Académie impériale de Médecine, Paris. Version numérique sur Archive.org
Godefroy Frédéric, 1881. Dictionnaire de l'ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècle : composé ... Tome premier, A-Castaigneux, Vieweg édit., Paris.
Guitian J., Larrinaga A. R., 2014. « The role of post-floral persistent perianth in Helleborus viridis subsp. occidentalis (Ranunculaceae) », Nordic Journal of Botany, 32 (6), December 2014, pp. 852–857.
Herrera, C. M., 2005. « Post-floral perianth functionality: contribution of persistent sepals to seed in Helleborus foetidus (Ranunculaceae) », Am. J. Bot. 92: 1486–1491.
Katerere D.R., Dibbungi L., (Ed). 2010. Ethnoveterinary botanical medicine, herbal madicines for animal health, Taylor and Francis Group, New York.
Manget Jean-Jacques, 1721. Traité de la peste recueilli des meilleurs auteurs anciens et modernes, Geneva.
Mérat F. J., De Lens A. J., 1837. Dictionnaire universel de matière médicale et de thérapeutique générale, tome 2, Société belge de Librairie, Bruxelles.
Meyer C., ed. sc., 2017. Dictionnaire des Sciences Animales. [En ligne]. Montpellier, France, Cirad. http://dico-sciences-animales.cirad.fr/liste-mots.php?fiche=22250&def=pommeli%C3%A8re
Olivieri M. F., Marzari F., J. Kesel A., Bonalume L., Saettini F., 2016. « Pharmacology and psychiatry at the origins of Greek medicine: The myth of Melampus and the madness of the Proetides », Journal of the History of the Neurosciences, September 2016 Pages 1-23. DOI:10.1080/0964704X.2016.1211901
Prieto J.M., Schaffner U., Barker A. et al., 2007. « Sequestration of Furostanol Saponins by Monophadnus Sawfly Larvae », J Chem Ecol (2007) 33: 513. doi:10.1007/s10886-006-9232-7
Rolland E., 1896. Flore populaire ou histoire naturelle des plantes dans leurs rapports avec la linguistique et le folklore, Tome 1, Librairie Rolland, Paris.
Rouy G., Foucaud J., 1893-1913. Flore de France ou Description des plantes qui croissent spontanément en France, en Corse et en Alsace-Lorraine, Société des Sciences naturelles de la Charente-Inférieure.
Salisbury, E.J., 1916. The emergence of the aerial organs in woodland plants. Journal of Ecology 4 (3-4): 121-128.
Von Wartburg W., 1922-2002 : Französisches Etymologisches Wörterbuch, eine Darstellung des galloromanischen Sprachschatzes, Bâle, Presses universitaires de Bâle. (Le dictionnaire étymologique et historique du galloroman (français et dialectes d’oïl, francoprovençal, occitan, gascon) Französisches Etymologisches Wörterbuch (FEW)).
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Photos : De haut en bas : H. Zell (Wikimédia commons); E. Blasutto (Wikimédia commons) pour chacun des éléments du composite ; Alain Bigou (Tela Botanica) feuilles d’H.viridis subsp. viridis ; Javier Martinlo feuilles de H.viridis subsp. occidentalis ; Soljj. (Wikimédia commons) Saint Antoine et son cochon.
La plante à l'honneur
« Dans le jardin de mon enfance, c’est à la fin de décembre que j’allais, sûre de sa présence, lever les dalles de neige qui couvrent la rose d’hiver. » nous confie Colette à propos de l’Hellébore noir. Dans les bois, à la fin de l’hiver, c’est un autre hellébore que l’on rencontrera. Impossible de se tromper tant sa silhouette et son odeur sont caractéristiques, c’est le Pied-de-Griffon, l’Hellébore fétide.
Noms
Helleborus
[Renunculaceae]
En Français, Hellébore ou Ellébore. (Pour le choix de l’une ou l’autre des graphies voir dans le prochain article le § Hellébore ou ellébore ?) Le genre devrait être masculin mais on assiste à une forte tendance à une féminisation de ce nom. On a donc le choix du genre.
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Les trois premières parties de cette étude sont consacrées aux trois espèces présentes en France continentale du genre Helleborus qui comprend environ 21 espèces de par le monde : H. foetidus L. (H. fétide), H. niger L.(Rose de Noël), H. viridis L.(H. vert). Dans une dernière partie seront mentionnés H. orientalis Lam.(H. du Levant) occasionnel en France, et Helleborus cyclophyllus une espèce des Balkans. On a identifié ces deux espèces avec l'hellébore noir des anciens médecins grecs et latin qui ne serait donc pas notre Rose de Noël. Dans cette partie nous verrons pourquoi ces identifications de l'hellébore noir des anciens sont pour le moins douteuses. C'est aussi dans cette partie de l'étude que nous rencontrerons La Fontaine avec son Maître Aliboron, le lièvre et la tortue.
• Ellébore ou Hellébore a plusieurs étymologies possibles :
1°) Ces nom viendraient via le latin Helleborus, du grec ἐλλέβορος ou ἑλλέβορος selon que l’on écrit ‘ellébore’ ou ‘hellébore’. Dans ce cas, seraient mises en évidence les propriétés toxiques de ces plantes, les mots grecs ayant pour étymologie ‘το ἑλει̂ν’ «faire mourir» et ‘βορά’ «nourriture», c’est-à-dire «nourriture qui fait mourir» ou en d’autres termes «poison», cela bien entendu en référence aux propriétés toxiques de la plante. Cette étymologie est reprise par la plupart des botanistes des XVIIIe et XIXe siècles ainsi que par les botanistes contemporains (Cf. inter alia, Flore forestière française, tome 2 & 3)
2°) Selon Pl@ntUse « peut-être « nourriture de cerf », de ἑλλός - hellos, cerf et βιβρώσκω, βορά - bibrôskô, bora, «manger» qui cite André (1979), Chanteraine (1968) et Strömberg (1940) ici
3°) Selon Pierre Fournier (1946 – 2001) le nom dériverait via le grec et le latin du sémitique ‘helebar’ ou ‘helibar’ signifiant «remède contre la folie». François Couplan (2012) reprend cette étymologie que l’on trouve aussi sur le site de Michel Caire consacré à l’histoire de la psychiatrie en France ici
Les noms vernaculaires seront mentionnés au fur et à mesure de l’étude des espèces.
•Caractères communs des espèces du genre Helleborus [Hellébores ou Ellébores]
Les Hellébores sont des plantes herbacées vivaces. Les feuilles sont relativement grandes, pennatiséquées-pédalées*) ou triséquées**, alternes. Floraison hivernale ou printanière. Fleurs inclinées avec 5 tépales (= sépales pétaloïdes) verdâtres, blanchâtres, rosâtres ou rougeâtres et des pétales très petits, en cornet, plus courts que les étamines qui sont nombreuses. Fruits : follicules coriaces, renflés à maturité. Toutes sont violemment toxiques.
[*Pédalé : voir photos des feuilles de H. foetidus]
[**Triséqué : trois segments fendus jusqu’à la nervure médiane]
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Helleborus foetidus L., Sp. Pl. : 558 (1753)
L’épithète foetidus (puant) fait référence à l’odeur des feuilles quand on les froisse.
Cet hellébore a reçu un grand nombre de noms vernaculaires qu’il serait fastidieux d’énumérer. On retiendra outre le décalque du latin Hellébore fétide, Ellébore et Pied-de-griffon qui renvoie à la forme de ses feuilles.
C’est l’espèce que l’on a le plus de chance de rencontrer en France continentale sauf en Bretagne où elle est absente. Elle est rare dans le Nord et en Picardie. Elle est très rare en Corse.
C’est une plante héliophile ou de demi-ombre qui aime les sols calcaires (préférence calcicole) et pousse dans des milieux très divers (pelouses, chemins, rocailles, lisères forestières, haies, bois clairs, fruticées, forêts thermophiles un peu sèches, …)
Il fleurit de mars à avril.
Sa caractéristique discriminative principale est son odeur, une odeur caractéristique particulièrement forte lorsque l’on froisse les feuilles et que beaucoup s’accordent à juger fétide. Cependant selon Erika Lais (2003) un pied entier de cet hellébore mise dans un vase après avoir lavé les racines « emplit la pièce d’un parfum étrange, envoûtant, mais non désagréable, en dépit de son nom » (p.102)
Description
→ Que ceux qui trouveraient ardue la description qui suit, se rassurent. Lorsqu’ils rencontreront cette plante, s’ils ont bien regardé ses photos, ils ne manqueront pas de la reconnaître. La description est là pour aider à en découvrir tous les détails et à permettre de la distinguer des autres espèces et notamment de H.viridis, bien plus rare mais qui lui ressemble un peu.
’H. foetidus est une plante chaméphyte,* sempervirente** (30 – 80 cm) sans rhizome, dotée d’une souche ligneuse, épaisse avec des rejets latéraux, sans feuille à la base, très feuillée ensuite jusqu’aux rameaux. Tige ligneuse, ramifiée avec des bractées ovales entières vert pâle.
- Les feuilles sont vert sombre, toutes caulinaires, coriaces, pédalées avec 7 – 12 folioles lancéolées, dentées.
- L’inflorescence vert pâle est terminale en corymbe regroupant de 25 à 100 fleurs. Ces fleurs (1 – 3 cm) sont actinomorphes***, nombreuses, verdâtres, pédicellées, globuleuses retombantes, restant campanulées.
- Cinq sépales pétaloïdes ovales, connivents****, dressés, verdâtres souvent avec un liseré pourpre à la marge.
- Les pétales (10 – 15) sont réduits à de petits cornets pourvus de nectaires, égalant de moitié la longueur des étamines qui sont nombreuses. Les carpelles (3 – 5) sont libres entre eux et renferment plusieurs ovules. Ils sont dotés de longs styles réceptifs avant même l’ouverture complète de la corolle.
- Le fruit est constitué de (2) 3 (4) follicules***** soudés à la base, plus longs que larges à bec égalant la moitié de leur longueur et recourbé vers l’intérieur, déhiscents le long de la suture placentaire. Graines noires rondes avec un élaïosome blanchâtre.
[*Chaméphyte : plante vivace dont les bourgeons en hiver sont situés à moins de 50 cm au-dessus de la surface du sol.]
[**Sempervirente : plante dont les feuilles ne tombent pas à la fin de la saison de végétation et restent fonctionnelles pendant plusieurs années. C’est pourquoi on rencontrera des plants de cet hellébore en parcourant les bois en hiver.]
[***Actinomorphe : Fleur à symétrie radiale.]
[**** Connivents : se dit d’organes rapprochés entre eux, souvent par le sommet mais non soudés entre eux. Comme autre exemple : les pétales et les sépales de la jacinthe des bois.]
[****Follicule : (n. masculin) fruit sec issu d’un carpelle unique et s’ouvrant le long de la ligne de soudure du carpelle sur lui-même ]
Pollinisation
ꙮ L’hellébore fétide ou comment réussir à faire des graines quand on est une fleur à floraison (très) précoce.
La durée de vie de chaque fleur est d’une vingtaine de jours et leur floraison sur la plante s’étale pour un même pied entre un et deux mois. Les fleurs sont hermaphrodites mais au sein d’une fleur d’H. foetidus, les pièces femelles sont fonctionnelles avant les pièces mâles. Cette protogynie permet une fécondation croisée censée être favorable à la reproduction de la plante et à la survie de l’espèce. Cependant il semble que les cas de fécondation autogame par autopollinisation sont fréquents même en présence d’insectes pollinisateurs comme les abeilles mellifères et différentes espèces de bourdons (Cf. Herrera et al. 2001) car les fleurs sont aussi auto-compatibles et les stades femelles et mâles se chevauchent, la durée de ce chevauchement étant variable selon les stations (Cf. Herrera 2001 et les références qui y sont données).
La pollinisation entomogame est effectuée par les diptères et hyménoptères encore assez rares au moment de la floraison. C’est sans doute la principale raison pour laquelle la fréquence des visites des inflorescences par les pollinisateurs est très faible. Aussi ceux qui viennent les explorer sont particulièrement gâtés par la plante. Les pétales transformés en cornets nectarifères ont des glandes qui peuvent secréter en continu pendant une vingtaine de jours un nectar riche en saccharose, glucose, fructose, en proportions variables selon les sujets et les stations, auxquels il faut ajouter des acides aminés. Les nectaires en sont remplis jusqu’à la moitié. Les abeilles notamment le recherchent avidement dans leurs premières sorties à la fin de l’hiver (Gonard, 2010, p. 215). La plante est mellifère et près des stations importantes de ces plantes, les apiculteurs placent leurs ruches à la sortie de l’hiver. Toutefois, selon Carlos M. Herrera et al.(2013), ce seraient les bourdons (Bombus terrestris et Bombus pratorum) qui seraient leurs pollinisateurs principaux. Le pollen de couleur orangé à ocre pâle est libéré par vagues successives pendant une à trois semaines, les nombreuses étamines n’étant pas mûres en même temps.
On notera aussi que les fleurs en forme de cloche penchée préservent ainsi leur pollen contre les intempéries en même temps qu’elles peuvent servir d’abris aux petits pollinisateurs du genre Adrena qu’elles attirent. Certaines leur fournissent non pas un simple abri mais un abri chauffé, ce qui est fort appréciable pour ces animaux ectodermes lorsque les températures sont encore fraîches, proches de la limite de leur survie.
Butiner du nectar chaud dans la corolle chauffée d’une fleur, y plonger la tête et une partie de l’abdomen n’est pas non plus négligeable pour les bourdons. Certes, ils sont capables de contrôler leur température corporelle au moins dans une certaine mesure. Ils ont ainsi d’un certain degré de liberté par rapport aux contraintes de leur environnement, mais c’est au prix d’une grande quantité d’énergie qu’ils doivent dépenser pour maintenir leur température corporelle (Cf. Whitney et al. 2008, p.845 et les références qu’ils citent), d’où, semble-t-il leur choix pour les fleurs plus chaudes que l’air ambiant sur lesquelles ils atterrissent de préférence. (Je précise « semble –t-il » car il se pourrait comme on va le voir que la température d’une fleur qui serait plus élevée que la température ambiante ne soit pas la vraie raison pour laquelle le bourdon la préfère.)
Cette chaleur ne serait pas produite par la plante elle-même. Herrera et al. (2010) ont montré qu’elle est fournie grâce à un troisième larron qui vient compliquer la relation dualiste mutualiste de pollinisation entre l’insecte et la plante et qui aurait pu passer inaperçu puisqu’il s’agit de microorganismes, principalement Metschnikowia reukaufii, des levures nectariphages vivant sur les fleurs qui dégradent le nectar contenu dans les nectaires. Les plantes dont le nectar n'a pas été contaminé que ce soit naturellement ou parce qu'elles ont été ensachées ne présente pas ce phénomène. La chaleur n’est donc pas produite par la plante. Elle est le sous-produit de la réaction métabolique due aux levures.
Ces levures se nourrissent du nectar destiné à récompenser le pollinisateur mais pour Herrera et al. 2010, comme en contrepartie, elles fournissent à la plante de la chaleur, il ne s’agirait pas de parasitisme mais d’une forme de mutualisme, cette chaleur étant bénéfique à la plante et au pollinisateur. Elle serait des plus importantes sur le plan écologique «dans un environnement où la basse température ambiante limite souvent les visites des pollinisateurs, la germination du pollen, le succès de la fertilisation et le développement du fruit. (in environments where low ambient temperature often limits pollinator visitation, pollen germination, fertilization success and fruit development) » (p. 1828) La chaleur produite par la métabolisation du saccharose du nectar par les levures serait une sorte de substitut de la chaleur due à l’exposition au soleil et aurait le même effet « les levures nectarivores peuvent agir comme un substitut du rôle réchauffant joué par le rayonnement solaire direct (nectarivorous yeasts could act as a replacement of the floral warming role played by direct solar radiation) » (p. 1831).
La pollinisation qui était conçue comme une relation mutualiste entre la plante et le pollinisateur devrait donc être pensée dans les cas de ce type comme une relation à trois, plante, levures nectarivores, insecte pollinisateur.
Donc en réponse à la question posée en tête de ce chapitre : l’hellébore fétide fleurit à une époque où les conditions pour le développement des fleurs et la pollinisation sont loin d’être optimales à cause du manque d’ensoleillement, de températures ambiantes froides, voire rigoureuses, de la rareté des insectes pollinisateurs actifs. Elle surmonte ces obstacles grâce tout d’abord à une longévité exceptionnelle des fleurs individuelles qui restent fonctionnelles longtemps tant dans la partie femelle que la partie mâle ; grâce également à l’étalement de la floraison des fleurs dans l’inflorescence, elle aussi d’une durée exceptionnelle, ce qui compense la faible fréquence des visites des pollinisateurs. Elle les surmonte ensuite grâce à des transformations structurales de sa fleur, en développant des sépales résistantes en forme pétaloïde et en réduisant ses pétales à des petits cornets pourvus de glandes, les nectaires qui sécrètent un nectar recherché par les premiers diptères et hyménoptères actifs en quête d’une nourriture encore rare. Protogyne, elle est néanmoins auto-compatible et les stades femelle et mâle se recouvrent en partie, ce qui permet de compenser un échec éventuel de la fécondation croisée, voire de la remplacer. Enfin elle héberge dans ses nectaires des levures qui pallient le manque d’ensoleillement en réchauffant la plante, favorisant ainsi son développement tout en la rendant plus désirable pour ses éventuels pollinisateurs.
ꙮ Mutualisme ou parasitisme ?
Avec H. foetidus, on aurait donc une pollinisation qui est un jeu à trois, profitable aux trois acteurs : la fleur qui est pollinisée, le pollinisateur qui reçoit chaleur et nourriture, les levures qui sont hébergées et nourries mais produisent en retour de la chaleur qui rend plus attractive la plante et favorise son développement.
Ce tableau quelque peu idyllique a été nuancé dès le début par ceux-là même qui l’avaient brossé (Herrera et al. 2010, p.1832 en conclusion). Les choses se passeraient bien ainsi lorsque la température est peu clémente et le ciel couvert. Mais lorsque la température de l’air ambiant remonte et que le soleil se met à briller, il n’en est plus de même, du moins peut-on le supposer en première approche.
En effet comme les levures métabolisent le sucre, le nectar que les bourdons vont butiner sera moins énergétique, donc constituera une nourriture moins intéressante pour le bourdon, ou du moins une nourriture qui devrait être moins intéressante. La plante peut recevoir directement le rayonnement solaire (les arbres n’ont pas encore leurs feuilles et en début de saison, elle n’a pas de compétiteur pour la lumière), elle n’a pas besoin de la chaleur produite par la métabolisation du saccharose contenu dans le nectar qu’elle produit. Plus grave, les fleurs qui ont leur nectar contaminé par ces levures pourraient être délaissées par les bourdons et autres pollinisateurs. Bref, dans ce scénario, les levures ne procurent plus aucun bénéfice aux deux autres acteurs et ne font qu’exploiter la relation plante/pollinisateur pour leur propre compte en accaparant le sucre du nectar qui devait servir de récompense aux bourdons, abeilles et autres diptères ou hyménoptères pollinisateurs. Le mutualisme se transforme en parasitisme ! Herrera (2010) suppose que les bourdons sont devant un dilemme : choisir les fleurs les plus chaudes mais dont le nectar est moins énergétique ou se passer de la chaleur et préférer le nectar le plus chargé en sucre. Ce dilemme, suppose-t-il, pourrait être résolu tantôt dans un sens, tantôt dans l’autre en fonction des conditions climatiques locales. Cette hypothèse qui sous-entendait une adaptation fine du comportement des bourdons n’a pas été corroborée par les observations et expérimentations ultérieures.
Dans un article récent (2013) Herrera et ses collaborateurs vont même plus loin. Le titre de l’article est d’ailleurs révélateur : « Yeasts in nectar of an early-blooming herb: sought by bumble bees, detrimental to plant fecundity » que l’on pourrait traduire ainsi : «Des levures dans le nectar des fleurs précoces : nocif pour leur fécondité, recherché par les bourdons». Ils prouvent, par des expérimentations en laboratoire associées à des observations et expérimentations de terrain menées dans la tradition éthologique, que les bourdons recherchent toujours de préférence les nectars contaminés par les levures et qu’ils préfèrent ceux contaminés par Metschnikowia reukaufii. Ils montrent aussi que cette préférence est innée. D’un point de vue adaptatif cette préférence pose pourtant problème dans la mesure où elle pousse les bourdons à choisir les nectars les moins énergétiques, les levures ayant métabolisé pour leur compte une partie de leurs sucres. La question est alors celle des raisons d’un tel choix.
