Les associations animalistes, les ONG environnementalistes adorent les sondages. Pas n’importe lesquels certes, ceux dont elles sont les commanditaires et dont les résultats vont, comme par hasard, dans le sens de leurs attentes. Elles ne cherchent pas à savoir ce que les gens pensent réellement sur leurs sujets de prédilection. Leur but est d’utiliser l'évidence avec laquelle les sondages s’imposent aujourd’hui dans le champ politique et journalistique pour faire pression sur le gouvernement, les maires, etc., tous les politiciens, élus ou aspirant à l’être et grâce aux médias de masse qui les commentent et les popularisent tenter de gagner les gens à leur cause. Appelons un chat, un chat : ces associations ne font rien d’autre que ce qu’elles reprochent sans cesse à leurs adversaires : du lobbying et de la propagande !
Le sociologue Hugo Touzet a effectué dans le cadre de sa thèse un travail que je qualifierai d’ethnosociologie sur les sondeurs d’opinion très éclairant. Dans le chapitre 4 de l’ouvrage qui en est issu Produire l’opinion, (Touzet 2025) l’auteur souligne que les instituts de sondage sont des entreprises commerciales qui s’apparentent à des prestataires de services mais que cela n’est pas un obstacle à la réalisation d’enquêtes fournissant des résultats de valeur parce que les compétences des sondeurs sont « mobilisées de manières différentes selon la demande commerciale à laquelle ils et elles sont confrontées ». Selon la demande du commanditaire ces compétences « peuvent être utilisées de manière proche de ce que l’on observe dans le champ des sciences sociales, pour rechercher des données qui apportent à la connaissance d’un fait de société ou qui éclairent une actualité ». Cependant elles peuvent aussi être utilisées « pour obtenir un résultat spécifiquement recherché » par le client. « Cette seconde modalité d’usage des savoir-faire est la plus vivement critiquée quand il est question de sondages ayant trait à des enjeux politiques ou sociaux. (…). Il peut s’agir d’enquêtes pour communiquer, démontrer que son point de vue est majoritaire, insister sur le fait «qu’on a l’opinion avec soi» ». Ce sont des sondages de cette sorte que demandent et qu’ achètent les associations environnementalistes, sondages qui leur donnent les « informations qu’ils attendent « (Garrigou 2006, p.52).
Le but de cet article est de monter que c’est le cas du sondage récent commandé par le RAC (Réseau Action Climat) intitulé La perception par les Français des enjeux et des mesures écologiques. [© Ipsos bva pour le Réseau Action. Climat] consultable ici : https://reseauactionclimat.org/wp-content/uploads/2025/10/ipsos-bva-pour-les-reseau-action-climat-enquetes-sur-les-mesures-ecologiques-octobre-2025.pdf
A tout seigneur tout honneur, la question du réchauffement climatique est celle qui est abordée en premier dans ce sondage. Elle est le plus longuement étudiée conformément à l’air du temps où la question climatique a phagocyté toutes les autres tendant à faire de « la lutte pour le climat » l’alpha et l’oméga de l’écologie. S’y ajoute tout de même deux thèmes bien plus brièvement traités l’un porte sur l’agriculture avec deux sujets, les pesticides et la taille des élevages industriels et l’autre concerne l’aménagement du territoire avec des questions sur l’objectif « Zéro artificialisation nette ». Sans aucun doute, ces trois sujets ont été sélectionnés parce qu’ils font l’objet de loi ou de projets de loi qui constituent aux yeux des ONG environnementalistes des régressions dans la protection de l’environnement et ont soulevé de nombreuses protestations, donné lieu à de pétitions. Il s’agit de la « loi Duplomb » (loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur) votée par l’Assemblée nationale et des tentatives des sénateurs et députés pour vider la loi ZAN de son contenu (projet de loi TRACE votée par les sénateurs, dispositions inclues dans le projet de loi de simplification de la vie économique par les députés…). En revanche on notera que la suppression de ZFE n’a pas été retenue. Elle a été fortement condamnée par le RAC alors que le gouvernement n’a fait qu’accéder à une revendication populaire par crainte de la montée en puissance d’un mouvement comparable à celui des Gilets Jaunes. Eviter les sujets impopulaires comme la taxe carbone sur les carburants ou l’instauration de ces ZFE est un bon moyen de faire surgir un consensus autour de l’environnement.
Je vais donc centrer mon analyse sur la partie traitant du climat. Comblé par les résultats du sondage, le Réseau Action Climat (RAC) avertit en les citant : « « Le nouveau gouvernement ne pourra pas faire abstraction de ces enjeux [enjeux environnementaux et climatiques] alors même que : 93 % des Français constatent l’augmentation des événements climatiques extrêmes. 91 % d’entre eux l’attribuent au changement climatique. 89 % en sont inquiets (dont 32 % très inquiets).» Voyons ce qu’il en est de plus près.
