À la fois roman d’aventure qui n’est pas dépourvu d’humour, cet ouvrage de William Tenn est aussi une fable qui ne devrait pas déplaire aux adversaires de la vivisection, aux végans, aux antispécistes et plus largement à tous ceux (dont je suis) qu’agace prodigieusement la satisfaction béate que la majorité des philosophes français manifeste à l’égard de leur propre espèce. Sa lecture, à supposer qu’ils daignent le lire, ferait en effet grincer quelques dents à tous ces philosophes ou politiciens humanistes anthropocentristes. C’est un peu pour cela, pour son aspect provocateur et aussi parce que je trouve que c’est un bon livre que je tente d’en rappeler l’existence par cet article. Il appartient au genre protéiforme Science-Fiction.


« Des hommes et des monstres » de William Tenn : Quand les souris sont des hommes et les hommes des monstres. Une fable antispéciste…
Cet ouvrage a été publié en juin 1968 sous le titre « Of men and monsters » chez Ballantine Books, traduit en Français par Elisabeth Gille et Simone Hilling en 1970 aux éditions OPTA, n°74 de la fameuse collection Galaxie bis, réédité en anglais chez Hachette UK en 2011, disponible d’occasion en français.
 
Au premier degré il s’agit d’un livre de SF de facture assez classique, un roman d’aventure initiatique fort bien conduit, sans temps mort et plein de rebondissements. L’action se déroule dans un futur, proche ou lointain, où venus de l’espace des extra-terrestres ont envahi la planète et en sont devenu l’espèce dominante. Aux yeux des hommes déchus, ce sont des monstres, des géants immensément grands et outrageusement laids. Aux yeux de ces monstres les hommes ne sont que de la vermine, une vermine infecte qu’ils ne se hasarderaient pas à toucher avec leurs tentacules préhensiles et qu’ils attrapent avec des sortes de lanières sur lesquelles ils se retrouvent collés dès qu’elles les touchent. Il y a même une catégorie de ces monstres qui en ont une peur bleue et se mettent à hurler en les voyant. Les hommes les reconnaissent à la forme et à la couleur de leurs tentacules.
Il faut dire que comme les souris ou les cafards, les hommes vivent dans des galeries creusées dans l’épaisseur des murs des demeures des monstres et à leurs crochets en pillant leurs réserves en nourritures et produits variés. Comme pour les souris et les cafards dans nos maisons, il leur est très dangereux de se risquer à découvert mais cela leur pourtant nécessaire pour s’approvisionner.  
Le futur de l’humanité serait d’être réduit au statut de vermine prolifique et odorante parasitant une espèce qui la surpasse tant physiquement que par sa science et sa technologie.
 

Ce roman d’aventure initiatique s’avère être une des fables la plus anti-anthropocentriste, voire antihumaniste de la Science-Fiction. L’homme n’y apparaît que comme une espèce parmi d’autres, certes dotée d’un sens moral mais qui ne l’a pourtant pas empêchée de mal se conduire vis-à-vis des autres espèces sœurs, proches, ou éloignées qu’il a traitées de façon analogue à celle dont le traitent les Monstres, de façon monstrueuse donc. Simplement l’homme est susceptible de se sentir plus ou moins consciemment coupable des exactions qu’il a commises envers ces autres espèces. D’ailleurs les rapports entre espèces sont envisagés essentiellement en termes de lutte, domination et prédation. Entre l’espèce humaine et l’espèce extraterrestre dominante, il y a incommunicabilité totale et absence totale d’empathie, comme entre les hommes d’hier (nous donc) et les rats, les souris, les cafards et plus généralement toutes les autres espèces domestiquées, exploitées ou tuées.

Pour les monstres les hommes ne sont que des bestioles à détruire. Il ne leur vient pas à l’esprit qu’ils puissent avoir leur propre langage, une culture, qu’ils puissent exprimer des sentiments, ressentir des émotions, éprouver notamment peur et douleur. En fait, cela les indiffère. Ils se servent donc de ceux qu’ils ont capturés comme des animaux de laboratoire pour tester les pièges destinés à les détruire. Pour vérifier s’ils sont tous de la même espèce, ils dissèquent un individu par groupe capturé sans l’anesthésier (ce qui me fait penser aux lépidoptéristes qui, dans certains cas, examinent les « genitalia » des papillons capturés pour déterminer leur espèce ; il est vrai cependant qu’ils les ont tués au préalable en les gazant dans un bocal avec du cyanure). Les monstres traitent leurs captures, les générations humaines futures, comme les « scientifiques » d’aujourd’hui torturent, empoisonnent, tuent leurs animaux de laboratoires, notamment les rats et les souris qu’ils élèvent et manipulent génétiquement pour cela.

Le titre du roman « Des hommes et des monstres » renvoie à celui de John Steinbeck « Des souris et des hommes » instaurant une équivalence (souris ≡ hommes) et (hommes ≡ monstres). Les hommes sont aux souris dans notre réalité ce que les monstres sont aux hommes dans l’histoire qui nous est narrée.
Quoi de mieux pour faire prendre conscience de l’inhumanité de nos agissements envers les souris que de mettre des hommes à leur place et de nous décrire leur terreur, leur attente angoissée du supplice, leurs douleurs lorsqu’ils le subissent, leur résignation ou leurs efforts pour s’échapper.

Mais ce n’est pas tout. Et c’est là que la provoc est à son comble : les souris sont les hommes, elles révèlent leur essence : « une variété supérieure de vermine » capable de se répandre partout dans l’univers.
Et finalement, malgré les apparences, c’est la vermine qui gagne.
Bien entendu, il ne faut pas prendre tout cela au sérieux, un humour « pince-sans-rire » nous invite à ne pas le faire. Du moins, pas trop mais tout de même un peu…
 
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Deux extraits
« D’accord, dit-il enfin en s’arrêtant. L’homme a assassiné ses frères tout au long de son histoire, et les races sœurs tout au long de sa préhistoire. (…) Et alors ?
 –  « Alors, examine un peu plus à fond le dossier du criminel.   Et les autres espèces – celles qu’on pourrait appeler ses cousines ? Je t’ai parlé d’animaux qu’il avait domestiqués : le bœuf, l’âne, le cheval, le chien, le chat, le cochon. Tu sais ce que recouvre ce mot de domestication ? La castration d’un côté, l’hybridation de l’autre. Il enlevait aux petits le lait de leur mère. Il leur enlevait la peau du corps, il détachait la viande des os, pour ses besoins économiques, et dressait un animal à en conduire d’autres de sa propre espèce au massacre. Il déformait une créature à tel point qu’elle devenait la caricature d’elle-même – il en fut ainsi avec les chiens. Il enlevait son but au processus de la génération, de sorte que l’animal devenait une usine vivante d’œufs infertiles – il en fut ainsi avec les poules. Il enlevait à l’animal toute dignité, pour s’en servir dans ses sports – il en fut ainsi avec les chevaux et les taureaux. » (p. 194 de la traduction française)
 
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« L’homme partage certaines caractéristiques significatives avec le rat et le cafard : il peut manger n’importe quoi ; il est foncièrement adaptable à une grande variété de conditions de vie ; il préfère vivre sur ce qu’autres créatures emmagasinent ou fabriquent biologiquement. La conclusion inévitable est que la nature l’a créé pour être une variété supérieure de vermine, et que seule l’absence dans son milieu originel, d’un hôte suffisamment riche l’a empêché de remplir son rôle d’éternel parasite, et l’a obligé à vivre de son industrie toujours affamé et toujours agressif. » (p. 241 de la traduction française)

Ces deux extraits constituent des « respirations » dans l’action. Il ne faut surtout pas croire que des tirades de ce genre sont dominantes dans l’ouvrage. Elles en explicitent néanmoins la philosophie d’arrière-plan.
 
 
 

Vendredi 27 Mai 2016 Commentaires (1)

L’annulation du Schéma Régional Eolien (SRE) de l’ancienne région Auvergne par la Cour administrative d'appel de Lyon ne remet pas directement en cause les projets de construction d’éoliennes sur le territoire auvergnat. C’est tout de même une bonne nouvelle. Cette annulation et intervient après l’annulation de dix autres schéma régionaux (Pays de Loire, Aquitaine, Basse Normandie, Bretagne, Ile-de-France, Limousin, Lorraine, Midi-Pyrénées, Paca et Rhône-Alpes). Et dans tous les cas, c’est pour le même motif «absence d'évaluation environnementale préalable».


Le Schéma est annulé parce que selon les termes du jugement, n’ont été pris en compte  ni « le principe de participation du public aux décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement », ni « l’impératif de préservation de la sécurité publique, des paysages, de la biodiversité, des monuments historiques et des sites remarquables et protégés du patrimoine archéologique » !
De tels attendus sur un jugement devraient être de nature à interpeler tout écologiste digne de ce nom. Il devrait s’indigner du fait que ce jugement n’aura pratiquement aucun effet pratique. Comme les schémas en question ne sont que des recommandations, leur annulation n’entraînent pas une remise en cause des projets en cours, notamment dans les parcs naturels régionaux où les promoteurs ont fait pression pour qu’il soit possible d'implanter des usines d'aérogénérateurs improprement et trompeusement appelées "fermes d'éoliennes".
Le silence d’EELV comme celui de France Nature Environnement ou de la LPO deviennent assourdissants.
 

Dimanche 22 Mai 2016 Commentaires (0)

Laurent Wauquiez, le nouveau président (LR) de la nouvelle région Rhône-Alpes-Auvergne a annoncé le mardi 4 Mai, à Lans-en-Vercors un plan de 200 millions d’euros sur cinq ans pour le développement de canons à neige dans les stations de ski de piste pour produire de la neige artificielle censée pallier un éventuel manque de neige naturelle et mettre le ski de piste à l’abri des caprices de la météo et des changements climatiques. On ne pouvait imaginer mieux en matière de plan anti-écologique : un gaspillage énorme d’énergie et d’eau. Il faut prévoir aussi de nouvelles atteintes à la biodiversité montagnarde et le massacre de nouvelles zones humides à cause de la création de « retenues collinaires », c’est-à-dire des barrages qui accumuleront de l’eau pour alimenter ces maudits canons. Ces retenues collinaires sont d’ailleurs un projet sur lequel le nouveau Conseil régional travaille avec la Compagnie nationale du Rhône.


On s’étonnera moins de cette gabegie et de ce saccage programmé lorsque l’on saura que le « Monsieur Montagne » du Conseil régional, Gilles Chabert, dirige aussi la structure qui chapeaute l’Ecole (privée) du ski français, un mélange des genres inquiétant mais que Wauquiez et l’intéressé acceptent sans aucun état d’âme. On en voit le résultat.

Cet homme dont Wauquiez a fait son « Monsieur Montagne » est un redoutable lobbyiste au profit de cette Ecole de ski et il sait  ménager ses intérêts. Voici un extrait du portait que trace de lui Nicolas Stiel, dans l’édition du  28-02-2014 du journal Challenge « Surnommé "le général de l’Armée rouge", Chabert règne sur la montagne. Son royaume dépasse les 17.000 moniteurs de l’Ecole du ski français (ESF) et leurs 250 millions d’euros d’activité. Membre des conseils d’administration de la Compagnie des Alpes, de la Banque populaire des Alpes et du Dauphiné libéré, il siège dans de nombreuses instances et associations de montagne. A Paris deux jours par semaine, il a ses entrées aux ministères des Sports, du Tourisme, de l’Education nationale. L’Assemblée et le Sénat, il y va quand il veut avec son badge d’accès. A Bruxelles, son ami Michel Barnier, commissaire européen, fait avancer ses dossiers. » Cet ancien bucheron est aussi un fervent chasseur qui se soucie comme une guigne de la Nature et de sa préservation.Il est typique des personnes dont s’entoure Wauquiez qui lui aussi n’a rien à faire de la nature et de sa préservation.

A propos de ces retenues collinaires contre lesquelles il existe heureusement de nombreux verrous dans la législation et la réglementation environnementale, Wauquiez aurait déclaré « S’agissant de l’environnement, il n’y a rien d’incompatible. Il faut arrêter de faire du foin ». Ce que, selon le journal La Montagne (4/5/2016), « Gilles Chabert (…)  traduit à sa manière en déclarant : « S’il est une espèce à protéger en montagne, c’est bien l’homme. Les libellules dépressives, on s’en fout » Mauvais jeu de mot, ou une grossière erreur (l’espèce en cause est la libellule déprimée, ainsi nommée à cause de son abdomen plat et large !) en tout cas, une belle absurdité qui classe le bonhomme !

On ne peut imaginer en effet plus grand mépris à l’égard de la Nature et la biodiversité mais aussi de tous ceux qui font partie de l’espèce humaine, habitent la montagne, en vivent mais en ont une autre pratique que celle, dépassée et sans doute condamnée à laquelle s’accrochent les maires et responsables des stations de ski que ces deux sinistres personnages caressent dans le sens du poil. Tout pour les stations de ski, pour cette activité en voie de ringardisation qu’est le ski de piste et rien pour les autres. Tant pis pour eux et tant pis pour la montagne, sa flore, sa faune, ses paysages, sa naturalité qui fait tout son attrait en dehors des domaines skiables et de tout l’artificiel de villes mises à la montagne.

Voici le texte de la lettre ouverte que Mountain Wilderness France a adressée aux sieurs Wauquiez et Chabert ce 12 mai 2016.


Plan neige de la région Auvergne-Rhône-Alpes
200 millions pour les canons ? Quelle politique pour les 97% restant des territoires de montagne ?
 
Monsieur Wauquiez, Monsieur Chabert,
Nous avons écouté avec attention vos différentes déclarations relatives à la nouvelle politique "montagne" de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Vos propositions d’investissements visent à lever 200 millions d’euros sur 6 ans pour financer un "plan neige" axé principalement sur le développement des capacités de production de neige artificielle. Ces investissements concernent les stations de ski de piste soit, moins de 3% du territoire montagnard pour 3 mois d’activité par an.

Qu’en est-il du "reste" des territoires de montagne ?

Ceux-là même qui portent la valeur inestimable d’être parmi les derniers espaces de nature préservée en Europe, riches d’une beauté exceptionnelle et de patrimoines rares, riches d’expériences humaines extraordinaires, garants d’un tourisme 4 saisons, multi-activités et porteurs d’emplois pérennes ?

Qu’en est-il des femmes et des hommes, pluriactifs, qui vivent et travaillent à l’année au sein de ces territoires et des visiteurs qui s’y rendent tout au long de l’année ?

Nous nous interrogeons sur votre plan d’actions concernant les 97% restants des espaces montagnards. Quelle est votre politique pour ces territoires qui font eux aussi la renommée de nos montagnes dans le monde entier ?
Rappelons que le ratio du chiffre d’affaires de l’activité touristique est de l’ordre de 50% en hiver et 50% en été. Ainsi sur les 11 milliards d’euros dépensés en 2013 par les touristes dans nos montagnes, si 4,81 l’ont été en station, 6,13 l’ont été dans la montagne hors station ! Par conséquent, investir toutes les ressources publiques pour la seule mono-industrie du ski de piste nous semble résolument une vision passéiste et tellement réductrice face aux mutations observées de toutes parts au cœur de nos montagnes et de nos sociétés humaines. Ce serait un véritable gâchis !

Gâchis de ressources énergétiques et de capital environnemental

L’essor du ski connu dans les années 70 et le miracle de l’or blanc se trouvent 50 ans derrière nous. À l’époque, la pratique du ski de piste sur des terrains aseptisés explosait. Aujourd’hui, elle stagne et préfigure une probable régression. Les aspirations humaines sont ailleurs.

Les changements climatiques à l’œuvre modifient fortement la donne en montagne, avec une conscience de plus en plus claire que ce mouvement va en s’accélérant. Le réchauffement des températures, compris entre +1,6 et +2,2°C depuis 1950, est particulièrement sensible dans les Alpes et s’est accéléré depuis la fin des années 80. C’est deux fois plus que la moyenne mondiale et la région des Alpes du nord est celle qui se réchauffe le plus en France. Faut-il rappeler que les canons à neige consomment beaucoup d’énergie et d’eau ? Et que pour être produite et conservée, la neige nécessite des températures froides ?

La montagne, espace de rêves

Les tendances se dessinent de plus en plus clairement autour de motivations à rejoindre nos montagnes simplement, pour respirer, se ressourcer, retrouver un peu de sérénité dans nos sociétés actuelles en pertes de repères, de plus en plus secouées par les tensions et le stress. Aller en montagne, pour s’émerveiller et redécouvrir des sensations fortes a peut-être à voir avec le sens même de la vie humaine. Cette recherche d’authenticité des liens avec la nature explique sans doute la forte progression des pratiques douces de la montagne, en terrains peu ou pas aménagés. Preuve en est la très bonne santé des pratiques de randonnée, à ski, à pied ou en raquettes.

Pour l’avenir de nos montagnes, investissons dans l’énergie humaine !