Dans le nectar non contaminé, le saccharose est dominant à plus de 93% en moyenne. Le nectar contaminé a un pourcentage légèrement plus élevé de glucose, un pourcentage beaucoup plus élevé de fructose (d’environ 20.5% en moyenne) au détriment du saccharose (qui ne représente plus qu’environ 70% du total des sucres) (Cf. inter alia, Canto et al. 2008). Les bourdons préféraient-ils des nectars présentant ce type de composition ?
Dans les nectars contaminés, les vitamines et les acides aminés seraient plus disponibles. Ils contiendraient aussi des métabolites comme des antibiotiques et de l’éthanol, ce qui pourrait compenser la moindre valeur énergétique de ces nectars et expliquer la préférence des bourdons. Comme certains humains, les bourdons préféreraient-ils les boissons alcoolisées ?!
Si l’on s’en tient à l’hypothèse d’une préférence des bourdons pour les nectars contaminés par les levures qui serait due à leur type de composition en sucre ou/et aux métabolites qu’ils contiennent, on se retrouve bien dans une relation de mutualisme à trois, simplement la chaleur n’est plus privilégiée, même si elle reste un plus, et peut-constituer un indice pour détecter le type de nectars que les bourdons recherchent. Notons par parenthèses que l’on ne sait pas très bien comment les bourdons s’y prennent pour deviner, sans les avoir goûtés, quelles sont les fleurs contenant des nectars contaminés, fleurs sur lesquelles ils se posent de préférence.
Cependant, une autre hypothèse peut être envisagée. Canto et al. 2008 ont établi expérimentalement qu’en ce qui concerne H. foetidus, parmi les insectes qui visitent les fleurs, ce sont les bourdons et eux seuls qui sont les vecteurs de contamination des nectars par les levures. Pour Herrera et al. 2013 : « La possibilité d’une mauvaise adaptation du comportement des bourdons devrait aussi être envisagée. Par exemple, les levures peuvent manipuler le comportement des bourdons à leur bénéfice en les leurrant et en utilisant leur aide pour leur dispersion vers de nouvelles fleurs. (The possibility that bumble bee behavior is maladaptive also should be considered. For example, yeasts could be manipulating bumble bee behavior to their benefit by luring them and making the bees help them to disperse to new flowers (T. Fukami, personal communication). » Dans une telle hypothèse, les levures viendraient parasiter la relation plante/pollinisateur a son profit, au détriment du bourdon et non sans que la plante en pâtisse aussi.
En effet, dans l’article cité de 2013, les chercheurs ont établi selon la méthode rappelée ci-dessus, que l’apparition de levures dans les fleurs d’H. foetidus réduisent significativement tous les paramètres de pollinisation et de fécondité pris en compte dans leur étude par rapport aux fleurs dont le nectar n’est pas contaminé, que ce soit le nombre de tubes de pollen par style, la probabilité que les carpelles produisent un follicule portant des graines, la probabilité que les ovules produisent des graines, le poids d’une graine. « Ces résultat dénotent clairement un net désavantage pour la fécondité des plantes hébergeant des levures de nectar dans leurs fleurs » (These results clearly denote a distinct fecundity disadvantage to plants of harboring nectar-dwelling yeasts in their flowers. » (p. 278).
Il semble qu’il faudrait admettre dans ces conditions que les levures de nectar parasitent pour leur propre compte la relation mutualiste de pollinisation H.foetidus/ Bombus pratorum ou Bombus terrestris, peut-être aussi dans une moindre mesure parasitent-ils cette relation avec tous les autres insectes pollinisateurs de la plante qui reçoivent une récompense moins énergétique qu’elle aurait pu être sans la présence de ces levures dans le nectar.
Ainsi dans les relations de pollinisation qu’entretient H. foetidus, tout n’irait pas comme dans le meilleur des mondes quand des levures entrent en jeu. Le système pourrait être tel que seules ces dernières, en venant s’insérer dans la relation binaire plante/insecte pollinisateur, tirent profit de la nouvelle relation triangulaire qu’elles instaurent. Même si comme le supposent les auteurs de l’article, il peut exister des circonstances où les conséquences de la présence de ces levures dans le nectar de la plante sont favorables à cette dernière, les bourdons seraient néanmoins encore les dindons de l’affaire en ne recevant pas un nectar aussi énergétique qu’il aurait dû être tandis que leurrés par les levures qui le colonise, ils travailleraient à la dispersion de ces dernières. On notera aussi que la composition du nectar est modifiée par l’activité des levures nectariphages sans le concours de la plante et sans qu’elle puisse contrôler le processus ou en modifier les effets. Or c’est de ce changement dans le nectar que vont découler tous les autres, qu’ils soient bénéfiques ou non pour les autres protagonistes.
Même si selon les circonstances, on doit parler soit de mutualisme, soit de parasitisme, il faut tout de même constater que dans cette relation à trois, le gagnant est toujours le plus petit, les microorganismes qui colonisent le nectar. D’un autre côté, il faut tout de même supposer que ceux-ci ne menacent gravement ni la plante elle-même, ni sa faculté reproductrice car, connaissant sa capacité à se défendre grâce à son extrême toxicité, on peut supposer qu’elle aurait trouvé un moyen d’empoisonner ces levures. Qu’elle soit restée sans réagir permet de supposer qu’elle trouve quelque avantage à la présence de ces squatteurs de nectaires et que l’on ne peut vraiment parler de parasitisme car la relation ne semble pas être antagoniste. L’écologie de la pollinisation est plus complexe que l’on avait pu le supposer naguère et on n’est peut-être pas au bout des surprises que pourraient révéler des recherches ultérieures.
Dispersion
La dispersion des graines est assurée par les fourmis (myrmécochorie). Comme le résume Pablo Servigne dans sa thèse « L’originalité de la myrmécochorie réside dans le fait que les graines portent un appendice nutritif appelé élaiosome qui n’est pas indispensable à la germination de la graine et dont les fourmis se nourrissent. Le terme élaiosome (elaios, huile ; soma, corps) a été introduit pour la première fois par Sernander (1906) pour désigner les appendices charnus sur les diaspores dispersées par les fourmis. Les élaiosomes sont considérés comme des adaptations qui favorisent la dispersion des graines (…). Ils sont dès lors un bel exemple de convergence évolutive » (Servigne, 2008, p. 6). La graine transportée dans la fourmilière est mise à l’abri des prédateurs et une fois l’élaïosome consommé, elle est rejetée de la fourmilière là où les fourmis accumulent leurs déchets et constitue un site au sol remué et riche en nutriment, propice à la germination. Il se peut aussi que l’élaïosome se détache en route et, si la graine n’est pas prédatée, elle pourra germer. Les nouvelles plantes pousseront à distance de la plante-mère évitant ainsi la concurrence.
La myrmécochorie est un type de zoochorie. C’est aussi un bel exemple de mutualisme, où plantes et fourmis se sont adaptées parallèlement dans une relation profitable aux unes et aux autres. Ce mutualisme de dispersion est propre à des centaines d’espèces de fourmis et concerne au moins 3000 espèces de plantes dans le monde dont 281 en Europe (Servigne, 2008). Toutes les espèces d’Helleborus sont concernées.
Usages
Nous avons vu les propriétés mellifères de H. foetidus dans le chapitre consacré à la pollinisation de la plante. Les apiculteurs profitent de sa capacité à fournir aux butineuses un nectar abondant et riche en sucre dès la sortie de l’hiver en installant judicieusement leurs ruches près de stations où ces plantes sont relativement abondantes (bois clairs et fruticées sur terrain caillouteux, calcaire de préférence).
Dans la plupart des autres usages mentionnés, il s’agit de confusions avec d’autres espèces du genre ou de substitut à ces espèces plus rares ou exotiques. C’est le cas notamment en ce qui concerne les prétendus usages en magie et en sorcellerie, la plante étant décrétée « plante magique ». En « magie blanche » il semble qu’elle soit considérée comme telle à cause de l’usage médical traditionnel d’une autre espèce pour guérir la folie et des rites recommandés lors de l’arrachage de cette dernière. En sorcellerie, il en va de même et la confusion entre les espèces du genre sont d’autant plus communes que l’hellébore est mentionné sans épithète.
Il faut cependant mentionner un usage abortif qui lui semble spécifique dans certaines régions d’Europe. C’est le cas notamment dans le sud de l’Italie où la plante est connue sous le nom de ‘ararechie’. Scherrer et al. (2005) mentionnent le témoignage obtenu dans le cadre d’une enquête ethnobotanique d’une femme âgée de 92 ans. Selon cette informatrice, un morceau de racine pelée introduite dans le vagin provoquait une hémorragie suivie d’un avortement. Dans d’autre régions d’Europe du sud d’autres espèces étaient utilisées aux mêmes fins et les propriétés abortives du genre étaient connues depuis l’antiquité.
Selon la même informatrice, un morceau de racine pelée et mâchée sur une dent gâtée la faisait tomber spontanément. Là encore bien que ce soit cette espèce qui soit spécifiquement mentionnée, de nombreuses espèces d’hellébores ont été utilisées pour cet usage et pour diminuer les douleurs dentaires.
Remarquons au passage qu’en ce qui concerne le savoir et les pratiques en médecine humaine et vétérinaire populaires traditionnelles, il ne faut pas s’étonner d’une certaine porosité qui fait que les usages d’une plante en médecine traditionnelle puissent être aussi considérés comme de la magie blanche. Comme le souligne Pierre Lieutaghi « le savoir médical traditionnel baigne dans une mémoire populaire où les croyances magiques et religieuses tiennent une grande place » (Lieutaghi, 1981, p. 41).
Aujourd’hui la plante n’est plus utilisée en herboristerie. Mais elle l’était encore au XIXe siècle. Cazin (1868) l’utilisait comme vermifuge. Il l’estime « très-utile comme purgatif et vermifuge quand il est manié avec prudence » (p. 418).
En médecine vétérinaire, dans le midi de la France, la plante est connue sous le nom provençal de « maussible » et est bien identifiée. Comme telle, elle a servi à faire des « sétons ». Olivier Madon dans sa Flore du Mont Ventoux cite un de ses informateurs qui « tenait de son père que l’hellébore servait à soigner les moutons lorsqu’ils avaient été mordus par une vipère (…). En effet cette plante toxique était jadis utilisée pour faire des « sétons » : la tige ou la racine était introduite sous la peau de la brebis mordue, pour former un « abcès de fixation », qui tirait le mal » (Madon, 1999, p. 101).
Pierre Lieutaghi, citant une enquête réalisée par l’EPI (Etudes Populaires et Initiatives) rapporte un usage semblable dans son ouvrage Les simples entre nature et société et donne des détails « De nos jours encore [en 1981, JFD], dans la région de Séderon (Drôme), pour guérir une morsure de Vipère, on griffe la peau autour de la morsure avec un rameau d’Aubépine trempé dans une décoction d’Ellébore. On emploie de préférence l’Ellébore à 9 feuilles (= à 9 folioles) » (Lieutaghi, 1981, p. 41). La préférence concernant les « 9 feuilles » renvoie à une symbolique magique que l’on pourrait, me semble-t-il, expliciter ainsi : 3 est le premier nombre impair, indivisible et de ce fait propre à exprimer la puissance maximale (Amigues, 2010 p. 350, note 74) ; 9 c’est 3x3, donc 3 fois la puissance maximale de 3. Une telle précision (9 feuilles) ne permet pas cependant pas de décider s’il s’agit de l’Hellébore fétide ou de l’Hellébore vert. Il y a cependant de très fortes chances qu’il s’agisse de l’Hellébore fétide, l’Hellébore vert étant absent ou du moins très rare dans les environs de Séderon. Remarquons enfin que dans cette région, la classification populaire des hellébores devait se faire sur la base du nombre de folioles par feuilles pédalées. Ainsi l’Hellébore à neuf « feuilles » était sans doute tenu pour une espèce, distincte de ceux dont les feuilles avaient un nombre différent de folioles, jugées moins efficaces pour soigner les morsures de vipères. Cette classification pour n’être pas « naturelle » n’a rien d’irrationnel et satisfait à des principes d’arrière-plan, certes utilitaires. Elle n’aurait pas plu à Jean-Jacques Rousseau qui considérait la botanique comme une – et peut-être la – science désintéressée par excellence et qui n’avait que dégoût pour « la botanique des simples », celle des lavements et des clystères, de « toute cette pharmacie » qui aurait pu souiller ses « images champêtres ».
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Références
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Chantraine, P, 1968-1980. Dictionnaire étymologique de la langue grecque. Histoire des mots. Paris, Klincksieck.
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Photos
Dans l’odre du texte : J.F. Dumas ; Wildfeuer (Wikimedia Commons) ; J.F. Dumas ; C. Herrera (Bulletin of the Ecological Society of America 94(2):186-189 April 2013) ; Arnstein Staverløkk [les deux bourdons] (Norsk institutt for naturforskning (NINA), Trondheim), Myriam Driessen (http://rocailler.blogspot.fr/2016/08/graines-de-fourmis.htmll )
(à suivre)
Nature - environnement
Ce « plan ours brun » est défini pour une période de dix ans (2017-2027). Il est censé répondre aux enjeux liés à l’amélioration de l’état de conservation de la population ursine, l’accompagnement des activités humaines en présence d’ours et la patrimonialisation de l’espèce en tant qu’élément parmi d’autres du patrimoine naturel et culturel pyrénéen.
À l’inverse d’associations qui font pression pour obtenir de nouvelles introductions d’ourses, je m’inscris contre de telles introductions et préfère avec le texte présenté une croissance endogène. Malheureusement, si ce « volet ours » est en accord avec cet objectif de croissance endogène, il ne s’en donne pas les moyens faute d’avoir le courage d’affronter le lobby des éleveurs et celui des chasseurs.
Si vous lisez ma contribution à la consultation que je reprends dans le corps de cet article, vous pourrez constater que le texte soumis à consultation a bien d’autres insuffisances que celle montée en épingle par les dites associations et qui n’en est pas une.
Si vous pensez comme moi qu’un ours « transloqué » est un « ours déporté » et que la population d’ours introduite ne pourra se naturaliser que si elle réussit à s’accroître d’elle-même, alors vous pouvez vous inspirer de ma contribution pour participer à votre tour. Il ne s’agit pas de la recopier mais d’argumenter à votre guise à partir des informations qui y sont développées.
N.b. 1 – Les modalités pratiques pour contribuer à la consultation sont données au bas de cet article.
Nb. 2 – Dans la première partie de cette contribution, je reprends une partie d’un article plus ancien « Un ours réintroduit, c’est un ours déporté ! »
A – Des associations appellent à intervenir pour exiger que ce plan comporte la translocation rapide de quatre ours femelles : deux dans les Pyrénées Occidentales et deux en Pyrénées Centrales. Il faut donc s’attendre à une avalanche d’avis identiques en substance et vaguement personnalisés pour être pris en compte.
En ce qui me concerne, je suis opposé à de telles translocations pour plusieurs raisons que je développe ci-après. Bien que pouvant recouper certaines assertions des éleveurs et chasseurs « anti-ours », elles procèdent d’un souci inverse : préserver ce qu’il peut y avoir encore de naturalité dans la faune sauvage en s’interdisant un interventionnisme intempestif qui fait que le remède est pire que le mal.
1°) Je souhaite tout d’abord rappeler que les translocations passées n’ont pas permis de sauver les populations d’ours DES Pyrénées.
La petite population relictuelle d’une dizaine d’ours qui subsistait encore dans le massif dans les années 1990 s’est éteinte. Aujourd’hui s'il y a des ours dans les Pyrénées, Il n’y a plus d’Ours DES Pyrénées, seulement des ours originaires de Slovaquie et leur descendance, à l’exception d’un hybride né en 2004 mais qui ne semble pas s’être reproduit.
En effet croire que deux populations de la même espèce sont identiques et interchangeables est une erreur et les ours qui vivent aujourd’hui dans ce massif forment une population qui n’est en rien issue naturellement de la population autochtone initiale. Elle est tout aussi artificielle que celle de beaucoup de parcs zoologiques. Si donc par les translocations d’ours slovènes on avait voulu sauver la population d’ours des Pyrénées, ce fut un échec. Il est trop tard maintenant.
Il faut remarquer que même si quelques commentaires de certains responsables pyrénéens – qu’ils appartiennent au monde politique, syndical de l’agriculture ou de la chasse – pouvaient avoir et peuvent encore avoir des connotations discutables, il n’en reste pas moins que la différence qu’ils faisaient et qu’ils font encore entre les ours autochtones et les ours introduits a un fond de vérité scientifique. En la circonstance, savoir populaire et scientifique s’accordent et font paraître certaines des thèses de la biologie de la conservation pour ce qu’elles sont, à savoir une idéologie (au mauvais sens du terme) qui se pare des couleurs de la science pour s’imposer.
2°) Un argument qui revient fréquemment pour justifier ces translocations pour «renforcer» une population insiste sur les risques de dégénérescence que ferait courir la consanguinité lorsque cette population est de taille trop modeste. Si ceux qui se présentent comme des défenseurs de l’ours des Pyrénées (qui, je le rappelle encore une fois, stricto sensu n’existe plus) exigent de nouvelles translocations, c’est d’abord pour ce motif. Ainsi, l’association Férus réclame de nouvelles translocations pour limiter ces risques et rendre ainsi la population vivant dans le massif pyrénéen pérenne. En 2014, cette association tirait la sonnette d’alarme au sujet des risques liés à la consanguinité. Elle faisait référence à l’étude de 2013 publiée sous le patronage du MNHN.
Le risque de consanguinité est certes « pointé » par « les scientifiques » auteurs de ce rapport, mais il y a d’autres « scientifiques » qui considèrent que ce risque est pour le moins surévalué, voire inexistant. Parmi eux le Professeur Alain Dubois, professeur lui aussi au MNHN. Pour lui, « La crainte de la consanguinité qui motive certaines réintroductions d’individus au sein de populations de taille réduite s’appuie sur des modélisations mathématiques, mais elle est contredite par de nombreuses observations empiriques.» (Dubois, 2008, p.366) Celles-ci montrent au contraire que des populations de taille réduite avec un polymorphisme génétique également réduit peuvent survivre dans des conditions difficiles et se reconstituer ensuite dans des conditions favorables.
Ces données sont tellement contraignantes que l’on est en droit de se demander avec Alain Dubois si cette volonté d’éviter la consanguinité dans les populations animales n’a pas plus à voir avec le tabou de l’inceste, universel dans les sociétés humaines, qu’avec « un réel impact de celle-ci sur la valeur sélective et la survie des populations animales de petite taille. »
3°) La translocation comporte des risques pour les populations réceptrices. Elle peut leur apporter des maladies par l’introduction de pathogènes ou bien encore introduire dans leurs pools géniques des allèles entraînant une moins bonne adaptation aux conditions régnant sur son territoire. Cependant cette modification du pool génique n’est pas toujours pénalisante. Elle peut aussi induire dans d’autres cas une meilleure adaptation puisqu’en général l’adaptation d’une population aux conditions de son territoire n’est jamais optimale.
De ce point de vue, la translocation est une sorte de loterie où l’on peut tirer des bons ou des mauvais numéros. On peut supposer que pour ce qui est des ours ayant survécu à leur translocation et s’étant reproduits, les pressions sélectives feront le tri parmi les descendants. C’est pourquoi comme dans le plan qui est présenté, il faut d’abord s’appuyer sur le croît interne de la population avant de recourir à des introductions nouvelles et ne le faire qu’en dernier ressort.
4°) Tant que l’acceptation des populations locales fera défaut, les réintroductions seront vouées à l’échec et il arrivera à cette nouvelle population ce qui est arrivé à la population originelle : elle disparaîtra. En ce sens toute la partie du Volet ours qui vise à faire accepter l’ours par les populations locales et leurs élus, les mesures prises pour conserver un milieu favorable à l’espèce comptent avant tout.
C’est en analysant les causes de la disparition des populations autochtones et en y remédiant que l’on peut espérer sur le long terme pérenniser l’existence d’une population d’ours dans le massif.
Pour le court terme et les exigences de protection dans les dix ans à venir qui est son horizon, ce plan présente des insuffisances. Mais avant de les pointer je vais d’abord souligner un autre point sur lequel je suis entièrement d’accord. Il s’agit certes d’un point de détail, mais il est significatif.