Le but de cet article est de monter que c’est le cas du sondage récent commandé par le RAC (Réseau Action Climat) intitulé La perception par les Français des enjeux et des mesures écologiques. [© Ipsos bva pour le Réseau Action. Climat] consultable ici : https://reseauactionclimat.org/wp-content/uploads/2025/10/ipsos-bva-pour-les-reseau-action-climat-enquetes-sur-les-mesures-ecologiques-octobre-2025.pdf
A tout seigneur tout honneur, la question du réchauffement climatique est celle qui est abordée en premier dans ce sondage. Elle est le plus longuement étudiée conformément à l’air du temps où la question climatique a phagocyté toutes les autres tendant à faire de « la lutte pour le climat » l’alpha et l’oméga de l’écologie. S’y ajoute tout de même deux thèmes bien plus brièvement traités l’un porte sur l’agriculture avec deux sujets, les pesticides et la taille des élevages industriels et l’autre concerne l’aménagement du territoire avec des questions sur l’objectif « Zéro artificialisation nette ». Sans aucun doute, ces trois sujets ont été sélectionnés parce qu’ils font l’objet de loi ou de projets de loi qui constituent aux yeux des ONG environnementalistes des régressions dans la protection de l’environnement et ont soulevé de nombreuses protestations, donné lieu à de pétitions. Il s’agit de la « loi Duplomb » (loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur) votée par l’Assemblée nationale et des tentatives des sénateurs et députés pour vider la loi ZAN de son contenu (projet de loi TRACE votée par les sénateurs, dispositions inclues dans le projet de loi de simplification de la vie économique par les députés…). En revanche on notera que la suppression de ZFE n’a pas été retenue. Elle a été fortement condamnée par le RAC alors que le gouvernement n’a fait qu’accéder à une revendication populaire par crainte de la montée en puissance d’un mouvement comparable à celui des Gilets Jaunes. Eviter les sujets impopulaires comme la taxe carbone sur les carburants ou l’instauration de ces ZFE est un bon moyen de faire surgir un consensus autour de l’environnement.
Je vais donc centrer mon analyse sur la partie traitant du climat. Comblé par les résultats du sondage, le Réseau Action Climat (RAC) avertit en les citant : « « Le nouveau gouvernement ne pourra pas faire abstraction de ces enjeux [enjeux environnementaux et climatiques] alors même que : 93 % des Français constatent l’augmentation des événements climatiques extrêmes. 91 % d’entre eux l’attribuent au changement climatique. 89 % en sont inquiets (dont 32 % très inquiets).» Voyons ce qu’il en est de plus près.
Il était demandé aux répondants de dire « d’après ce qu’ils savaient » si les évènements climatiques extrêmes ont tendance à augmenter et à s’intensifier « depuis quelques années » C’était la première question du sondage avec comme réponse possible, au choix « oui beaucoup » « oui un peu » « non, ils n’augmentent pas » et « je ne sais pas » . Donc contrairement à ce qu’affirme le RAC, les répondants ne constatent pas, ils expriment leur opinion fondée sur ce qu’ils savent ou du moins croient savoir. Ils expriment ce qu’on leur demande, à savoir une opinion. Exprimer une opinion, ce n’est pas faire un constat.
Dans le détail, sur les 93% qui jugent que les évènements climatiques extrêmes augmentent, 57% considèrent qu’ils « augmentent beaucoup » tandis que 36% estiment qu’ils « augment un peu ». Additionner les ‘beaucoup’ et les ‘un peu’ est peut-être une pratique sondagière courante mais qui ne se justifie guère et exagère le « consensus »,sur cette question. En effet, ‘un peu’, c’est ‘pas beaucoup’, c’est-à-dire le contraire de ‘beaucoup’ et additionner les réponses « oui beaucoup » avec les « oui, un peu », c’est additionner des contraires selon une logique sondagière défiant la logique. Par ailleurs, « Oui un peu » c’est la réponse de ceux qui n’ont pas une opinion bien tranchée sur la question. Elle exprime le désir du répondant de ne pas se démarquer du penser conforme sur ce sujet et elle est l’indice d’une « coopération nonchalante » (Garrigou 2006), avec le questionneur qu’il faut bien satisfaire puisque ce dernier l’a retenu dans son panel access. Il faut donc relativiser ces 93% soulignés par l’institut de sondage et claironnés triomphalement par le RAC. 57%, c’est déjà pas mal mais insuffisant pour une pression efficace, d’où cette insistance sur les 93% résultat d’une addition bizarre des contraires mise en avant par l’institut de sondage et son client.
L’expression « évènement climatique extrême » est une expression qui n’appartient pas au langage de tous les jours et n’est pas familière à tous. Conscients de cela les rédacteurs en explicitent le sens par des exemples. Dans la formulation de la question sont énumérés dans une parenthèse les incendies, les canicules, les inondations et les sécheresses. On remarquera trois absents de marque dans cette énumération : les tempêtes, les ouragans et les vagues de froid. Tempêtes et ouragans font des ravages. Ils sont en quelque sorte des prototypes de ces évènements climatiques extrêmes. Leur omission s’explique donc mal. Par contre, l’omission des vagues de froid s’explique très bien : avec les vagues de froid données comme exemple, la question suivante qui porte sur les liens entre la tendance à l’augmentation des évènements extrêmes et le réchauffement climatique paraîtrait saugrenue ou pire entraînerait des réponses négatives, ce qui ne ferait pas l’affaire du commanditaire. De plus l’inclusion de ces vagues de froid dans les évènements climatiques extrêmes mettrait en lumière un supposé implicite de la question, à savoir que tous ces évènements suivent une même tendance, ce qui n’a rien d’évident a priori.
Avec une question ainsi formulée, on induit chez le sondé une relation exclusive entre chaleur et évènements climatiques extrêmes et on lui impose le présupposé que tous ces évènements suivent une même tendance. Il ne semble donc pas étonnant de prime abord qu’à la question suivante posée aux seuls 93% qui ont estimé que ces évènements climatiques extrêmes ont tendance à augmenter, 91% jugent cette tendance liée au réchauffement climatique d’autant que dans cette question, il ne s’agit plus des événements climatiques extrêmes en général mais des quatre pris en exemple dans la question précédente. Dans le libellé de la question « ces évènements climatiques extrêmes (incendies, canicules, inondations, sécheresses) » remplace « les évènements climatiques extrêmes( incendies, canicules, inondations, sécheresses) ». C’est bien entendu ces 91% que mettent en avant à la fois l’institut de sondage et le RAC dans la présentation des résultats.