Hébergeurs, agriculteurs, restaurateurs, guides et accompagnateurs en montagne, gardiens de refuge, garde-moniteurs des parcs nationaux et régionaux, artisans, artistes, bergers, producteurs locaux, acteurs du développement territorial ou encore élus des territoires de montagne : une multitude de femmes et d’hommes font aujourd’hui preuve de créativité et d’audace pour aller vers un tourisme, vers des activités économiques, vers des modes de vie plus en harmonie avec nos territoires montagnards, leurs singularités uniques et leurs véritables richesses. Tournons la page des anciens modèles de développement. Investissons dans les passions et l’énergie humaine !
Monsieur le Président et Monsieur le Conseiller spécial, nous sommes disponibles pour travailler et inventer un autre avenir, l’avenir de la montagne.

Frédi Meignan,
Président de Mountain Wilderness France
Association nationale de défense de la montagne, agréée protection de l’environnement et reconnue d’utilité publique.



Malheureusement, il y a toutes les malchances pour que cette lettre reste lettre morte. Les associations de défense de la Nature, de la montagne et de l’environnement vont avoir du pain sur la planche.
 

Samedi 14 Mai 2016 Commentaires (0)

Les réactions qu’ont suscitées la récente campagne de mesures faites par la CRIIRAD, laboratoire indépendant de mesure de radioactivité, pour surveiller l’évolution de la contamination du Massif du Mercantour dans les Alpes Maritimes par le « nuage » de Tchernobyl sont révélatrices de ce qui risque de se passer en cas d’un accident nucléaire majeur dans l’un des pays le plus nucléarisé, la France, qui n’a jamais fait officiellement le bilan de sa gestion calamiteuse de la catastrophe de Tchernobyl. Alors que journaux et radios ont dans un premier temps donné un large écho à ces mesures, les organismes officiels tels que l’IRSN, le Parc National éponyme alliés aux nucléocrates de service ont tout fait pour en minimiser la portée.


 n. b. : Ce texte est la suite de l’article précédent de ce blog dont la lecture préalable est donc vivement recommandée.

•Un écrit de circonstance, voire de complaisance commis par l’IRSN…

L’IRSN soutenait encore en 2010 comme son ancêtre l’OPRI du Professeur Pellerin en 1986, qu’« il n’y a jamais eu de réel danger » sanitaire en France à cause de la catastrophe de Tchernobyl ! En 2016, le propos du même organisme est bien plus nuancé. Fukushima est passé par là ! Il n’en reste pas moins que l’IRSN semble encore susceptible de produire des notes de complaisance lorsque des intérêts économiques liés à l’attractivité d’un territoire sont en jeu. Qu’en sera-t-il lorsque toute une région française subira les conséquences économiques et sanitaires d’un accident nucléaire majeur dont personne n’ose plus déclarer qu’il est impossible ?

L’IRSN avait cessé en 2005 sa surveillance radioactive du massif du Mercantour aussi discrètement qu’elle l’avait initiée en 1997. La population locale ne le saura qu’en 2010 par l’intermédiaire d’un article du journal Nice Matin qui précisait dans son édition datée du 12 avril 2010 qu’il venait de « l'apprendre incidemment ». Dans cet article, le journal rapportait les propos de Philippe Renaud, « chef de laboratoire à L'IRSN » qui continuait d’affirmer que : « Il n'y a jamais eu de réel danger » et qui donc continuait d’entonner la rengaine en cours depuis 1986, lorsqu’un des ancêtres de l’IRSN, l’OPRI assurait qu’en France, la contamination radioactive due à l’accident de Tchernobyl a été sans danger et sans incidence sur la santé des populations. En effet, s’il n’y a jamais eu de « réel danger » sur le Mercantour, une des zones les plus contaminées du territoire national, il n’y a eu de réel danger nulle part ! 24 ans après l’accident de Tchernobyl, le mensonge n’était toujours pas reconnu et alors que tous les autres pays européens limitrophes continuaient leur surveillance, la France l’avait interrompue. Elle reprendra cependant reprendra la surveillance des « zones de rémanences » dès 2013…Effet Fukushima ?

Le texte de l’IRSN intitulé Note d’information sur les «Points chauds» de contamination en césium 137 de certains sols de moyenne et haute montagne du massif Alpin daté du 6 août 2015 a manifestement été rédigé pour tenter de réduire l’impact de la publication par la CRIIRAD du résultat des mesures effectuées les 5 et 6 juillet 2015 au Col de la Bonnette (voir mon article précédent), résultats repris et abondamment commentés dans les médias régionaux et nationaux qu’ils soient généralistes ou spécialisés « montagne ». Dans ce texte l’IRSN s’attribue la découverte qui daterait de 1988 de taches hautement radioactives sur les sols du massif alpin et minimise le rôle des laboratoires indépendants. Pour l’IRSN, la publicité faite autour d’une précédente campagne de mesure en 1996 a fait baisser la fréquentation du Parc national. Il est sous-entendu que la responsabilité en revient à la CRIIRAD et que cela est regrettable car il n’y avait pas de danger et il n’y en a toujours pas selon l’IRSN dans cette note.

En effet il ressort de ce texte que des radiations de l’intensité mesurée par la CRIIRAD émanant de surfaces aussi minimes ne présentent aucun danger d’autant qu’elles sont situées en moyenne et haute montagne dans des lieux inhabités. Selon cette note on comprend qu’il faut banaliser ces taches de concentré de Césium-137, d’autant que des taches de contaminations radioactives de cette sorte il y en a partout dans tout le massif alpin en France comme à l’Étranger et pas seulement dans le Mercantour. C’est sur cette dernière assertion que s’appuiera le Parc National pour dénoncer un parti-pris contre « le Mercantour » de la part de la CRIIRAD.

Cependant les assertions contenues dans cette note contredisent sur plusieurs points les propos de Philippe Renaud, « chef de laboratoire à L'IRSN » rapportés par Nice-Matin. Elles contredisent même les propres documents de l’IRSN publiés sur son site !

 

Carte des dépôts théoriques de 137Cs (enBq.m2) provenant des tests atmosphériques d’armes nucléaires et de l’accident de Tchernobyl mise à jour en 2008 (IRSN)
Carte des dépôts théoriques de 137Cs (enBq.m2) provenant des tests atmosphériques d’armes nucléaires et de l’accident de Tchernobyl mise à jour en 2008 (IRSN)
On peut lire sur ce site, dans un texte consacré à la présentation du « programme de recherche 2013 – 2015 concernant les « constats sur les zones de rémanence » » que « les zones couvertes par l’expertise sont les zones les plus marquées par les retombées atmosphériques, c'est-à-dire les reliefs de l’est (les Vosges, le Jura, le Mercantour et la Corse) ». Il faudrait savoir ! Les retombées ont-elles été les mêmes dans tout l’arc alpin ou ont-elles été plus « marquées » dans le Mercantour ? Des cartes publiées sur le site de l’Institut dont celle reprise ici montrent bien que le Mercantour a été la zone hexagonale la plus contaminée. Les résultats de ce programme de recherche mises en ligne également sur ce site ne sont guère cohérents avec les assertions de la note du 6 août, particulièrement ambigüe par ailleurs.

Dans la note du 6 août, il est écrit : « l’IRSN a également montré que si une vache ou une brebis consommait, au cours de la même journée, de l’herbe provenant d’un ces points, l’augmentation de l’activité maximale du lait qui en résulterait (de l’ordre de 80 Bq/L) serait extrêmement fugace et n’aurait pas de répercussion sur l’ensemble du lait du troupeau. » Alors que selon Philippe Renaud, le lait des vaches du secteur a une teneur en césium 137 cent fois supérieure au lait de plaine et dix fois supérieure à celui d'autres régions d'altitude. Donc, le lait des troupeaux est bien affecté! Qui croire ? Et surtout faut-il les croire lorsqu’ils répètent cette fois à l’unisson le vieux mantra « Ce n’est pas dangereux » ?  Les assertions de 2010 de Philippe Renaud sont confirmées par les résultats du programme de recherche 2013 – 2015. Ils ont été publiés en 2016 par l’Institut sous le titre Constat Radiologique « Rémanence de la radioactivité d’origine artificielle »
 

Ces résultats sont cohérents avec ceux de la CRIIRAD et de l’ARCO. Les conséquences que l’IRSN en tire sont beaucoup plus nuancées que ce qui est affirmé dans la note du 6 août 2015 : « Dans les sols des massifs des Vosges, du Jura, des Alpes du Sud et de Corse, les activités en césium 137 sont toujours les plus élevées de France. Elles sont supérieures à 10 000 becquerels par mètre carré (Bq/m2), soit 8 fois la moyenne des sols français. Dans les prairies d’altitude des Alpes du sud, des activités supérieures à 100 000 Bq/m2 peuvent être observées sur des « points chauds » correspondants à de très petites surfaces (quelques dm2 à un m2 environ). »

En ce qui concerne les denrées alimentaires, la contamination en Césium-137 est, elle aussi, nettement plus importante que dans le reste de la France. Cela est particulièrement manifeste pour le lait «dont l’activité en césium 137, en moyenne de 0,32 Bq/litre sur les zones étudiées se distingue nettement de la gamme d’activités du lait produit ailleurs en France : entre 0,004 et 0,03 Bq/l. Une différence encore plus importante est constatée pour les denrées des forêts (baies, champignons et gibiers), dont l’activité en césium 137 est plus variable et peut atteindre plusieurs centaines de Bq/kg frais. » 

L’exposition de la population résidant dans ces zones est donc logiquement plus importante que celle des populations résidant en plaine ou dans des zones non touchées par les retombées radioactives du « nuage » de Tchernobyl. « En 2015, un habitant des zones les plus touchées par les retombées de Tchernobyl (est de la France) reçoit une dose moyenne de 37 microsieverts par an (µSv/an) contre 5,4 µSv/an pour une personne résidant ailleurs en France. Ces doses sont principalement dues à l’exposition externe au rayonnement émis par le césium présent dans les sols. » (en gras dans le texte).
Au vu de cette confrontation de ses différents écrits sur le sujet, on peut voir que l’IRSN est capable du pire comme du meilleur. Alors que le document de 2016 Constat Radiologique « Rémanence de la radioactivité d’origine artificielle » est une étude fouillée et détaillée qui semble présenter toutes les garanties de sérieux et d’objectivité, la note de 2015 Note d’information sur les «Points chauds» de contamination en césium 137 de certains sols de moyenne et haute montagne du massif Alpin est manifestement un écrit de circonstance pour ne pas dire de complaisance. Si l’IRSN est capable de produire un tel texte pour sauver une saison touristique, comment pourra-t-on croire ce qu’elle affirmera en cas d’accident majeur !

• L’attitude scandaleusement attentiste du Parc du Mercantour

En réaction à la publication des résultats des mesures effectuées par la CRIIRAD sur son territoire début juillet 2015 le Parc National du Mercantour s’est fendu d’un communiqué pour le moins étonnant, voire scandaleux. En substance, la CRIIRAD a beau être un laboratoire agréé, pour le Parc elle n’est pas une « autorité compétente » donc il ne tiendra pas compte de son avis. Il déplore « une stigmatisation » partiale du Mercantour sur un sujet « ancien » à partir de quelques mesures faites dans ce seul massif.  En conclusion, il ne fera rien tant que les autorités sanitaires ne donneront pas de consignes particulières.
Il n’a jamais rien fait au sujet de cette contamination : aucune mise en garde au plus fort de la contamination, ni depuis et il continuera à ne rien faire. Cela s’appelle la politique de l’autruche. Les élus du Conseil d’administration, pour la plupart maires des communes du Parc ou Conseillers départementaux (anciens Conseillers généraux), les préfets des deux départements concernés sont sans doute pour beaucoup dans cette attitude. Pour les maires des communes comme pour leurs administrés, il y a là une attitude caractéristique de déni de réalité dans laquelle leur « savoir » des faits (car élus et populations savent) coexiste avec un « savoir-faire » qui le refuse. On fait comme si cette contamination n’existait pas. Même des associations comme Vigilance Mercantour s’en soucient très peu. De cette chose-là d’ailleurs la plupart des habitants de ces communes n’en parlent pas. Ils ont continué de ramasser et de manger des champignons très abondants certaines années, de pêcher et de chasser comme si rien ne s’était passé. Une telle attitude témoigne en fait de la difficulté de vivre sur un territoire contaminé par la radioactivité et il faut dire que ni les administrations, ni les élus ne les ont mis en garde. Ils n’ont reçu ni conseil, ni aide pour vivre avec. Après la minimisation, la non gestion !

Au lieu de se plaindre de la stigmatisation du « Mercantour » par la CRIIRAD, le Parc, son administration et ses élus feraient mieux de s’inquiéter de la persistance d’une contamination radioactive significative de lieux très fréquentés de ce territoire. Sans doute redoutent-ils d’être mis face un état de fait désagréable car ils se gardent bien de demander que les fameuses autorités auxquelles ils s’en remettent aveuglement fassent une campagne plus poussée de mesures sur les points et zones que l’on sait avoir été gravement contaminées, en dégageant au besoin des crédits pour participer à son financement. Le Parc participe bien à des relevés floristiques et faunistiques. D’ailleurs d’un pur point de vue scientifique, il serait intéressant de connaître les impacts de cette radioactivité sur la flore et les mammifères herbivores et carnivores notamment. Mais le Parc préfère grandement faire l’autruche sur ces questions, aujourd’hui comme hier !

Comment peut-il parler de « sujet ancien » lorsque l’on sait que la contamination des sols du Mercantour a eu lieu il y a 30 ans et qu’il faut 300 ans pour que disparaisse la radioactivité du Césium-137, un radioélément qui n’existe pas à l’état naturel?

Il n’y a pas de volonté de stigmatiser le Mercantour ! Le choix des points de mesures correspondent aux points chauds détectés lors de la campagne de mesures de 1996 – 1997. Il se trouve que le col de la Bonnette située dans le parc national du Mercantour s’est révélé comme l’un des points les plus contaminés, si ce n’est le plus contaminé de tout l’hexagone. Ajoutons que selon la campagne de mesures de l’ACRO, il se trouve que c’est aussi le sol du col de la Bonnette qui est le plus radioactif en Césium-137 et que les points mesurés dans le Mercantour sont ceux qui sont encore parmi les plus contaminés. On ne peut imager plus grande ignorance du sujet. Le Parc ne s’est d’ailleurs jamais vraiment inquiété de cette radioactivité sur son territoire !

« Le Parc national du Mercantour constate qu'à ce jour, concernant un sujet ancien, les autorités sanitaires n'ont donné aucune consigne de précaution particulière et que donc, sauf contre ordre de ces mêmes autorités, il n'y a pas de restrictions d'usage particulières qui s'imposent aux habitants, socioprofessionnels et visiteurs qui fréquentent le territoire du parc. » Le Parc ne prendra aucune mesure tant que les autorités sanitaires ne donneront pas de consignes particulières. C’est à elles de décider. Il se contente d’ouvrir grand son parapluie de berger et de refiler la patate chaude à d’autres, en toute tranquillité : les dites autorités n’ont jamais rien exigé et n’exigeront jamais rien puisque l’OPRI et son successeur l’IRSN ont toujours déclaré qu’il n’y avait pas de danger. Le Parc ne fera rien et ceux qui le fréquentent continueront de subir des radiations à leur insu. La fréquentation du parc ne risquera pas de faiblir et les intérêts commerciaux et financiers de la région ne seront pas impactés.

Il est évident que les doses reçues sont faibles mais elles ne sont pas négligeables. Qu’est-ce que cela veut dire ? Est-ce que cela veut dire dangereux ? Toute exposition a des radiations est « dangereuse » aussi faibles qu’elles puissent être dans le sens où il n’y a pas une dose limite connue en deçà de laquelle il n’y pas de nocivité et au-delà de laquelle la nocivité commence. Simplement, il a été convenu au niveau international de recommander des limites admissibles d’exposition qui sont une sorte de compromis entre la protection des personnes et les nécessités de l’industrie nucléaire. Pour la population, cette limite est, pour la France, de 1 mSv/an (millisievert par an)  d’exposition hors radioactivité naturelle et médecine. Lorsque l’on parle de doses non négligeables comme celles reçues lors d’un bivouac ou d’un piquenique qui se situeraient par malchance sur une zone contaminée, cela ne veut dire ni danger, ni absence de danger, cela veut dire que la dose reçue est significative par rapport aux doses limites. Ainsi comme je l’ai rappelé dans l’article précédent, le fait de bivouaquer 4 heures sur certaines des zones contaminées lors de l’accident de Tchernobyl induit encore en 2015 une exposition non négligeable puisque dans un des cas défavorables au Col de la Bonnette on recevrait pendant ces quatre heures 20 μSv  (microsievert) soit ¼ de la dose mensuelle admissible qui est d’environ 80 μSv/mois. Il vaudrait donc mieux éviter de se rouler dans l’herbe grasse et douillette de ces combes contaminées. Encore faudrait-il savoir où se trouvent exactement les surfaces contaminées, donc qu’elles soient signalées comme étant à éviter. Mieux encore, il n’y aurait aucune dose issue de sources artificielles de reçue si, comme le demande la CRIIRAD, le sol contaminé était décapé lorsque l’on est sur ou à proximité d’un lieu fréquenté comme le col de la Bonnette qui est certes en pleine montagne et très haut en altitude, mais accessible à tous en automobile. C’est aussi un col favori des cyclistes. Il fut visité par le Tour de France naguère et le sera par le Giro cette année. Combien de temps y ont séjourné et y séjourneront les spectateurs ?