B – Indépendamment de cette question des renforcements de populations par translocations, j’approuve le rappel que les ours sont des animaux sauvages qui n’ont pas vocation, sauf cas exceptionnels, à être équipés de colliers émetteurs, puces, etc. et je souscris entièrement au passage suivant du texte : « La population d’ours est une population animale sauvage et n’a pas vocation à faire l’objet d’un suivi par émetteur, continu et permanent. Il n’est donc pas aujourd’hui envisagé de s’inscrire dans une démarche générale d’équipement des ours présents dans les Pyrénées. »
Dans le même ordre d’idées, je ne crois pas que baptiser les oursons nouveau-nés et les ourses introduites soient de nature à favoriser l’acceptation de l’animal. Cela contribue au contraire à s’en faire une idée fausse et pousserait les gens à avoir vis-à-vis de ces animaux des comportements inappropriés et exprimer des attentes qui ne pourraient qu’être déçues.
Je passe maintenant aux insuffisances qui risquent de rendre ce Plan ours inefficace si le but est bien la protection des populations d’ours vivant actuellement dans les Pyrénées.
C – Concernant « III.1 – Pratique cynégétique en zone à ours. » Cette partie n’est pas à la hauteur des demandes de l’Europe et ne comprend rien de vraiment positif et notamment rien qui permette de satisfaire à la mise en demeure de la Commission européenne. Dans sa lettre, celle-ci soulignait pour lui reprocher que « l'Etat français semble s'être contraint, quoi qu'il advienne, à ne pouvoir mettre en œuvre de mesures autres que préventives et contractuelles pour assurer la protection de l'ours brun, espèce pourtant prioritaire au titre de la directive habitat. » Dans ce projet, c’est encore le cas.
Pire même, puisqu’il serait question « d’augmenter le nombre de chasseurs présents au sein du Réseau Ours Brun » et de « renforcer la présence de techniciens des Fédérations Départementales des chasseurs mis à disposition de l’ONCFS-équipe Ours ». Ceci revient à renforcer le poids des chasseurs et de leurs structures dans ce réseau.
Il ne faut pourtant pas compter sur eux pour proposer les mesures restrictives contraignantes lorsque la sauvegarde de l’ours est en cause assorties de sanctions en cas d’infractions. Pour s’en convaincre, il suffit de rappeler les déclarations du président de la FDC ariégeoise et de l’ANCM (Association Nationale des Chasseurs de Montagne) Jean-Luc Fernandez et celles du député Augustin Bonrepaux. Leur but explicitement et publiquement formulé est d’éliminer l’Ours brun du massif pyrénéen. (Cf. Ladépêche.fr « Hier, à l'occasion de l'assemblée générale de la chasse, qui se tenait à Tarascon, Augustin Bonrepaux et Jean-Luc Fernandez ont répété leur opposition à l'ours mais aussi à l'interdiction de chasser le grand tétras. » (« La chasse ne veut pas mourir » 28/04/2013) ; cf. également les propos suivants de Jean-luc Fernandez montrant qu’il n’est prêt à aucune concession en faveur de l’ours « Une chasse qui peut être remise en question, si nous ne faisons pas preuve de vigilance, de solidarité. Le détournement de la loi permettant des mesures insidieuses, limitation des territoires pour créer des zones ours, interdiction des chiens courants, autant de mesures que nous combattrons fermement. » (Ladépêche.fr « Je veux défendre la chasse des villages» Portrait. Jean-Luc Fernandez, nouveau président de la Fédération départementale des chasseurs » 10/08/2009)).
Par contre la nouvelle Agence pour la Biodiversité n’est pas partie prenante de ce plan.
Il faut donc des mesures contraignantes opposables aux chasseurs et assorties de sanctions en cas de non-respect, uniformes sur tout le massif, limitant les périodes de chasse et définissant les périmètres de non-chasse propres à assurer la tranquillité de l’Ours brun. Il faut évidemment abandonner les mesures citées conduisant à renforcer le poids des chasseurs et de leurs institutions dans le Réseau Ours brun.
D. Concernant l’élevage ovin, les mesures annoncées sont trop vagues et pas assez contraignantes pour que les éleveurs fassent garder réellement leurs troupeaux (présence humaine et chien). Une mesure qui s’imposerait serait de refuser les indemnisations lors de prédation sur des troupeaux sans gardiennage et sans protection et conduite appropriée.
On notera qu’au contraire aucune mesure n’est envisagée dans ce plan pour que soit proscrite la divagation comme une modalité d’estive obligatoire dans certaines AOC (AOP) comme c’est le cas pour l’appellation «Barèges-Gavarnie» dont le cahier des charges oblige la pâture en liberté totale de jour comme de nuit, du 15 juin au 31 août de chaque année. De telles exigences sont manifestement incompatibles avec des mesures efficaces de protection des troupeaux et interdisent donc toute coexistence avec l’ours en transformant les territoires concernés en parc à moutons non surveillés. Il faut absolument revenir sur de tels cahiers des charges en impliquant des associations de consommateurs ou de défense de l’environnement susceptibles de faire pression sur l’INAO(Institut national de l’origine et de la qualité) pour que soit initiée une révision de ces cahiers des charges.
Comme motifs à invoquer en faveur de cette révision, il y a d’abord l’argument de la biodiversité et cela indépendamment de la présence de l’ours car laisser vaquer sans conduite les troupeaux sur les parcours d’altitude est préjudiciable à la qualité fourragère des estives et de ce fait une atteinte à la biodiversité des prairies permanentes d’altitude.
On peut aussi arguer dans la continuité de l’argument précédent que cette clause induit une publicité mensongère. En effet « Cette condition dans la délivrance de l'appellation d'origine contrôlée (AOC) n'apporte aucune qualité à la viande produite » comme le soulignait en 2013 Monsieur Jean Glavany député des Hautes-Pyrénées dans une question écrite au Ministre de l'Agriculture, agroalimentaire et forêt.
Cette disposition du cahier des charges ne fait qu’entériner la facilité prise par les éleveurs de laisser leurs troupeaux sans surveillance étroite et régulière. Comme l’on montré des auteurs qualifiés, elle ne s’appuie que sur une tradition inventée : l’absence depuis toujours de tout gardiennage est une contre-vérité historique même en Pays Toy où il ne s’est mis à disparaître que dans les années 1960 !
En outre, on sait que sans berger la seule présence des patous est illusoire et source de problèmes supplémentaires. Or si cette disposition du cahier des charges de l’AOC « viande ovine Barèges-Gavarnie » venait à être généralisée pour d’autres productions du massif (où en d’autres massifs montagneux), cela conduirait à la disparition du métier de berger.
Enfin, il est de notoriété publique que cette AOC « viande ovine Barèges-Gavarnie » s’est révélée être « le cadre organisationnel, politique et médiatique de l’opposition à l’ours » (Farid Benhammou, 2005, p.97)
En résumé, concernant l’élevage faute de mesures concrètes qui ne seraient pas seulement incitatives mais un minimum contraignantes, ce plan ours est vide et marque l’absence de volonté de la part de ces auteurs de ce plan d’exiger le moindre effort des éleveurs pour s’en remettre à leur bonne volonté, bonne volonté dont la plupart sont dépourvus.(Cf. un autre exemple pris en Arriège : «Les anti-ours sonnent la charge contre l'État » Ladépêche.fr, 11/10/2013).
Or, sans subvention, l’élevage et notamment l’élevage ovin tel que pratiqué dans le massif pyrénéen ne serait pas viable. En contrepartie de ces subventions, les éleveurs doivent pouvoir se plier aux exigences de ceux dont ils reçoivent l’argent : les contribuables français et européens qui souhaitent majoritairement la sauvegarde des populations d’ours vivant actuellement dans les Pyrénées.
E – Conclusion et avis motivé
La volonté de privilégier la capacité de la population d’ours à croître d’elle-même sur les introductions pour pérenniser la présence d’ours bruns dans le massif est une bonne chose de même donc que la volonté affichée de ne recourir à ces introductions qu’à titres exceptionnels et dûment définis.
Le travail en profondeur proposé pour mettre à jour et tenter de remédier aux causes de la situation précaire de l’ours dans le massif et notamment de trouver les moyens d’obtenir une meilleure acceptation des populations est certes important pour le long terme. Sur cet aspect des choses, le plan me parait se donner les moyens de ses ambitions.
Cependant en ce qui concerne la protection des populations d’ours vivant dans le massif à l’horizon de ce plan (10 ans) il y a urgence et la recherche de la participation des publics concernés sous forme purement volontaire est insuffisante.
– Elle l’est notamment en ce qui concerne les chasseurs comme l’a déjà fait remarquer la Commission européenne. Il faut donc prévoir un ensemble de mesures de limitation de la chasse (date et territoire) temporaires ou définitives, objets d’arrêtés préfectoraux, opposables aux chasseurs et assortis de sanctions en cas de non-respect.
La disposition visant à augmenter le nombre de chasseurs au sein du Réseau Ours Brun doit être supprimée.
Le poids des Fédérations de chasseurs, majoritairement hostiles à l’ours, doit être diminué et non renforcé.
C’est en effet une curieuse façon de vouloir protéger l’ours brun en renforçant au sein des instances le nombre et le poids de ceux qui « veulent sa peau » !
– Elle l’est aussi en ce qui concerne les éleveurs qu’il ne suffit pas d’inciter simplement à protéger et garder (ou faire garder) leurs troupeaux, seul moyen d’éviter la prédation et partant d’obtenir une certaine coexistence avec la présence d’ours sur le territoire. En cas de prédation, si les mesures de gardiennage (couple homme/chien de protection) et de protection nocturne n’avaient pas été mises en œuvre, la sanction devrait être le non-paiement de l’indemnisation. Il faudrait également réfléchir au conditionnement des subventions à la mise en œuvre de ces mesures. Après tout, si les éleveurs considèrent que l’ours leur a été imposé et rejettent ces mesures comme de l’ingérence dans les affaires locales, comme une dépossession de « leur » territoire, à leur guise ! mais dans ce cas, en contrepartie, plus de subventions…
Par peur d’affronter le courroux de ces deux lobbies, celui de la chasse et de l’élevage ovin de montagne, par peur d’affronter les élus locaux que ces derniers tiennent sous leur influence, ce plan n’atteindra pas ses objectifs en ce qui concerne la préservation des ours en donnant à leur population les conditions d’une croissance endogène.
Il faudra alors pour satisfaire les Institutions européennes recourir sans cesse à des introductions pour maintenir artificiellement en vie une population d’ours qui n’aura plus rien de naturel. A terme on aura sans doute ce que proposait ironiquement le député Augustin Bonrepaux , « un parc à ours de plusieurs milliers d’hectares sur les terrains domaniaux propriété de l’Etat ».
Donc malgré les points positifs relevés, je donne un avis défavorable à ce plan à cause de son incapacité à préserver les populations d’ours actuelles en leur permettant de vivre une vie sauvage dans des conditions naturelles.
Pour participer à la consultation :
Consultation ouverte du 15 février au 08 mars 2017
•Pour prendre connaissance du projet : spvb voletours 20170215 (format pdf - 1.3 Mo - 15/02/2017)
•Pour déposer des observations, avis, suggestions il faut envoyer un mail à l’adresse suivante :
sbrn.dreal-midi-pyrenees@developpement-durable.gouv.fr
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Références :
Benhammou F. 2005, "Vendre la peau de l'ours avant de l'avoir sauvé? Une géopolitique locale de la conservation d'une espèce emblématique" in L'ours des Pyrénées. Les quatre vérités , Privat, Toulouse, pp. 77 - 120.
Dubois Alain (2008). « La notion de pollution biotique : pollutions faunistiques, floristiques, génétiques et culturelles » , Bull. Soc. zool. Fr., 2008, 133(4) : 357-382.ici
Nature - environnement
Les menaces qui planent sur le Plateau de Saclay se sont concrétisées mais la lutte continue contre l’OIN, un projet qui porte atteinte à des réserves de biodiversité, gaspille une des terres parmi les plus fertiles au détriment d’une agriculture de proximité et sans prendre en compte les objectifs d’autosuffisance alimentaire de cette Région. Ce regroupement de chercheurs n’est même pas favorable à la Recherche mais qu’importe. Les gouvernements se succèdent et les même aberrations (pour être poli) demeurent.
On trouvera ci-dessous le texte de présentation de Saclay citoyen, « groupe d'étude juridique citoyen et inter associatif » pour s’opposer au rouleau compresseur de l’Etat par des actions juridiques communes.
du plateau de Saclay
Une mobilisation citoyenne forte
Les habitants, les associations du plateau de Saclay sont mobilisés depuis plus d'un quart de siècle pour conserver la vie agricole, protéger les espaces naturels réserves de biodiversité, la beauté des paysages, développer les liens de proximité tissés entre le plateau et les vallées.
Face à l'indifférence des pouvoirs publics, des citoyens et des associations se sont engagés activement en 2015, dans un groupe d'étude juridique, Saclay Citoyen, pour mettre en synergie les compétences des uns et des autres et regrouper les forces dans des actions juridiques communes. En septembre 2015, le groupe a porté avec une trentaine d'associations une nouvelle demande de débat public sur l'aménagement du plateau de Saclay, demande restée sans réponse...
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Signez la pétition
Stop au béton sur les terres agricoles du plateau de Saclay
On peut aussi la signer via le site de Saclay citoyen .
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Photo: "Plateau de Saclay au printemps" (JFD)
Selon les intégristes du changement climatique, les cassandres réchauffistes, il ne suffit pas d’admettre l’existence de ce changement, il faut aussi reconnaître que les conséquences du réchauffement prévu par les modèles numériques du GIEC seront catastrophiques. Outre les attaques contre Fabius, le préposé à la COP 21 et contre Hollande que contenait son livre, c’est parce qu’il relativisait ces méfaits que Philippe Verdier, le Monsieur météo de l’A2 fut viré sans ménagement et que l’on colla sur son front l’infamante étiquette de « climato-sceptique ». Mais voici que dans son édito du samedi 14/01/2017 Frédéric Decker, météorologue à MeteoNews, webmaster du site lameteo.org trouve lui aussi que le réchauffement climatique peut avoir du bon pour nous en rendant les hivers moins rigoureux, des propos à la limite de l’hérésie pour les gardiens de l’orthodoxie GIEC.
Avant de conclure cet historique, il rappelle que « Bien sûr, plus on recule dans le temps, plus on entre dans le "Petit Âge Glaciaire", marqué par des hivers régulièrement très froids (et toutes les saisons d'ailleurs...). Les -15 degrés étaient alors presque monnaie courante chaque hiver. Ces rigueurs répétitives ont mené à plusieurs grandes crises économiques et sanitaires en France, aux grandes épidémies et à des surmortalités. »
En conclusion de ce retour sur le passé météorologique hexagonal, il affirme qu’il faut voir « le bon côté des choses » en ce qui concerne le réchauffement climatique qui rend les hivers plus doux et nous protège « plus ou moins » des vagues de froid qui deviennent plus rares et moins fortes au fil du temps. Cela est d’autant plus bénéfique que, selon lui, nous ne sommes pas préparés à ces vagues de froid qui « riment en France avec chaos » Il souligne le caractère délétère du grand froid : cultures et vergers détruits, maladies et épidémie, voies de communications paralysées. Pour lui les hivers très rigoureux 1788 – 1789 et 1829 – 1830 seraient respectivement la cause des révolutions de 1789 et de 1830. Sans doute faudrait-il nuancer le propos et considérer qu’ils en furent un des facteurs déclenchants. Aujourd’hui avec le réchauffement climatique même les hivers rudes ne sont pas aussi rudes et sont plus rares et c’est heureux car «nous sommes déjà en période de crise économique, pas besoin d'une crise climatique en prime n'est-ce-pas ?» en caractère gras dans le texte.
Selon ce météorologue, le réchauffement climatique éviterait donc qu’une crise climatique se surajoute à la crise économique en cours et l’aggrave ! Il vaut donc mieux que la Planète soit sortie du petit âge glaciaire et qu’elle se réchauffe plutôt que le contraire. Ce n’est pas un peu climato-sceptique que d’affirmer ça ?
Curieux tout de même pour un membre de « Météo et climat » dont le site est partenaire de cette association présidée par Jean Jouzel, retraité du CEA, ancien membre du GIEC, pape français du réchauffisme catastrophique ; association qui ne comprend dans son conseil d’administration que des scientifiques ou administratifs mainstream en matière de climat comme Bernard Legras ou Valérie Masson-Delmotte, co-présidente du Groupe 1 du GIEC.
Peu importe après tout ! Lorsque le thermomètre stagne au-dessous de 0 comme c’est le cas ces jours-ci, il est réconfortant de penser que cela pourrait être pire sans ce petit coup de chaud qu’a pris la planète. Un petit coup de chaud, c’est tout de même bien agréable.
Pour lire cet édito, ce que je conseille vivement, c’est ici http://www.lameteo.org/index.php/l-edito
Vous trouverez sur ce site, outre les prévisions météo bien d’autres articles intéressants et instructifs.
Nature - environnement
L’Union Européenne s’apprête à sacrifier sur l’autel du libre-échange sa législation concernant les OGM. Fallait-il s’en étonner ? Sûrement pas. Son essence c’est le libéralisme, le marché et la libre circulation des marchandises au mépris de la protection de l’environnement, de la Nature et de la santé des populations. Elle sait oublier le principe de précaution lorsque celui-ci risque d’être un obstacle au négoce. Elle subordonne la santé des européens aux impératifs du marché.
Sous ce titre est parue dans EURACTIV une tribune qui explique comment les députés européens puis les gens vont se faire rouler dans la farine. Ils ne veulent pas d’OGM. Ils en auront quand même au nom du libre-échange ! Voici des extraits de cette tribune.
« Avant de signer ce traité le 30 octobre, la Commission et les États membres l’ont affirmé dans une déclaration annexe unilatérale : « le CETA n’implique aucune modification de la législation européenne concernant l’évaluation des risques et l’autorisation, l’étiquetage et la traçabilité des produits génétiquement modifiés pour l’alimentation humaine et animale ». Un propos rassurant, en réponse à une des craintes les plus populaires vis-à-vis du CETA : que ce traité, via son mécanisme de coopération réglementaire et son système de protection des investisseurs, contribue à faire évoluer la réglementation européenne sur les OGM au-delà de lignes rouges difficilement tracées – et encore bien fragiles – par des années de mobilisation. Mais ces dénégations de principe de nos dirigeants n’offrent malheureusement aucune protection face à ce que prévoit le CETA. (…)
« Afin de réduire les barrières au commerce, les processus d’autorisation devront désormais être «efficaces et fondés sur des données scientifiques», dont les auteurs sont supposés vierges de tout conflit d’intérêts. L’UE s’interdit donc de facto toute réglementation basée sur le principe de précaution ou sur des considérations politiques, comme le rejet de l’appropriation d’un patrimoine commun, et offre aux multinationales de la semence un moyen supplémentaire de défendre leurs intérêts commerciaux. Sans explicitement affirmer que l’interdiction future d’OGM sera incompatible avec le CETA – ses promoteurs ont beau jeu de clamer qu’il n’est écrit nulle part qu’il engage l’UE à autoriser des OGM –, ce traité ouvre un boulevard aux lobbys de l’agrobusiness.
« Ces derniers l’ont bien compris. Six mois avant même la signature du CETA, le lobby industriel du soja canadien, Soy Canada, a publiquement exigé que la Commission européenne tienne ses «engagements » pris pendant les négociations du traité, et accélère les procédures d’autorisation de trois variétés transgéniques [1]. Trois mois plus tard, Monsanto a pu se réjouir que la Commission autorise l’importation de son soja OGM Roundup Ready 2 Xtend. Cet épisode de « CETA avant l’heure » a eu le mérite de révéler l’impact que ce traité aurait sur l’encadrement des biotechnologies. » (…)
Cette tribune est signée par Philippe CATINAUD, co-president du Réseau Semences Paysannes (RSP), Florent COMPAIN, président des Amis de la Terre, Jean-François JULLIARD, directeur général de Greenpeace France, Denez L’HOSTIS, président de France Nature Environnement (FNE), Stéphanie PAGEOT, présidente de la Fédération Nationale de l’Agriculture Biologique (FNAB) et Jean-Marie SIRVINS, vice-président de l’Union Nationale de l’Apiculture Française (UNAF).
