La chenille de la Fausse teigne, Galleria mellonella, bien connue des apiculteurs dont elle parasite les ruches est proposée par une start-up comme nouveau « modèle » pour réaliser des expérimentations animales notamment en toxicologie. Est-elle un « biotest éthique » comme l’affirme cette entreprise ?


Voici le passage du texte d’Alain Fraval de l’INRA qui fait l’apologie de cette « avancée » scientifique dans la revue OPIE-Insectes. Les Épingles entomologiques de Juillet. C’est à partir d’un commentaire (très) critique de ce texte que je vais argumenter une réponse négative à cette question. Biotest peut-être, éthique sûrement pas. 

« La qualité principale qui devrait voir cette chenille [Galleria mellonella] prochainement embauchée en masse sur les paillasses, c’est qu’on est absolument indifférent à ce qui peut lui arriver. Une tête qui ne ressemble à rien et n’exprime pas plus, aucun cri, un cerveau si rudimentaire qu’elle ne souffre pas, et c’est juste un insecte (pas beau). En plus, ce n’est pas demain la veille que les »législateurs réglementeront son usage. Tout pour se voir qualifier de prometteur biotest éthique. »

Ce biotest est un bon moyen pour tenter de se débarrasser des empêcheurs d’expérimenter en rond, les antivivisections et autres défenseurs des animaux. Il fallait trouver un animal pour lequel les gens n’éprouveront aucune empathie. C’est le cas de celui-ci qui de plus est un ravageur. On ne se contentera plus de le tuer mais on va le supplicier dans l’indifférence générale. C’est de cela en fait qu’il s’agit lorsque l’on fait de cette chenille un « biotest » éthique.

Galleria mellonella aurait un cerveau si rudimentaire qu’elle ne souffrirait pas. Pas de quoi donc inquiéter les véganes néowelfaristes ou abolitionnistes puisqu’à la fameuse question « souffre-t-elle ? » la réponse serait « Non » selon l’auteur du texte. Sa tête n’exprime rien, affirme-t-il. Il devrait avoir au moins l’humilité de relativiser : elle n’exprime rien « pour nous ». De plus si elle n’exprime rien avec sa tête, elle exprime sans doute avec son corps. Elle ne crie pas mais les poissons non plus (d’où l’intérêt du « poisson zèbre » préposé au même emploi). Il y a bien d’autres animaux dans le même cas. D’ailleurs aucun insecte ne crie de douleur ou de joie et pourtant, faut-il le rappeler, les insectes sont des animaux, peut-être les plus nombreux sur la Planète. Mais en l’absence d’expression évidente de la douleur et de cri, il est très facile de ne pas s’apitoyer sur leur sort. Je ne sais pas lire la souffrance de la chenille sur son corps et dans son comportement. Donc elle ne souffre pas. Bravo, le sophisme. Il est gros mais permet d’avoir plus facilement bonne conscience qu’en torturant un chat ou un singe.

Et pourtant Galleria mellonella est capable de ressentir de la douleur (comme tout être vivant sans doute). Il est étonnant que l’on puisse lire que ce n’est pas le cas sous la plume d’un entomologiste alors que depuis le début du siècle dernier, on a démontré expérimentalement que les chenilles pouvaient ressentir de la douleur, c’est-à-dire de souffrir.

Qu’importe car voilà l’argument massue : c’est juste un insecte pas beau. Admettons tout d’abord que si l’on devait tuer tous les affreux ou se désintéresser de leur sort, ça ferait beaucoup de monde dans les charrettes conduisant à l’échafaud ou torturé dans les geôles ou crevant de faim, etc., …. En outre, une créature jugée belle aujourd’hui ne sera peut-être plus considérée comme telle demain ou dans une culture différente de la nôtre, que cette créature soit un homo dit sapiens sapiens mâle ou femelle, une plante, un insecte, une forêt ou tout autre forme de vie. Et qui nous dit que cette créature vaguement répugnante pour nous n’est pas jugée appétissante et belle, comme un beau fruit aux yeux du merle qui grattouille dans le gazon.
 
Allons maintenant à l’essentiel : « c’est juste un insecte ». Ce n’est qu’un insecte, même pas un vertébré, même pas un mammifère, alors, pourquoi se gêner ! Si une telle affirmation n’est pas spéciste, alors aucune de l’est. Tout ce qui est vivant est également respectable et s’efforce de persévérer dans son être : c’est son essence même. Toutes les choses vivantes méritent un égal respect mais aucune d’elle, n’a un droit imprescriptible à vivre. Tel est l’antispécisme que j’ai exposé et que je défends dans un autre article  que l’on peut lire [ici ].

C’est ainsi que la chenille en question étant un « ravageur » occasionnant des dégâts considérables dans les ruches, l’apiculteur doit défendre les abeilles de ses ruches contre elle, donc, la tuer (encore que les méthodes de prévention soient les plus efficaces mais en cas d’infection, il faut bien agir). L’apiculteur le doit aux abeilles de ses ruches qui lui fournissent contre protection et gite  le miel en excédent qu’elles ont produit: un lien de mutualisme le lie à son rucher, n’en déplaise aux véganes qui n’y connaissent rien. Tuer cette chenille est une chose, empêcher son papillon de se reproduire est une chose, la torturer en testant sur elle des molécules à visées thérapeutiques ou non en est une autre très différente.