•Comparaison n’est pas raison ou l’art de noyer le poisson…

Le nucléocrate de service de l’AFIS – l’association scientiste qui fait la promotion de toutes les saloperies que la technoscience met sur le marché (nucléaire, nanotechnologie, OGM, etc.) – est en dehors du sujet lorsqu’il nous saoule d’une pléthore de comparaisons pour établir que séjourner sur une des taches de contamination au col de la Bonnette dans le Mercantour n’est pas dangereux et que la CRIIRAD ne cherche qu’à nous faire peur pour que nous rejetions le nucléaire.

Il établit une équivalence simpliste entre « non-négligeable » et « dangereux » alors que « non-négligeable » signifie qu’il s’agit d’une quantité non négligeable de radiations reçues par rapport à la dose limite annuelle et/ou mensuelle que l’on tolère en supplément des radiations reçues qui sont issues de sources naturelles et/ou médicales comme on vient de le rappeler dans le paragraphe précédent. Ces radiations « en plus » correspondent à un risque supplémentaire par rapport au risque naturel dont il convient de protéger les populations. Si la quantité reçue est « non-négligeable », cela implique qu’il vaut mieux éviter d’être soumis à ces sources et cela réclame des autorités compétentes une action pour que la contamination, source de l’irradiation cesse. Dans le cas d’une visite au col de la Bonnette on est largement en deçà de quantités reçues entraînant des effets déterministes telles que l’ont été, par exemple, les quantités reçues par les liquidateurs de Tchernobyl. Les effets ne sont que stochastiques (aléatoires). Mais même dans ce cas de figure, au Col de la Bonnette ou dans des lieux fréquentés du Parc comme la forêt et le lac du Boréon, il est inacceptable de ne rien faire, de ne pas mettre en garde les populations résidentes permanentes et saisonnières, de laisser des gens au contact de sols contaminés et de les laisser ingérer des produits qui peuvent l’être, notamment des champignons. En l’occurrence, il ne s’agit pas seulement de danger comme le voudrait l’AFIS, il s’agit de l’interdiction de faire courir un type de danger aux gens : un interdit tout à la fois légal et moral. Non respecté hier de façon flagrante, cette interdiction ne l’est donc toujours pas aujourd’hui. C’est cela que masque l’équivalence simpliste entre « non-négligeable » et « dangereux » effectuée par l’AFIS. Il lui suffit ensuite d’établir par des arguties que ce n’est pas (très) dangereux pour en conclure que c’est négligeable contrairement à ce qu’affirment la CRIIRAD et les antinucléaires. Par ce tour de passe-passe fondé sur la symétrie de la relation d’équivalence, seront ainsi justifiés les administrations diverses et les élu(e)s responsables qui n’ont pas pris, ne prennent pas et ne prendront aucune des mesures réclamées depuis le début par les laboratoires indépendants de mesure de la radioactivité et les défenseurs de la Nature et de l’environnement.

Le nucléocrate de service de l’AFIS compare la dose reçue en deux heures sur le sol contaminé du col de la Bonnette (10 μSv) avec la dose de radioactivité naturelle reçue en séjournant une semaine à cette altitude de 2 715 m et qui sera bien plus élevée (25.2 µSv). Or, les doses reçues bien que calculées de façon identique avec les mêmes unités  ne sont pas pour autant comparables lorsque l’on se pose la question de savoir si elles sont ou non négligeables. La dose issue de la contamination des sols n’est pas négligeable au regard de la dose admissible. Au regard de la dose admissible, on ne peut rien dire de la dose reçue à partir de la radioactivité cosmique, celle-ci étant naturelle et ne pouvant donc être prise en compte dans le calcul de la dose reçue par rapport à la dose admissible qui ne retient que les radiations ayant pour source l’industrie nucléaire, civile ou militaire !

Le nucléocrate de service de l’AFIS imagine donc qu’une personne passe une semaine de vacances au col de la Bonnette. Complétons le scénario et supposons que par malchance cette personne dresse sa tente dans une belle combe non loin de la route mais dont le sol est contaminé au Césium-137, exactement à l’endroit ou Bruno Chareyron de la CRIIRAD a fait ses mesures (voir article précédent). Pendant ces sept jours passés dans et autour de sa tente le campeur malchanceux aurait reçu à raison de 5 μSv/h pendant 24 h durant 7 jours 840 μSv. Ces 840 μSv supplémentaires reçus en plus des 25.2 µSv de radioactivité naturelle représentent 84% de la dose annuelle admissible. 84% de la dose annuelle admissible en 7 jours ! Cela est loin d’être négligeable. 

Si maintenant on juge de ce qui est négligeable ou pas vis-à-vis d’un risque potentiel, aucune dose, quelle que soit sa source,  n’est négligeable comme expliqué dans un paragraphe précédent. Et certes, plus faible et la dose, on peut supposer (mais ce n’est pas prouvé) que plus faible est le risque. Il semblerait en effet que les cellules des organismes vivant à des altitudes élevées et soumis à un rayonnement cosmique chronique se réparent plus facilement et plus complètement que les cellules d’organismes soumis occasionnellement à des rayonnements ionisant plus intenses sur une période plus brève.

Le nucléocrate de service conclut sa comparaison dépourvue de sens par une question inepte : « Faut-il interdire les séjours en montagne ? », alors que la question  est de savoir s’il faut décaper les sols les plus contaminés sur des passages ou des lieux fréquentés !

Poursuivant ses comparaisons absurdes il affirme : « Un voyage aller-retour Paris New-York occasionne une dose de 50 µSv donc 5 fois notre cas d’école [bivouac de 2 heures, soit 10 μSv] ! Faut-il interdire les voyages en avion ? » Il compare ainsi une fois de plus les doses reçues de radioactivité naturelle avec les doses admissibles hors radioactivité naturelles, ce qui ne signifie rien. Il en va de même pour toutes ses autres comparaisons.

Dans cette citation la réduction à l’absurde qu’il tente d’établir n’est qu’un sophisme qui mélange radiations d’origine artificielles évitables ou réductibles et radiations non évitables sous prétexte qu’elles sont physiquement de même nature. Si le sol des secteurs fréquentés ou susceptibles de l’être qui sont dûment répertoriés étaient décapés, la dose de radiation artificielle reçue serait nulle. Ces radiations sont évitables et devraient être évitées.

Si je veux faire un aller et retour Paris/New-York en avion, les 50 μSv seront inévitables. À moi de le savoir d’abord et de le choisir en connaissance de cause ensuite. La plupart des gens ne se posent même pas la question et ceux qui se la posent prennent en général le risque. Quant aux doses reçues par le personnel navigant de l’aviation commerciale, elles ne doivent pas dépasser la dose limite admise pour tous les travailleurs soumis aux rayonnements ionisants, c’est-à-dire une dose externe annuelle de 20 mSv. Ce n’est pas parce qu’elle est « naturelle » que la radioactivité cosmique est inoffensive. Et il en est de même pour la radioactivité tellurique.

En ce qui concerne les doses reçues lors d’examens médicaux, le physicien de l’AFIS affirme « si par malheur vous deviez subir un scanner abdominal, en une seule fois et en quelques minutes vous prendriez 10 000 µ Sv soit 1000 fois ce que l’on nous présente comme étant non négligeable (donc potentiellement dangereux si on abandonne la langue de bois).Pour autant croyez-vous que le radiologue vous envoie à la mort ? » Cet examen en particulier comme tout examen radiologique médical soumet le patient à des irradiations importantes. Si le radiologue n’envoie pas son patient à la mort, il lui fait prendre un risque au terme d’une analyse du rapport coût/bénéfice dont ce patient doit être informé et qu’il accepte. D’ailleurs, il peut, au moins théoriquement, refuser.

En outre, dans ce passage le physicien de l’AFIS se moque du lecteur. Bien sûr que le radiologue n’envoie pas son patient à la mort avec une dose de 10 000 μSv puisque comme il l’écrit « il n'y a pas de toxicité démontrée en dessous d'un seuil de 100 000µ Sv (soit 100mSv). On commence à « voir » quelque chose au-delà de 2 à 3 fois cette dose. » Mais, le « quelque chose » auquel il est fait mention est un effet déterministe. Lorsqu’il en conclut que dans le cas des radiations que pourrait subir un piqueniqueur malchanceux faisant la sieste à un mauvais endroit au Col de la Bonnette «  on est donc dans un rapport de 10000 (voire 30 000) avec des doses pouvant poser problème et il n'y a donc, en aucune manière, lieu de s'inquiéter et surtout d'inquiéter la population. », il confond – volontairement ? – effet déterministe et effet stochastique ! Le piqueniqueur ne sera pas pris de nausées, et autres troubles affectant les personnes fortement irradiées, mais il prend un risque supplémentaire en augmentant sa dose annuelle, un risque qu’il ne prendrait sans doute pas s’il était correctement informé en allant simplement piqueniquer et faire sa sieste quelques dizaines de mètres plus loin. Mieux encore, cette malchance de prise de risque supplémentaire n’existerait pas si le sol avait été traité comme demandé notamment par la CRIIRAD.

Ces quelques remarques sur le texte qu’a cru bon de faire paraître l’AFIS en réaction à la publication des mesures de la CRIIRAD et de ses demandes suffisent pour montrer que cette réaction de « scientifiques » qui « savent » face au bon peuple ignorant que l’on effraie à tort et qu’il faut rassurer n’a qu’un but : rouler le bon peuple en question dans la farine pour lui faire admettre l’inadmissible : vivre dans des zones contaminées par une catastrophe nucléaire majeure comme c’est le cas au Japon où la dose maximale admissible pour la population a été multipliée par 20 dans les zones contaminées par la catastrophe de Fukushima, ce qui correspond à la dose maximale admissible des travailleurs du nucléaire. Mais ce n’est pas grave pour l’AFIS et les nucléocrate, il y aurait encore de la marge et nous sommes plutôt dans un excès de précaution due au principe éponyme, objet de tous les sarcasmes de ces « scientifiques ».

C’est ainsi que l’on peut lire dans un texte publié sur un site quasi officiel consacré à la radioactivité – il utilise le sigle du CNRS et celui d’une maison d’édition scientifique – : « La limite de 1 mSv/an peut sembler excessive ». Le rédacteur de l’article de l’AFIS que nous examinons a dû s’inspirer de ce texte et s’empresser d’en reprendre les âneries dont il est émaillé. On peut en effet y lire que : « Si l’on appliquait la limite de 1 mSv à ces deux causes, [la radioactivité d’origine naturelle et celle reçue lors d’examens médicaux] on ne pourrait pas subir un scanner, il faudrait renoncer à l'avion, abandonner l'alpinisme, ne pas habiter la Bretagne ou la Corse. » Bref, on veut vous faire croire que vous pourrez vivre dans une zone contaminée sans risque pour votre santé ou celle de vos enfants. En cas d’accident nucléaire, grands ou petits vous pourrez encaisser jusqu’à 20 mSV/an, boire du lait contaminé, manger des fruits et des légumes contaminés produits par l’agriculture radieusement irradiée de la douce France. Ce qui s’est passé et qui se passe avec la contamination due aux retombées de Tchernobyl dans le Mercantour préfigure en tout petit grâce à la distance ce qui se passera en grand  lorsque l’accident aura lieu sous nos fenêtres.

Cause toujours, tu m’intéresse !

En initiant sa nouvelle campagne de mesures de juillet 2015 dans le Mercantour, la CRIIRAD avait pour but « de maintenir la pression sur les autorités pour qu’elles produisent des cartes détaillées et gèrent les points les plus radioactifs situés sur des zones fréquentées par le public. » La CRIIRAD souligne qu’il est nécessaire de « porter une attention plus particulière à des points d’accumulation qui pourraient être proches de tables de pique-nique, bergeries, bord de lacs, etc. » Cette association  a mille fois raison de considérer que « dans ces cas, il nous semble légitime de demander que ces secteurs soient balisés voire traités (décapage de la couche superficielle du sol). » Elle précise que « ce secteur particulier du Mercantour, aux environs du col de Restefond La Bonette, a été choisi, car c’est là que nous avions pu, en août 1998, faire des mesures en présence des autorités. »

Les réactions de l’IRSN, du Parc et des nucléocrates sont hélas les mêmes qu’à l’accoutumée en ce qui concerne le nucléaire : manœuvres dilatoires, politique de l’autruche et immobilisme. Mieux vaut laisser les gens s’irradier quelque peu que de prendre des mesures pouvant nuire à la réputation de la région et donc à son économie, au commerce, aux affaires. Ce sont celles-ci qu’il s’agit de préserver avant tout. En ce qui concerne le Parc National, cela n’a rien d’étonnant quand on sait que son Conseil d’administration était présidé à l’époque par Eric Ciotti, qu’il est composé d’une écrasante majorité de maires, présidents d’agglomérations, conseillers généraux dont Christian Estrosi (qui colporte que les loups du massif ont été introduits par des écologistes), de technocrates et de personnalité nommées par les préfets.

Bref, une fois de plus la CRIIRAD a reçu une fin de non-recevoir sur ce sujet comme sur beaucoup d’autres malgré un soutien effectif de militants et une population globalement favorable qui lui fait confiance. On a dans cette affaire les prémices de ce qui risque fort de se passer en cas d’accident nucléaire en France.

On sait aujourd’hui qu’il y aura un autre accident nucléaire majeur sur la planète et la France est, hélas, bien placée pour être le pays où il aura lieu. Même les nucléocrates le savent et s’y préparent à leur manière. Mais comme dans le cas du Mercantour, leur préoccupation première n’est pas la protection des populations. C’est d’abord le maintien de l’ordre et c’est ensuite une gestion de la crise qui préserve l’économie du pays ainsi que l’expliquait le président de la CRIIRAD, Roland Desbordes lors d’une conférence à Colmar en 2014. En ce qui concerne le maintien de l’ordre, il faut entre autres conditions dont le recours à l’armée inutile ici Dieu merci, une maîtrise totale de la communication. Dans le cas du Mercantour étudié dans cet article,  on trouve à l’état embryonnaire la tentative d’une telle maîtrise. C’est la posture du Parc disqualifiant les résultats de la CRIIRAD sous prétexte qu’ils n’émanent pas d’une source officielle, posture qui a pu s’appuyer sur la note de l’IRSN soutenue par la nucléocrate AFIS. D’autre part, comme l’explique Roland Desbordes un des enseignements que les nucléocrates qui nous gouvernent ont tiré de la catastrophe de Fukushima est que cela revient moins cher et qu’une catastrophe est économiquement viable dès lors que l’on laisse vivre les gens dans des zones contaminées. Il n’est donc pas étonnant que même aujourd’hui, après cette catastrophe, aucune mesure sera prise pour protéger les gens de la contamination radioactive résiduelle qui pollue encore aujourd’hui encore le massif, qu’ils soient habitants permanents, touristes, estivants ou randonneurs.

Ainsi va la France nucléaire…..

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Annexes

Le communiqué du Parc National du Mercantour
 
Radioactivité : réaction du Parc national du Mercantour
Communication de la CRIIRAD : précisions apportées par le Parc National du Mercantour
La presse a relayé ces derniers jours une étude de la CRIIRAD relative à un éventuel danger de radioactivité sur le territoire du parc national :
  • Le Parc national du Mercantour indique qu'il n'a pas été destinataire de cette étude et qu'il n'a été associé ni à son déroulement, ni à sa préparation. Il en est de même pour les communes où les mesures ont été réalisées ;
  • Le Parc national du Mercantour regrette la stigmatisation du "Mercantour" à partir de quelques points de mesure localisés. Il aurait été intéressant de savoir ce que donneraient des prélèvements sur d'autres cols ou territoires alpins. Cette méthode ne paraît ni scientifique, ni équitable ;
  • Par ailleurs, si la CRIIRAD est une association indépendante qui est légitime à effectuer des mesures, le Parc national du Mercantour rappelle que les autorités compétentes en France sur la radioactivité sont l'Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN), dont la DREAL est la déléguée territoriale, ainsi que l'Institut de Radioprotection et de sûreté Nucléaire (IRSN) ;
  • Le Parc national du Mercantour constate qu'à ce jour, concernant un sujet ancien, les autorités sanitaires n'ont donné aucune consigne de précaution particulière et que donc, sauf contre ordre de ces mêmes autorités, il n'y a pas de restrictions d'usage particulières qui s'imposent aux habitants, socioprofessionnels et visiteurs qui fréquentent le territoire du parc.
 