Pour lire la tribune in extenso, ici
Le précédent de l’ALENA
Que les craintes et mises en garde des signataires de cette tribune soient, hélas, très bien fondées, il suffit de rappeler ce qui s’est passé avec l’application de l’ALENA, le traité qui a institué une zone de libre-échange entre les États-Unis, le Canada et le Mexique, créant un vaste marché de 480 millions d'habitants où les multinationales règnent en maître. Elles ont gagné plus de 400 millions de dollars US dans des actions intentées contre les gouvernements nationaux lorsque ceux-ci édictaient des lois, règlements ou taxes pour protéger l’environnement ou la santé des populations mais qui entravaient leurs business. Elles ont gagné grâce au mécanisme de coopération réglementaire et au système de protection des investisseurs du traité semblables à ceux mis en place dans le CETA. Les recours intentés par ADM, Cargill et Corn Products International contre les taxes que le Mexique avait instauré en 2003 – 2004 sur les boissons sucrées avec du sirop de maïs à haute teneur en fructose qui rendent obèse aura coûté 200 millions de dollars US à cet état qui voulait protéger la santé de ses citoyens et en particulier de sa jeunesse. Demain si après le CETA, le TAFTA est signé, verra-t-on les grands cigarettiers intenter un procès à la France parce qu’elle relèvera les taxes sur le tabac ?
Il y a quelque chose de pourri dans cette Europe qui n’est rien d’autre qu’un vaste marché organisé pour le plus grand profit des multinationales et de la finance, au mépris des peuples, et qui ne respecte la Nature et de l’environnement que lorsqu’ils ne sont pas un obstacle à tous ces business.
Nature - environnement
La notion de patrimoine mondial de l’UNESCO a souvent été détournée de son but officiel. Elle a servi à des fins de promotion touristique ou à des fins politiques ou bien encore à des fins économiques. L’anthropologue David Berliner a forgé à ce sujet le terme « unescoïsation » qui désigne une intense « mise en tourisme du lieu » conséquence contreproductive de la protection que ce classement est censé conférer. Le cas étudié par l’anthropologue est une petite ville du Laos mais on pourrait trouver d’autres exemples un peu partout dans le monde de cette unescoïsation de sites qui classés au patrimoine mondial se trouvent de ce fait en danger à cause de l’afflux de touristes.
Je développe ci-dessous l’exemple d’un site hexagonal qui est en danger de cette unescoïsation : la Chaîne des Puys et son volcan majeur le Puy de Dôme dans le département éponyme en Auvergne.
Dans ce cas d’espèce cette mise en tourisme est l’objectif qui sous-tend cette recherche de labélisation. Ensuite, pour élargir le propos je reproduis en annexe un article publié sur le site The Conversation «Les effets pervers du classement au patrimoine mondial de l’Unesco » de Chloé Maurel
Croisons les doigts pour que cette candidature soit retoquée une bonne fois, la fierté légitime des auvergnats pour leur Province dût-elle en souffrir ! Une de ses richesses serait préservée.
À l’heure où le tourisme est un phénomène mondial massif, concernant plus d’un milliard de personnes par an et générant annuellement près de 1 500 milliards de dollars de recettes, la notion de « patrimoine mondial », promue par l’Unesco, acquiert une importance centrale. Depuis 1972, l’Unesco, avec la « convention sur la protection du patrimoine culturel et naturel mondial », a créé sa liste du patrimoine mondial, qui recense des sites considérés comme ayant une valeur exceptionnelle.
Si le classement Unesco ne donne pas droit automatiquement à des aides financières pour protéger ces sites, et si l’Unesco reste impuissante devant les destructions et les dégradations de sites classés, comme la destruction des bouddhas de Bâmiyân par les talibans en Afghanistan en 2001 ou celle du temple de Bel à Palmyre en Syrie en août 2015, la liste Unesco du patrimoine mondial n’en est pas moins une réalisation importante de l’Unesco et le patrimoine est le domaine d’activité de cette organisation qui est le plus connu du grand public.
La liste du patrimoine mondial de l’Unesco, créée en 1972, est un objet de prestige et de convoitises pour les États, soucieux de faire valoir leurs sites historiques ou naturels et de les promouvoir sur la scène internationale.
Un patrimoine matériel immatériel et documentaire
À cette liste, qui comporte aujourd’hui plus de 1 000 sites, s’est ajoutée en 2003 la liste du patrimoine immatériel, qui rassemble non pas des sites physiques mais des pratiques, traditions, danses, coutumes et savoir-faire traditionnels, et qui a été conçue en partie pour contrebalancer le flagrant déséquilibre de la liste précédente, laquelle rassemble une majorité écrasante de sites européens tandis que l’Afrique est gravement sous-représentée. Et l’Afrique compte surtout des sites « naturels » tandis que l’Europe regorge de sites classés « culturels » (églises, châteaux…) qui sont déjà bien mis en valeur et n’ont pas forcément besoin d’une protection supplémentaire.
Enfin, l’Unesco a créé, en 1995, un registre appelé « Mémoire du monde » qui recense des éléments importants, et parfois menacés ou fragiles, du patrimoine documentaire de l’humanité, par exemple la tapisserie de Bayeux.
Une source de luttes de pouvoir
Or, ces mécanismes, en apparence consensuels et propres à susciter le sentiment, pour les peuples, d’avoir un patrimoine culturel commun à préserver, entraînent au contraire en bien des cas sinon des conflits, du moins des luttes de pouvoir, des rivalités qui témoignent que les questions de patrimoine sont détournées à des fins économiques, politiques ou géopolitiques.
L’exemple le plus flagrant est le conflit entre la Chine et le Japon généré par la demande d’inscription sur le registre Mémoire du monde, récemment, par le Japon, de 333 lettres de kamikazes japonais de la Seconde Guerre mondiale. Ces lettres d’adieu de combattant adressées à leurs parents avant de se lancer dans leur assaut ultime, reflètent souvent leur fierté de combattre pour ce régime. Or celui-ci était impérialiste, raciste, et allié de l’Allemagne nazie !
La Chine a donc protesté, et, en retour, a demandé, et obtenu, l’inscription sur le registre Mémoire du monde d’une somme de documents sur le massacre de Nankin, perpétré en 1937 par les forces japonaises, et au cours duquel 300 000 Chinois auraient été tués. Ainsi, on voit bien que le registre Mémoire du monde est devenu le théâtre sur lequel s’est déplacé l’affrontement Chine/Japon. La mémoire de la Seconde Guerre mondiale est un sujet sensible pour ces deux pays.
Un tourisme de masse sur les sites classés
Plusieurs cas illustrent le caractère sensible des mécanismes de protection du patrimoine mis en place par l’Unesco. Bien souvent, la notion de patrimoine culturel mondial a été détournée de son but officiel, et a été utilisée comme un outil touristique, ou à des fins politiques et économiques. L’anthropologue David Berliner, étudiant les politiques patrimoniales de l’Unesco à Luang Prabang (Laos), lieu classé au patrimoine mondial, parle d’« unescoïsation » de cette petite ville ; il montre qu’une conséquence paradoxale de la protection accordée par l’Unesco est l’intense « mise en tourisme du lieu ».
Et cette mise en tourisme s’accompagne d’une sorte de mise en scène de traditions idéalisées et qui ne correspondent pas toujours à la réalité historique. Certains éléments de ce passé sont gommés comme les épisodes de la guerre du Vietnam, ou la période coloniale.
Parfois, comme sur le continent africain, le résultat de l’inscription d’un site sur la liste du patrimoine mondial peut être négatif. Saskia Cousin et J.-L. Martineau ont analysé l’instrumentalisation des coutumes, des traditions et du patrimoine provoquée par l’inscription sur la liste du patrimoine mondial. Dans leur étude sur le « bois sacré » d’Osun Osogbo au Nigeria, inscrit sur la liste du patrimoine mondial depuis 2005, ils montrent l’importance des actions de lobbying, avec des enjeux politiques et économiques.
Dans ce cas précis, le but politique était de donner à la nouvelle capitale de l’État d’Osun une profondeur historique, dont elle manquait, contre la ville rivale d’Ife-Ife, plus ancrée dans l’histoire. L’inscription du bois sacré d’Osun Osogbo est le résultat de près de quinze ans d’efforts de l’État d’Osun pour se construire une légitimité historique et culturelle. Par le biais de la liste du patrimoine mondial, outil de légitimation, la culture peut être manipulée, instrumentalisée à des fins politiques ou économiques.
Des conséquences néfastes pour la population
Les effets du classement de sites sur la prestigieuse liste du patrimoine mondial peuvent avoir des effets négatifs pour une partie de la population. Ainsi, à Panama City le classement sur cette liste en 1997 du quartier historique, le Casco Antiguo, a entraîné la relégation des plus pauvres vers la périphérie, parallèlement à la mise en tourisme de ce quartier central.
Le Casco Antiguo, qui au moment de son classement était un quartier délabré, a fait l’objet d’une transformation en profondeur, qui ont entraîné une brutale éviction des classes populaires ; leurs portes et leurs fenêtres ont été murées pour les expulser, tandis que le quartier était restauré et se gentrifiait.
Il est maintenant investi par de riches étrangers qui rachètent les plus belles bâtisses de l’époque coloniale avant de les revendre à la découpe. Le tourisme à Panama City a augmenté de façon exponentielle depuis le classement du site sur la liste de l’Unesco, mais il en résulte une standardisation de l’espace urbain et une polarisation des inégalités.
Ces exemples montrent à quel point les enjeux patrimoniaux sont mêlés à des enjeux économiques, sociaux, politiques, et à des enjeux de domination. En outre, par l’importance du rôle des fonctionnaires et experts occidentaux dans cette action patrimoniale de l’Unesco, on peut aussi reprocher à cette institution d’imposer aux pays du Sud une conception « occidentale » du patrimoine.
Malgré ces limites, on peut saluer l’action de l’Unesco pour préserver et promouvoir le patrimoine mondial. Le déséquilibre qu’on observe sur la liste du patrimoine mondial n’est que le reflet d’une inégalité économique, sociale et culturelle Nord-Sud, qu’il est urgent de combler.
Chloé Maurel (Chercheuse associée à l'Institut d'histoire moderne et contemporaine (CNRS/Ecole Normale Supérieure/Université Paris 1) et à l'IRIS, Centre national de la recherche scientifique (CNRS) )
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Photos : JFD
Au quotidien
Le 23 décembre 2015, il y a un peu plus d’un an, Jean-Marie Pelt mourrait à 82 ans des suites d’un infarctus.
Dans un article publié au moment de sa mort, Matthieu Ecoiffier écrivait dans le Journal Libération qu’« il était botaniste, environnementaliste plus qu’écologiste », reprenant à son compte le jugement partisan du trotskyste reconverti Jean-Paul Besset qui fut, un temps, un des leaders et idéologues d’EELV. « Environnementaliste » est un terme péjoratif dans la bouche ou sous la plume des écologistes trop souvent autoproclamés d’EELV.
Environnementaliste plutôt qu’écologiste ! Vraiment ??? Quelques petits rappels pour en juger.
Il faut aussi souligner qu’homme de terrain, il s’investit dans la politique locale à Metz et fut 1°adjoint de 1971 à 1983 dans l’équipe de Jean-Marie Rausch (divers droite). Metz lui doit un plan d’eau et la restauration de son patrimoine architectural. Grâce à lui, Metz est une ville-jardin plutôt qu’une ville éventrée par des autoroutes 2x2 voies comme le rappela Denis Cheissoux, l’animateur de «CO2 mon amour » à laquelle collabora très longtemps Jean Marie Pelt. Dominique Gros le maire PS actuel de Metz, qui fut pourtant un opposant de J.M. Rausch, est aussi de cet avis : «Ardent défenseur de l’écologie urbaine, Jean-Marie Pelt a fait de Metz le laboratoire d’une ville-jardin plus juste et plus harmonieuse ».
Fondateur de l’Institut européen d’écologie (IEE), dont il restera président jusqu’à sa mort, il sera en effet un ardent défenseur et promoteur de l’écologie urbaine.
Vent debout contre la diffusion des OGM, il fonde en 1999 avec Corinne Lepage et Gilles-Éric Séralini le Comité de recherche et d'information indépendantes sur le génie génétique (CRIIGEN) dont il sera le secrétaire général. Avant cela, il aura été aussi l’un des premiers à dénoncer les dangers de l’amiante.
Cela ne l’a pas empêché de soutenir de nombreux combats écologistes; dernier en date, le projet de Notre-Dame-des-Landes pour lequel il avait redit son opposition un mois avant sa mort.
C’est aussi lui qui constatait dès 1977 dans son ouvrage L’Homme re-naturé qu’«il paraît chaque jour plus évident que la croissance économique ne se poursuit qu’au prix d’une décroissance écologique, tout comme une tumeur cancéreuse ne s’alimente qu’au détriment de l’organisme qu’elle épuise : dans les deux cas, le bilan final est désastreux »
Ces quelques rappels concernant les actions et prises de position de Jean Marie conduisent à s’interroger : qui donc bien qu’informé, pourrait comme Besset et Libé, nier l’évidence et refuser de reconnaître en Jean-Marie Pelt un écologiste en lui collant l’étiquette réductrice d’ « environnementaliste » ? Et surtout pourquoi ?
La réponse à cette question est simple.
Jean-Marie Pelt incarnait une écologie politique soucieuse de renouer avec la Nature, attachée aux terroirs, à la ruralité, une écologie que certains qualifieraient de conservatrice parce que rétive au multiculturalisme et opposée avec certains courants anti-techniciens et/ou décroissants à la GPA et la PMA. Evidemment, tout le contraire d’un journal bobo-libertaire comme Libé ou d’une partie d’EELV.
Pour d’autres esprits étroits, c’est tout simplement parce qu’il était profondément croyant. Or selon le témoignage de Corinne Lepage, rapportée par Le Monde, cela ne l’empêchait pas d’être convaincu, contre la doxa chrétienne de l’époque, que la crise écologique – l’« apocalypse écologique », disait-il parfois – était aussi la conséquence d’une démographie galopante.
Bref, n’en déplaise à Libé et à Jean Paul Besset, Jean-Marie Pelt fut une des grandes figures de l’écologie comme il n’en existe plus guère aujourd’hui en France et il faudrait bien plus que les quelques rappels de cet article pour lui rendre justice.
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Extrait d’un entretien donné par JM Pelt au Magazine Clé
« On ne se pose pas la question de savoir si on pourrait se passer de la nature : elle n'est plus là. Evidemment, si elle disparaissait réellement, nous serions morts. Mais nos enfants ne le ressentent pas. Il se trouve que moi, j'ai été élevé dans une ferme de l'Auvergne profonde, pendant la guerre, totalement immergé dans la nature. Cela m'a donné un sentiment d'équilibre profond. Ce furent, de loin, les années les plus heureuses de mon existence. Quand je gardais les vaches, quand j'allais glaner pour les poules... L'idée qu'il m'en reste tient en deux mots : « équilibre joyeux ». Je ne suis pas étonné que certaines personnes se sortent de la dépression en jardinant. Le lien à la nature est un lien qui construit la psyché humaine. C'est un lien très fort, sans doute parce que notre corps, c'est aussi la nature. Mais nous en avons complètement perdu le sentiment. Beaucoup de mal-être tient à cette perte. C'est quelque chose qu'il faut redécouvrir d'urgence, si nous ne voulons pas aller dans le mur. C'est dans ce lien-là qu'on découvre le lien supérieur, avec la totalité, en agnostique ou en croyant, peu importe. »
Cet article est une contribution à une critique du véganisme à partir d’un point de vue écocentré. Les végans ont une haute considération pour eux-mêmes. Ils pratiquent la culpabilisation et la stigmatisation de ceux qui n’adoptent pas leur mode de vie ou osent le critiquer. Or du point de vue d’une « éthique de la terre » ce mode de vie n’est pas « juste ». C’est le but de cet article de le prouver.
C’est à une critique de la justification du véganisme par ces considérations écologiques que cet article est consacré. Pour l’essentiel je souhaite montrer que ces considérations sont spécieuses. Elles reposent sur la réduction de l’élevage à l’élevage industriel dans le cadre d’une agriculture productiviste et elles s’appuient sur un bilan mondial en faisant fi de situations régionales ou locales pourtant très contrastées, sur des confusions voulues ou non notamment en ce qui concerne l’usage de l’eau.
Le véganisme généralisé aurait pour effet immédiat la fermeture des milieux et la disparition des prairies en France et en Europe au-dessous de la limite altitudinale des arbres. C’est à partir de la mise en évidence des conséquences fâcheuses de cette disparition pour la biodiversité que je construirai cette contribution à la critique du véganisme.
Avant de poursuivre, je souhaite mettre en garde sur trois points afin que les développements qui suivent ne soient pas interprétés de travers. Tout d’abord, les développements qui vont suivre ne valent pas pour les pelouses alpines, celles qui se déploient naturellement au-dessus de la limite altitudinale des arbres ou juste en dessous. Dans ces pelouses alpines, la transhumance d’immenses troupeaux de moutons est catastrophique pour les sols, la flore et la faune sauvage à cause de surcharge pastorale et d’absence de conduite de ces troupeaux trop souvent laissés seuls.
Ensuite, il n’est pas question de donner un blanc-seing à la profession qui trop souvent s’assoie sur les bonnes pratiques, ce qui se traduit par une exploitation trop intensive des prairies, une utilisation déraisonnée des antibiotiques et autres produits vétérinaires, un épandage d’engrais à des doses trop élevées, une mauvaise gestion des déchets, une insouciance du bienêtre animal et du sort des bêtes à l’abattoir, etc. …, bref par le sacrifice des bêtes et de l’environnement, par l’épuisement de la Nature et des salariés agricoles au profit de la sacro-sainte rentabilité qui bien souvent ne suit pas malgré une productivité exacerbée et n’est donc pas au rendez-vous, du moins dans les filières traditionnelles.
Il faut toutefois reconnaître que les temps sont durs pour les paysans, le métier difficile, les intermédiaires voraces. Le libéralisme triomphant est incompatible avec une agriculture paysanne. Quant aux gens, ils préfèrent se ruiner en gadgets électroniques à obsolescence programmée plutôt que de payer à son juste prix une nourriture de qualité.
Enfin, cette critique du véganisme n’est nullement incompatible avec un combat pour le bien-être animal et contre la chasse loisir. Si l’hypothèse de Pierre Jouventin (2016) est correcte, nos ancêtres ont dû se résoudre à pratiquer l’élevage parce qu’ils étaient des chasseurs de gros gibiers trop efficaces. Cette efficacité s’était d’abord traduite par une abondante nourriture permettant à diverses espèces du genre Homo d’accroître leurs effectifs. Ensuite elle a conduit à une pénurie de gros gibiers jointe à une augmentation de bouches à nourrir. Pour sortir de cette impasse, quelques espèces au moins de ce genre Homo dont Homo sapiens ont effectué la révolution néolithique, l’élevage se substituant à la chasse, le gros gibier étant devenu trop rare. Avec le développement de cet élevage comme source principale de protéines animales, la chasse s’est transformée peu à peu, notamment dans la civilisation occidentale, en un loisir.
Défendre un élevage raisonnable produisant des protéines carnées à consommer avec modération dans le cadre d’une alimentation équilibrée, c’est condamner la chasse car tuer le ventre plein, pour le plaisir est totalement injustifiable, totalement immoral. Chasse ou élevage, il semble que nous n’ayons guère eu le choix en des temps très lointains. Aujourd’hui, exceptées quelques populations reliques de chasseurs-cueilleurs que notre si belle civilisation ne manquera pas de finir d’exterminer, nous ne l’avons plus du tout, l’élevage est notre source quasi-unique de protéines carnées.
Pour faire oublier cette évidence, les végans s’attachent à démontrer que nous ne sommes pas des carnivores. Et de fait nous ne le sommes pas. Nos dents et les mouvements de nos mâchoires, notre estomac, notre intestin, nos processus de digestion et d'élimination sont ceux d'omnivores. Mais être omnivore, cela ne signifie pas physiologiquement que l'on puisse s'abstenir de tout produit carné ou d'origine animale, n'en déplaise aux végans. On peut le faire certes, mais il sera alors nécessaire pour ne pas être carencé de recourir à des substituts plus ou moins naturels pris sous forme de compléments alimentaires.
Tout bien considéré, il y a au moins un point commun entre les végans et les transhumanistes : les uns comme les autres refusent leur condition humaine, soit qu’ils n’acceptent pas les « imperfections » et les limitations de leur corps biologique, soit qu’ils n’acceptent pas leur statut d’organisme hétérotrophe. Purs esprits, immortels, se nourrissant de l’air du temps, voici leur idéal.
0.1 Les végans n’aiment ni la vie, ni la Nature en dépit de leurs déclarations.
Ce qu’ils aiment, c’est une vie édulcorée et une nature aseptisée, la seule que, citadins pour la plupart, ils fréquentent quotidiennement. Pour aimer et défendre la vie, il faut accepter la mort, la sienne comme celle des autres qu’ils soient humains ou d’une autre espèce. Tel est le paradoxe de la vie sur Terre qui ne peut se perpétuer qu’ainsi. A défaut de le comprendre, il faut humblement l’admettre, sans vouloir rien y changer, car « La Nature en sait plus ».