Cependant quand on regarde le détail tel qu’il est présenté dans le rendu du sondage, on s’aperçoit vite que le lien que les sondés font entre ces événements climatiques extrêmes et le réchauffement climatique n’est pas du tout aussi net que le laisse entendre la mise en avant ce chiffre de 91%.
A cette question du lien avec le réchauffement climatique, le répondant avait le choix entre cinq réponses : « oui, c’est certain », « oui, probablement », « non, certainement pas», « non, probablement pas », « je n’en sait vraiment rien » : ceux qui estiment que le lien est probable sont plus nombreux que ceux qui estiment qu’il est certain (48% contre 43% ). Et il y a 5% qui estiment que cette tendance n’a probablement pas de lien avec le réchauffement climatique. Faut-il rappeler que le probable s’oppose au certain et qu’en la circonstance si l’on estime que le lien n’est que probable, c’est que l’on est pas sûr de son existence, comme à l’inverse, si l’on pense que l’absence de lien n’est que probable, cela signifie qu’après tout, cela pourrait bien être le cas, donc que l’on en est pas sûr. Il y a donc 53% des répondants qui ne sont pas certains qu’il y a un lien avec le réchauffement climatique, contre 44% qui ne doutent pas (43% qui sont certains du lien et 1% seul qui est certain qu’il n’y en a pas) À ces 53% ’on peut ajouter les 3% qui affirment ne pas savoir puisque ceux qui ne savent pas n’ont par définition aucune certitude d’aucune sorte sur la question. Même si on les laisse de côté, il ressort que sur cette question c’est l’absence de certitude qui prévaut largement.
Résultat d’autant plus significatif que les deux questions orientaient les réponses en faveur d’un lien certain du réchauffement climatique avec la tendance à l’augmentation des évènements extrêmes. Interprété ainsi, ce résultat n’est plus du tout conforme aux attentes du RAC commanditaire du sondage. Les sondeurs l’on sans doute perçu. Dans la présentation des résultats il est détaillé que parmi ceux qui sont certains de l’existence d’un lien, il y a 58% de femmes de moins de 35 ans et 63% parmi les cadres supérieurs. Leur opinion aurait-elle plus de poids que celles des autres catégories de répondants ? Ou bien sont-elles mises en avant tout simplement parce qu’elles vont dans le sens des attentes du RAC, ce qui n’était pas le cas dans les autres catégories de répondants ?
Les répondants qui avaient estimé que les incendies, les canicules, les inondations et les sécheresses devenaient plus fréquents et plus intenses étaient invités à dire si cela les rendait « très inquiets » « plutôt inquiets » « plutôt pas inquiets », « pas inquiets du tout ». Vus les évènements extrêmes envisagés, s’ils sont en progression et plus virulents comment ne pas être très inquiets? La réponse semble aller de soi et la question ne devrait même pas se poser ! Surprise ! Contre toute attente, il n’y a que 37% qui sont « très inquiets ». En majorité ils sont « plutôt inquiets » (57%). Il y a même 10% d’entre eux qui sont «plutôt pas inquiets » et 1% qui ne sont «pas inquiets du tout» ! Et pour cette question, même les femmes de « moins de trente-cinq ans » très inquiètes et les cadres supérieurs très inquiets ne sont pas majoritaires dans leurs catégories respectives avec seulement 47% pour ces jeunes femmes et 43% pour les cadres. Puisque ces deux catégories sont citées encore une fois, on peut supposer que c’est là que les très inquiets ont obtenu leurs meilleurs scores. Cette opinion finalement bien tiède sur le danger surprend d’autant plus que la télévision n’est pas avare d’images lorsque ces calamités se produisent. Les inondations en Catalogne avec Valence dévastée, les sondés les ont oubliées ? Les incendies de cet été dans l’Aude avec un mort, deux blessés graves et quarante blessés légers, plus de onze mille hectares totalement brûlés, si cela devait devenir la norme, ce n’est pas inquiétant ? Il est vrai que cet incendie est d’origine humaine, peut-être criminelle, mais néanmoins, il y a bien eu quelques commentateurs pour voir la patte du réchauffement climatique dans le caractère hors norme de ce feu! Sans compter aussi que la réponse était, une fois de plus dans la question à condition bien entendu de l’avoir comprise, ou de ne pas répondre n’importe quoi. Ce qui semble bien être le cas. Mais si les sondés répondent sans réelle conviction à cette question, il n’y a pas de raison que ce ne soit pas le cas pour les autres.