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Extrait de l'article de l'AFIS
 

On passe maintenant aux choses plus significatives en termes de santé à savoir les effets de l’irradiation sur le corps humain. Essayons de donner quelques éclaircissements à cette accumulation de chiffres qui pourrait désarçonner le commun des mortels.

 

En premier lieu il faut comprendre la démarche intellectuelle qui est sous-jacente à ces explications :

 

L’IRSN examine les deux cas de figure suivants : une irradiation liée à la présence de Césium 137 (radioactif avec une demi-vie de 30 ans) et une ingestion de produits qui pourraient contenir ce césium (lait ou champignons  issus de ces zones). En effet l’activité dont il est question (les 100 000Bq / Kg dans quelques points chauds) peut se traduire en terme d’irradiation externe d’une part (lorsqu’on marche ou qu’on se couche dessus) et d’irradiation interne si on devait ingérer ce Césium d’une manière ou d’une autre.

 

Pour ce qui est de l’irradiation externe, l’article explique : « le fait de bivouaquer 2h sur certaines de ces zones induit une exposition non négligeable avec un débit de dose de 5 µ Sv/h au contact du sol. » Donc pour deux heures on retrouve les 10µSv évoqués par l’IRSN (qui d’ailleurs ne remet pas en cause les chiffres fournis par la CRIIRAD). Est-ce vraiment « non négligeable »?

 

Pour relativiser ces chiffres  voici quelques éléments de comparaison :

 

- Notons d’abord que l’irradiation naturelle à cette altitude est de 150nSv/h, donc si vous passiez une semaine de vacances à cette altitude  vous prendriez  150 x 24 x7 =25200nSv soit  25.2 µ SV donc deux fois et demie plus que notre dose non négligeable ! Faudrait-il interdire dans ce cas les séjours en montagne ?

 

- Un voyage aller-retour Paris New-York occasionne une dose de 50 µ Sv  donc 5 fois notre cas d’école ! Faut-il interdire les voyages en avion ?

 

- Un  français reçoit en moyenne, par an, une dose naturelle de  2 500 à 3000 µ Sv. Alors, 10 de plus ne font que… rester dans la moyenne, rien de plus !

 

- Dans certaines régions du monde, plus fortement radioactives du fait de gaz radioactifs remontant à la surface (le radon 222), la population reçoit 50 000  µ Sv par an (et même par endroits le double). Et pourtant toutes les études épidémiologiques montrent que même à ces doses il n’y pas d’aggravation du nombre de cancer ou d’autres maladies.

 

- Enfin, si par malheur vous deviez subir un scanner abdominal, en une seule fois et en quelques minutes vous prendriez 10 000 µ Sv soit 1000fois ce que l’on nous présente comme étant non négligeable (donc potentiellement dangereux si on abandonne la langue de bois).Pour autant croyez-vous que le radiologue vous envoie à la mort ?

 

 

En réalité, si l’on se réfère à des sources sérieuses, par exemple à la publication "Santé Radioactivité et rayonnements ionisants -édition 2004" issue de la collaboration entre d'éminents spécialistes de ces problématiques (Académie de Médecine,  de Pharmacie, de Radiologie, etc...), il n'y a pas de toxicité démontrée en dessous d'un seuil de 100 000µ Sv (soit 100mSv). On commence à « voir » quelque chose au-delà de 2 à 3 fois cette dose. On est donc dans un rapport de 10000 (voire 30 000) avec des doses pouvant poser problème et il n'y a donc, en aucune manière, lieu de s'inquiéter et surtout d'inquiéter la population.

 

Finalement, pour ce qui est de l’irradiation interne par ingestion, notons tout d’abord que l’article de la Provence et le document de France 3 n’en parlent pas, et pour cause.

 

En effet, l’IRSN montre que ce cas de figure très hypothétique n’engendrerait quasiment aucun effet sur l’organisme (10 à 100 µ Sv dans le cas d’un plat complet de champignons … qu’on ne trouve pas dans ces parages).

 

Lorsque la CRIIRAD, relayée par des journalistes en mal de buzz affirme que l’on mesure par endroits une radioactivité 100 fois supérieure au niveau naturel, nous pouvons aussi rétorquer  que les niveaux d’exposition sont pour autant 10 000 fois plus faibles que ceux considérés comme pouvant poser problème par les médecins et les scientifiques. Mais faire un titre en disant « nous avons mesuré des débits de dose 10000 fois trop faibles pour être dangereux » n’aurait probablement pas le même succès médiatique ! Alors que penser de cette alerte du CRIIRAD ?

 

En réfléchissant un peu, chacun pourra trouver quelques raisons.

BUFI Georges
Ingénieur-Membre de l’AFIS.

http://www.pseudo-sciences-13.org/radioactivite-mercantour.html


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 On trouvera les textes de l'IRSN analysés en suivant les liens ci-dessous :

- Note d’information sur les «Points chauds» de contamination en césium 137 de certains sols de moyenne et haute montagne du massif Alpin daté du 6 août 2015 http://www.irsn.fr/FR/Actualites_presse/Actualites/Documents/IRSN_NI-Mercantour-Cesium137_06082015.pdf

 - Document de 2016 Constat Radiologique « Rémanence de la radioactivité d’origine artificielle » http://www.irsn.fr/FR/expertise/rapports_expertise/surveillance-environnement/Documents/IRSN_Constat-Remanence-France_201604.pdf


 
 

 

Mardi 10 Mai 2016 Commentaires (0)

Tchernobyl, il y a trente ans. L’OPRI (Office de Protection des Rayonnements Ionisants) et tout particulièrement le Professeur Pellerin nous ont menti. La reconnaissance officielle de ce mensonge n’a jamais eu lieu. Pourtant trente ans après, il y a encore des preuves de ce mensonge, notamment au col de la Bonnette dans le Massif du Mercantour. On y trouve encore des sols fortement contaminés comme le mettent en évidence les résultats des mesures effectuées par la CRIIRAD et l’ACRO.



On remarquera que sur les lieux, il n’y a aucune mise en garde : la radioactivité est pourtant là insoupçonnable pour le visiteur de ce site magnifique. En plein été, les pique-niqueurs sont là. (Vidéo réalisée par la Criirad)


Dans les Alpes maritimes et les Alpes de Haute-Provence certains sols sont toujours des «déchets radioactifs»

La campagne de mesures de la CRIIRAD
 
Le laboratoire de la CRIIRAD a procédé, les 5 et 6 juillet 2015, à des mesures de radioactivité et échantillonnages dans les Alpes, afin d’étudier l’évolution de la contamination résiduelle par les retombées consécutives à la catastrophe de Tchernobyl. A l’issue de ces mesures la CRIIRADa publié un communiqué de presse dans lequel il rappelle qu’en mai 1986, les retombées avaient été particulièrement intenses dans le sud-est de la France et que la CRIIRAD avait mis en évidence entre 1996 et 1998, de très fortes contaminations des sols dans le Mercantour. Les mesures faites l’été 2015 montrent encore une contamination sévère à certains endroits :
« Les nouvelles mesures réalisées au cœur du Parc National du Mercantour, entre 2440 et 2540 mètres d’altitude, dans le secteur du Col de la Bonnette-Restefond, à la frontière entre les départements des Alpes de Haute-Provence et des Alpes Maritimes, montrent que :
• À 1 mètre du sol, sur des centaines de mètres carrés, le niveau de radiation est toujours plus de 2 fois supérieure à la normale. Ces  forts niveaux de rayonnement sont dus à la contamination résiduelle des sols par le césium-137 imputable principalement aux retombées de la catastrophe de Tchernobyl. Les rejets radioactifs massifs provenant du réacteur accidenté ont entrainé des dépôts radioactifs particulièrement intenses dans le sud-est de la France et en particulier en montagne.
•En outre, en fonction de la topographie, des conditions climatiques, de la nature du couvert végétal et de la typologie des sols, le métal  radioactif qui s’est déposé sur de vastes étendues a pu être redistribué et induire de très fortes accumulations. »
Sur ces zones d’accumulation les niveaux de radiation au contact du sol les valeurs mesurées sont plus de dix fois, voire même plus de 100 fois supérieures au niveau naturel. Le fait de bivouaquer 4 heures sur certaines de ces zones induit toujours en 2015 une exposition non négligeable (débit de dose de 5 microsiverts/heure (μSv/h) au contact du sol). Pour rappel la dose limite (ce qui ne veut pas dire inoffensive) pour la population est de 1 millisievert par an (mSv/an) en dehors des expositions médicales et naturelles, soit environ 80 μSv/mois. En quatre heures de bivouac, on reçoit ¼ de cette dose !
Dans son communiqué de presse, la CRIIRAD rappelle qu’au début du XXème siècle, la radioactivité  des  sols était de 0 Bq/kg pour le césium-137. Aujourd’hui sur les points d’accumulation cartographiés au Col de la Bonnette, notamment près d’un lac temporaire, les échantillons de sol prélevés manifestent une activité dépassant les 100 000 Bq/kg en césium-137. La CRIIRAD a ramené ces échantillons dans son laboratoire dans des caissons plombés. Ce sont des déchets radioactifs qui, après analyse, auront été remis à l’Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs.
 

Césium-137 dans les sol alpin en 2015 (©ACRO)
Césium-137 dans les sol alpin en 2015 (©ACRO)
L’enquête participative de l’ACRO

Dans le cadre de son enquête participative « Tchernobyl, 30 ans après ? » Bilan de la cartographie citoyenne du césium-137 dans l’alimentation et l’environnement, l’association « Les Enfants de Tchernobyl » s’est associée au projet en envoyant à l’ACRO une série d’échantillons de sols des massifs montagneux du sud-est de la France et en finançant leurs analyses. Les échantillons ont été prélevés sur des points chauds recensés par la CRIIRAD en 1998. On retrouve partout une contamination résiduelle non nulle qui montre une évolution complexe qui est fonction non seulement de la décroissance du Césium-137 mais de la topographie, du type de sol et de la végétation comme l’a également noté la CRIIRAD.
Tous les massifs alpins restent contaminés selon cette enquête et plus particulièrement les Alpes du Sud, le col de la Bonnette en tête avec un rayonnement gamma très marqué dans toutes les combes visitées. Un prélèvement effectué du sol jusqu’5 cm de profondeur dans une combe secondaire a révélé une activité de 68 000 ± 5 000 Bq/kg sec de Césium-137.
Dans le massif du Mercantour, à la Vacherie du Boréon (Commune de Saint-Martin Vésubie (06)), en secteur forestier un prélèvement du même type montrait une activité de 33 400 ± 2 800 de césium-137. Dans cette forêt, le préleveur a relevé un rayonnement gamma plus important dans tous les creux forestiers qu’il a visités. L’activité de l’échantillon est l’une des plus fortes de celles mesurées sur les échantillons de sol de surface prélevés dans le cadre de cette campagne. Elle est troisième, derrière celle de l'échantillon prélevé au col de la Bonnette, champion incontesté avec une activité de 68 000 Bq/kg sec loin devant les 38 700 Bq/kg sec du col de la Pisse Sud dans les Écrins qui précède donc de peu la forêt du Boréon et ses 33 400 Bq/kg sec. On soulignera que c’est aux Vacheries du Boréon qu’est situé « Alpha, Le Parc des loups du Mercantour » qui attire des milliers de visiteurs chaque année – plus de 63 000 en 2015 – sans qu’aucune information concernant la contamination post Tchernobyl ne leur soit donnée.
D’ailleurs, de façon générale, aucun des points chauds ne sont signalés et ni la population locale, ni les visiteurs ou les randonneurs ne sont prévenus. Il ne faut pas tuer le tourisme ou le commerce !

La France : le pays le plus nucléarisé et le plus mal préparé à une catastrophe
 
La France est un des pays les plus nucléarisé au monde et l’un des moins préparés en cas d’accident dans une centrale. Ces centrales ont beau être considérées par les nucléocrates franchouillards comme les plus sûres du monde, des accidents graves furent frôlés à plusieurs reprises, ce qui devrait rabattre leur caquet et l’a d’ailleurs un peu rabattu, puisque d’impossible naguère, l’accident majeur est devenu possible dans leur discours. Il a d’ailleurs bien failli se produire en décembre 1999 comme cadeau d’entrée dans le XXIème siècle.
Le 27 décembre notamment lors de la tempête qui frappe le territoire, les parties basses des tranches 1 et 2, et dans une moindre mesure les tranches 3 et 4 de la centrale nucléaire du Blayais (Gironde) sont inondées, forçant l'arrêt de trois de ses quatre réacteurs : « l'inondation d'une bonne partie des bâtiments a successivement mis hors d'usage plusieurs installations de sauvegarde, comme le circuit d'injection de sécurité (RIS), qui permet de rétablir le niveau du circuit primaire, et l'EAS (aspersion de l'enceinte), qui permet de faire baisser la température à l'intérieur du bâtiment réacteur en cas d'accident. Quand ce fut au tour, à 8 h 23, le matin du 28 décembre, de la moitié des pompes du circuit SEC (eau brute de sauvegarde), qui prélève l'eau en Gironde, la situation est devenue très grave. C'est le SEC qui assure en effet le refroidissement de l'ensemble, par l'intermédiaire d'autres circuits, et la sûreté de la tranche n° 1 ne tenait plus qu'à deux pompes, justifiant le déclenchement d'un plan d'urgence interne. Les centrales vieillissent et se corrodent, la chance ne sera peut-être pas toujours au rendez- vous ! » (Jean-Pierre Deroudille, Sud-Ouest, 5 janvier 2000.)
 
Le caractère ingérable des catastrophes nucléaires
 
La France n’est pas préparée en cas d’accident nucléaire, mais peut-on l’être vraiment ?
Contrairement à ce que pourrait laisser penser certaines émissions TV et notamment le film diffusé sur Arte pour son dossier sur les 30 ans de la catastrophe de Tchernobyl, une catastrophe nucléaire n’est pas gérable comme le souligne Bruno Chareyron, ingénieur en physique nucléaire, directeur du laboratoire de la CRIIRAD qui a rédigé le communiqué de presse associé à sa dernière campagne de mesure « Le fait que, dans le Sud-est de la France, à 1 900 kilomètres de Tchernobyl, et plus de 29 ans après la catastrophe, certains sols restent contaminés à plus de 100 000 Bq/kg nous interpelle sur ce qui se passerait en cas de catastrophe nucléaire sur un réacteur situé à quelques kilomètres de nos frontières, ou au cœur du territoire français. La période physique du césium 137 est de 30 ans et il faut attendre 300 ans pour que sa radioactivité soit divisée par 1 000. »
 
Ségolène Royal proclame que pour mieux garantir la sécurité des Français, le périmètre de protection autour des centrales a été élargi de 10 km à 20, c’est certainement une bonne chose, mais ce n’est pas pour autant que nous sommes à l’abri. Comme le rappelle Bruno Chareyron, Tchernobyl est à environ 1 900 km du Mercantour, toujours contaminé aujourd’hui et dont les sols avaient reçu jusqu’à 545 000 ± 55 000 Bq/kg sec au Col de la Bonnette Restefond. Cernés de toute part par des centrales nucléaires vieillissantes qu’EDF veut continuer à faire fonctionner, il ne s’agit pas de se faire peur mais il ne faut pas non plus jouer l’autruche : si le pire n’est jamais sûr, il est prévisible et même prévu par les nucléocrates CEA, AREVA, EDF. Comme au Japon, après Fukushima, les normes seront modifiées pour que l’on laisse vivre gens dans des territoires contaminées. Les doses dites « admissibles » passeront de 1 mSv/an à 20 mSv/an, 20 fois plus ! Et dans ces zones, nous n’irons plus aux bois car l’atome y sera…

Les leçons que je tire de tout cela est semblable à celles que tiraient de l'accident de Tchernobyl et de la critique de l'industrie nucléaire Roger et Bella Belbéoch.
Elles ne seront pas partagées par bon nombre des anti-nucléaires tièdaces actuels, par ces écologistes obnubilés par l’effet de serre qui se disent anti-nucléaires mais qui dans le même temps encensent un ex-salarié aujourd’hui retraité du Centre de l’énergie atomique (CEA) et qui vont même jusqu’à lui demander  de préfacer leurs ouvrages parce que ce monsieur fut vice-président du GIEC. Ces gens-là, auxquels s’opposaient déjà dans les années 90 Roger et Bella Belbéoch, surestiment les possibilités des grosses unités de production des énergies éoliennes ou solaires et sous-estiment  le rejet de l’éolien par le corps social et finalement sous-estiment également l’urgence d’une sortie du nucléaire.