0.2 L’empathie est sans doute le ressort premier qui conduit les végans à condamner l’élevage et à refuser d’utiliser pour quelque usage que ce soit des produits d’origine animale. Éprouver de l’empathie pour des jeunes mammifères est une réaction naturelle : « comme il est mignon !» Cette réaction face au « mignon » faite pour déclencher le soin aux jeunes de notre espèce est génétiquement programmée et elle peut s’étendre aux jeunes d’autres espèces et même à des objets comme les doudous. Ceci est bien connu et a été analysé depuis longtemps par les éthologues (voir par exemple, inter alia, Lorenz, 1965). Les végans usent et abusent dans leur propagande de ces déclencheurs avec des photographies ou des photomontages de porcelets, petits veaux, poussins, etc... L’empathie des végans est sûrement moindre à l’égard d’une fourmi et pourtant, il a été établi que les individus de certaines espèces de fourmis se reconnaissaient dans un miroir, alors que de nombreux mammifères échouent à ce test. Ces fourmis ont donc une certaine conscience d’elles-mêmes. Je ne suis pas certain que les végans fassent beaucoup de cas de ces animalcules même si, par esprit de système, ils s’interdiront de manger des insectes et tenteront de donner mauvaise conscience à ceux qui le feront. Mais ils auront beaucoup plus de mal à y parvenir que lorsqu’il s’agit de veaux ou d’agneaux. Par parenthèses on notera que même le miel est prohibé dans un régime végan sous le prétexte ahurissant qu’il s’agit d’une exploitation des abeilles alors que pour les gens informés à l’esprit non déformé, il s’agit d’un cas typique de mutualisme ! (voir La cabane de Tellus)
1.1 Le véganisme, c’est la disparition des prairies permanentes et de leur cortège d’espèces associées en plaine et moyenne montagne de l’Europe tempérée. Lorsque l’on se prétend végan ET écologiste, il faut s’inquiéter des conséquences sur les écosystèmes de ce que l’on préconise. C’est sur l’une d’entre elles que je vais insister maintenant, la disparition des praires de fauche et de pâture dans une Europe où l’élevage aurait été supprimé. Cela concerne plus particulièrement les zones de moyennes montagnes européennes. Il s’agit de la fermeture des milieux dans ces zones.
1.2 L’agriculture et notamment l’élevage est en crise. C’est le moment choisi par les végans pour intensifier leur propagande et tenter de lui donner le coup de pied de l’âne. Si l’auteur de ces lignes est convaincu que bien des pratiques culturales ou d’élevage sont à revoir en Europe et dans les pays riches en général, il est en total désaccord avec l’objectif des végans : la disparition de l’élevage et de l’utilisation de tout produit d’origine animale.
1.3 L’élevage traditionnel raisonné de plaine et de moyenne montagne en plein air permet de garder des milieux ouverts, que ce soient des pelouses sèches ou des prairies humides avec leurs cortèges faunistiques et floristiques associés. Si tout le monde ou même seulement une grosse majorité de gens cessaient de manger de la viande ou des produits d’origine animale comme le lait ou le fromage, dans beaucoup de cas, notamment en dessous de la limite altitudinale de la forêt, le milieu se refermerait entrainant la perte d’un grand nombre d’espèces animales et végétales.
Par exemple, en Auvergne, ce sont les hêtraies et dans les parties les plus hautes les hêtraies-sapinières qui recouvriraient les volcans et les plateaux. On maintiendrait peut-être quelques troupeaux de moutons pour que les touristes puissent encore observer les formes de certains volcans remarquables, mais ce serait tout. Car que faire de ce que ces troupeaux permettent d’obtenir, les végans proscrivant l’utilisation du cuir, de la laine, du lait, du fromage et bien sûr de la viande. Les paysages des hauts plateaux de l’Aubrac, du Cézallier, du Cantal perdraient cette étrange beauté que leur confèrent les prairies d’estive qui s’étendent à perte de vue. Dans un monde végan, il n’y aurait plus de vaches sur ces hauts plateaux (ou si peu) et donc, plus de prairie et guère d’humains.
1.4 En Europe une centaine d’espèces de papillons de jour sur les 380 recensées est menacée et de nombreuses espèces ont déjà disparu. Plus de 50% de ces espèces fréquentent tous les milieux herbacés : prairies mésothermophiles, gazons xérothermophiles, milieux herbacés mésophiles, prés à litières, etc. En France, sept sous-espèces fréquentant ces milieux sont éteintes. La première sous-espèce à s'éteindre est Lycaena dispar gronieri, disparue des marais de Saint-Quentin dans l'Aisne vers 1905; par la suite, six sous-espèces de Rhopalocères ont disparu ces dernières décennies parmi lesquelles Parnassius apollo francisi ; P. a. peyerirrwffi ; Pieris manni andegava ; Coenonympha oedipus sebrica ; C. Coe.herbuloti; Maculmea arion microchroa. (Guilbot, 1999 ; UINC et al. 2012).
Il n’y a pas que les papillons. Un grand nombre d’autres espèces d’insectes serait impacté. La disparition ou la régression des prairies permanentes se traduirait par un appauvrissement sensible de la biodiversité florale de ces zones, au moment même où des mesures sont prises pour faire en sorte de privilégier le pâturage extensif qui reste compatible avec une riche biodiversité. Celle-ci fournit en retour une meilleure nourriture aux bestiaux avec pour conséquence des fromages plus goûteux : « La gestion de la biodiversité constitue un enjeu majeur pour les exploitations. Elle y est de plus en plus fréquemment considérée non seulement comme une résultante du mode de conduite des parcelles, mais aussi vis-à-vis des services qu’elle rend aux activités d’élevage (Clergue et al., 2005) : qualité des produits animaux, valeur nutritive des fourrages, souplesse d’utilisation des prairies, etc. Sa préservation est désormais explicitement prise en compte dans l’attribution de la nouvelle prime herbagère agro-environnementale (PHAE 2), les éleveurs qui s’y engagent ayant l’obligation de respecter un certain pourcentage de leur surface en éléments fixes de biodiversité tels que les estives ou les haies. » (Dumont et al. 2007, p. 23).
Qui sait que la prairie pâturée entretenue par fauche ou par pâturage extensif est l’écosystème le plus riche en espèces au m2 (jusqu’à 89 espèces) ? Ce n’est que si on utilise une maille plus large de 100m2 que les forêts tropicales humides la surpasse (Dale-Harris 2013), (Mauchamp et al. 2012).
La disparition d’espèces d’insectes ou de plantes du territoire national ou européen ne semble pas gêner plus que cela les végans qui semblent être inconscients ou insouciants des conséquences que produiraient leurs choix alimentaires, vestimentaires et autre de n’utiliser aucun produit ou matière première d’origine animale, un choix qu’ils aimeraient bien voir généralisé, généralisation pour laquelle ils se livrent à une propagande active et pas toujours ni très éthique, ni très honnête.
1.5 Paradoxalement la disparition de races domestiques d’animaux ne les gêne pas non plus.
C’est pourtant ce qui se produirait inéluctablement si toute une population cessait de s’alimenter avec des produits d’origine animale. Le cas des chevaux de trait est éclairant à ce sujet. L'arrivée du tracteur dans les années 1950 sonna le glas de nombreuses races de chevaux de trait. Les extinctions de ces races sont des pertes patrimoniales.
Certains végans, parmi les plus militants d’entre eux, tentent de passer sous silence cette conséquence fâcheuse : la disparition des animaux sur le sort desquels ils s’apitoient et tentent de nous faire verser une larme.
Sous la photo d’un joli petit cochon rose, on pouvait lire : « Si vous ne les mangez plus, ils ne les tueront plus », photo et légende, tweetées et retweetées par les végans. Je tweetais alors :
« (Dumas Jean-François @dumas_jf 29 mars @Muriel_F_Pacani @L214) Mais ils n'existeront plus non plus! Il faut le savoir. »
Ce qui me valut la réponse
« (Muriel F @Muriel_F_Pacani 30 ma.@dumas_jf @L214) Faire naître moins d'animaux issus de sélections génétiques artificiellement organisées par l'homme ne sera pas un mal. »
Curieuses réponse : ce n’est pas de « faire naître moins d’animaux… » qu’il s’agit, c’est de ne plus en faire naître du tout ou en nombre infime pour des fermes « à la Marie-Antoinette », ces « fermes » bidons que l’on installe dans les villes pour une occasion quelconque, avec quelques chèvres, poules, moutons que viennent caresser les enfants et se faire ainsi une idée fausse de l’élevage en confondant bétail et animaux de compagnie, confusion qu’exploiteront à merveille les végans pour leur propagande. Voilà donc une réponse bien rédigée pour cacher que l’enjeu, c’est la disparition de races, voire d’espèces domestiques ; réponse bien calculée aussi pour cacher que pour les animaux existant, cela signifiera un passage prématuré à l’abattoir, sauf pour quelques-uns que des associations pourront recueillir.
1.6 La reconquête des prairies permanentes par la forêt naturelle serait le meilleur scénario mais pas le plus probable.
Dans le pire scénario et, hélas, le plus probable, ce serait des plantations de douglas ou d’épicéas, en rang d’oignons pour « valoriser » ces espaces laissés à eux-mêmes. C’est déjà ce qui se passe en raison de la déprise agricole ici ou là dans des secteurs où l’exode rural a été particulièrement sévère.
Remplacer les prairies par des champs là où la nature des sols le permet (cas de figure assez rare en moyenne montagne où la roche affleure, par exemple dans les « cheires » volcaniques du Puy-de-Dôme) entrainerait un appauvrissement faunistique et floristique encore plus important. Comme je le développe en détail plus loin, pour ceux que les émissions de CO2 inquiètent, ce changement d’usage des sols entraînerait un déstockage massif de carbone. Et pourtant pour ne pas dépendre de l’import, il faudrait bien augmenter les surfaces labourées pour produire les graines et autres plantes du régime végan.
Ces scenarii plus ou moins catastrophiques ne sont pas de simples vues de l’esprit. En ce moment, il y a, comme chacun le sait, une crise de surproduction de lait avec baisse du prix de celui-ci aux éleveurs. Les troupeaux non seulement n’étant plus rentables mais devenant de plus une charge, beaucoup d’éleveurs sont contraints de les réduire. La vente des vaches laitières pour la boucherie a augmenté ces derniers mois. (La conversion en bio demande une trésorerie que tous les éleveurs déjà endettés n’ont pas.) On redoute une déstabilisation du marché de la viande bovine avec l’arrivée massive et prématurée de 800 000 vaches laitières à l’abattoir. Il faut d’ailleurs souligner que ce sont les petites exploitations paysannes qui sont touchées les premières et non les fermes-usines où les animaux sont traités comme des machines à fabriquer du lait.
Si en plus les gens se mettent à ne plus consommer de produits laitiers (lait, yaourts, beurre, fromage, …) l’hécatombe sera encore plus grande, y compris parmi les vaches laitières gestantes !
Ne plus boire de lait et ne plus manger de fromage, c’est condamner les vaches laitières à une mort prématurée. Les Bishnoïs qui se singularisent par un strict respect de tous les êtres vivants et pas seulement des animaux mais aussi des arbres et des plantes, boivent du lait de chèvre et font du fromage. Les animaux leur donnent leur lait mais inversement, il arrive que les humaines nourrissent au sein les faons orphelins. Ils sont plus cohérents et avisés que bien des végans de nos contrées.
2.1 Les végans et autres végétaliens utilisent abondamment dans leur propagande des arguments écologiques pour condamner la consommation de viande et de produits d’origine animale (lait et produits laitiers, œufs, miel…). Ils s’en vont répétant urbi et orbi que l’élevage qu’il soit laitier ou pour la viande est une catastrophe écologique. La production de viande et de lait serait responsable du défrichement des forêts au profit des pâtures et des cultures fourragères. L’élevage aurait des impacts sur le changement climatique et la biodiversité. Il induirait aussi un gaspillage et des pollutions de l’eau.
Ce réquisitoire s’appuie essentiellement sur le rapport de la FAO de 2006 Livestock's long shadow, du moins sur les résumés et présentations de ce pavé relativement indigeste de 390 pages sans compter les préfaces, remerciements, les tables des matières, des tableaux, des figures, etc.
2.2 Cependant les végans font une double confusion peut-être involontaire, plus sûrement voulue dans un but de propagande. Le rapport vaut pour l’ensemble des filières et cherche à dresser un panorama mondial tout en reconnaissant des situations contrastées. Ainsi ce qui vaudra pour l’Amérique latine par exemple, n’est pas automatiquement transposable à la France et à l’Europe. La seconde confusion consiste à mettre dans le même sac les différents types d’élevage en les réduisant aux élevages industriels.
2.3 Le rapport de 2006 de la FAO présente une analyse environnementale globale des systèmes d’élevages à l’échelle de la planète. Cette analyse met en évidence les conséquences néfastes écologiquement et le caractère non soutenable de l’élevage tel que pratiqué aujourd’hui. Il ne pourra faire face à une demande mondiale de plus en plus grande en produits carnés (viande et lait) dont la FAO prévoit le doublement à cause de la croissance démographique, du développement de l’urbanisation et de l’élévation des revenus et donc du pouvoir d’achat dans les pays « émergeants » ou « en développement » ; élévation des revenus et du pouvoir d’achat se traduisant entre autres choses par la préférence accordée à la consommation de protéines d’origine animales.
On notera aussi que la FAO privilégie dans ce rapport comme dans les suivants (FAO, 2010) l’élevage industriel avec de grosses unités de production rationalisées (des usines à viande !) comme réponse possible à cette demande, mettant en exemple les élevages de volailles. Elle laisse aussi à penser que l’amélioration des races par la transgénèse sera un des moteurs des progrès technologiques futurs en la matière. Les experts de la FAO sont loin d’avoir une vision écologiste de l’état du monde en général et de l’agriculture en particulier.
2.4 La comparaison effectuée dans le rapport de 2006 de la FAO entre la quantité de GES émis par l’élevage avec celle dues aux transports montre qu’à l’échelle de la planète la première dépasse la seconde. Cette comparaison a fait couler beaucoup d’encre parce que la question du « réchauffement climatique » a réussi à occuper le devant de la scène en ce qui concerne les enjeux écologiques du siècle.
Mais quand on y regarde de plus près, on constate que le facteur principal d’émission dans le calcul de la FAO est la déforestation qui serait responsable de 34% des émissions. Il est évident que si ce facteur concerne les Pays d’Amérique Latine, il ne peut concerner les pays européens. Là encore selon les pays la situation va varier.
Lorsque l’on est au fait de la situation en France et en Europe, on est étonné de lire dans le rapport de 2006 que les systèmes de types pastoraux sont responsables de la dégradation de la biodiversité et de l’augmentation des GES à cause de la déforestation. Vrai sans doute, globalement, à l’échelle mondiale, ce n’est pas le cas à l’échelle européenne. En Europe et en France en particulier, c’est l’inverse : la régression de l’élevage de type pastoral notamment à cause de l’exode rural et de la déprise agricole a entraîné une reforestation (du moins des plantations de résineux qui ne mériteraient pas le nom de « forêt ») plus pauvre en biodiversité et peu efficace en tant que « puits de carbone ».
Les prairies permanentes restantes qui représentent encore environ 1/3 de la Surface Agricole Utile (SAU) européenne sont conduites sans pesticides, avec peu d’engrais de synthèse. Non seulement elles permettent la survie de nombreuses espèces et chaînes trophiques mais de plus les prairies permanentes sont des « puits de carbone » au moins aussi efficaces que les forêts exploitées qui n’en sont pas sur le long terme contrairement à l’opinion reçue et véhiculée par les forestiers productivistes (voir ici mon article sur les forêts puits de carbone).
2.5 C’est pourtant sur les dégâts de l’élevage sur la forêt Amazonienne au Brésil ou en Argentine que se focalisent les Végans.
Pour eux, ces dégâts sont causés indirectement par la consommation de viande dans l’UE et en France plus spécialement. On peut lire sur un site de propagande Végan ou végétarien « L’Union européenne, dont la superficie des forêts augmente, est le 4e importateur de bovins derrière les USA, la Russie, et le Japon. En outre, 80 % des importations de bovins de l’UE viennent d’Amérique du Sud. Les Français sont les premiers consommateurs européens de viande bovine (FranceAgriMer, 2010). Ainsi la consommation de viande en Europe et en France est une cause de la déforestation en Amérique du Sud»
Manque de chance pour les auteurs de ce texte : les Français sont peut-être les premiers consommateurs européens de viande bovine mais en 2011, 75% de cette viande était d’origine française, 22% provenait de pays de l’UE, par ordre d’importance, Allemagne, Pays-Bas, Irlande, Italie et dans une moindre mesure Belgique, Espagne et Royaume Uni. Seuls 2% étaient d’origine extra-européenne. En 2015 la part de la viande bovine consommée produite en France a augmenté et atteint 79% tandis que les 21% restant proviennent exclusivement de pays de l’UE (Barbin et al. 2010, 2011, 2015 ; Interbev 2016).
Il est donc faux de considérer que la consommation de viande bovine en France est cause de la déforestation amazonienne. Et l’argumentaire des végans visant à culpabiliser les omnivores français s’effondre. Ce qu’il faudrait plutôt accuser, c’est la culture du soja car là l’élevage UE n’est pas innocent mais il s’agit essentiellement des filières industrielles et plus particulièrement les filières industrielles volaillères et porcines comme nous le verrons plus loin.
2.6 Pour les rédacteurs du site Végan Viande info, en Europe, il ne faut pas regretter le remplacement des prairies par des forêts puisqu’une jeune forêt de hêtres va dans sa période de croissance stocker plus de carbone qu’une prairie. Peut-être, mais comme je l’ai déjà indiqué, il y a de grandes chances pour que ce soient des plantations à vocation commerciale d’épicéas ou de douglas (voire des cultures) qui remplaceront les prairies, et non des forêts de hêtres en libre évolution. Dans ce cas sur le moyen et long terme le changement d’usage des sols aura un bilan défavorable en termes de GES (Naudts et al. 2006). En outre dans le court terme, lorsqu’une forêt est plantée ou s’installe en remplacement d’une prairie, « le bilan est au mieux nul à défavorable en ce qui concerne l'évolution du stock de carbone à l'hectare, puisque le contenu en carbone d’une prairie (…) est le même que celui d'une forêt tempérée, en ordre de grandeur. » ainsi que le rappelle Jean-Marc Jancovici sur son site Manicore, ce carbone étant stocké dans le sol. Enfin, il n’y a pas que l’effet de serre à prendre en compte, il y a comme je l’ai souligné la biodiversité, les paysages, le facteur humain…
En France, c’est l’abandon des prairies permanentes qui serait pénalisant. D’ailleurs parmi les mesures destinées à atténuer les émissions de GES dues à l’élevage, il est recommandé en EU par les ingénieurs agronomes et les techniciens agricoles de pratiquer un élevage extensif sur des pâturages de longue durée pour éviter un retournement trop rapide des prairies qui déstocke le carbone (Pellerin et al. 2013). De nombreux auteurs ont étudié les processus de stockage du carbone dans les pairies pâturés et dans les exploitations agricoles consacrées à l’élevage notamment de bovins. (Soussana et al. 2004, 2007, Martin 2011, Pellerin 2013, et les bibliographies associées ; pour le point de vue de la FAO, on consultera Gerber 2014).
Certes, les bovins rejettent du méthane (CH4), un gaz 23 fois plus puissant que le CO2 en potentiel de réchauffement global (PRG) mais d’une durée de vie plus faible : environ 12 ans contre 200 ans pour le CO2. Toutes activités confondues, l’agriculture est la principale source des émissions de protoxyde d’azote (N2O) un composé stable au PRG de 298 (310 sur 100 ans) et dont la durée de vie est de 150 ans. Ces émissions proviennent de l’usage des engrais et de la gestion des déjections organiques (fumier, purin) mais en ce qui concerne l’élevage des bovins : « si les bovins paissent en pâturage, presque tous ces gaz peuvent être retenus dans le sol. » comme le note l’étude des Amis de la Terre et de la Fondation Heinrich-Böll-Stiftung (2014) qui ne sont pas suspects de complaisance vis-à-vis des éleveurs européens.
Ces recherches et études ont des objectifs pratiques en sus de celui purement académique d’acquisition de connaissances : il s’agit tout d’abord de trouver des mesures permettant d’optimiser le bilan en GES de l’élevage notamment de bovins en pâturage, de rendre cet élevage compatible avec les objectifs de réduction des GES. Il s’agit ensuite de réhabiliter cet élevage aux yeux du public. Aucun de ces deux derniers objectifs ne saurait convenir aux végans puisqu’ils concourent à rendre cet élevage durable et acceptable socialement.