Dans le rendu de l’enquête l’institut de sondage a fourni pour chaque question une analyse des réponses en fonction des appartenances partisanes. Il en résulte pour la plupart des questions cette appartenance n’est pas discriminante. Il en conclut à un accord transpartisan effectif plus ou moins prononcé mais toujours bien présent sur toutes les réponses. En d’autres termes, si des clivages existent, l’appartenance politique n’en est pas la cause. Dans la plupart des questions, on pouvait d’ailleurs deviner sans risque de se tromper cet accord transpartisan car c’est tout de même une drôle d’idée de tenter de rattacher des ressentis sur le temps qu’il fait à des préférences partisanes. Il aurait été intéressant de chercher ailleurs. Par exemple analyser les réponses en fonction des catégories sociales et des classes d’âge aurait été beaucoup plus instructif comme on peut le supposer lorsque à l’occasion les sondeurs les précisent. Mais ce n’est pas ce qui intéressait le RAC. La mise en évidence de cet accord transpartisan lui suffit pour l’usage qu’il compte faire de cette enquête : tenter d’influencer la classe politique toute tendance confondue. Des résultats présentés comme majoritaires quelques soient les appartenances partisanes lui permettent d’essayer d’influencer l’ensemble des groupes politiques en brandissant ces résultats. Les instituts de sondage savent satisfaire leurs clients en posant les bonnes questions et en fournissant une présentation et une analyse des résultats conformes à leurs attentes.
« Seule une minorité de Français juge qu’Emmanuel Macron a fait ce qu’il fallait (sic !) en matière d’écologie. La plupart estime qu’il n’est pas allé assez loin » écrivent les sondeurs en commentaire des réponses à la question formulée en ces termes « en matière d’écologie et de lutte contre le changement climatique, Emmanuel Macron et ses gouvernements sont-ils allés [au choix] trop loin/assez loin/ comme il faut ? » On savourera le pluriel de « ses gouvernements », gouvernements dont il n’y a plus trace dans le commentaire des sondeurs, ironie sans doute involontaire! Cela dit, le vague de cette question est impressionnant. Pour juger qu’ils ont fait ce qu’il fallait encore faudrait-il préciser ce qu’il fallait faire ! Il serait bien étonnant que tous ceux qui ont répondu que c’était le cas en aient la même conception, voire une idée précise. Et c’est la même chose pour les autres options « assez loin », expression métaphorique peu claire, pas assez loin dans la lutte contre le réchauffement climatique ? Mais il y a diverses façons d’aller trop ou pas assez loin. Par exemple, s’il s’agit d’appliquer la taxe carbone sur les carburants pour en freiner l’usage et booster le développement des véhicules électriques, les Gilets Jaunes ont bien montré qu’ils étaient allés trop loin, mais parmi eux certains doivent aussi penser que les montants des « chèques énergie » sont trop faibles ; pour compenser la précarité énergétique, les mêmes considèrent donc qu’ils ne sont pas allés « assez loin ». Pour certains agriculteurs, ils sont allés trop loin en interdisant certains pesticides alors que pour les adorateurs des coquelicots qui exigent une interdiction totale de tout pesticide de synthèse, ils ne sont pas allés assez loin. Mais les uns et les autres seront d’accord pour estimer qu’ils se montrent trop hésitants dans le rejet du Mercosur. Bref que « seule une minorité » juge que « Macron a fait ce qu’il fallait faire » ne reflète sans doute rien d’autre que l’hostilité à son égard, hostilité qui s’exprime dans la rue, les urnes et les hémicycles, et même dans les sondages.
Selon les réponses à une question de ce sondage un Français sur quatre est opposé au développement des « énergies renouvelables (éolien, solaire, etc.) sur le territoire français ». Comme il ne peut plus être question dans ce cas de « consensus », la présentation de l’institut met en avant les trois quarts des Français (en fait les trois quarts des sondés) qui sont pour ce développement. On peut supposer qu’opposition ou accord valent pour les ENRi (énergies renouvelables intermittentes) et que pour les autres ENR le jugement ne serait peut-être pas le même. Ces ENRi sont les seules mentionnées dans la question et on ne pense pas spontanément à l’hydraulique, au bois, aux biocarburants, aux marées … D’ailleurs on peut regretter que la question reste globale et donc que l’on ne puisse savoir de quelles ENR les sondés souhaitent ou ne souhaitent pas le développement sauf pour une forme de solaire grâce à la question suivante mais pas pour le solaire en général, la question ne portant que sur le développement de panneaux solaires « sur les lieux déjà construits, comme les toitures des bâtiments ou les parkings ». Pourquoi après une question générale, une question aussi précise ? Ces deux questions sur les ENRi étant les seules posées. Pourquoi s’en tenir au seul solaire sur bâtiments ou parking et ne pas poser la même question pour le solaire au sol sur les terres cultivées ou sur des parcelles forestières rasées de leurs arbres alors que se multiplient des projets de ce type avec des panneaux plus faciles à installer et qui sont bien plus rentables? Pourquoi une question sur l’un et pas sur l’autre ? La réponse est évidente : exceptés ceux qui s’opposent aux ENRi pour des raisons techniques concernant la stabilité du réseau électrique – opposition qui vaut pour toutes les ENRi – le premier n’est guère contesté alors que le second l’est et il l’est même au sein des associations membres du RAC, à juste titre d’ailleurs selon moi.
Quant à l’éolien, il est noyé dans la généralité des énergies renouvelables, pas de focus sur lui. Et pourtant, je ne crois pas que ni le RAC, ni les sondeurs ignorent les oppositions que l’implantation d’éoliennes soulève avec manifestations et recours en justice intentés par les innombrables associations locales que les habitants des communes impactées constituent lorsqu’il est question d’en installer sur leur territoire, associations qui se fédèrent ensuite pour avoir plus de poids. Cette ENRi est celle qui souffre de la plus mauvaise acceptation sociale. Des questions à son sujet risquaient donc fort d’avoir des réponses peu compatibles avec les attentes du RAC commanditaire. En résumé, c’est sur la base de deux questions, l’une très générale et l’autre sur un cas très particulier, questions qui évitent soigneusement les controverses que l’organisme sondeur conclut que les Français ont une forte appétence pour les ENR, une conclusion plutôt osée mais bien utile pour l’usage que le RAC veut en faire.