La seule issue possible, c’est de stopper sans délai le nucléaire, en France et partout dans le monde. Abandonner cette énergie maintenant et pas aux calendes grecques quitte à recourir aux centrales à flamme comme le font les allemands.
Ségolène Royal veut que l’on construise de nouvelles centrales nucléaires alors que c’est l’inverse qu’il faut faire : fermer celles qui existent, ne pas en construire de nouvelles et ne pas en exporter.
Impossible ? Bien sûr que non ! Les japonais l’on bien fait, contraints et forcés. Alors, que l’on ne nous raconte pas d’histoires. Il s’agit d’une volonté politique et de hiérarchiser des priorités.


 

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• On trouvera le communiqué de la CRIIRAD et le résultat des mesures effectuées dans les Alpes par ce laboratoire  ici  ( Rappel : « La CRIIRAD - Commission de Recherche et d’Information Indépendantes sur la Radioactivité – est née en mai 1986, au lendemain de la catastrophe de Tchernobyl, à l’initiative d’un groupe de citoyens révoltés par les mensonges officiels et qui souhaitaient connaître la vérité sur la contamination réelle du territoire français. La CRIIRAD est une association. Elle possède son propre laboratoire d’analyses. Indépendante de l’Etat, des exploitants du nucléaire et de tout parti politique, la CRIIRAD existe grâce au soutien moral et financier de quelques milliers d’adhérents. Elle mène ses propres investigations, informe le public et les médias. Si nécessaire, elle interpelle les responsables et les pouvoirs publics, engage des actions en justice et contribue ainsi à faire évoluer la règlementation en vigueur. Actuellement, Roland Desbordes, physicien, préside le Conseil d’Administration. La CRIIRAD emploie 14 salariés. Le responsable du laboratoire est Bruno Chareyron, ingénieur en physique nucléaire.» (Extrait du texte de présentation de cette association sur son site.)

• L’enquête participative sur la contamination radioactive rémanente en France et en Europe  trente ans après l’accident de Tchernobyl a été conduite par l’ACRO c’est ici ( Rappel : « L’ACRO est une association loi 1901 déclarée à la Préfecture du Calvados en date du 14 octobre 1986 (JO du 29/10/86), elle est agréée de protection de l’environnement dans le cadre des régions de Basse-Normandie et de Haute-Normandie. Comme la CRIIRAD, elle a été créée, par un millier de personnes, dans les mois qui ont suivi l’accident de Tchernobyl, en réaction à une carence en information et en moyens de contrôles de la radioactivité localement adaptés à la situation, le tout dans un contexte de crise de confiance. L’émergence d’une telle structure indépendante est liée à la volonté de la société civile de rendre le citoyen auteur et acteur de la surveillance de son environnement, comme de son information.Dotée d’un laboratoire de mesure de la radioactivité agréé, l’ACRO mène des travaux d’études et de surveillance de la radioactivité dans l’environnement à sa propre initiative ou encore pour répondre à la demande de collectivités territoriales, de commissions locales d’information (CLI) ou d’associations. Les domaines d’intervention de l’ACRO sont donc variés, allant de l’information à l’expertise, en passant par l’analyse et la démarche participative. » Extraits du texte de présentation de cette association sur son site)
 

Samedi 30 Avril 2016 Commentaires (0)

Au quotidien

Résorber le chômage par la diminution du temps de travail : c'était déjà le mot d'ordre de la CGT en 1936...


Appel à la manifestation du 1 mai 1936
Appel à la manifestation du 1 mai 1936

Samedi 30 Avril 2016 Commentaires (0)

À Toulouse, la répression contre les opposants au barrage de Sivens se poursuit dans un grand silence médiatique. En voici un nouveau cas.
Mais peut-on s’attendre à autre chose avec des grands médias chiens de garde aux ordres et avec la dérive totalitaire de l’état PS des Hollande, Valls, Urvoas, et autre Cazeneuve ? Ceux-ci se gardent bien de sévir vraiment contre les agriculteurs casseurs et voyous lors de manifs pour le moins "musclées". À Sivens, leur aide leur a été bien précieuse pour combattre la ZAD comme l'a si justement relevé Reporterre.


Le Collectif « Tant qu’il y aura des Bouilles » communique :
 
« Guillaume a subi, comme beaucoup d'autres, la répression policière des mouvements d'indignation faisant suite aux événements de Sivens et au meurtre de Rémi. Il plaidait non coupable des faits qui lui étaient reprochés, mais fut condamné (à trois mois de prison avec sursis, plus dommages et intérêts pour les parties civiles) pour le délit de violences volontaires sur personnes dépositaires de l'autorité publique, et n'a pas pu faire appel de son jugement.
 
Pour cela, la loi le somme de se soumettre au prélèvement biologique qui permettra d'établir son profil génétique et de l'inscrire au FNAEG (Fichier National Automatisés des Empreintes Génétiques), et ce pour une durée minimale de 40 ans.
 
Convoqué, il s'est présenté à la section de la Sûreté Départementale du commissariat central de Toulouse pour signifier son refus, arguant d'un viol de l’État de son intimité et du caractère disproportionné voir inutile, et dangereux de ce fichage, que certains aimeraient imposer à tout citoyen dès la naissance sous le prétexte fallacieux d'un besoin toujours plus grand de sécurité. C'est un nouveau délit, et il est passible d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d’amende.»

Il était convoqué  aujourd’hui devant le tribunal de Grande Instance de Toulouse devant lequel le Collectif a appelé à un rassemblement de soutien non seulement pour  le défendre sur ses droits en tant qu'individu, mais aussi pour défendre le droit de tous contre les dérives totalitaires de la loi.

https://tantquilyauradesbouilles.wordpress.com/
 

 

Lundi 4 Avril 2016 Commentaires (0)

Une plainte a été déposée par l’ASPAS, Longitude 181 et Sea Shepherd suite à la pêche et l’abattage d’un grand requin blanc à la Réunion dans le cadre du programme CAP REQUINS 2. Ce programme scandaleux, qui utilise des fonds publics, ne protège en rien la population et détruit la biodiversité.


Massacre de requins à La Réunion : l’ASPAS, Longitude 181 et Sea Shepherd portent plainte !
Les associations Tendua, Longitude 181, One Voice, Sauvegarde des requins, Vagues et Fondation Brigitte Bardot dénoncent également cette pêche destructrice, organisée sans aucune validation scientifique.

En effet, le 15 octobre 2015, un grand requin blanc a été pêché dans le cadre du programme CAP REQUINS 2, dont les opérations menées sous la direction du CRPMEM (Comité régional des pêches) visent à capturer les requins bouledogue et tigre, espèces impliquées dans les récentes attaques à la Réunion. Mais les techniques utilisées causent de nombreuses prises accessoires qui ne sont pas connues précisément (aucun observateur indépendant n’étant accepté à bord des bateaux de pêche). L’une de ces victimes collatérales n’a pas pu passer inaperçue : un grand requin blanc, attiré par l’un des nombreux appâts placés dans la baie de Saint Paul, a été pêché et, sur la seule appréciation du CRPMEM, a été tué.

Rappelons que l’UICN classe le grand requin blanc parmi les espèces «vulnérables», c’est-à-dire menacées d’extinction. Ce statut a conduit l’Union européenne à interdire la pêche du grand requin blanc (Règlement (UE) 2015/104 du Conseil du 19 janvier 2015).

Cette espèce migratrice est également inscrite aux annexes I et II de la Convention de Bonn sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage du 23 juin 1979, et à l’annexe II de la Convention de Washington sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction du 3 mars 1973. De nombreuses conventions internationales propres à certaines zones géographiques prévoient sa protection dans le monde (Méditerranée, Antarctique,…).

Cette pêche est d’autant plus révoltante qu’elle est intervenue dans le cadre d’un programme de pêche que nos associations n’ont de cesse de dénoncer : rien ne démontre que la pêche des requins bouledogue et tigre est une solution pour éviter les accidents à la Réunion ; attirant artificiellement les requins près des côtes réunionnaises, ce programme peut même s’avérer contre-productif ; il est mené sans avis ni protocole scientifique, et en toute opacité.

En 10 mois, ce sont au moins 67 requins qui ont été tués, sur fonds publics. En plus de n’apporter aucune sécurité, cette pêche est un pillage de nos mers, financé par les contribuables, et qui viole la loi.

Source : Communiqué ASPAS et Sea Shepherd
Photo :  Terry Goss  

Vendredi 1 Avril 2016 Commentaires (0)

Il est temps de se mettre en mouvement pour le peuple crapaud !
Un communiqué de l'ASPAS


Les amphibiens ont déjà repris la longue marche, celle du printemps et de la reproduction ! Ils convergent avec entêtement, vers leurs lieux de reproduction, malgré nos voies bitumées et leur danger mortel. Pour endiguer l’hécatombe annuelle récurrente, l’ASPAS demande aux automobilistes un peu d’attention lors de leurs déplacements printaniers, et appelle les bénévoles, protecteurs de la nature, à se rapprocher des associations locales pour les opérations de ramassage. L’ASPAS diffuse gratuitement un guide de conseils et propose, à prix coutant, des panneaux signalétiques, à placer aux abords des routes pour alerter les usagers sur la migration.
Les crapauds, les grenouilles ou les tritons sont d’utiles éliminateurs de moustiques ou de limaces, et sont protégés par la loi. Or, chaque année, pendant leur migration nuptiale durant laquelle ils tentent de rejoindre les zones humides nécessaires à leur reproduction, ces amphibiens se font écraser par millions, agonisant parfois dans d’atroces souffrances.
S’ajoute à cette souffrance animale et à la disparition progressive de ces espèces sauvages protégées, un réel danger pour les automobiliste de « crapauplanning » … La prudence est donc de mise.
Vous constatez des écrasements de crapauds, et vous ne savez pas comment agir ?
 

Voici différents degrés d’action :

• Le plus simple et le plus immédiat : ramassez-les et faites-les traverser. Leur venin n’est absolument pas toxique pour l’homme, il faut juste ne pas se frotter les yeux. Pour ne pas abîmer leur peau fragile, mouillez-vous les mains avant de délicatement les saisir. Votre seul matériel sera une torche, un seau et un gilet fluo.
• Un peu plus collectif : rassemblez des volontaires et organisez des roulements, cela permet de créer des instants de partage et d’échanges conviviaux, autour d’une cause commune. Vous pouvez également coller des affiches chez les commerçants pour sensibiliser les gens. Prévenez éventuellement les gendarmes, qu’ils veillent au respect des vitesses lors des ramassages…
• Pour une action efficace et à plus fort impact, ou un projet de crapauduc, il faut contacter une association locale de protection de la nature et l’ASPAS pour vous aider dans vos démarches. Écrire au Conseil général et à la mairie, obtenir leur aide, leurs autorisations, etc.
• L’ASPAS propose aux particuliers, aux mairies et aux associations des panneaux de signalisation réfléchissants, en PVC, semblables aux panneaux routiers. Attention : leur pose sur la voie publique est soumise à autorisation accordée par les Conseils généraux ou les mairies.
À vos seaux et à vos gilets fluo, l’ASPAS est à votre écoute !

Laurent Baffie est partenaire de la campagne ASPAS pour les amphibiens

Pour commander ou obtenir des renseignements sur les panneaux de signalisation ou des informations sur l’exposition « Connaître et protéger les amphibiens« : tél : 04 75 25 14 14 ou actions@aspas-nature.org
 
Pour obtenir le document imprimé il suffit d’écrire à ASPAS – BP 505 – 26401 CREST Cedex en joignant 1 enveloppe A5 (16 x 23cm) timbrée avec deux timbres lettre verte 20 g.

 

Jeudi 10 Mars 2016 Commentaires (0)

«Europe’s forest management did not mitigate climate warming » tel est le titre quelque peu provocateur ou alarmiste d’un article publié dans le numéro du 5 Février 2016 de la revue Science, (Naudts et al., Vol 351, numero 6273 6 VOL 351 ISSUE 6273, p. 597). Dans cet article une équipe de chercheurs de l’Institut Pierre Simon Laplace (IPSL) publie des résultats qui remettent en cause les conceptions communément admises sur la gestion des forêts susceptible d’en faire des puits de carbone et d’atténuer le réchauffement climatique. Non seulement cette gestion n’aurait pas réduit le réchauffement climatique mais elle l’aurait renforcé.
Il s’agit ici d’examiner les conséquences des résultats publiés par Kim Naudts et son équipe pour le combat contre une gestion productiviste de la forêt française dans le contexte d’une politique environnementale dominée par la priorité donnée aux mesures supposées permettre d’atténuer le changement climatique.


Résumé
 
Après avoir exposé les principaux résultats auxquels sont parvenus les chercheurs de l’IPSL, on constate qu’une de leurs conséquences est que la préservation des forêts en libre évolution et la préservation de ce qui subsiste de naturalité dans les forêts gérées non seulement ne sont pas contraires à la politique climatique dominante mais qu’elles y contribuent alors que la gestion des forêts dans le cadre d’une sylviculture intensive renforce le changement climatique.  (§ I)
Sont ensuite passés en revue les arguments avancés en défense de la gestion forestière productiviste, ce qui permet d’établir que les forêts laissées en libre évolution sont au moins aussi résilientes que les forêts gérées face aux aléas climatiques, notamment les tempêtes et les incendies. Il n’y a donc pas plus (et même peut-être moins) de risques de déstockage massif de carbone avec les unes qu’avec les autres lors de ces aléas. (§ II – III)
La discussion de l’objection selon laquelle le bilan carbone de la forêt établi par Naudts et ses co-auteurs est négatif parce qu’il n’est pas complet et ne prend pas en compte « l’effet de substitution » induit par l’usage du bois conduit à distinguer nettement entre une énergie renouvelable et une énergie « décarbonée ». Plus encore, on montre qu’en France les mesures visant à développer industriellement la filière bois/énergie et plus généralement à exploiter la biomasse extraite des forêts comme source d’énergie renouvelable entrent en contradiction avec une politique d’atténuation du changement climatique. (§IV – VII)
 Cette conclusion revêt un intérêt majeur pour les défenseurs de la naturalité des forêts et du maintien de forêts en libre évolution. Elle débouche cependant sur une question troublante à laquelle on apporte quelques éléments de réponse : pourquoi le développement d’énergies renouvelables, notamment l’éolien et le bois/énergie, appréhendées comme « douces » s’avère particulièrement nocif envers l’environnement et la Nature ?  (§ VIII – IX).


(Le lecteur que les analyses et argumentations sur les détails de la gestion forestière rebuteraient peut se rendre directement à la section VIII.)

 

Gestion des forêts françaises et changement climatique.
I – Pour obtenir leurs résultats les auteurs ont dû reconstituer l’histoire de l’utilisation des sols depuis 1750 et procéder à des modélisations pour déterminer les effets biophysiques et biochimiques des changements d’utilisation des sols. La modélisation construite tient compte à la fois des modifications dans la couverture des sols (déforestation et reboisement) et des évolutions dans la gestion des surfaces boisées. Ils ont couplé cette modélisation avec un modèle de circulation atmosphérique pour déterminer dans le changement climatique ce qui revenait aux émissions globales de gaz à effet de serre d’origine humaine et ce qui revenait aux modifications dans l’utilisation des sols depuis 1750.
Si l’on suit leurs conclusions, la gestion des forêts en Europe envisagée depuis 1750 a conduit à un bilan carbone négatif qui se monte à 3,1 milliards de tonnes (3, 1 pétagrammes / 1 pétagramme (Pg)  = 10 12 kilogrammes) de carbone et cela en dépit d’un considérable reboisement, la surface occupée par les forêts ayant augmentée de 386 000 Km2 au cours de la période à partir de 1850. De plus l’enrésinement des surfaces boisées serait responsable d’une augmentation de la température ambiante en été qu’ils évaluent à 0,12 K (K pour kelvin – 0,12 K = 0,12°C : une variation de 1K étant égale à une variation de 1°C) tandis que le reboisement aurait induit à la limite supérieure de l’atmosphère un forçage radiatif de 0.12 watts par m2.
L’augmentation du forçage radiatif serait due principalement au reboisement comme tel. Elle s’expliquerait par une diminution de l’albédo des surfaces reboisées (elles sont plus sombres et absorbent plus de lumière solaire) que le puit de carbone créé par ces boisements ne compenserait pas totalement.
Au cours de la période et notamment à partir de 1850, la surface occupée par des feuillus a proportionnellement régressée au profit celle occupée par des conifères. Non seulement le reboisement s’est effectué pour l’essentiel avec des espèces de conifères mais en outre des conifères ont été substitués aux feuillus dans les forêts existantes, ce qui a conduit en définitive à une augmentation de 633 000 km2 des surfaces de conifères au dépens des surfaces de feuillus qui ont diminué de 436 000 Km2. La proportion de conifères par rapport aux feuillus est passée de 30% / 70% en 1750 à 57% /43%.
C’est ce remplacement des feuillus par des conifères qui serait le responsable  principal de l’augmentation de la température atmosphérique ambiante en été : 0,8 K pour 0,12 K d’augmentation totale. Cela s’expliquerait par une diminution sensible de l’évapotranspiration due au fait que les conifères ont des feuilles réduites à des aiguilles.
Il y aurait deux causes principales à ce que les auteurs nomment « la dette carbone », c’est-à-dire le Δ positif des émissions de carbone entre 1750 et aujourd’hui : l’extraction du bois (éclaircie, récolte, récupération de la litière) et la mise en production des forêts laissées en libre évolution et donc non exploitées.
L’exploitation forestière est émettrice de CO2  en ce qu’elle conduit au déstockage du carbone captif dans le bois et dans le sol des forêts tandis que « la diminution des stocks de carbone due à l’extraction du bois des forêts non gérées auparavant ne peut pas être compensée par la constitution d’un stock de carbone dans les produits du bois (seulement 0,05 Pg C [pétagrammes de carbone] seraient compensés) »

Certes le remplacement des feuillus par des conifères renforce temporairement l’effet « puits de carbone », ceux-ci ayant une croissance plus rapide que ceux-là. Cependant, ils sont récoltés plus tôt et au total en combinant l’extraction du bois avec le changement d’essence on obtient un excédent d’émission de carbone de 1,9 Pg C (1,9 milliard de tonnes). Pour le dire autrement, si à court terme une forêt exploitée stocke plus de carbone qu’une forêt qui ne l’est pas, sur le long terme, un peu plus d’un siècle et demi, c’est l’inverse.
De plus, la mise en production durant la période étudiée de 417 000 km2 forêts qui n’étaient pas gérées auparavant aurait conduit à elle seule  à l’émission de 3.5 Pg C (3,5 milliards de tonnes) dans l’atmosphère en estimant que par rapport à une forêt gérée, le carbone stocké dans une forêt non gérée est moindre de 24% pour la biomasse vivante, de 43% pour le bois mort, de 8% pour la litière et de 6% pour le sol. Seule une petite partie aurait été compensée  par le reboisement de 386 000Km2 de parcelles agricoles à partir de 1850 et par un enrésinement des boisements.
Forts de ces résultats, les auteurs peuvent  conclure que : « not all forest management contributes to climate change mitigation.» (Ce n’est pas le cas que n’importe quelle gestion forestière contribue à réduire le changement climatique.)