Comme bien d’autres pour d’autres causes, les végans s’efforcent d’utiliser la lutte contre le changement climatique pour leurs propres objectifs. Selon eux la lutte contre le réchauffement climatique doit passer par le renoncement aux protéines carnées, donc la suppression de l’élevage.
Ce n’est pas l’avis des Amis de la Terre qui considèrent que modulo de bonnes pratiques, l’élevage est susceptible de participer à la limitation du réchauffement climatique : « Directement ou indirectement, le bétail est responsable d’un tiers des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Pourtant, agriculteurs et scientifiques affirment qu’avec une gestion appropriée le bétail ne serait plus un fardeau pour le climat. L’élevage des bovins ne doit pas forcément être nuisible au climat. La garde des animaux en pâturage est avantageuse : la transformation de champs cultivés en friches permet de retenir les plus grandes quantités de dioxyde de carbone dans les 30-40 premières années. On ne devrait pas sur-fertiliser ces prairies avec un trop grand nombre d’animaux ou de grandes quantités d’engrais chimiques, et laisser les systèmes de racines des plantes se développer sans contrainte. Les bovins rejettent du méthane : les fermes bovines et laitières dont les animaux produisent 28 % de ce gaz particulièrement nuisible au climat, sont souvent blâmées pour cette raison. Mais si les bovins paissent en pâturage, presque tous ces gaz peuvent être retenus dans le sol. Et les animaux ne devraient pas recevoir de céréales ou du soja comme aliment complémentaire. » (2014, p. p. 34 – 35). Pour une étude détaillée des mesures à mettre en œuvre dans les élevages bovins français pour limiter les émissions de GES, leur faisabilité technique et économique, on se reportera à Pellerin et al. 2013. Pour un panorama des mesures à prendre pour l’ensemble des filières selon les régions du monde, on se reportera à la synthèse de la FAO (Gerber et al. 2014). Passer toutes ces mesures proposées et /ou déjà mises en œuvre au crible d’une vision écologiste excéderait notre présent propos.
Il faut d’ailleurs noter que les préoccupations concernant tant la biodiversité que les émissions de GES ne sont pas toujours prises en compte de façon satisfaisante par les éleveurs – c’est le moins que l’on puisse dire, notamment dans l’élevage standard.
D’ailleurs défendre les agrosystèmes tels que les prairies permanentes et les prairies pâturées bocagères, ce n’est pas dédouaner les éleveurs et en particulier les fermes usines et l’élevage industriel, tout au contraire. « En évoquant le tapis de fleurs des prairies de notre enfance et le panachage de toutes teintes qu’offre leur diversité, du rose-violet des centaurées au jaune citron du salsifis, des prairies jaunies par le pissenlit au tapis plus délicat formé par les trèfles violets ou blancs, nul ne songerait à croire qu’elles sont menacées. Et pourtant elles le sont » (Jean-Jacques Bret, Directeur du Comité interprofessionnel du gruyère de comté, préface à Mauchamp et al. 2013 p.11). Comme l’écrit J. J. Bret deux dangers principaux la menacent : l’anthropisation et les pratiques agricoles courantes.
À ces dangers qui ont commencé à « écorner ce capital », on en voit poindre maintenant un nouveau : la propagande végan qui trouve un terrain favorable auprès des urbains ou des rurbains d’autant plus que les scandales des filières, tout type de viande confondu, conduisent à douter de la qualité sanitaire de produits dont on ne sait s’ils sont ou non falsifiés. De ce point de vue l’industrie de viande est à son corps défendant une alliée efficace des végans comme le sont les pratiques particulièrement ignobles et inacceptables qui ont cours dans beaucoup trop d’abattoirs, pour ne pas dire tous. Les éleveurs qui les couvrent ou qui les acceptent, scient la branche sur laquelle ils sont assis.
3 Pour les Végans l’élevage pollue l’eau de façon excessive.
Ils oublient de préciser qu’il s’agit d’un type d’élevage particulier : l’élevage industriel hors-sol. Celui-ci se développe aux dépends de l’élevage fermier traditionnel à cause de la concurrence mondialisée qu’instaurent les politiques libérales appliquées à l’agriculture en général et à l’élevage en particulier tandis que une grande majorité de consommateurs – mais pas tous – ne regardent que le prix. Le pouvoir d’achat en berne de ces derniers les poussent à des arbitrages budgétaires en défaveur de la partie consacrée à la nourriture tandis qu’est privilégiée le poste des loisirs – on va bronzer en hiver loin de l’Europe – et des gadgets électroniques – le téléphone portable dernier cri, l’ordinateur ultra puissant pour les jeux vidéo, la montre connectée, etc., …, le tout rapidement obsolète pour des raisons techniques ou de mode.
Comme il a été bien montré par différentes études reprises par la FAO (2010), c’est avec l’élevage industriel que se pose avec acuité la question des effluents, lisiers notamment. La grande concentration d’animaux dans les élevages hors sols de l’élevage industriel entraine la production de grandes quantités d’effluents dont le stockage et le traitement posent problème alors qu’il n’offre plus de débouchés naturels à ces matières qui servaient à engraisser les prairies et les cultures dans les systèmes herbagés ou mixtes, les liens entre l’élevage et le sol étant rompu. « La dissociation physique entre l’élevage industriel et la ressource dont il dépend entraîne une rupture des transferts de nutriments entre la terre et le bétail. Il en résulte des problèmes d’épuisement des nutriments à la source (terre, végétation et sols) et des problèmes de pollution à l’arrivée (effluents d’élevage, de plus en plus rejetés dans les cours d’eau au lieu d’être rendus à la terre). L’ampleur du problème est illustrée par le fait que les quantités totales de nutriments présents dans les déjections animales sont égales ou supérieures à celles contenues dans tous les engrais chimiques utilisés chaque année (Menzi et al., 2009). » (FAO, 2010, p.62).
C’est la gestion des déjections qui occasionne de graves nuisances et pose des problèmes épineux en Europe et notamment en France. Il s’agit d’ailleurs moins de l’élevage bovin que l’élevage industriel des monogastriques hors sol, notamment porcins et volailles. Outre la pollution des nappes phréatiques, des cours d’eau et des rivages dont la Bretagne offre un bel exemple, ces déjections sont la source principale des émissions de protoxyde d’azote (N2O). Par contre, ces élevages d’animaux monogastriques produisent très peu de méthane. Il ne semble pas qu’en France, les agriculteurs de ces filières porcines et volaillères soient prêts à faire des efforts pour améliorer l’impact écologique de leurs exploitations. Ils n’ont de cesse au contraire de se plaindre d’un excès de règlements environnementaux.
Mais là encore, ce qui est en cause, c’est d’abord et essentiellement l’élevage industriel et non l’élevage labélisé AB ou Rouge et /ou AOP ou biologique. On notera que ces filières labélisées ne sont pas en crise, la demande étant supérieure à l’offre pour certains produits comme les œufs ou le lait bio (ici)
4.1 Pour les végans la production de viande est excessivement exigeante en eau et pourrait entrainer des pénuries de la ressource.
En ce qui concerne l’utilisation de l’eau en élevage, les végans et autres propagandistes du régime végétalien comme certains « animalistes » rapportent qu’il faut 15 000 litres d’eau pour obtenir un kilo de viande bovine. Selon les textes cela varie entre 13 000 L/kg pour les plus basses jusqu’à 15 500 pour les plus hautes en passant par 15 415 (on admirera le "15" des "15 400" !) On trouve ces chiffres sur des sites végans ou végétariens, sur des sites écolos intoxiqués par la vulgate environnementale végane, mais aussi dans des journaux comme Libération ou Le Monde et pour ce dernier titre dans un article des « décodeurs » censés établir ou rétablir des vérités malmenées ! L’élevage menacerait les ressources en eau de la planète, l’élevage en général et l’élevage bovin en particulier.
4.2 Tous ces braves gens ne sont nullement étonnés de l’énormité du chiffre : 15 000 litres pour 1 kilo de viande ! Ils oublient tous de préciser qu’il s’agit d’une moyenne et surtout qu’il s’agit de 15 000 litres d’ « eau virtuelle » ! Peut-être certains d’entre eux ne le savent même pas.
Pour ceux qui l’ignoreraient précisons donc que l’ « eau virtuelle » est la somme de trois sortes d’eau : l’eau bleue, l’eau verte et l’eau grise. L’ « eau bleue », c’est « l’eau circulant sous forme liquide et prélevée dans les rivières, les eaux dormantes ou dans les nappes phréatiques pour les besoins des activités humaines » (Corson et al., 2013 p. 241) C’est l’eau qui est la matière première de l’eau du robinet. Pour ce qui concerne la filière bovine, elle sert dans l’étable ou au pré à abreuver les bêtes qui peuvent aussi en boire à la rivière ou dans les mares. C’est également celle qui est utilisée pour nettoyer les locaux de l’exploitation. L’eau d’irrigation des cultures fourragères qui nourrissent les animaux et l’eau nécessaire à la transformation de la viande sont aussi de l’eau bleue. La quantité d’eau consommée pour tous ces usages correspond en France à environ 3 à 4% des 15 000 litres d’ « eau virtuelle » estimés nécessaires pour obtenir 1kg de viande de bœuf.
Quant à l’eau grise, c’est la quantité théorique d’eau qu’il faudrait rajouter à une eau polluée pour qu’elle devienne conforme aux normes environnementales. Elle représente en France 3% des 15 000 litres d’ « eau virtuelle ».
Tout le reste des 15 000 litres, c’est de l’ « eau verte ». Comme l’expliquent bien Corson et al., 2013, l’eau verte est l’eau nécessaire pour la croissance des plantes. On considère qu’elle est égale à l’évapotranspiration réelle, c’est-à-dire, à la somme de l’évaporation des sols et de la transpiration des plantes poussant sur ces sols. En d’autres termes, pour ce qui est de l’élevage bovin, il s’agit du volume d’eau de pluie stocké dans le sol sous forme d’humidité et qui s’évapore des plantes et du sol des surfaces cultivées pour l’alimentation des bêtes et des surfaces pâturées par les troupeaux. Ce volume d’eau correspond donc principalement à l’eau de pluie réceptionnée par les surfaces d’élevage.
« Chapagain et Hoekstra (2004) ont été les premiers à additionner eau bleue, eau verte et eau grise pour obtenir ce qu’ils appelaient des flux d’eau «virtuelle » des produits agricoles. Graduellement, cette expression a fait place chez ces auteurs au terme « empreinte eau », le caractère virtuel n’apparaissant plus. Cette « empreinte eau » a été ensuite assimilée à la quantité d’eau nécessaire pour produire les denrées agricoles. » (Ibid., p. 241).
4.3 Il est bien évident que lorsque l’on parle d’eau sans précision, on entend ce terme dans son sens ordinaire, c’est-à-dire l’eau bleue. Par ailleurs la quantité d’eau verte dépend de trois facteurs : le climat de la région, le type de sol et le type de végétation. On comprend alors les écarts dans les évaluations selon la viande considérée. Lorsque l’on somme ces différentes catégories d’eau, il n’est plus étonnant qu’un kilogramme de viande de porc ne demande que 4 800 litre et un kilo de poulet 3 900 litre d’eau virtuelle, d’autant que la plupart des élevages de porcs et de volailles sont hors sol.
D’ailleurs, comme Interbev le remarque à juste titre – il faut le reconnaître – sur son site « si l’on inclut cette eau verte dans le calcul, on en vient à la conclusion qu’il faut diminuer les surfaces dédiées à l’élevage, ce qui conduirait paradoxalement à intensifier la production, élever les bovins en bâtiments et à cesser de les alimenter à l’herbe », cette forme d’élevage industriel hors sol qui est condamnable à la fois écologiquement, éthologiquement et éthiquement pour ce qui concerne le bien-être animal ; condamnation que ne partage d’ailleurs pas Interbrev et forme d’élevage pour laquelle, il semble que la FAO marque un certain penchant pour satisfaire dans le futur la demande des consommateurs d’une planète surpeuplée.
Il y a de bons arguments pour ne pas prendre en compte l’eau verte lorsque l’on cherche l’impact de l’élevage sur la ressource en eau douce comme on peut en prendre conscience à la lecture de l’article de Corson et al. 2013.
Ainsi, à l’échelle du bassin versant, l’utilisation d’eau bleue – quel qu’en soit l’usage – diminue la quantité d’eau douce disponible dans des proportions bien plus importantes que l’utilisation d’eau verte dont les effets sur cette eau douce sont très faibles.
Ensuite, pour un élevage consistant en un système de parcours extensifs, Pimmentel et al. 2003 ont calculé une consommation d’eau verte et bleue de 200 000 litres/kg de viande bovine. Un tel système demande une grande surface et donc une grande quantité d’eau verte par kilo de viande. Comme le remarquent Corson et al. : « Si on généralise cette valeur, la consommation totale pour la production mondiale de viande bovine pendant un an, soit 80 millions de tonnes (en 2009), serait trois fois plus [élevée] que le prélèvement annuel d’eau douce pour toutes les activités humaines de la planète. »
Ils ajoutent : « En poussant à l’extrême ce mode de calcul, des bovins pâturant une grande surface de végétation de faible valeur nutritive (friches, broussailles) ou peu productive (zones arides, haute montagne) et ayant donc une faible vitesse de croissance auraient une consommation d’eau extrêmement élevée par kg de viande, alors que la même surface sans animaux aurait une évapotranspiration comparable, et que la présence d’animaux a très peu d’impact sur une éventuelle pénurie d’eau. » (p. 245)
L’article cité met en évidence une grande variabilité dans les méthodes d’estimation ainsi que de grandes variations selon les systèmes de production considérés qui vont de 27 à 540 L d’eau bleue par kg de carcasse pour les bovins produits en Australie selon une estimation, 58 à 551 selon une autre. Variations selon aussi les pays : 77 L par kg au Pays-Bas et 873 L par kg en Inde. Dans cet exemple, c’est la différence d’efficacité alimentaire qui expliquerait l’écart.
Des méthodes de calcul qui n’aboutissent pas à des résultats identiques ou même semblables (voir le tableau comparatif dans l’article cité), des moyennes qui cachent de grandes diversités devraient rendre plus prudents en ce qui concerne l’utilisation de ces données dans la propagande qu’elle soit végane ou carniste !
Il n’en reste pas moins, en fin de compte, que c’est la consommation d’eau bleue qui est un critère simple pour évaluer la contribution des animaux d’élevage au risque de pénurie d’eau. En France, selon la norme ISO 14046 prenant en compte les prélèvements d’eau réels et leur impact sur le milieu, il faudrait 50 litres d’eau pour produire un kilo de viande bovine. Bien loin donc des 15 000 litres que dénoncent les sites végans, végétariens et aussi les grands quotidiens nationaux.
Le lecteur peut s’interroger sur l’intérêt des calculs des volumes d’eau virtuelle ou de l’empreinte eau. A quoi donc servent-ils ? Les calculs des quantités d’eau virtuelle pour la production de telle ou telle denrée ont d’abord eu pour but de mettre en évidence que les importations de produits agricoles permettent de compenser le faible potentiel des pays arides. Le concept d’ « empreinte eau » qui en découle permet d’estimer l’eau totale nécessaire aux productions agricoles d’un pays.
4.4 La consommation en eau bleue, la seule qui pourrait causer une pénurie si elle était excessive est donc, en fait, tout à fait raisonnable mais tout n’est pas réglé pour autant, voici pourquoi.
Sur un site l’évapotranspiration qui est la principale composante du flux de l’eau est, en général, peu dépendante de la quantité de biomasse produite sur le site. Il en résulte qu’un changement d’affectation des sols, par exemple la conversion d’une parcelle forestière en prairie, ne modifie pas le risque de pénurie d’eau. Cependant, ce n’est pas le cas avec la déforestation de forêts tropicales qui fait exception au cas général. Celle-ci diminue l’évapotranspiration. Elle diminue de ce fait l’humidité de l’air qui circule au-dessus de la surface défrichée et diminue les précipitations sur les régions situées en aval du courant d’air (d’après Corson et al., o.c.). (Pour plus de précisions se rapporter aux références qu’ils citent p. 242).
Or l’UE et la France en particulier importent massivement du soja du Brésil et d’Argentine pour engraisser bétails et volailles. Dans ces pays cette culture du soja pour l’exportation est avec l’élevage proprement dit les deux principales causes de la déforestation. Comme le note le WWF dans son rapport Viandes: un arrière-goût de déforestation la culture du soja occupe plus d’un million de kilomètres carrés dans le monde et bien que d’importants progrès aient été réalisés en ce qui concerne la productivité, il reste que les surfaces de cultures se développent et continueront à se développer avant tout par la destruction de la végétation native sud-américaine.
5.1 Avec le soja d’importation on peut considérer que, à cause de ses importations massives de soja pour engraisser son bétail et ses volailles, la France porte une bonne part de responsabilité dans la déforestation amazonienne, des éventuelles pénuries d’eau douce qui peut en résulter et aussi et surtout des graves conséquences sociales, sociétales et ethnologiques qui l’accompagnent.
Il est très difficile d’avoir des chiffres précis concernant les importations totales de soja (graines, huile et tourteaux). Selon un responsable de la Confédération paysanne cité par L’expansion, L’express « Chaque année, l'Europe importe près de 40 millions de tonnes de soja et la France 4,5 millions de tonnes, dont plus de la moitié sont génétiquement modifiées ». Cette évaluation est cohérente avec un rapport du bureau d’étude « Consultants Naturels » sur ce sujet, jugé sensible par les auteurs du rapport.
La partie des résultats publiée en ligne est reprise sur de nombreux sites qui ne citent pas toujours leurs sources.
Selon ce rapport, sur les 4,7 millions de tonnes consommés en France en 2009, la quasi-totalité est importée (4,63 millions de tonnes). 3,1 millions de tonnes ont été consommés en tant que tourteaux par l’industrie de production de viande, soit 66% de la consommation totale française de soja. C’est la filière industrielle de la volaille se taille la part du lion. Ce soja provient surtout d’Amérique latine : du Brésil 68,10%, d’Argentine 9,39% en 2010. Ce soja est transgénique entre 70 et 80%. Depuis ce rapport, en se fondant sur les statistiques publiées par AGRIMER la tendance serait à la hausse en France, tant en production intérieures non OGM, qu’en importation OGM car il existe aussi une filière sans OGM pour l’agriculture AB mais elle s’approvisionne surtout en France et en Italie.
5.2 Ce n’est que depuis une trentaine années que les tourteaux de soja ont été introduits massivement dans l’alimentation du bétail, en remplacement des tourteaux d’arachide, utilisation qui s’est accrue ensuite à cause de l’interdiction des farines animales.
C’est la recherche d’une productivité toujours plus grande qui est une des causes de cette utilisation massive des tourteaux de soja pour doper en protéines l’alimentation du bétail et de la volaille. Ces rations sur-protéinées jointes à une sélection génétique des races donnent des poules qui pondent 250 œufs par an alors qu’elles n’en pondaient que 130 dans les années 20, des poulets prêts à consommer en cinquante jours au lieu de cent cinquante, soit trois fois moins de temps qu’au milieu du siècle dernier tandis que la production des vaches laitières a quadruplé : 8 000 litres de lait par an au lieu de 2 000.
La dépendance de l’élevage au soja comme l’absence d’autosuffisance de l’UE et en particulier de la France en matière d’oléoprotéagineux s’explique aussi historiquement par les accords commerciaux internationaux et les orientations de la PAC. Les pays européens avaient choisi de continuer à se concentrer sur la monoculture céréalière. Ce que résume ainsi un document officiel de l’actuel ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt : « « En Europe, la dépendance en protéines végétales importées est structurelle et repose sur des causes historiques issues en partie des accords commerciaux négociés dans le cadre du GATT dans les années 1960. En échange de droits protecteurs pour les céréales de l'Europe, les droits à l'importation des oléagineux et des produits de substitution aux céréales en Europe ont ainsi été abaissés. Cette dépendance a atteint dès les années 1970 des niveaux très élevés. Ainsi, la croissance de l'élevage européen, et donc de l'industrie de l'alimentation, s'est fondée sur une répartition mondiale des productions attribuant au continent américain la majorité de la production de protéines végétales et permettant à l'Europe d'instaurer initialement la préférence communautaire pour l'élevage et les céréales. » (Plan protéines végétales pour la France 2014 – 2020, p. 7) (Sur ce point voir aussi Billon et al., 2009, p. 11 qui cite Piro, 2006).