Ce choix des bonnes questions formulées de façon appropriée est donc essentiel pour obtenir un consensus ou du moins une forte majorité sur lesquels s’appuyer pour tenter de résister au “backlash” environnemental, un « retour de bâton » de plus en plus partagé dans la classe politique contre des normes et interdictions diverses et variées censées protéger l’environnement mais mal vécues et ressenties aussi insupportables qu’inutiles et contre une transition énergétique jugée cause de ségrégation sociale et de catastrophe économique. Mais quand cela ne suffit pas, il faut accompagner les résultats avec un commentaire satisfaisant les attentes du commanditaires et fourni clé en main aux journalistes paresseux et pressés qui ne pousseront pas la curiosité jusqu’à lire le rendu du sondage dans le détail alors que comme chacun les sait , le diable se cache dans les détails !
Si le RAC avait commandé ce sondage pour connaître l’état de l’opinion française sur le réchauffement climatique et les catastrophes dont ce réseau croit qu’il est porteur, il aurait dû être déçu. Les questions sont biaisées et les réponses obtenues peu fiables car il n’est pas certain que les sondés expriment dans ces réponses une réelle conviction. Les analyses des réponses en fonction des préférences partisanes sont peu significatives. Enfin rappelons que si la méthode de l’access panel one line vantée par les instituts de sondage et utilisée en la circonstance est peu coûteuse, si elle permet de résoudre le problème des refus de réponse et de fournir des sondages rapidement et accessibles, elle ne serait aux dires de certains experts, ni fiable, ni précise lorsqu’il s’agit d’extrapoler les réponses obtenues à la population entière, extrapolation que font ces instituts lorsqu’ils présentent les résultats d’un sondage réalisé selon cette méthodologie.
Il est donc est évident que le but du RAC n’était pas cela. Les résultats de ce sondage ont été rendus publics opportunément le jour même où Sébastien Lecornu, le nouveau premier ministre prononçait sa déclaration de politique générale à l’Assemblée nationale, alors que la dette de la France est abyssale et qu’une menace pèse sur les crédits pour la transition énergétique bas carbone et donc l’atténuation du réchauffement climatique supposé dû aux émissions de CO2 d’origine anthropique. Et comme par hasard encore, France Nature Environnement, membre du RAC en rappelle l’existence au moment où les députés débattent du budget
Il y aurait encore beaucoup à dire sur cette enquête. Mais ces ajouts ne feraient qu’allonger sans nécessité cet article déjà trop long. Démonstration est faite que ce sondage est insuffisant pour savoir ce que pensent réellement les Français sur « les enjeux et les mesures écologiques » de leurs gouvernants. En revanche il est très bien conçu et les résultats sont bien présentés pour fournir à son commanditaire ce dont il avait besoin pour son action militante.
Dans le détail, sur les 93% qui jugent que les évènements climatiques extrêmes augmentent, 57% considèrent qu’ils « augmentent beaucoup » tandis que 36% estiment qu’ils « augment un peu ». Additionner les ‘beaucoup’ et les ‘un peu’ est peut-être une pratique sondagière courante mais qui ne se justifie guère et exagère le « consensus »,sur cette question. En effet, ‘un peu’, c’est ‘pas beaucoup’, c’est-à-dire le contraire de ‘beaucoup’ et additionner les réponses « oui beaucoup » avec les « oui, un peu », c’est additionner des contraires selon une logique sondagière défiant la logique. Par ailleurs, « Oui un peu » c’est la réponse de ceux qui n’ont pas une opinion bien tranchée sur la question. Elle exprime le désir du répondant de ne pas se démarquer du penser conforme sur ce sujet et elle est l’indice d’une « coopération nonchalante » (Garrigou 2006), avec le questionneur qu’il faut bien satisfaire puisque ce dernier l’a retenu dans son panel access. Il faut donc relativiser ces 93% soulignés par l’institut de sondage et claironnés triomphalement par le RAC. 57%, c’est déjà pas mal mais insuffisant pour une pression efficace, d’où cette insistance sur les 93% résultat d’une addition bizarre des contraires mise en avant par l’institut de sondage et son client.
L’expression « évènement climatique extrême » est une expression qui n’appartient pas au langage de tous les jours et n’est pas familière à tous. Conscients de cela les rédacteurs en explicitent le sens par des exemples. Dans la formulation de la question sont énumérés dans une parenthèse les incendies, les canicules, les inondations et les sécheresses. On remarquera trois absents de marque dans cette énumération : les tempêtes, les ouragans et les vagues de froid. Tempêtes et ouragans font des ravages. Ils sont en quelque sorte des prototypes de ces évènements climatiques extrêmes. Leur omission s’explique donc mal. Par contre, l’omission des vagues de froid s’explique très bien : avec les vagues de froid données comme exemple, la question suivante qui porte sur les liens entre la tendance à l’augmentation des évènements extrêmes et le réchauffement climatique paraîtrait saugrenue ou pire entraînerait des réponses négatives, ce qui ne ferait pas l’affaire du commanditaire. De plus l’inclusion de ces vagues de froid dans les évènements climatiques extrêmes mettrait en lumière un supposé implicite de la question, à savoir que tous ces évènements suivent une même tendance, ce qui n’a rien d’évident a priori.