La forêt de Vendays-Montalivet en Gironde après le passage de la tempête de 1999
La forêt de Vendays-Montalivet en Gironde après le passage de la tempête de 1999
Comme le précisent les auteurs « Les forestiers ont favorisé une poignée d'espèce d'arbres commercialement rentables (le Pin sylvestre, le sapin de la Norvège et le hêtre) et, de cette manière, ils sont en grande partie responsables de la distribution actuelle des espèces de conifères et de feuillus ». Les forestiers cherchaient avant tout à satisfaire les demandes en bois d’une population sans cesse croissante qui fait plus que quadrupler passant de 140 000 000 habitants en 1750  580 000  000 en 2010, d’où la mise en exploitation de forêts laissées en évolution libre. C’est aussi pour satisfaire la demande qu’ils convertirent les taillis en futaies. Il ne s’agissait évidemment pas pour eux de gérer les forêts pour en faire des puits de carbone ; les politiques d’atténuation du changement climatique n’étant apparues que trèsrécemment.
Bien entendu, les résultats publiés dans cet article ne vont pas dans le sens des sylviculteurs productivistes. Ils remettent en cause l’idée qu’une gestion des forêts dans le but de production commerciale intensive de bois permettrait de faire du même coup que les surfaces boisées ainsi traitées contribuent à l’atténuation du changement climatique.
Dans un article précédent  (ici) j’ai rappelé comment les plantations de résineux, jointes à une sylviculture dite « dynamique » détruisaient les forêts véritables. Cette exploitation intensive antinature obéit à des impératifs de rentabilité mais se targue néanmoins d’être écologique en s’enrôlant sous la bannière de la « lutte contre le réchauffement climatique » au prétexte que cette forme de gestion renforce le rôle de puits de carbone joué par ces surfaces boisées. C’est ainsi que la dénaturation de la forêt française – et en fin de compte son sacrifice – pourrait se poursuivre, voire s’intensifier avec l’onction de politiciens « écologistes » au nom de la transition énergétique et du primat donné aux politiques climatiques. 
Or, si les résultats que publient ces chercheurs se confirment, les politiques d’atténuation du changement climatique ne pourront plus être invoquées pour justifier une sylviculture productiviste. Au contraire, la défense d’une politique forestière qui respecte la diversité et préserve ce qui reste de naturalité de nos forêts pourra s’appuyer sur un argument supplémentaire : les forêts non exploitées stockent sur le long terme plus de carbone que celles qui le sont.
On notera que Seid et al. (2007, p.73) avaient obtenu un résultat analogue dans un contexte et selon des méthodes différentes. Selon ces auteurs, si l’on considère une période de 100 ans, la «préservation intégrale » est ce qui permet d’obtenir la plus grande quantité de carbone séquestré grâce à la croissance du bois sur pied et à l’accumulation de bois mort, mais pour eux cette forme de non gestion n’est qu’une «référence biologique» pour situer les autres modes de gestion qu’ils envisagent et non une gestion réalisable (a feasible management alternative) principalement pour des raisons économiques et d’admissibilité sociale. 
 
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II – Contacté par le journal Le Monde, Jean-Luc Peyron, le directeur du groupement d’intérêt public sur les écosystèmes forestiers Ecofore reprend la doctrine traditionnelle : la forêt en France ayant doublé sa superficie et quintuplé son rendement à l’hectare, séquestrerait 8 % des émissions nationales annuelles de gaz à effet de serre (15% selon l’ADME 2016 soit presque le double : un tel écart fait problème !). Mais ni cette extension, ni cette productivité améliorée (obtenue principalement par l’enrésinement des parcelles, l’apport d’engrais et de pesticides au bilan carbone douteux) ne sont contestées par les chercheurs de l’IPSL. Ce qu’ils ont montré est que cette séquestration n’est que temporaire alors que sur le long terme, le stock de carbone dans les forêts en libre évolution est supérieur. 
Un autre argument invoqué par Jean-Luc Peyron que l’on retrouve aussi dans un autre contexte  dans des écrits de l’ADME consiste à prétendre qu’une forêt gérée résiste mieux aux tempêtes et aux sècheresses génératrices d’incendie que les forêts en libre évolution, donc avec moins de risque de déstockage brutal de carbone. La section suivante est consacrée à une critique de cet argument. On envisagera d’abord les tempêtes puis les incendies.
 
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III – Au préalable il faut souligner que, dans les deux cas, ce déstockage ne serait jamais qu’ « une dette carbone » qui serait compensée au bout d’un « temps de retour » plus ou moins long.
Les analyses des dégâts occasionnés dans les forêts françaises après la tempête de 1999 montrent à tout le moins que les choses ne sont pas aussi tranchées, pour ne pas dire plus, en ce qui concerne la résistance aux tempêtes.
Pour ce qui est des peuplements, est confirmée la situation « très défavorable des peuplements résineux quant à la résistance au vent, notamment pour l'épicéa commun et le douglas qui ont été les principales essences utilisées en reboisement : 10 à 15% des peuplements sont instables, 50 à 55% sont susceptibles de le devenir après une intervention sylvicole ; les peuplements stables n'occupent qu'un tiers de la surface. Le sapin pectiné présente un profil similaire. En ce qui concerne les autres essences, et avec des réserves sur la pertinence de la classification, la situation semble moins préoccupante pour le pin sylvestre et les pins autres que le pin maritime ; ce dernier ainsi que les autres résineux se situent dans une position intermédiaire. » (Pignard, G. 2000, p. 196) En substituant des peuplements d’épicéas communs et de douglas en peuplements souvent mono-spécifiques aux peuplements feuillus naturels, la Ce n’est que dans ce type de boisements que l’on a pu constater des effets « châteaux de cartes » dévastateurs.Ce n’est que dans ce type de boisements que l’on a pu constater des effets « châteaux de cartes » dévastateurs.

En outre si l’on raisonne en termes de naturalité, les chablis et volis dans les boisements des réserves naturelles occasionnés par la tempête de 1999 n’ont pas porté atteinte à ces boisements sur le moyen terme. Ils sont même souvent considérés comme bénéfiques pourson évolution.
Enfin du point de vue de la séquestration du C, une partie de ce C stockée  dans le bois des chablis sera reprise dans le sol, celle émise dans l’atmosphère lors du processus de dégradation sera reprise lors de la reconquête du chablis. Si en flux il y a émission de CO2, en stock le bilan de la décomposition au terme de la régénération et en attendant la nouvelle dégradation est nul.
Il faut ajouter un autre effet bénéfique du vent. Alors que les tempêtes d’intensité exceptionnelle telles que celles de 1990 ou de 1999 abattent arbres sains et malades, les arbres abattus par les tempêtes en années « normales » sont principalement des arbres souffrant de maladies affectant leur résistance mécanique comme par exemple les chênes parasités par les collybies (collybia fusipes) : «le risque de chablis en forêt d’Amance serait 7,8 fois plus  important pour les chênes fortement infectés que pour les chênes sains » (Drouineau, S. 2000, p. 162). L’auteur considère qu’il y a là un effet « d’écrémage » qui est masqué en cas de fortes tempêtes : « Les tempêtes ont pour effet premier d’écrémer les arbres fragilisés. À des vitesses de vent critiques, l’effet est dilué par l’apparition en masse de dégâts affectant des arbres et des peuplements sains. » Cet effet d’écrémage assainit les boisements. C’est pourquoi dans les chablis de la tempête de 1999 on trouve moins d’arbres parasités que dans celle de 1990. Cette dernières et les tempêtes ayant eu lieu entre temps à des vitesses sub-critiques ayant fait tomber les arbres dont la maladie affectait la résistance mécanique : « Ce même effet d’écrémage est invoqué par Piou, dans le cas de deux tempêtes se succédant à quelques années d’intervalle, pour expliquer que les taux d’infection racinaire des arbres abattus par la seconde tempête soient nettement moindres que pour les arbres abattus par la première (observation réalisée à l’Arboretum des Barres suite aux tempêtes de 1990 et 1999) » (Id. même page).

Concernant les incendies, il faudrait rappeler tout d’abord que les incendies de forêts sont à 90 % d’origine humaine lorsque l’origine du départ de feu est connue ; parmi les causes naturelles, c’est la foudre qui est la plus fréquente (Magnier, 2011). Donc la question principale en la matière est comment préserver les forêts des risques d’incendie que leur font courir les hommes, leurs installations, leurs infrastructures et leurs activités sans même parler des pyromanes. Elle se pose avec une acuité toute particulière en ce qui concerne la forêt méditerranéenne, mais pas seulement.
Il faut remarquer qu’une forêt qui a subi un incendie n’est pas morte pour autant. Dans les forêts qui sont le plus exposées à des feux comme les forêts méditerranéennes, une sélection naturelle s’est opérée au profit d’espèces pyrophytes, c’est-à-dire des espèces qui ont une bonne capacité de résistance au feu ou qui peuvent en tirer profit.
Parmi les arbres pyrophytes, on peut citer les pins d’Alep ou pins blancs de Provence. Leurs cônes leur servent de banques de graines aériennes. Dans ces cônes fermés par de la résine les graines peuvent rester en dormance plusieurs années en attendant qu’adviennent des conditions favorables à leur germination, c’est-à-dire un feu de forêt. La chaleur fait fondre la résine, ce qui permettra l’ouverture des cônes.  Les graines tombent sur un sol libéré de la concurrence des autres espèces et fertilisé par les cendres, ce qui va favoriser la germination et accélérer la levée des graines. Après un feu, ils sont les premiers à recoloniser un territoire amorçant ainsi les successions qui vont reconstituer la forêt brûlée. Il y a aussi des arbres tels les chênes-lièges qui peuvent supporter un incendie grâce à leur écorce extrêmement épaisse, ce qui est rare chez les feuillus. Les autres feuillus se régénèreront moins vite que les pins blancs de Provence à partir de rejets de leurs souches restées vivantes dans le sol. La forêt incendiée finira par se reconstituer à l’identique sans que les hommes aient besoin de s’en mêler.

Melanophila acuminata
Melanophila acuminata
Parmi les espèces pyrophytes, il y a aussi des insectes et des champignons. Parmi les insectes, on peut citer des coléoptères notamment Melanophila acuminata et Melanophila cuspidata qui se reproduisent sur les troncs brulés et que l’on retrouve en quantité dans les pinèdes incendiées (Léveillé, 2013). Melanophila acuminata serait dotée d’un capteur sensoriel spécial lui permettant de  détecter la fumée et la chaleur se dégageant d’une forêt qui brûle et ainsi s’orienter vers elle  (Léveillé, 2013). Parmi les champignons qui poussent sur les troncs brûlés, il y a Geopyxis carbonaria, Ascobolus carbonarius, Peziza petersii, Pyronema confluens.  En revanche les tortues d’Herman sont, elles, des victimes de ces incendies. Comme pour tout bouleversement  d’un milieu, il y a des gagnants et des perdants. Considérés globalement, les incendies s’ils n’étaient que d’origine naturelle seraient suffisamment espacés pour jouer un rôle positif dans l’évolution naturelle des forêts en leur permettant de se régénérer. Un incendie a des effets complexes (dégagement de chaleur mais aussi fumées) mais le bilan carbone en stock est nul au bout d’un temps T’ puisque tout le CO2 relâché dans l’atmosphère sera repris à nouveau lors du processus de reconstitution naturelle à l’identique de la forêt incendiée à T.

Pour éviter les malentendus, précisons qu’ici nous n’envisageons pas les pertes commerciales, ni les dommages aux biens ou aux personnes lors de ces incendies de forêt. Ce sont ces dommages qui nécessitent et justifient que l’on combatte de tels incendies en France, que l’on édicte des règles d’urbanisme et que l’on réalise des aménagements pour tenter de les éviter ou en maîtriser l’ampleur. Dans des parcs nationaux de grande étendue comme aux USA le problème ne se pose évidemment pas dans les mêmes termes en ce qui concerne la protection des biens et des personnes. Signalons au passage que l’épaisseur et les propriétés de l’écorce des grands séquoias les rendent capables de résister sans dommage à un incendie. Bien plus comme dans le cas des pins d’Alep, les cônes étonnamment petits de ces arbres gigantesques ne s’ouvrent qu’à la chaleur. Pauvres en réserves nutritives, les graines ont absolument besoin de la fertilisation des sols par les cendres pour se développer.Donc en résumé, les forêts en libre évolution se débrouillent bien toutes seules, sans l’intervention de forestiers, pour supporter les tempêtes et passer entre les flammes des incendies s’ils sont suffisamment espacés. Mais en cas d’incendies à répétition, le forestier est lui aussi impuissant. Bien plus, tempêtes et incendies sont des perturbations naturelles qui sont bénéfiques en assainissant les boisements et en permettant leur régénération.

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Cônes de pins d'Alep
Cônes de pins d'Alep
IV – Une des conséquences que l’on peut tirer des résultats publiés dans l’article de Science est que le renforcement de l’exploitation des forêts par le développement des filières bois/énergie et dans une moindre mesure bois/matériaux  peut entrer contradiction avec une politique d’atténuation du changement climatique et ne peut plus être considérée comme étant  automatiquement en synergie avec elle.
Pour les exploitants forestiers français partisans d’une sylviculture productiviste (qui avance souvent masquée) cette conséquence n’est pas acceptable. Pour eux comme pour l’ADME, il faut prendre en compte non seulement « l’effet de séquestration » du carbone mais aussi « l’effet de substitution », c’est-à-dire les émissions de CO2 évitées en substituant un produit du bois à des combustibles ou des matériaux dont la fabrication est génératrice de gaz à effet de serre.
Pour Jean-Luc Peyron cité par Le Monde « cette étude ne dresse pas le bilan carbone complet des forêts » parce qu’elle ne prend pas en compte « l’effet de substitution ».
Si cette critique était pertinente et correcte, elle aurait pour conséquence de restaurer la possibilité d’une convergence automatique entre une exploitation productiviste des forêts et les politiques d’atténuation du changement climatique jugées à tort ou à raison prioritaires aujourd’hui. Son examen a donc un intérêt pratique. Mais il a aussi un intérêt théorique en permettant de distinguer plus nettement entre deux objectifs de politiques publiques qui sont souvent présentés comme allant de pair et par là même souvent confondus.

Avant d’envisager la pertinence de l’argument, il faut noter qu’en ne prenant pas en compte les effets de substitution, les auteurs de cet article de Science n’ont fait que se conformer à la comptabilisation de l’Europe en matière d’émission de gaz à effet de serre. Selon cette comptabilisation, les émissions évitées par l’utilisation du bois récolté doivent être comptabilisées dans les secteurs de l’industrie et de l’énergie et pas dans le secteur UTCATF (Utilisation des Terres, Changements d’Affectation des Terres et Foresterie). Peut-on reprocher aux auteurs de l’étude de ne pas avoir pris en compte l’effet de substitution conformément à ces règles de comptabilisation qui sont celles qui ont été adoptées lors de la conférence sur le climat de Durban ?