Le besoin d’aliments « complémentaires » ne cesse de croître avec la recherche incessante d’une productivité accrue pour une rentabilité maximale, l’envolée de la consommation de viande blanche et le développement en France d’un élevage hors sol de bovins pour le lait avec notamment la ferme des « mille vaches » et pour la viande avec par exemple la ferme des « mille veaux », la recherche de débouchés à l’export pour des productions de plus en plus excédentaires de lait et de viande. Il est illusoire de croire que l’on pourra arriver à une autosuffisance en matière de soja étant donné la situation actuelle de l’élevage dominé par l’élevage industriel dans un cadre de politiques productivistes.
5.3 Cependant, même l’agriculture productiviste cherche des alternatives au soja. Ce n’est pas pour sauver la végétation amazonienne, les petits paysans brésiliens et argentins ou les peuples autochtones qui vivent en forêt mais parce que la consommation de soja par le bétail et les volailles rend l’élevage industriel dépendant des productions de pays tiers et d’un cours du tourteau de soja qui peut fluctuer considérablement d’un mois sur l’autre mais qui est globalement orienté à la hausse même s’il est en 2016 aux alentours de 400 USD (dollar US) la tonne bien plus bas que son record historique de plus de 600 USD en Août 2012. Tous les analystes s’accordent pour considérer que malgré des fluctuations dues à divers facteurs dont l’abondance des récoltes variable d’une année sur l’autre, la tendance à la hausse de ce produit ne peut que se confirmer.
Un autre facteur joue aussi contre ces importations : la crainte que les consommateurs refusent des produits tels que viandes, œufs, lait issus d’animaux bourrés d’aliments OGM.
Il y a enfin un autre risque bien décrit dans le Plan protéines végétales pour la France 2014 – 2020 « Le marché mondial des protéines végétales est tendu en raison notamment de la forte demande de la Chine, qui concentre d'ores et déjà 60 % des importations mondiales de soja et qui tire les prix à la hausse. En effet, la convergence vers un mode de vie occidentalisé avec un régime alimentaire à base de protéines animales (viande bovine, lait), entraîne par ricochets en Asie des besoins importants en alimentation animale et en protéines végétales, importées d'Amérique (USA, Brésil, Argentine principalement). À terme, les flux d'exportation en provenance d'Amérique qui bénéficient actuellement à l'Europe pourraient être détournés au profit de l'Asie. » (p.7, je souligne).
C’est pourquoi le ministère a lancé ce plan pour viser notamment à une plus grande indépendance de la France en matière de protéines animales. Il s’agit de relancer la culture de certaines légumineuses comme la luzerne ou le pois, de trouver des variétés les plus adaptées culturalement et économiquement et de profiter de leur capacité à fixer l’azote pour les utiliser en plantes d’assolement en rotation des cultures.
Pour le poulet industriel dont la vie est brève et qui est élevé en grande partie avec du tourteau de soja, le remplacement de cette source de protéine est plus problématique car il a besoin d’un aliment avec une densité énergétique élevée et riche en acides aminés. L’aliment ne doit cependant pas contenir des concentrations élevées de substances antinutritionnelles présentes dans d’autres légumineuses. Le problème ne se pose évidemment pas pour les poulets élevés au grain !
5.4 Il ressort de cela que, même pour l’élevage conventionnel, il est possible et du point de vue même de l’agriculture productiviste, il est souhaitable de réduire, voire tarir les importations de soja. En d’autres termes si cet élevage est conjoncturellement lié à la production de soja en Amérique du Sud, il ne l’est pas intrinsèquement et il peut s’en affranchir, ce qui est d’ailleurs en cours aujourd’hui.
On ne peut donc s’appuyer sur les dégâts dus à la culture du soja au Brésil ou en Argentine pour condamner l’élevage en soi et militer pour sa disparition comme le font les végans. C’est l’élevage industriel tel que pratiqué aujourd’hui qui est, en la circonstance, écologiquement condamnable. Il est bien plus utile et efficace d’agir pour le transformer, sauf si l’on milite avec des arguments spécieux pour le véganisme. Le véritable terrain de lutte des animalistes devrait être ailleurs. Finalement, l’étude du cas du soja renforce la thèse que je soutiens ici, à savoir que l’écologisme ne peut avoir comme horizon le véganisme.
Bien sûr, on peut toujours dire : « arrêtons de manger des œufs, de la viande, du fromage, du beurre, de boire du lait … » et le problème de la dépendance au soja de la France, de l’UE, de la Chine, de l’Inde, etc., sera résolu ainsi qu’une des causes majeures de la déforestation de la Forêt amazonienne aura disparu. Cette solution n’en est pas une, ni à court et moyen terme, ni même peut-être à long terme, puisque non seulement en France ou en Europe mais dans le Monde c’est exactement l’inverse qui se produit. Comme le rappelle Les amis de la Terre et al. (2014) « La croissance économique au sein du BRICS [Le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du sud], le groupe formé des initiales des cinq plus grands pays émergents, se reflète dans leur consommation de viande » (p. 48). Ce sont plus d’un demi-milliard d’individus qui sont en mesure de satisfaire leur appétence pour des protéines animales.
Même si cette solution était efficace pour l’Amazonie, elle ne devrait pas être retenue puisqu’il existe d’autres solutions, notamment celle de retrouver une autonomie pour la production des matières premières agricoles. En effet, en ce qui concerne la France, j’ai montré au début de cet article que cet arrêt de l’élevage entraînerait des bouleversements dans l’occupation des sols néfastes du point de vue des paysages et de la biodiversité à l’échelle du territoire hexagonal, même si cette biodiversité a été la conséquence des actions d’ancêtres défricheurs aux dépens de la naturalité des forêts en libre évolution. Faut-il ajouter les drames humains que cela entraînerait, notamment dans des régions où l’élevage est la principale et souvent la seule activité agricole ?
5.5 Sur ce sujet de l’utilisation des sols comme sur beaucoup, tout est une question de mesure, d’un équilibre entre la naturalité et la diversité des systèmes écologiques. Il est sans doute difficile d’établir quelle est la juste mesure mais il est certain que le véganisme est dans la démesure, exactement comme l’élevage industriel dans le cadre d’une agriculture productiviste dont il est une partie. Ce n’est pas aux scientifiques de décider quand il est juste pour un territoire donné de limiter au profit de systèmes agricoles ou agropastoraux l’évolution libre des forêts, l’ensauvagement des friches et des terres en déprises. Il s’agit d’une question politique qui aujourd’hui est abandonnée aux mécanismes du marché, de la rentabilité et du profit dans le cadre de la mondialisation libérale.
6.1 Que l’agriculture productiviste soit dans la démesure, de cela les écologistes en sont convaincus. Mais que le véganisme le soit aussi, de cela il est sans doute nécessaire de les convaincre. C’est l’un des buts de cet article. Mais pour être complet il reste à établir factuellement, que d’autres systèmes sont possibles. Il est d’autant plus facile de le faire que ces systèmes existent et qu’il s’agirait de les développer et d’abord de les préserver. Dans les paragraphes qui suivent, je vais en mentionner quelques-uns.
6.2 Si l’on envisage la question à l’échelon mondial, un autre élevage existe depuis longtemps, un élevage de subsistance qui concerne des milliards de personnes « dont certaines parmi les plus pauvres au monde, et qui dépendent de l’élevage de toutes sortes d’animaux domestiques, des poulets aux yaks, issus soit des élevages pastoraux, soit des systèmes agricoles mixtes. » (Les amis de la Terre et al., 2014, p. 59) Pour défendre ce mode d’élevage des associations de petits agriculteurs se regroupent de par le monde. Le véganisme et même le végétarisme ne peut que leur être étranger. D’ailleurs les associations véganes ne s’adressent pas à eux. Le véganisme est un luxe pour des gens en général aisés des pays riches.
6.3 Dans les pays riches aussi, l’élevage labélisé esquisse plus ou moins radicalement selon les labels une autre forme d’élevage respectueuse de la Nature et des animaux et cela même si certains labels se montrent assez peu contraignants voir pas du tout comme le label « viande française » qui s’applique à la quasi-totalité de la viande mise sur le marché en France. La lecture de son cahier des charges, montre que seule la traçabilité est concernée en dépit de la publicité faite autour.
Si avec tous ces labels, il s’agit avant tout de rassurer le consommateur, d’enrayer la baisse des prix et de trouver plus facilement des débouchés (Roche et al., 2000), le lien avec le sol presque toujours est rétabli, il l’est avec beaucoup de rigueur pour le label AOP et aussi, quoiqu’à un degré moindre, IGP. Presque tous les cahiers des charges des différents labels instaurent des limites à l’élevage industriel en ce qui concerne la taille des élevages (cas des volailles fermières), l’origine des aliments complémentaires et leur quantité, les traitements vétérinaires, etc... Ils comportent des exigences concernant le bien-être des animaux. Les plus exigeants sont incompatibles avec l’élevage industriel et le label bio ne peut être attribué à des produits du gavage que ce soit le foie gras proprement dit ou les autres morceaux des volailles gavées comme les magrets de canard.
Si l’on prend l’exemple de la viande bovine labélisée AOP « Fin gras du Mézenc » cela se traduit par une alimentation essentiellement à base de foins de la région de l’AOP pour l’hiver et d’herbe en pâture pour la belle saison : « La ration de base des animaux est constituée exclusivement d’herbe pâturée ou de foin issus des prairies d’altitude décrites ci-dessus. Le foin et les compléments alimentaires sont distribués manuellement, ce qui correspond à une pratique traditionnelle de soins individualisés aux animaux. » Lors de la période d’engraissement, les compléments alimentaires strictement définis ne doivent pas dépasser une quantité précise : «La quantité maximum ne pourra excéder en aucun cas 700 g d’aliment complémentaire par 100 kg de poids vif de bovin et par jour avec un maximum de 4 kg par jour pour les génisses et 5 kg par jour pour les bœufs. » Les aliments transgéniques sont exclus. La charge des pâtures est définie de manière stricte pour la préservation des prairies : «Le chargement total de l’exploitation ne peut excéder 1,4 d’unité gros bétail (UGB) par hectare de surface fourragère principale (SFP). La superficie des prairies de fauche et des pâtures est au minimum de 0,7 hectare pour chaque bovin destiné à la production de « Fin Gras » ou « Fin Gras du Mézenc ». Le cahier des charges du « Bœuf de Charolles » AOP présente des exigences analogues. Il faut souligner en outre que ce label ne peut être accordé que s’il s’agit d’une démarche collective d’un groupement conséquent d’éleveurs de la région géographique concernée, à la différence du label AB qui fait l’objet d’une demande de labélisation individuelle et qui peut être complémentaire à la labellisation AOP.
Pour les poulets fermiers élevés en plein air, l’exigence d’une nourriture non OGM n’est pas dans le cahier des charges communs à toutes les productions du label mais apparaît (ou non) dans les fiches produits particulières avec des règles plus contraignantes. L’engraissement doit se faire avec une ration comprenant en majorité des céréales : « Dans tous les cas, pour les pintades et chapons de pintades, le pourcentage de céréales et de sous-produits de céréales au stade de l’engraissement doit être supérieur ou égal à 70 %. Pour les autres volailles, ce pourcentage est porté à 75 % minimum au stade de l’engraissement. » Il s’agit d’un minimum et là encore des normes plus sévères peuvent être en vigueur dans les fiches produits.
Les règles qui concernent directement ou indirectement le bien-être de ces volailles, y compris lors de leur transport à l’abattoir et portant sur l’abattage lui-même sont strictes et détaillées dans le tronc commun.
6.4 S’il est assez facile de trouver des volailles fermières élevées en plein air, bio ou non, il est beaucoup plus difficile de trouver de la viande bovine bio ou AOP qui n’est produite qu’en d’infimes quantités. Même la viande bovine label rouge est relativement rare. En outre, il y a des différences de prix sensibles entre ces viandes et les viandes standard correspondantes qui les rendent inaccessibles à bien des bourses. Il s’agit de produits destinés à des gens relativement aisés soucieux de leur bien-être et de leur santé avant toute chose. Ils représentent néanmoins une autre forme d’agriculture qui serait plus accessible que l’on pourrait le penser s’il y avait une réorientation des subventions de la PAC, si le consommateur faisait les arbitrages budgétaires nécessaires et décidait de manger moins de viande mais de la viande de très bonne qualité.
Les laits, fromages, œufs bio, IGP ou AOP sont produits en de plus grands volumes et plus accessibles, y compris pour des familles aux revenus relativement modestes, à condition qu’il ne s’agisse pas de familles nombreuses.
Il faudrait aussi mentionner des circuits parallèles ou alternatifs (vente directe, AMAP, coopératives, autoproduction, …) qui échappent à la mainmise de l’agroalimentaire, de la grande distribution et représentent encore un autre modèle de production/consommation.
Toutes ces formes d’élevages développent des agrosystèmes complémentaires des écosystèmes naturels qui pourraient coexister harmonieusement avec eux pour une biodiversité riche, des paysages variés et plaisants, en France comme ailleurs selon les spécificités propres à chaque région du monde. Ce sont eux qu’il faut défendre au lieu de vouloir faire disparaitre toute forme d’élevage comme le voudraient les végans.
Il faut les défendre sans oublier de recontextualiser cette défense dans le cadre d’un rejet de la mondialisation libérale et des accords de libre-échange d’une part et d’un arrêt de la croissance démographique d’autre part.
6.5 Comme je l’ai rappelé en citant d’ailleurs des documents officiels, ce sont les accords du Gatt et les négociations dans le cadre de l’OMC qui ont conduit à la structuration d’une agriculture productiviste dominée par les grandes firmes de l’agroalimentaire et de la grande distribution. Outre les marchés non régulés induisant une concurrence féroce, c’est la nécessité de nourrir une population en croissance exponentielle qui pousse à rechercher une productivité maximale des élevages et d’un rendement maximum des cultures au moins autant que l’appétence pour les protéines carnées des populations des pays émergeants voulant vivre à l’occidental.
On ne peut que s’accorder avec les végans sur un point : l’évolution actuelle de l’élevage industriel est un fléau pour la planète et il est d’une barbarie inouïe envers les animaux de rente. Les lobbies de l’élevage industriel et des firmes de l’agroalimentaire veulent pourtant nous convaincre que l’élevage et l’agriculture paysanne, qu’ils soient bios ou non, ne sont pas en capacité de satisfaire la demande en produits carnés de populations sans cesse plus nombreuses. Mais l’élevage industriel le pourra-il lui-même ? Il semble impossible que l’agriculture productiviste actuelle, élevage compris puisse durer. Elle est trop gourmande en énergie.
7.1 Pour les végans, l’adoption d’un régime végan serait le seul durable et apte à vaincre la faim dans le monde, aujourd’hui comme demain : « Si nous utilisions les céréales produites pour nourrir les animaux d’élevages à des fins de consommation humaine, nous pourrions nourrir plus de 2 milliards d’êtres humains. De quoi éradiquer la faim dans le monde, et nourrir les 2 milliards d’humains qui devraient accroître la population humaine d’ici 2050. » Selon les végans, une alimentation à base de protéines carnées mobilise trop de surfaces de terre arable pour faire face à l’accroissement démographique de la population humaine terrestre ; un régime carné nécessitant sept fois plus de terres qu’un régime végan. Avec un hectare de soja il serait possible de nourrir 120 personnes alors que pour la même surface « un hectare de bétail » n’en nourrirait que quatre (cf. Végan Impact)
Même en admettant que la surface agricole nécessaire pour produire de la viande ou des produits laitiers soit plus grande que celle qui est nécessaire pour une production de céréales et légumineuses, il ne s’en suit pas que c’est un régime végan (sans lait, ni œufs) qui permettrait de nourrir plus de personnes.
Selon une étude parue dans la revue Elementa en Juillet 2016 (Christian et al. 2016), c’est un régime végétarien avec lait qui permettrait de nourrir le plus de personnes (807 millions) sur le territoire des USA. Viennent ensuite par ordre décroissant un régime végétarien avec lait et œufs (787 millions), un régime omnivore à 20% (769 millions), à 40% (752 millions) et seulement en cinquième position un régime végan (735 millions).
Ce paradoxe s’explique lorsque l’on considère qu’il faut prendre en compte non seulement les performances à l’hectare mais aussi la nature des surfaces agricoles disponibles. Or, toutes les parcelles consacrées au pâturage ne sont pas utilisables pour des cultures de soja ou de blé. Il en va de même pour les parcelles consacrées à la culture des plantes fourragères qui ne peuvent être toutes utilisées pour produire soja et blé, base de l’alimentation à la mode végane. Il en résulte qu’une population entièrement végane n’utilisera qu’une partie de la SAU (surface agricole utile), ce qui n’est pas le cas de celles qui seraient végétariennes ou qui sont omnivores au moins en partie.
En France on aboutirait sans doute à un résultat équivalent, les surfaces en herbe représentant 42% de la surface agricole (Mauchamp et al. 2012, p. 12). Au niveau mondial, les résultats seraient sans doute encore plus défavorables pour le régime végan, les pâturages et terres fourragères représentant 80% de la superficie agricole totale selon la FAO (citée par Mauchamp et al. 2012, p.11).
7.2 De toute façon tous ces calculs restent hypothétiques.
Ils présupposent implicitement qu’il faut jouer sur la variable « régime alimentaire » alors que c’est sur la variable démographie qu’il faut faire porter avant tout l’effort même si la variable alimentaire de l’importance. Certes, il faudrait que les occidentaux mangent moins de viande et de meilleure qualité mais il est évident que sans une politique dénataliste au niveau mondial, la croissance démographique finira par avoir raison de l’espèce humaine.
Dès lors la question de l’élevage et de la nourriture des populations humaines ne se posera plus. En d’autres termes, s’il est évident que les occidentaux et ceux qui veulent imiter leurs travers mangent trop de viande, la survie de l’espèce et le maintien d’une planète habitable aux ressources suffisantes passent d’abord par la mise en œuvre urgente d’une politique antinataliste, sinon toutes les autres mesures, certes nécessaires, seront vaines.
En fin de compte, les végans en nous faisant croire que l’adoption d’un régime sans produit d’origine animale permettrait de nourrir une population humaine sans cesse plus nombreuse nous détourent des vrais problèmes en ce qui concerne, non pas la survie de la planète, mais celle de notre propre espèce sur cette planète et donc nous vouent à l’inefficacité.
8. Conclusion
La viande synthétique fabriquée par de la culture cellulaire in vitro paraîtrait aux végans comme un substitut tout à fait acceptable si ce n’était son prix actuellement rédhibitoire ! Le véganisme, c’est l’univers des ersatz. Ersatz du cuir, de la laine, de la viande, du lait… Le végan est l’homme (au sens générique) moderne typique « séparé de la terre » décrit par Aldo Leopold dans L’almanach d’un comté de sable : « Si l’on pouvait remplacer les fermes par de la culture hydroponique, il trouverait cela très bien. Les substituts du bois, du cuir, de la laine et autres produits naturels de la terre lui conviennent mieux que la chose même. » Il n’est pas douteux que Leopold mettrait les « steak de soja » au goût de beefsteak dans le lot des substituts de l’homme « moderne typique » qui n’a plus de « relations vitales » à la terre qui n’est pour lui qu’un « espace entre les villes ou poussent les récoltes » : « Lâchez le une journée dans la nature ; si l’endroit n’est pas un terrain de golf ou un «site pittoresque», il s’ennuiera mortellement » (p. 282). La nature comme terrain de jeu si possible sécurisé et aménagée, voici un autre substitut qui convient bien aux citadins parmi lesquels se recrutent principalement les végans.
Rappelons la maxime de l’éthique de la terre formulée dans la conclusion de l’Almanach d’un comté de sable : « Examinez chaque question en termes de ce qui est éthiquement et esthétiquement juste autant qu’en terme de ce qui est économiquement avantageux. Une chose est juste lorsqu’elle tend à préserver l’intégrité, la stabilité, la beauté de la communauté biotique. Elle est injuste lorsqu’elle tend à l’inverse. »
De l’examen du mode de vie végan effectué dans cet article et notamment des conséquences de son refus d’utiliser tout produit d’origine animale, il ressort qu’il ne saurait satisfaire aux critères de la chose juste tels qu’énoncés dans ce texte d’Aldo Leopold qui est au fondement de l’éthique écocentrée, la seule congruente avec un écologisme qui refuse d’être anthropocentré.
……………………….
Annexes
A. Exemples d’anthropomorphismes délirants dans la propagande végane
Aujourd’hui, en éthologie la stricte « objectivité » n’est plus de mise mais cela n’autorise, ni ne légitimise les délires anthropomorphiques que l’on peut trouver dans la littérature végane.