Avec une question ainsi formulée, on induit chez le sondé une relation exclusive entre chaleur et évènements climatiques extrêmes et on lui impose le présupposé que tous ces évènements suivent une même tendance. Il ne semble donc pas étonnant de prime abord qu’à la question suivante posée aux seuls 93% qui ont estimé que ces évènements climatiques extrêmes ont tendance à augmenter, 91% jugent cette tendance liée au réchauffement climatique d’autant que dans cette question, il ne s’agit plus des événements climatiques extrêmes en général mais des quatre pris en exemple dans la question précédente. Dans le libellé de la question « ces évènements climatiques extrêmes (incendies, canicules, inondations, sécheresses) » remplace « les évènements climatiques extrêmes( incendies, canicules, inondations, sécheresses) ». C’est bien entendu ces 91% que mettent en avant à la fois l’institut de sondage et le RAC dans la présentation des résultats.
Cependant quand on regarde le détail tel qu’il est présenté dans le rendu du sondage, on s’aperçoit vite que le lien que les sondés font entre ces événements climatiques extrêmes et le réchauffement climatique n’est pas du tout aussi net que le laisse entendre la mise en avant ce chiffre de 91%.
A cette question du lien avec le réchauffement climatique, le répondant avait le choix entre cinq réponses : « oui, c’est certain », « oui, probablement », « non, certainement pas», « non, probablement pas », « je n’en sait vraiment rien » : ceux qui estiment que le lien est probable sont plus nombreux que ceux qui estiment qu’il est certain (48% contre 43% ). Et il y a 5% qui estiment que cette tendance n’a probablement pas de lien avec le réchauffement climatique. Faut-il rappeler que le probable s’oppose au certain et qu’en la circonstance si l’on estime que le lien n’est que probable, c’est que l’on est pas sûr de son existence, comme à l’inverse, si l’on pense que l’absence de lien n’est que probable, cela signifie qu’après tout, cela pourrait bien être le cas, donc que l’on en est pas sûr. Il y a donc 53% des répondants qui ne sont pas certains qu’il y a un lien avec le réchauffement climatique, contre 44% qui ne doutent pas (43% qui sont certains du lien et 1% seul qui est certain qu’il n’y en a pas) À ces 53% ’on peut ajouter les 3% qui affirment ne pas savoir puisque ceux qui ne savent pas n’ont par définition aucune certitude d’aucune sorte sur la question. Même si on les laisse de côté, il ressort que sur cette question c’est l’absence de certitude qui prévaut largement.
Résultat d’autant plus significatif que les deux questions orientaient les réponses en faveur d’un lien certain du réchauffement climatique avec la tendance à l’augmentation des évènements extrêmes. Interprété ainsi, ce résultat n’est plus du tout conforme aux attentes du RAC commanditaire du sondage. Les sondeurs l’on sans doute perçu. Dans la présentation des résultats il est détaillé que parmi ceux qui sont certains de l’existence d’un lien, il y a 58% de femmes de moins de 35 ans et 63% parmi les cadres supérieurs. Leur opinion aurait-elle plus de poids que celles des autres catégories de répondants ? Ou bien sont-elles mises en avant tout simplement parce qu’elles vont dans le sens des attentes du RAC, ce qui n’était pas le cas dans les autres catégories de répondants ?
Les répondants qui avaient estimé que les incendies, les canicules, les inondations et les sécheresses devenaient plus fréquents et plus intenses étaient invités à dire si cela les rendait « très inquiets » « plutôt inquiets » « plutôt pas inquiets », « pas inquiets du tout ». Vus les évènements extrêmes envisagés, s’ils sont en progression et plus virulents comment ne pas être très inquiets? La réponse semble aller de soi et la question ne devrait même pas se poser ! Surprise ! Contre toute attente, il n’y a que 37% qui sont « très inquiets ». En majorité ils sont « plutôt inquiets » (57%). Il y a même 10% d’entre eux qui sont «plutôt pas inquiets » et 1% qui ne sont «pas inquiets du tout» ! Et pour cette question, même les femmes de « moins de trente-cinq ans » très inquiètes et les cadres supérieurs très inquiets ne sont pas majoritaires dans leurs catégories respectives avec seulement 47% pour ces jeunes femmes et 43% pour les cadres. Puisque ces deux catégories sont citées encore une fois, on peut supposer que c’est là que les très inquiets ont obtenu leurs meilleurs scores. Cette opinion finalement bien tiède sur le danger surprend d’autant plus que la télévision n’est pas avare d’images lorsque ces calamités se produisent. Les inondations en Catalogne avec Valence dévastée, les sondés les ont oubliées ? Les incendies de cet été dans l’Aude avec un mort, deux blessés graves et quarante blessés légers, plus de onze mille hectares totalement brûlés, si cela devait devenir la norme, ce n’est pas inquiétant ? Il est vrai que cet incendie est d’origine humaine, peut-être criminelle, mais néanmoins, il y a bien eu quelques commentateurs pour voir la patte du réchauffement climatique dans le caractère hors norme de ce feu! Sans compter aussi que la réponse était, une fois de plus dans la question à condition bien entendu de l’avoir comprise, ou de ne pas répondre n’importe quoi. Ce qui semble bien être le cas. Mais si les sondés répondent sans réelle conviction à cette question, il n’y a pas de raison que ce ne soit pas le cas pour les autres.