On remarquera que la valeur de l’effet de substitution pour un usage ou une fabrication donnée va varier considérablement selon l’origine de l’énergie utilisée pour cet usage ou cette fabrication.  S’il s’agit par exemple de l’électricité utilisée comme chauffage ou pour produire de l’aluminium, tout va dépendre de son origine : hydroélectrique, photovoltaïque, éolienne ou nucléaire, la substitution n’entraînera aucune réduction d’émission de CO2. Elle ne sera pas du même ordre s’il s’agit de gaz ou de charbon… Dans certains cas, il se pourrait même que l’effet de substitution ait des conséquences négatives en matière d’émission de CO2. Bref, le calcul de l’effet de substitution va dépendre du mix énergétique d’origine qu’il va modifier et d’autres variables comme l’énergie utilisée pour « récolter » le bois, le transformer, etc., les temps de retour carbone…
L’effet de substitution est donc à prendre en compte pour évaluer le bilan carbone d’un mix énergétique pour une utilisation donnée, pas pour calculer celui de la gestion d’une forêt qui va rester identique alors que la valeur de l’effet de substitution correspondra au Δ des émissions de CO2 entre les valeurs du mix initial et du nouveau mix intégrant le bois, variable selon les types d’énergie mises en jeu.
L’argument n’est donc pas pertinent. L’effet de substitution de l’utilisation du bois/énergie et du bois/matériaux ne concerne pas le bilan carbone de la forêt mais celui d’une industrie donnée dans un contexte énergétique donné.

C’est donc bien un bilan carbone complet des forêts que dresse l’article de Science, ou s’il n’était pas complet, ce serait pour d’autres raisons à découvrir mais pas parce qu’il ne prend pas en compte les effets de substitution causés par l’introduction de produits du bois dans un mix énergétique. Et sur le pas de temps étudié, la quantité d’émission de carbone a été supérieure à la quantité stockée parce que la forêt a été exploitée et modifiée dans la répartition de ses essences précisément pour produire plus de produits du bois.
 
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V – Ce n’est que dans le cadre d’une politique globale de réduction d’émission de CO2 que l’on peut prendre en compte l’effet de substitution pour estimer l’intérêt de la filière bois/énergie et de la filière bois/matériaux. Il s’agit alors de savoir si l’effet de substitution est suffisant pour effacer la dette carbone que la gestion de la forêt a contractée pour maximiser les productions que l’on peut en tirer. Et si le temps de retour est suffisamment court pour que cet effet de substitution joue effectivement un rôle dans l’atténuation du changement climatique.

On peut remarquer que sur l’échelle de temps étudiée par Naudts et al., la filière bois qu’elle soit énergie ou matériaux a fonctionné à plein régime entraînant un déclin des surfaces boisées. Ce déclin s’est inversé et la pénurie de bois a cessé à partir de 1850, précisément lorsque d’autres matériaux et sources d’énergie ont été substituées au bois et notamment « le charbon de terre » au « charbon de bois » et qu’a été mise en œuvre une gestion « scientifique » des forêts (voir aussi McGrath et al., 2015).
Il est donc quelque peu cavalier de dire que « les effets de substitution ne sont pas limités » (ADEME 2015a). Les effets de substitution ont une limite parce que la substitution qui respecte une sylviculture durable, c’est-à-dire qui n’entame pas les boisements, est limitée à la production brute de bois de ces boisements. Donc en ce sens les effets de substitution sont limités aussi, sauf à accepter une « dette de carbone » permanente. En d’autres termes, sauf à entamer le capital forestier, on ne peut exploiter la forêt plus vite qu’elle se régénère. De plus en exploitant plus intensément les forêts, même si c’est de façon « durable », c’est-à-dire sans diminuer les boisements, il y a renforcement du déstockage de C, émission de CO2 et augmentation de la dette carbone.

Selon l’ADME pour contrebalancer ces émissions de C02 et pour repousser les limites des effets de substitution, il faudrait constituer des capacités de stockage supplémentaires, en d’autres termes accroître la productivité des forêts par la conversion de taillis en futaie, la sur-densification des futaies, l’augmentation de densité des plantations et, cerise sur le gâteau : « l’amélioration génétique ».
La conversion des taillis en futaies n’est pas nouvelle (Cf. McGrath et al., 2015). C’est même une des caractéristiques de l’évolution du couvert forestier sur les deux siècles et demi étudiés par Naudts et al. Cela n’a pas empêché l’accumulation d’émission de CO2 non compensées.
La surdensification des futaies est une des causes de moindre résistance d’un peuplement au vent (voir ci-dessus § III). Elle risque d’induire des déficits hydriques. Elle a aussi comme conséquence un appauvrissement des sols d’autant que l’exploitation des rémanents prive ces sols de nutriments, notamment en azote et carbone. Pour compenser cette perte, il faut introduire des fertilisants tandis qu’une plus grande sensibilité aux maladies implique le recours à des traitements chimiques. Enfin, l’amélioration génétique, même sans recours à l’ingénierie génétique est la porte ouverte à une artificialisation supplémentaire.
De plus, pour obtenir une régénération la plus rapide possible, l’ADME et les forestiers productivistes proposent une régulation sévère du gibier, comprenons le moins possible de grands ongulés (cerfs et chevreuil) à l’hectare en exterminant par chasseurs interposés les bêtes jugées en surnombre. C’est ce que ces gestionnaires appellent l’équilibre forêt-gibier.

Gestion des forêts françaises et changement climatique.
Bref, l’ADEME et les gestionnaires forestiers ne proposent ni plus, ni moins que de reproduire en sylviculture la fuite en avant du productivisme en agriculture avec à terme les dégâts sur l’air, l’eau et les sols, la biodiversité et la naturalité des forêts qui ne seront plus que des plantations d’arbres. Et comme les agriculteurs, les sylviculteurs se plaignent maintenant de l’existence de contraintes environnementales qu’ils estiment, pour le regretter « de plus en plus nombreuses » : « Sur le fond, j’estime que la plupart sont justes et fondées. Néanmoins, sous couvert d’un principe de précaution, utilisées sans discernement, elles sont souvent appliquées de manière excessive, voire absurde. » (Ollivier Patrick, 2009)Accentuer la mise en exploitation de forêt non encore exploitées, « nécessite des politiques ambitieuses de mobilisation de la biomasse. » (ADME, 2015b) Traduction : « nécessite une exploitation plus intensive des forêts et plus d’abattage d’arbres ». Lorsqu’un arbre est réduit par ces technocrates à de la « biomasse », il y a du souci à se faire sur le sort qu’ils réservent à nos forêts !
 
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VI – Avec cette notion de « effet de substitution », on se meut dans l’irréel pour promouvoir une artificialisation des forêts bien réelle. « Si on avait fait x au lieu de y, alors on aurait obtenu z ». Il s’agit d’un conditionnel « contraire aux faits ».  L’antécédent étant faux (on a fait y et non x), la logique nous impose de considérer que le conséquent (on aurait obtenu z) peut être vrai ou faux.
« Si l’on avait chauffé à 20°C ce collège avec une chaudière à mazout au lieu d’une chaudière à bois à haut rendement, on aurait émis x quantités de CO2 en plus ». D’un strict point de vue logique, on ne peut choisir entre cette proposition et sa contraire : « Si l’on avait chauffé à 20°C ce collège avec une chaudière à mazout au lieu d’une chaudière à bois à haut rendement, on n’aurait pas émis x quantités de CO2 en plus ». Cela ne peut être pas être constaté non plus, puisque c’est avec une chaudière à bois que le collège a été chauffé. Au mieux cela peut être calculé voire seulement estimé et il faut prendre en compte « le temps de retour » du carbone, c’est-à-dire le moment où la production de bois a été suffisante pour récupérer via la photosynthèse le carbone émis lors de la combustion, lui aussi estimé. Ces calculs et estimations dépendent d’un faisceau hypothèses qui diffèrent selon les études. Elles dépendent aussi de nombreux paramètres ainsi que de suppositions simplificatrices qui différent également.

Compte tenu de cela, il ne faut donc pas être étonné si tirant le bilan de son analyse fouillée de la littérature internationale spécialisée sur ces questions, Miriam Buitrago Esquinas (2012) conclut : «Même si l’augmentation du prélèvement reste inférieure à l’accroissement, il peut ne pas y avoir de bénéfices [pour le bilan C] dans un premier temps dans les scénarios présentés dans les études de cas analysées. C'est-à-dire que l’application de ces scénarios peuvent conduire à une augmentation des émissions par rapport au scénario « business as usual » à court terme. La temporalité à laquelle les scénarios d’intensification commencent à générer des bénéfices est très variable selon les conditions du territoire (productivité, type de sol, risques d’événement extrême, etc.), le type de gestion forestière (niveau de prélèvement, type de coupe, utilisation de techniques d’augmentation de la production, etc.), distribution entre les différents usages du bois et des valeurs du coefficient de substitution énergétique (type de combustible fossile substitué combiné à l’efficience du produit bois énergie) et les valeurs du coefficient de substitution matériaux (l’intensité GES du type de produit substitué combiné à l’intensité GES du produit bois). » (Souligné par moi, JFD).
Des choix différents dans les paramètres énumérés conduisent à des résultats différents qui expliquent la grande disparité des résultats selon les études considérées, disparités telles qu’il est impossible de généraliser ces résultats. Ce qui permet de comprendre le constat de l’auteure concernant les avis des « acteurs » du domaine : «il est important de souligner qu’il n’existe pas de consensus sur les pratiques sylvicoles optimales vis-à-vis de l’atténuation du changement climatique. Les stratégies peuvent même être complètement opposées par l’arbitrage entre l’effet de substitution et l’effet de stockage (de la dynamisation de la sylviculture, le raccourcissement des révolutions, le façonnement de peuplements moins denses et la mise en place de plantations très productives ou de pratiques qui promeuvent l’allongement de l’âge de coupe, le maintien des forêts denses ou la création de zones de réserves). » (Souligné par moi JFD).

La filière bois est-elle au moins « carbone neutre » si on prend en compte l’effet de substitution ? Certains acteurs en doutent car la filière génère des émissions temporaires, produit une décapitalisation en forêt sans stockage dans les produits (voir Buitrago Esquinas, 2012, p. 83), ce que viennent de prouver les résultats exposés dans l’article de Naudts et al., 2016.
                                                                                  
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VII – De ce qui précède il résulte qu’au vu des incertitudes en ce qui concerne l’impact des pratiques sylvicoles sur l’atténuation du changement climatique, il est pour le moins difficile de promouvoir au nom de la « lutte contre le changement climatique » une sylviculture intensive avec des pratiques du même type de celles qui ont cours en agriculture aujourd’hui. De même cette lutte ne peut être invoquée pour une intensification des coupes et pour la mise en gestion de forêts ou d’espaces boisés laissés actuellement en évolution libre pour diverses raisons (morcellement de la propriété, désintérêt des propriétaires, difficulté d’accès, topographie défavorable, contrainte paysagère, etc.).

La forêt naturelle en libre évolution à base de feuillus essentiellement n’est pas cause de la dette de carbone de 3,1 milliards de tonnes. Ce sont les forêts gérées qui le sont. C’est donc le type de gestion qui leur est appliquée qui est responsable de ce bilan. Les forêts conduites pour produire le maximum de bois en un minimum de temps, les coupes rases, l’exportation des rémanents…bref, tout ce qui constitue la continuation, le renforcement voire l’exacerbation de cette gestion conduite au maximum de ses possibilités ne peut qu’aggraver cette dette carbone et donc augmenter l’ampleur du changement climatique au lieu de le réduire.
Or c’est précisément cette gestion ultra productiviste que le gouvernement actuel comme les précédents s’efforce de promouvoir conformément au « Plan d'action national en faveur des énergies renouvelables (PNA EnR) »

Pour s’en convaincre voici deux citations extraites de la littérature ministérielle, la première étant écrite dans un style techno pur jus : « Le fléchage d’une partie du Fonds Chaleur vers la fourniture de biomasse, décidé par la Ministre Ségolène Royal et officialisé dans le cadre du Contrat Stratégique de la Filière Bois signé en décembre 2014, apporte un élément de réponse » à la « mobilisation de la ressource » jugée insuffisante pour remplir les objectifs assignés par le PNA Enr. (Ministère de l’environnement, 2016) et « L’atteinte des objectifs 2020 du PNA EnR supposerait ainsi (…) une croissance de l’ordre de +20 Mm3 du bois récolté en forêt. » Les mêmes causes produisant lesmêmes effets, cette politique française énergétique qui s’appuie principalement sur la filière bois/énergie pour atteindre les 20% de sa consommation finale d’énergie par les énergies renouvelables à l’horizon 2020 entre en contradiction avec la priorité accordée à « la lutte contre le changement climatique » pourtant proclamée haut et fort.

Gestion des forêts françaises et changement climatique.
Aujourd’hui avec son « Projet pilote de mobilisation des bois en Auvergne (PPMBA) » (ADEME 2015c), l’ADME s’en prend dans le département de l’Allier à la forêt auvergnate dont elle veut augmenter la production en mettant en exploitation les petites parcelles des propriétaires privés qui laissaient leur bois en évolution libre. C’est précisément cette mise en exploitation de forêts initialement non gérées qui est une des causes de la dette carbone des forêts que poursuit ce PPMBA avec l’objectif de le généraliser à la France entière et donc d’être un facteur aggravant de cette dette. Y aura-t-il encore demain, en France, quelques boisements en évolution libre ?

On peut craindre une réponse négative à cette question lorsque l’on constate qu’ont été mis au point des moyens d’exploiter les forêts en forte pente, notamment les forêts de montagne, peu exploitées  jusqu’à présent faute de techniques adéquates et rentables. Ces forêts en forte pente (> 30%) représentent représente 25% de la surface forestière et 27% de la ressource disponible. L’objectif de la France en matière de développement des bioénergies rend nécessaire la mise en exploitation de «  ces nouveaux gisements de biomasse » selon l’expression technocratique consacrée. On voit clairement ici encore, grâce à l’article de Naudts et al. comment cette politique énergétique est en contradiction avec une politique climatique d’utilisation des surfaces forestières pour atténuer le changement climatique et donc en contradiction avec les engagements de la fameuse mais déjà bien oubliée COP 21.

A l’autre bout de la chaîne, la filière bois/énergie a basculé vers le gigantisme industriel. Elle est en train de piller la forêt hexagonale sous prétexte de cogénération chaleur/électricité. La centrale bois/énergie d’Uniper (ex-E.On) à Gardanne destinée à produire de l’électricité et qui ne cogénère même pas de chaleur engloutira 900 000 tonnes de bois par an. Non contente de mettre à sac la forêt française, elle importe du bois venant de la forêt amazonienne.
La centrale bois/énergie d’Areva de Pierrelatte n’en dévore que 150 000 tonnes. Elle met pourtant en coupes réglées et rases la forêt drômoise alors que sa production d’électricité est ridiculement faible à cause d’erreurs de conception.
Avec la centrale du CEA à Saudron dans la Haute-Marne, à proximité de Cigéo, ce sont les forêts de Lorraine qui sont mises à contribution à hauteur de 20% des ressources forestières disponibles de la région (90 000 tonnes) pour expérimenter le projet absurde de fabriquer du diesel de synthèse avec du bois et de transformer ainsi les forêts françaises en puits de pétrole (vite taris vue la quantité de bois consommée)!

Même si l’on néglige l’incompétence et le côté saugrenu de nos Pieds nickelés et autres Géo Trouvetout de la nucléocratie, il reste que les équipements industriels de cogénération électricité/chaleur se multiplient, soutenus par les gouvernements successifs.

Alors que le combat contre la centrale de Gardanne a malheureusement bien peu de chances d’être gagné, on peut rappeler la lutte couronnée de succès contre les projets ERSCIA France, filiale de IBV Belgique qui mettait en danger les forêts morvandelles et sans doute aussi auvergnates. Avec la complicité des élus dont le « frondeur » Christian Paul, député de la Nièvre et Arnaud Montebourg  alors ministre, ERSCIA voulait créer un pôle de transformation bois à l’entrée du Parc Naturel du Morvan à SARDY LES EPIRY dans la NIÈVRE (58) en BOURGOGNE. Ce pôle aurait compris entre autres installations, une centrale de cogénération de biomasse avec un gigantesque incinérateur et une fabrication de granulés destinés à produire de l’électricité en BELGIQUE, chez ELECTRABEL, une filiale de GDF/Suez, aujourd’hui ENGIE. Il est probable que les luttes contre des projets de ce type avec création de ZAD ou non vont se multiplier à l’avenir.
 