1 – Les végans ont vu des vaches qui pleuraient !
On raconte beaucoup de choses sur la cruauté de la production de lait. J’aimerai bien savoir dans quels troupeaux, on peut observer « les laitières pleurant pendant des jours en cherchant désespérément leurs petits » comme il est écrit par une végane anonyme sur un site que par charité je ne nommerai pas. Il y avait « La Vache qui rit » voici maintenant « les vaches qui pleurent » ! Dans le pire des cas, celui de sevrages brutaux qui tendent à disparaître, il s’agit de deux jours, au maximum au cours desquels la vache est un peu perturbée. Plus d’ailleurs ferait baisser ses performances, ce qui ne serait pas rentable ! Dans les cas où sont utilisées les techniques de sevrage « en douceur », il y a très peu de beuglements de la part des mères comme de celle des veaux, voire aucun.
Dans les élevages hors-sol en atelier, la séparation de la vache avec le veau est immédiate et systématique « pour accélérer la rotation des vêlages sans handicaper la production mais, au contraire, pour l’amplifier et la consacrer entièrement à la vente » (Baratay, 2012, p. 159) De plus comme le remarque cet auteur (ibid .) « avec la sélection progressive de leurs aptitudes et de leurs tempéraments, les grandes laitières, comme la Prim’Hosltein, se montrent désormais moins attachées à leurs veaux et moins aptes à en prendre soin que les vaches allaitantes, se montrant même perturbées à devoir s’en occuper ».
Dans le cas du bio, en ce qui concerne les vaches limousines au moins, le sevrage en douceur est de rigueur. Et si le veau est engraissé au pré en compagnie de sa mère, la période de sevrage est voisine de la période « naturelle ».
Enfin, je signale que les vaches salers qui fournissent le lait pour le fromage éponyme « salers authentique » n’acceptent la traite que si leur veau commence la tétée, la termine et reste près d’elles pendant toute la traite. Elles donnent assez de lait pour nourrir le veau et faire le fromage. Dans tous les cas de sevrages tardifs, il n’y a pas de stress, ni de la mère, ni du veau.
En fait ces « vaches qui pleurent », l’auteure de la citation ci-dessus les a trouvées dans le texte d’un tract sur le site Vegan.fr qui l’a repris à une association végane US. Il faut citer le passage en entier car selon l’expression populaire, il vaut son « pesant de cacahuètes » de délire anthropomorphique, délire qui va crescendo comme chacun-ne pourra en juger : « Toutes réclament leur bébé en une langue universelle qui n’a pas besoin d’être traduite pour être comprise. Elles mugissent, pleurent et se désolent. Beaucoup d’entre elles, refusant d’abandonner la partie, continueront à appeler leur bébé nuit et jour, et retourneront encore et encore vers la place désormais vide. Certaines arrêteront de boire et de s’alimenter, cherchant fiévreusement le petit disparu, ou glisseront dans un muet désespoir. Toutes se souviendront jusqu’à leur dernier soupir du visage, de l’odeur, de la voix, de la silhouette de chacun des bébés qu’elles ont porté pendant neuf mois, senti bouger en elles, mis au monde, léché, aimé, et qu’elles n’auront jamais pu connaître, nourrir, protéger, ou regarder grandir. »
Le vocabulaire employé pour narrer ce délire n’est pas choisi au hasard. Il s’agit de donner à voir la vache comme une mère éplorée à laquelle on a volé son enfant. On remarquera le mot « veau » n’apparait pas, remplacé par « bébé », dont les pauvres mères n’oublieront pas la voix !
Il ne faut pas faire d’anthropomorphisme même si la période de gestation d’une femme est la même que celle d’une vache. Ce qui est condamnable, c’est la violence des élevages industriels et dans les élevages plus traditionnels, le surpâturage et l’exploitation sans limite tant du cheptel que de l’ouvrier agricole au nom de la rentabilité et d’une rationalité économique tout à fait déraisonnable qui s’efforce de bannir tout sentiment. Ne surtout pas faire du sentiment, c’est ce que recommandent fermement les ingénieurs agronomes aux éleveurs qui dans les petites structures pourraient se laisser aller à en faire vis-à-vis de leurs vaches qui ont des noms ; chose regrettable pour la bonne gestion du troupeau aux yeux de ces « experts », elle est capitale au contraire lorsqu’il s’agit d’un troupeau de salers à l’estive alors que le fromage est fait dans les burons, une pratique hélas en voie de disparition : merci l’Europe !
2 – L’insémination artificielle assimilée à un viol par l’association animaliste PETA
Dans un spot d’une minute réalisé par PETA (Pour une Éthique dans le Traitement des Animaux) cinq femmes, filmées en noir et blanc, prennent la parole pour évoquer un viol : « Un homme me retenait pendant qu’un autre me touchait. J’étais tellement effrayée. Je ne comprenais pas ce que j’avais fait de mal. Après ça, j’avais le sentiment de n’être plus rien. Je suis tombée enceinte. Ils ont usé de mon corps pour gagner de l’argent (…) Je ressens tout et je me sens bonne à rien. Je suis comme vous mais différente », déclarent les actrices avant de présenter à la caméra la photographie d’une… vache.
Ce spot a provoqué un lever de bouclier parce que beaucoup de gens trouvaient qu’assimiler une vache inséminée à une femme violée était scandaleux pour les femmes et notamment les femmes violées en les animalisant. « Aucune victime d’agression sexuelle ne devrait avoir à subir cette comparaison entre leur traumatisme et celui d’un animal, nous avons déjà été déshumanisés », écrit une internaute citée par le journal 20 minutes.
La réaction est étrange. Ce n’est pas une femme qui est assimilée à une vache, mais l’inverse : c'est une vache qui est assimilée à une femme. Dans une projection anthropomorphique délirante, PETA projette sur une vache inséminée les sensations, émotions, sentiments et souffrances d’une femme violée.
L’association s’est défendue en expliquant que « reconnaître que les animaux sont victimes de sévices sexuels pour produire de la viande et des produits laitiers ne signifie pas nier la gravité des abus sexuels à l’encontre des humains ».
En assimilant l’insémination artificielle d’une vache à un viol de ladite vache, PETA assimile un acte vétérinaire, l’insémination artificielle avec un acte de zoophilie ; assimilation pour le moins étonnante.
C’est avec d’autres pratiques humaines qu’une comparaison aurait été plus appropriée. De telles comparaisons auraient sans doute été perçues comme encore plus scandaleuses mais PETA n’aurait pas pu tirer profit du scandale puisqu’il n’y aurait pas eu de sévices à dénoncer dans cet acte vétérinaire.
En prétendant qu’il faut « reconnaître que les animaux sont victimes de sévices sexuels pour produire de la viande et des produits laitiers », l’association accuse les éleveurs et les vétérinaires de zoophilie, ni plus, ni moins. Il s’agit de pratiques condamnées par la loi française depuis 2004 (article 50 de la loi du 9 mars 2004) et on peut se demander pourquoi les professionnels mis en cause n’ont pas réagi face à une accusation semblable.
L’insémination artificielle n’est pas une forme de « sévices sexuels » et les vaches ne souffrent pas d’être inséminées. Si souffrance il y a, c’est de l’absence de taureau dans le troupeau qu'elle résulterait : la fréquentation de taureaux serait importante dans les troupeaux complets au pâturage selon Baratay, 2012 et pas uniquement pour « les aspects sexuels mais aussi pour des questions d’affinités et de collaboration » L’auteur constate aussi que « on ne s’est guère interrogé sur la frustration engendrée, qui est certainement forte même si l’accouplement pouvait être brutal et causer des infections » (p. 158). Ce qui serait cause de souffrance chez les vaches inséminées artificiellement, c’est qu’on les laisse sans un mâle dans le troupeau et qu’elles ne puissent s’accoupler, même si l’accouplement est du genre brutal. Nous voilà bien loin de la projection délirante de PETA.
B. Piqué sur Internet : Les végétaliens sont des passagers clandestins sur Terre.
« Manger végétalien, refuser l'élevage et donc le fumier, c'est être un passager clandestin. Le fumier des élevages nourrit mes légumes et moi ne je fais pas de mal aux bêtes »
Mais pas de panique, il y aura toujours des engrais chimiques.
C. Des faux steaks saignants, des carottes et betteraves fumées en guise de saucisson !
« Impossible Foods », voilà une entreprise qui mérite bien son nom : la Dépêche fr. du mardi 26 novembre rapporte qu’elle a « créé un burger végétarien à partir de blé, d'huile de noix de coco et de protéine de pomme de terre, en y associant une substance dénommée léghémoglobine (une molécule très proche de l'hémoglobine, mais présente exclusivement dans le domaine végétal), qui lui permet d'approcher l'aspect et le goût d'un steak saignant. »
Toujours selon cet article de La Dépêche, un concurrent, le tout aussi bien nommé « Beyond Meat » n’est pas en reste il fabrique « un hamburger végétal qui ressemble à la viande rouge, tant sur le plan visuel qu'au niveau du goût et de son comportement à la cuisson » Ce truc-là qui grésille dans la poêle est en vente pour les gogos dans les supermarchés bio US. Selon un site végan, le faux poulet de cette marque serait meilleur que le vrai. C’est possible si l’on compare avec du poulet aux hormones, aux os en caoutchouc élevé en batterie et gavé de soja transgénique.
Le journal mentionne également un restaurant de Greenwich Village à NY qui propose à son menu une assiette de charcuterie végétale où saucissons, jambons et terrines sont remplacés par de la carotte ou de la betterave fumée, du pâté de champignon, du chorizo de betterave.
Enfin pour clore cette revue du simili ou du faux, l’article signale l’ouverture aux USA de «boucheries» végétales qui vendent des imitations de salami, saucisses, boulettes de viande, « de rosbif ou encore de travers de porc ».
C’est fou, finalement, ce que les végans aiment la viande. (ajouté le 30/11/2016)
Références
Association « Le Fin gras du Mézenc » http://www.aoc-fin-gras-du-mezenc.com/le-fin-gras/lassociation/
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• L’illustration au début de l’article est extrait de dessins sur le site de l’éditeur « l’insomniaque ». http://www.insomniaqueediteur.org/category/plein-les-mirettes/galerie
• Illustrant les annexes, la photo (JFD) de ce troupeau pâturant dans une prairie semi-humide impropre à tout autre usage a été prise à proximité de l’étang de Pulvérières (63). La présence d’un taureau est une chose assez courante ici, à la limite de la chaîne des Dômes et des Combrailles.
Nature - environnement
Dans le cadre de la discussion du projet de loi « relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique » le gouvernement a fait adopter le 2 Juin 2016 un amendement visant d’une part à élargir aux abattoirs et aux entreprises de transport le délit de maltraitance envers les animaux et permettant d’autre part de protéger les employés de ces structures qui dénonceraient de tels agissements s’ils advenaient dans leur entreprise.
« L’exposé sommaire » qui accompagne un amendement est un texte relativement bref qui a pour fonction de l’expliciter, d’en fournir les motifs et le but. Dans le cas présent, il est très clair. Je le cite en entier.
« La diffusion successive d’images inacceptables dans les abattoirs d’Ales, du Vigan et de Mauléon ont interpellé l’ensemble des acteurs du secteur et les pouvoirs publics, ainsi que les citoyens, et ont renforcé la volonté d’une mobilisation collective.
À ce titre, le présent amendement vise donc à renforcer et harmoniser le cadre des sanctions pénales en qualifiant de délit les mauvais traitements exercés sur les animaux en abattoir et dans les entreprises de transport, comme c’est déjà le cas pour les élevages ou les refuges pour animaux.
De fait, la protection de tous les salariés signalant manquement grave à la loi, apportée dans le présent projet de loi et reprise des dispositions de la loi sur la lutte contre la fraude financière de décembre 2013, pourra alors s’appliquer aux cas des mauvais traitements observés à l’abattoir. Il est indispensable que les personnes qui travaillent dans un abattoir puissent disposer d’une protection particulière lorsqu’ils seraient amenés à constater des infractions à la protection animale dans le cadre de leur travail quotidien. »Dans cet « exposé sommaire », le gouvernement reconnait donc que c’est la diffusion par l’association L 214 de vidéos montrant les mauvais traitements infligés aux animaux dans ces abattoirs qui est à l’origine de son amendement. Tous ceux qui se soucient du bienêtre animal peuvent donc féliciter et le gouvernement et l’association L 214 ; l’association L 214 puisque sans ses révélations, rien n’aurait été entrepris, le Gouvernement qui a su donner un débouché légal à l’indignation suscité par ces révélations.
Si un jour, il advenait que les humains renoncent à une alimentation carnée, ce serait contraints et forcés, nécessité faisant loi sur une planète entièrement anthropisée et densément peuplée comme l’est l’ile de Tikopia, une des îles Salomon isolée au milieu de l’Océan Pacifique, un confetti de 5 km2 avec une densité de 240 habitants/km2, peuplée des seuls humains et de leurs cultures vivrières, où même l’élevage a dû être abandonné à cause du manque de place pour produire la nourriture des bestiaux.
Nous n’en sommes pas là et il faut espérer que nous n’y arriverons jamais bien qu’une planète jardin soit une utopie caressée par une certaine forme d’écologie, ce n’est pas celle de l’auteur de ces lignes. L’homme étant un mammifère omnivore, il y a peu de chance que les populations humaines deviennent en masse végétariennes et il y en a encore moins qu’elles deviennent véganes. Il ne faut donc pas se tromper de combat.
Que l’occidental mange moins de viande qu’il n’en mange et qu’il se souvienne qu’il est omnivore, qu’il peut donc aussi manger des céréales et des légumes, sa santé n’en sera que meilleure et cela sera bon aussi pour la planète. Mais vouloir que les hommes ne mangent plus du tout de viande, ce n’est pas conforme à leur nature et c’est une utopie dont les conséquences, multiples et diverses selon les pratiques agricoles, sont difficiles à déterminer. Elles ne seraient sans doute pas toutes positives. Paradoxalement cela pourrait conduire à la disparition des espèces et races d’animaux dont on refuse l’exploitation et/ou l’abattage. C’est ce que peut laisser supposer le cas de races de chevaux de trait ou de vaches jugées improductives ou moins productives que d’autres. Ces races ne subsistent que par la grâce quelques passionnés. Des sociologues considèrent qu’une idéologie végane triomphante pourrait conduire à la fabrication et à la mise sur le marché de viandes obtenues par cultures in vitro.
Après tout, ce n’est pas par pure compassion vis-à-vis des animaux de boucherie mais pour satisfaire l’opinion, choquée à juste titre par les vidéos de L 214 que le Gouvernement a introduit ces sanctions et contrôles par voie législative. C’est pour garantir, sinon la bonne santé, du moins la survie de la filière de l’élevage qui souffre déjà de mille maux. Pour cela, il est vital de rassurer l’opinion publique. Les bêtes seront sacrifiées mais « proprement ».
Cela est bien entendu inadmissible pour les végétariens « éthiques », a fortiori pour les végans. Leur objectif n’est pas d’obtenir que les animaux de boucherie soient abattus dans les meilleures conditions en leur évitant stress et souffrances mais qu’ils ne soient plus abattus du tout et que les abattoirs soient fermés. Cet objectif n’est pas entièrement compatible avec celui d’obtenir une amélioration de la condition des animaux de boucherie pour la raison simple que dans si l’abattage sans stress et sans souffrance d’animaux de boucherie était effectif et reconnu comme tel, végétariens éthiques et végans perdraient un argument de poids pour rallier les gens à leur cause.
C’est pourtant cet objectif qui doit être visé en priorité. Il est ou peut être consensuel au sein de la société et il y a encore beaucoup à faire pour que les animaux de boucherie soient abattus sans stress mais c’est possible comme le prouvent les résultats obtenus par Temple Grandin (Cf. son ouvrage qui a eu plusieurs rééditions Livestock Handling and Transport, 4th Revised ed. (June 27, 2014), CABI éditeur). Il existe aussi des initiatives à encourager comme celle d’un camion abattoir allant de ferme en ferme évitant aux animaux le stress et l’inconfort du transport et du séjour dans ces grandes unités qui abattent à la chaîne. D’autres éleveurs sont partisans de l’abattage dans le pré, d’un coup de fusil : « Vous savez, quand une vache est abattue dans le pré, elle ne s’y attend pas et les autres ne sourcillent pas. Cela change tout » (20 Minute «Nous voulons obtenir le droit d'abattre nos animaux dans nos fermes», 27/2/2016). Il faut qu’un mouvement d’opinion fasse évoluer la législation à l’échelle européenne. Jusqu’à présent, la loi interdit que les bêtes soient abattues à la ferme.
Il va sans dire que cette recherche du bien-être du bétail suppose que l’on abandonne tout égorgement sans étourdissement préalable. Certaines autorités religieuses musulmanes considèrent que cet étourdissement, dès lors qu’il est en droit réversible permet un abattage hallal. Par contre, les autorités religieuses juives se sont montrées jusqu’à présent plus intransigeantes en ce qui concerne l’abattage casher. Il faudra leur faire comprendre qu’un peu plus de souplesse est nécessaire de leur part, d’autant que les fidèles de cette religion ont l’interdiction de manger la partie arrière de l’animal abattu qui est commercialisée sans qu’il puisse être fait mention de la façon dont il a été abattu, malgré la demande réitérée d’associations de consommateurs, d’éleveurs et de vétérinaires.
Récemment, lors de son audition devant la commission d’enquête parlementaire sur les « Conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français » le ministre de l’agriculture a encore déclaré qu’il était contre un tel étiquetage au motif que les barquettes de viande qui porteraient l’étiquette « abattu de manière casher » seraient invendables alors qu’il s’agit de morceaux que les non-juifs considèrent comme nobles : « Si on fait ça, on aura sur la barquette "abattu de manière casher". Bon, ça veut dire que la moitié de l’animal, quand il sera abattu ne sera pas commercialisable et sur les parties, pour ce qui nous concerne nous, les plus nobles [...] Moi sur ce sujet, je ne suis pas favorable à l'étiquetage. »
Lors de la dernière élection présidentielle seul Jean-Marc Governatori de l’Alliance Ecologiste Indépendante (AEI) avait proposé l’Interdiction de l'abattage sans étourdissement préalable, et l’interdiction de l'importation de viande issue d'animaux abattus sans étourdissement, et cela dès Janvier 2012, avant donc que cette question instrumentalisée par l’extrême-droite fasse irruption dans les médias. Mais en 2012 comme en 2007, Jean-Marc Governatori n’a pas eu les 500 signatures pour se présenter. Quant à la candidate EELV, empêtrée dans les contradictions de son parti, elle avait choisi le déni de réalité, soutenant qu'ainsi sacrifiées, les bêtes ne souffraient pas !
Il est à noter que lors d’autres auditions de cette commission d'enquête parlementaire sur les «Conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français», des associations mais aussi des professionnels des abattoirs ont souligné que la recherche du bien-être animal était en contradiction avec l’absence d'étourdissement pour l'abattage rituel. Peut-être serait-il possible de s’appuyer sur les nouvelles dispositions législatives introduites par cet amendement pour rendre cet étourdissement obligatoire dans les abattoirs français avec interdiction d’importation de viande d’animaux abattus sans cet étourdissement préalable. Cela monterait que ces dispositions ne sont pas là seulement pour calmer l’opinion mais qu’elles sont utiles.
Le bien-être du bétail est un combat et un souci qui est actuellement porté sur la place publique surtout par les végétariens éthiques et les végans. Mais finalement, eux aussi instrumentalisent le combat contre cette maltraitance en s’en servant pour tenter de culpabiliser les gens ou de provoquer des sentiments de pitiés pour qu’ils renoncent à une alimentation carnée. Lorsqu’ils exhibent des portraits de petits veaux tout mignons, il serait bon de leur rappeler que si tout le monde suivaient le même régime qu’eux, ces veaux n’existeraient plus qu’en photo.
Ce sont les omnivores qui devraient être à la pointe du combat pour le bien-être du bétail. En effet, assumer son statut d’omnivore opportuniste ne veut pas dire être insensible à la souffrance des animaux que nous mangeons. Il faut les tuer proprement, rapidement et par surprise. Il faut aussi que leur vie, bien que brève, ait été la meilleure possible et donc pas de gavage, pas d'élevage hors sol. C’est une exigence éthique et sa satisfaction concerne au premier chef tous les omnivores humains.
Ces dispositions légales ne sont qu'un début. Il y a encore beaucoup à faire et il faudra sans doute du temps pour que les choses changent vraiment.
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