Dans le rendu de l’enquête l’institut de sondage a fourni pour chaque question une analyse des réponses en fonction des appartenances partisanes. Il en résulte pour la plupart des questions cette appartenance n’est pas discriminante. Il en conclut à un accord transpartisan effectif plus ou moins prononcé mais toujours bien présent sur toutes les réponses. En d’autres termes, si des clivages existent, l’appartenance politique n’en est pas la cause. Dans la plupart des questions, on pouvait d’ailleurs deviner sans risque de se tromper cet accord transpartisan car c’est tout de même une drôle d’idée de tenter de rattacher des ressentis sur le temps qu’il fait à des préférences partisanes. Il aurait été intéressant de chercher ailleurs. Par exemple analyser les réponses en fonction des catégories sociales et des classes d’âge aurait été beaucoup plus instructif comme on peut le supposer lorsque à l’occasion les sondeurs les précisent. Mais ce n’est pas ce qui intéressait le RAC. La mise en évidence de cet accord transpartisan lui suffit pour l’usage qu’il compte faire de cette enquête : tenter d’influencer la classe politique toute tendance confondue. Des résultats présentés comme majoritaires quelques soient les appartenances partisanes lui permettent d’essayer d’influencer l’ensemble des groupes politiques en brandissant ces résultats. Les instituts de sondage savent satisfaire leurs clients en posant les bonnes questions et en fournissant une présentation et une analyse des résultats conformes à leurs attentes.
« Seule une minorité de Français juge qu’Emmanuel Macron a fait ce qu’il fallait (sic !) en matière d’écologie. La plupart estime qu’il n’est pas allé assez loin » écrivent les sondeurs en commentaire des réponses à la question formulée en ces termes « en matière d’écologie et de lutte contre le changement climatique, Emmanuel Macron et ses gouvernements sont-ils allés [au choix] trop loin/assez loin/ comme il faut ? » On savourera le pluriel de « ses gouvernements », gouvernements dont il n’y a plus trace dans le commentaire des sondeurs, ironie sans doute involontaire! Cela dit, le vague de cette question est impressionnant. Pour juger qu’ils ont fait ce qu’il fallait encore faudrait-il préciser ce qu’il fallait faire ! Il serait bien étonnant que tous ceux qui ont répondu que c’était le cas en aient la même conception, voire une idée précise. Et c’est la même chose pour les autres options « assez loin », expression métaphorique peu claire, pas assez loin dans la lutte contre le réchauffement climatique ? Mais il y a diverses façons d’aller trop ou pas assez loin. Par exemple, s’il s’agit d’appliquer la taxe carbone sur les carburants pour en freiner l’usage et booster le développement des véhicules électriques, les Gilets Jaunes ont bien montré qu’ils étaient allés trop loin, mais parmi eux certains doivent aussi penser que les montants des « chèques énergie » sont trop faibles ; pour compenser la précarité énergétique, les mêmes considèrent donc qu’ils ne sont pas allés « assez loin ». Pour certains agriculteurs, ils sont allés trop loin en interdisant certains pesticides alors que pour les adorateurs des coquelicots qui exigent une interdiction totale de tout pesticide de synthèse, ils ne sont pas allés assez loin. Mais les uns et les autres seront d’accord pour estimer qu’ils se montrent trop hésitants dans le rejet du Mercosur. Bref que « seule une minorité » juge que « Macron a fait ce qu’il fallait faire » ne reflète sans doute rien d’autre que l’hostilité à son égard, hostilité qui s’exprime dans la rue, les urnes et les hémicycles, et même dans les sondages.
Selon les réponses à une question de ce sondage un Français sur quatre est opposé au développement des « énergies renouvelables (éolien, solaire, etc.) sur le territoire français ». Comme il ne peut plus être question dans ce cas de « consensus », la présentation de l’institut met en avant les trois quarts des Français (en fait les trois quarts des sondés) qui sont pour ce développement. On peut supposer qu’opposition ou accord valent pour les ENRi (énergies renouvelables intermittentes) et que pour les autres ENR le jugement ne serait peut-être pas le même. Ces ENRi sont les seules mentionnées dans la question et on ne pense pas spontanément à l’hydraulique, au bois, aux biocarburants, aux marées … D’ailleurs on peut regretter que la question reste globale et donc que l’on ne puisse savoir de quelles ENR les sondés souhaitent ou ne souhaitent pas le développement sauf pour une forme de solaire grâce à la question suivante mais pas pour le solaire en général, la question ne portant que sur le développement de panneaux solaires « sur les lieux déjà construits, comme les toitures des bâtiments ou les parkings ». Pourquoi après une question générale, une question aussi précise ? Ces deux questions sur les ENRi étant les seules posées. Pourquoi s’en tenir au seul solaire sur bâtiments ou parking et ne pas poser la même question pour le solaire au sol sur les terres cultivées ou sur des parcelles forestières rasées de leurs arbres alors que se multiplient des projets de ce type avec des panneaux plus faciles à installer et qui sont bien plus rentables? Pourquoi une question sur l’un et pas sur l’autre ? La réponse est évidente : exceptés ceux qui s’opposent aux ENRi pour des raisons techniques concernant la stabilité du réseau électrique – opposition qui vaut pour toutes les ENRi – le premier n’est guère contesté alors que le second l’est et il l’est même au sein des associations membres du RAC, à juste titre d’ailleurs selon moi.