Cheminée de la centrale bois E.on (297m) à Gardanne devant les tours de refroidissement de la centrale nucléaire
Cheminée de la centrale bois E.on (297m) à Gardanne devant les tours de refroidissement de la centrale nucléaire
Non content de promouvoir le renforcement de l’exploitation des forêts pour la production de chaleur et d’électricité, l’Etat voit d’un bon œil l’utilisation du bois pour produire du diesel de synthèse, ce projet soutenu et développé par le CEA. C’est ainsi que l’on peut lire dans le document cité (Ministère de l’environnement…, 2016) « Par ailleurs de nouveaux usages du bois seront également amenés à se développer. La production de biocarburants de deuxième génération pourrait, si la filière se développait à une échelle industrielle, nécessiter des volumes de bois très conséquents à horizon 2025 » La merveilleuse idée des Géo Trouvetout du CEA a donc rencontré un écho favorable auprès des technocrates du Ministère de l’environnement,…. (nommé jusqu’au récent remaniement ministériel, Ministère de l’écologie,…).Outre les ravages que cela va produire dans les forêts françaises, cette profusion de réalisations ou de projets industriels d’utilisation massive du bois/énergie que l’on supposait « décarboné » pouvait sembler en accord avec les politiques de réduction du changement climatique, ce qui les rendait  difficile à combattre. Elle apparaît maintenant avec la publication de l’article de Naudts et al., en contradiction avec elle, rendant la lutte contre les projets nouveaux plus apte à faire l’unanimité parmi les environnementalistes et les écologistes et aussi plus facile à médiatiser.

Comme le précise avec toutes les précautions de rigueur l’une des auteurs de cet article dans l’émission de France-Inter « la tête au carré » du 15 février 2016, Aude Valade, le carbone émis par l’utilisation massive du bois sera dominant dans le bilan carbone de la forêt. Elle rappelle également qu’il ne suffit pas de planter des arbres pour atténuer le changement climatique et elle ajoute que la forêt naturelle a bien d’autres services environnementaux à rendre. On peut citer par exemple la protection des sols et la régulation hydrique. Or, ce sont précisément ces services écosystémiques que les politiques gouvernementales négligent comme le montre la citation suivante extraite du 2ème rapport sur les progrès réalisés dans la promotion et l’utilisation des énergies renouvelables: « 9. Incidences estimées de la production de biocarburants et de bioliquides sur la biodiversité, les ressources en eau, la qualité de l'eau et la qualité des sols au cours des 2 années précédentes : Aucune évaluation de l'impact de la production de biocarburants sur ces ressources naturelles n'a été engagée au cours des deux dernières années. » (p. 38). On ne peut imaginer désinvolture plus grande vis-à-vis des conséquences de l’intensification de l’exploitation forestière nécessaire au développement de la production de ces « biocarburants » tirés de sources diverses dont le bois extrait des forêts.

Les analyses de cette section concernent le bois/énergie. Le bois/matériau pose des problèmes différents. Cette filière peut offrir de meilleures perspectives pour le devenir des forêts si toutefois elles sont gérées selon les principes d’une sylviculture irrégulière, continue et proche de la nature telle que celle développée par l’association Pro Sylva. Cette sylviculture permet également d’avoir des forêts exploitées dont la quantité de carbone stocké se rapproche le plus de celui d’une forêt en libre évolution. On remarquera que ce type de sylviculture proscrit les coupes rases, les labours, l’exportation du bois mort, des rémanents et de la litière. Pour plus de détails sur cette forme de sylviculture, on se rapportera à son site ici : http://www.prosilva.fr/html/index.html?PHPSESSID=72affd00a6cb3d200a37e7122a699bad. On peut aussi consulter Rossi M. et al., 2015 sur ce sujet qui ne sera pas abordé plus avant ici.
 
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VIII – Récapitulons :
1°) L’article de Naudts et al., montre en se fondant sur plus de deux siècles et demi d’archives concernant les forêts européennes que celles-ci non seulement n’ont pas joué le rôle de puits de carbone que l’on pouvait espérer mais qu’au contraire elles ont participé au changement climatique actuel. Ce ne sont pas les forêts comme telles qui sont en cause mais leur gestion, notamment l’exportation de bois hors de ces forêts, leur exploitation intensive, l’inversion par rapport à l’année initiale (1750) de la proportion entre résineux et feuillus, la mise en exploitation de boisements laissés en libre évolution. Cet article a fait l’effet d’un « pavé  dans la mare » en remettant en cause les idées reçues sur la gestion des forêts européennes tempérées bien que d’autres études plus partielles et/ou sur des forêts d’un autre continent aient déjà abouti à des conclusions analogues.

2°) La revue que j’ai effectuée dans les sections précédentes des principaux arguments invoqués par les théoriciens et acteurs de la sylviculture productiviste dominante aujourd’hui pour tenter de rétablir l’idée que la forêt gérée selon les principes de cette sylviculture est une forêt qui constitue un puits de carbone plus efficace qu’une forêt en évolution libre ne sont pas convaincants et cela même lorsque l’on envisage « l’effet de substitution ». Non seulement cet effet est variable, dépendant de contextes locaux, difficile à évaluer mais le concept même d’ « effet de substitution » pose problème dans la mesure où il se situe au plan de l’irréel (et non du virtuel !). De plus, contrairement aux assertions des partisans de la gestion productiviste en vigueur et en analysant les données tirées de la littérature produite par leurs propres organismes, il n’apparaît pas que la forêt naturelle laissée en évolution libre soit moins résiliente face aux aléas climatiques ou aux incendies.

3°) La sylviculture actuelle et celle prônée par les organismes officiels ont pour l’objectif d’avoir en 2020 un mix énergétique composé à hauteur de 20% par des Enr. L’Etat et les gouvernements successifs quelle que soit leurs couleurs politiques comptent l’atteindre en mobilisant en priorité la filière bois/énergie. Conjugué à la sylviculture actuelle, cela accentue encore, voire exacerbe les traits de la gestion forestière qui expliqueraient, selon les auteurs de l’article de Science la « dette de carbone » de la forêt contractée entre 1750 et 2010. Il faut donc distinguer entre la recherche d’énergies renouvelables et l’atténuation du changement climatique.

Le bois/énergie est une énergie renouvelable dès lors que le prélèvement est inférieur à l’accroissement mais ce n’est pas une énergie « décarbonée » bien que son bilan carbone puisse être comparativement meilleur dans certaines conditions que d’autres sources. Ce point est capital à la fois au plan théorique et bien sûr sur le plan pratique.
Il peut donc y avoir conflit entre des politiques ayant comme objectif l’atténuation du changement climatique et les politiques dites de « transition énergétique » lorsque la recherche d’un mix énergétique à base de renouvelables s’appuie en priorité sur la filière bois/énergie comme c’est le cas en France.

De cela il résulte une conséquence importante pour les défenseurs et les amoureux des véritables forêts, c’est-à-dire des forêts qui ont un fort degré de naturalité avec la diversité de leurs essences, leurs fourrés et leurs clairières, avec des arbres majestueux dans la force de l’âge et des arbres tordus, mal venus, avec des arbres vénérables, leurs troncs moussus, leurs creux et leurs fentes qui font le bonheur de toute une faune qui y trouve logement et parfois pitance tandis que d’autres les trouvent dans le bois mort ; des forêts avec leur tapis végétal changeant au fil des saisons et de la poussée du feuillage, leurs champignons ; des forêts où les oiseaux chantent dans les frondaisons, où vivent des petits carnivores et de grands ongulés, où se cache le chat forestier, où le lynx est réapparu et où le loup se fait attendre.

Les défenseurs de ces forêts ne sont plus sommés de mettre une sourdine à leur combat. Ils ne seront plus tiraillés entre deux objectifs qui pouvaient sembler inconciliables : la préservation de ces forêts d’un côté et de l’autre la lutte contre le changement climatique qui était censée impliquer la gestion productiviste et intensive des boisements et la promotion d’une filière bois ravageuse en expansion illimitée.

Certes en France, c’est souvent le cas que des politiques sectorielles s’imposent localement en contradiction avec des objectifs poursuivis par des politiques globales : les objectifs de la politique climatique et le développement du réseau autoroutier en sont un bel exemple. De plus, il faudra plus d’un article, fût-il publié dans la prestigieuse revue Science, pour que les instances politiques nationales, européennes et internationales, les institutions comme l’ADEME et a fortiori les organisations professionnelles de la gestion forestière et des filières bois changent de politique où simplement reconnaissent la validité des résultats de Kim Naudts et de son équipe de chercheurs et en tiennent compte, au moins à la marge.
Il reste qu’il est maintenant possible d’invoquer auprès du gouvernement et des ministères le respect des engagements de la France, pays organisateur de la COP 21, pour atténuer le changement climatique comme un motif pour préserver les forêts en libre évolution et mettre un frein à l’enrésinement des massifs de feuillus qui subsistent encore.

En France, dans les déclarations, sinon toujours dans les faits, la « lutte contre le réchauffement climatique », c’est-à-dire les mesures visant à son atténuation semble avoir le pas sur toutes les autres dans le domaine de l’environnement au niveau gouvernemental comme pour des grandes ONG environnementales internationales ou nationales. Du coup cette lutte devient un argument de poids pour la préservation de forêts naturelles en évolution libre et pour, sinon stopper, du moins tempérer sensiblement les prétentions sur la forêt de la filière bois et notamment de la filière bois/énergie.
 
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IX – L’ère de l’énergie fossile abondante et facile d’accès sera bientôt close. La situation actuelle avec un pétrole pléthorique et bon marché ne doit pas faire illusion. En tout cas, elle ne le fait pas aux acteurs du secteur énergétique qui doivent anticiper le temps du pétrole rare et cher, en voie d’épuisement qui ne peut manquer d’advenir. Les écologistes ne sont pas les seuls à considérer l’urgence d’une « transition énergétique ». Mais une transition énergétique sans une refonte de nos modes de vie n’a et n’aura rien d’une transition écologique. Le déploiement de l’éolien terrestre saccage des lieux peu anthropisés en y ouvrant des pistes, en y coulant du béton pour édifier de gigantesques convertisseurs d’énergie, tueurs de chauves-souris et hachoirs à oiseaux. Ils dénaturent les paysages naturels et patrimoniaux et pourrissent la vie des riverains à plus d’un kilomètre à la ronde. Le procès de ces engins n’est plus à faire même si ceux qui prétendent représenter les écologistes au sein des assemblées et des collectivités locales veulent ne rien voir et ne rien entendre à leur sujet. La filière bois/énergie ne vaut guère mieux en s’attaquant aux forêts, y compris les forêts de montagne difficiles d’accès, en les exploitant de façon intensive, en les convertissant en plantations d’arbres dépourvues de toute naturalité où les ongulés n’ont même plus droit de cité et qui n’ ont plus de forêts que le nom. Les ravages commis jusqu’à aujourd’hui ne sont rien à côté de ce que les exploitants forestiers et les industriels de la filière bois/énergie nous préparent.

Combien significatif est le titre d’un article du dossier de Reporterre consacré à la filière bois : «Aspiré par des centrales géantes, le bois n’est plus écologique » ! Un titre semblable aurait pu introduire un article sur la filière éolienne ou solaire. Et là est bien la raison qui fait que le rêve écolo d’énergies « douces » renouvelables tourne invariablement au cauchemar : le gigantisme et l’industrialisation, alors que pour les premiers écologistes, il s’agissait de petites unités de production sinon domestiques, du moins artisanales à l’échelon des communautés de base.
Qui dit gigantisme, dit industriel, capitalisme privé ou d’état, multinationales. Et ce sont bien des multinationales avides de profits juteux et de retours rapides sur investissements grâce au soutien étatique de ces filières qui ont accaparé le secteur des « énergies nouvelles ». Elles profitent d’un effet d’aubaine. Mais si elles tirent ou espèrent tirer profit de cette transition énergétique, elles sont avant tout opportunistes. Ce ne sont pas elles qui ont rendu ce gigantisme nécessaire. C’est nous tous, les occidentaux qui en sommes responsables, collectivement et individuellement lorsque nous avons décidé expressément ou tacitement que « notre mode de vie n’était pas négociable », lorsque de plus nous n’avons eu de cesse de l’exporter sur toute la planète, lorsqu’en adorateurs du « progrès » et de « la croissance » nous n’acceptons pas de limites ni économiques, ni démographiques.

Dans le cas des forêts et du climat qui nous occupent plus particulièrement dans cet article, il faut noter que la gestion productiviste de la forêt a été rendue nécessaire pour satisfaire la demande de bois d’une population en croissance continue comme le constatent Naudts et son équipe de chercheurs de l’IPSL dans leur article : «Par la production locale et le commerce, l’Europe s’est efforcée de satisfaire la demande en bois d’une population qui a augmenté de 140 millions en 1750 à 580 millions en 2010. En conséquence, 417 000 km2 de forêts initialement non gérées furent misent en production et 218 000 km2 de taillis furent convertis en futaies, lesquels, avec les 196 000 Km2 de reboisement, ont abouti à une augmentation de 833 000 km2. (Through local production and trade, Europe tried to satisfy the wood demands of a population that grew from 140 million in 1750 to 580 million by 2010. As a result, 417,000 km2 of previously unmanaged forests were taken into production, and 218,000 km2 of coppices were converted to high stands, which, together with the 196,000 km2 of afforestation, resulted in an 833,000 km2 increase. )». D’un autre côté les courbes du GIEC montrent aussi une corrélation entre l’augmentation des températures moyennes de surface et l’augmentation de la population terrestre.

La demande en bois/énergie ne peut qu’augmenter considérablement dans la mesure où celui-ci est et sera une composante essentielle du mix énergétique futur, un mix « défossilisé » par la force des choses. Même réduite à des plantations d’arbres fournissant de la biomasse, la forêt se gère sur un pas de temps qui voisine plus ou moins le demi-siècle dans le meilleur des cas. C’est en prévision de cette demande croissante (et des incidences du changement climatique) que le forestier gère sa forêt et qu’à l’autre bout de la chaîne, l’industriel conçoit ses centrales. Il n’est pas certain que le premier puisse satisfaire cette demande sans cesse grandissante répercutée par le second dans le cadre d’une gestion durable de ses boisements, c’est-à-dire d’une augmentation du prélèvement qui reste inférieure à l’accroissement. Après tout, sans la découverte du « charbon de terre » et des huiles minérales, les forêts étaient menacées. Il n’y a rien d’étonnant qu’elles le redeviennent aujourd’hui du fait de la raréfaction prévisible de ces produits fossiles.

Le « small is beautiful », le petit sans lequel les énergies douces ne le sont plus et deviennent ravageuses ne pourra pas satisfaire les besoins en énergie de la population actuelle de l’Europe (sans parler de la population mondiale) si son mode vie reste inchangé. D’autant que cette population continue de croître.
L’énergie abondante a été une condition nécessaire de l’essor de la civilisation occidentale comme elle a permis l’essor démographique de l’espèce humaine en augmentant considérablement la capacité de charge de la planète. Sa raréfaction prévisible montre qu’elle est aussi son tendon d’Achille.
Gestion des forêts françaises et changement climatique.

 

Références
 

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Gestion des forêts françaises et changement climatique.

 
Illustrations



Frédérique Berlic/l’indépendant http://www.lindependant.fr/2012/07/17/energies-renouvelables-un-deuxieme-reseau-de-chaleur-inaugure,153059.php

En Gironde, la forêt de Vendays Montalivet après la tempête de 1999  Photo Jean-jacques Saubi extraite de « En images : il y a quinze ans, la tempête Martin frappait notre région » Portofolio, Sud-Ouest 27/12/2014 http://www.sudouest.fr/2014/12/27/en-images-il-y-a-quinze-ans-la-tempete-martin-frappait-notre-region-1780108-4018.php

Melanophila acuminata, AG Pr. Schmitz Wiki Commons, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Melanophila_acuminata.jpg

Cônes de pins d’Alep, Jean-Pierre Bazard, Wiki Commons, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:C%C3%B4nes_de_pin_d'alep_%28Pinus_halepensis%29.JPG?uselang=fr

Coupe rase dans la forêt cévenole  https://sosforetcevennes.wordpress.com/base-documentaire/ où l’on trouvera plus de photos.

Cheminée de la centrale de Gardanne (hauteur 297 m) Photo : ?/ Terre Sacrée

Illustration  reprise à Reporterre, ici. http://reporterre.net/Aspire-par-des-centrales-geantes-le-bois-n-est-plus-ecologique

Forêts et bois de l’Est http://foretsetboisdelest.blogspot.fr/

E. ON piège à con Manifestation contre la centrale de Gardanne, Pierre Isnard-Dupuy, Reporterre http://reporterre.net/Manifestation-contre-la-desastreuse-centrale-a-biomasse-de-Gardanne
Gestion des forêts françaises et changement climatique.

Dimanche 6 Mars 2016 Commentaires (0)
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