Quant à l’éolien, il est noyé dans la généralité des énergies renouvelables, pas de focus sur lui. Et pourtant, je ne crois pas que ni le RAC, ni les sondeurs ignorent les oppositions que l’implantation d’éoliennes soulève avec manifestations et recours en justice intentés par les innombrables associations locales que les habitants des communes impactées constituent lorsqu’il est question d’en installer sur leur territoire, associations qui se fédèrent ensuite pour avoir plus de poids. Cette ENRi est celle qui souffre de la plus mauvaise acceptation sociale. Des questions à son sujet risquaient donc fort d’avoir des réponses peu compatibles avec les attentes du RAC commanditaire. En résumé, c’est sur la base de deux questions, l’une très générale et l’autre sur un cas très particulier, questions qui évitent soigneusement les controverses que l’organisme sondeur conclut que les Français ont une forte appétence pour les ENR, une conclusion plutôt osée mais bien utile pour l’usage que le RAC veut en faire.
Ce choix des bonnes questions formulées de façon appropriée est donc essentiel pour obtenir un consensus ou du moins une forte majorité sur lesquels s’appuyer pour tenter de résister au “backlash” environnemental, un « retour de bâton » de plus en plus partagé dans la classe politique contre des normes et interdictions diverses et variées censées protéger l’environnement mais mal vécues et ressenties aussi insupportables qu’inutiles et contre une transition énergétique jugée cause de ségrégation sociale et de catastrophe économique. Mais quand cela ne suffit pas, il faut accompagner les résultats avec un commentaire satisfaisant les attentes du commanditaires et fourni clé en main aux journalistes paresseux et pressés qui ne pousseront pas la curiosité jusqu’à lire le rendu du sondage dans le détail alors que comme chacun les sait , le diable se cache dans les détails !
Si le RAC avait commandé ce sondage pour connaître l’état de l’opinion française sur le réchauffement climatique et les catastrophes dont ce réseau croit qu’il est porteur, il aurait dû être déçu. Les questions sont biaisées et les réponses obtenues peu fiables car il n’est pas certain que les sondés expriment dans ces réponses une réelle conviction. Les analyses des réponses en fonction des préférences partisanes sont peu significatives. Enfin rappelons que si la méthode de l’access panel one line vantée par les instituts de sondage et utilisée en la circonstance est peu coûteuse, si elle permet de résoudre le problème des refus de réponse et de fournir des sondages rapidement et accessibles, elle ne serait aux dires de certains experts, ni fiable, ni précise lorsqu’il s’agit d’extrapoler les réponses obtenues à la population entière, extrapolation que font ces instituts lorsqu’ils présentent les résultats d’un sondage réalisé selon cette méthodologie.
Il est donc est évident que le but du RAC n’était pas cela. Les résultats de ce sondage ont été rendus publics opportunément le jour même où Sébastien Lecornu, le nouveau premier ministre prononçait sa déclaration de politique générale à l’Assemblée nationale, alors que la dette de la France est abyssale et qu’une menace pèse sur les crédits pour la transition énergétique bas carbone et donc l’atténuation du réchauffement climatique supposé dû aux émissions de CO2 d’origine anthropique. Et comme par hasard encore, France Nature Environnement, membre du RAC en rappelle l’existence au moment où les députés débattent du budget
Il y aurait encore beaucoup à dire sur cette enquête. Mais ces ajouts ne feraient qu’allonger sans nécessité cet article déjà trop long. Démonstration est faite que ce sondage est insuffisant pour savoir ce que pensent réellement les Français sur « les enjeux et les mesures écologiques » de leurs gouvernants. En revanche il est très bien conçu et les résultats sont bien présentés pour fournir à son commanditaire ce dont il avait besoin pour son action militante.
Liste des acronymes
ENR : Energie renouvelable ENRi : Energie renouvelable intermittente
ONG : Organisation non gouvernementale
RAC : Réseau Action Climat
TRACE : Proposition de loi visant à instaurer une Trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux
ZAN : Objectif Zéro Artificialisation Nette
ZFE : Zone de Faible Emission
Référence
Blondiaux L. (1997), « Ce que les sondages font à l'opinion publique », Politix, vol. 10, 37, 1997/1, Télévision et politique, p. 117-136.Blondiaux L. (1998), La fabrique de l'opinion. Une histoire sociale des sondages, Paris, Seuil.
Bourdieu P. (1973), « L'opinion publique n'existe pas », Les temps modernes, 318, p. 1292-1300
France Nature Environnement « Politique : place à l'écologie » Newsletter n°92 - Octobre 2025 https://merlin.fne.asso.fr/civicrm/mailing/view?reset=1&id=3955&cid=116654&cs=0d49890df19a27b968daacf0123d13a3_1762582763_360
Garrigou A. (2006), L’ivresse des sondages, Paris, La Découverte
Réseau Action Climat (14-10-2025) Communiqué : Politique nationale « Les Français de plus en plus inquiets face à la hausse des évènements climatiques extrêmes et en soutien de mesures écologiques ambitieuses » https://reseauactionclimat.org/les-francais-en-soutien-de-mesures-ecologiques-ambitieuses/
Touzet H. (2025), Produire l’opinion - Une enquête sur le travail des sondeurs, Paris, Ecole Des Hautes Etudes En Sciences Sociales
Mercredi 19 Novembre 2025
Commentaires (0)
Profil
Jean-François Dumas
Dernières notes
Galerie
Liste de liens
© 2010 Jean-François Dumas
Toute utilisation de documents issus de ce site doit en mentionner la source.
Création et webmaster : Méker-et-Cie, avec l'éditeur Webzinemaker
Toute utilisation de documents issus de ce site doit en mentionner la source.
Création et webmaster : Méker-et-Cie, avec l'éditeur Webzinemaker
Au quotidien
Au quotidien