Notons que, contrairement à ce qui est affirmé de façon un peu exagérée dans l’article, l’utilisation de cette chenille dans les études toxicologiques sur les nouvelles molécules thérapeutiques, cosmétiques, ou autres ne remplacera pas in fine l’utilisation de rats, de souris, ou de lapins dans les études dites pudiquement « précliniques ». Elle permettra de réduire le nombre de vertébrés torturés. Pour les propagandistes de l’expérimentation animale, ce serait une façon de respecter le premier R de la fameuse et controversée règle des trois R concernant l’utilisation des animaux dans des expériences (réduire-raffiner-remplacer). Il s’agirait donc de diminuer le nombre d’études sur des mammifères en augmentant le nombre d’études préalables sur un insecte. Là encore le spécisme de cette façon de voir est évident. En remplaçant les vertébrés par des chenilles de telle ou telle espèce, on ne réduit rien. Bien plus comme ces textes le montrent à l’évidence, on va augmenter le nombre d’individus utilisés dans ces expérimentations : nul ne se soucie de leur sort. Dans les labos, on pourra leur faire subir les pires sévices sans qu’il y ait à s’inquiéter d’un règlement quelconque. Les labos feront des économies même si l’utilisation de ces chenilles est massive et même si elles sont utilisées pour des études futiles ou saugrenues.  Elles sont très bon marché ( 50 £ le lot de 50 contre 7 à 30 € pièce pour le rat de laboratoire), faciles à conserver et à élever à peu de frais également. 
Un anti-spécisme tel que celui qui sous-tend cet article ne peut admettre que l’on torture un animal, fut-il un insecte répugnant à nos yeux, car tout être vivant mérite d’être respecté et torturer un de ces êtres, en le considérant comme quantité négligeable, c’est lui manquer du respect le plus élémentaire, ce qui est le cas dans ces expérimentations. Selon cet antispécisme, cela n’est pas le moins du monde éthique.

Si les chenilles de l’espèce Galleria mellonella destinées à devenir des biotest n’ont aucune aide  à attendre du grand public pour que ce triste sort leur soit évité, elles trouveront peut-être un secours inattendu du côté des apiculteurs car les « expérimentateurs » ne se contenteront pas de ces chenilles telles que la nature les a faites. Ils veulent bricoler des Galleria mellonella transgéniques en leur ajoutant des gènes de méduses. Diable… Et si une de ces chenilles bricolée venait à accomplir sa métamorphose et se transformer en papillon ? Il s’agit d’un petit papillon d’une envergure de 3 à 4cm capable de grimper sur des surfaces en verre et de se faufiler dans le moindre interstice, donc tout à fait apte à s’échapper et aller se reproduire à l’extérieur. N’est-ce pas dangereux pour l’apiculture de bricoler de tels monstres ? Déjà que dans sa version originale et naturelle cette chenille est redoutable…. Risquer que de tels monstres s’échappent dans la nature, n’est-ce pas faire courir un danger aux écosystèmes et aux populations d’abeilles domestiques ou sauvages déjà bien mal en point.
 
Il n’y a rien d’éthique, rien d’écologique en fin de compte dans la promotion de ce biotest. La seule éthique en la matière, serait la mise au point de méthodes de substitution à l’expérimentation animale et pas le remplacement de mammifères par des insectes. Quant à la prolifération de molécules nouvelles à visées thérapeutiques demandant ces expérimentations, il ne faut pas être dupe. Pour les firmes pharmaceutiques, Il s’agit dans la majorité des cas de remplacer celles qui sont devenues des génériques et du coup ne génèrent plus de royalties. Le bénéfice thérapeutique de leur remplacement par des nouvelles peut s’avérer nul ou même négatif parfois mais il est toujours lucratif pour ces firmes. Quant au business des cosmétiques autres gros consommateurs de test de toxicité …

Conclusion

Voir une avancée éthique dans la fourniture de chenilles Galleria mellonella issues de lignées bien calibrées en attendant d’être transgéniques n’est qu’un slogan publicitaire pour tenter de faire adopter ce nouveau « modèle» à ces « scientifiques » qui pratiquent des expérimentations animales.
 

Jeudi 3 Août 2017 Commentaires (2)

Commentaires

1.Posté par styreiz le 09/09/2017 20:18
J'ai effectivement l'impression que, quelquefois, on fait des choses juste pour se donner bonne conscience,
en ne se préoccupant que d'un facteur sans penser au reste. Ce test en est l'exemple.

J'était d'ailleurs tombé sur cette vidéo par hasard sur youtube.

https://www.youtube.com/watch?v=UvsJURSydZA&lc=z23dgnmjnxfbhlzzo04t1aokg43my5yueieck23uqcclbk0h00410.1504948939864150


Et je suis vraiment très perplexe.
Autant peut-être que les forêt peuvent stocker plus de carbone que les prairies,
même si je doute de son calcul.
Il manque en effet la quantité de carbone stockée par la biomasse des prairies,
qu'il considère comme négligeable alors qu'il a parlé, non pas de la biomasse des prairies,
mais de celle des autres milieux que la forêt,
( A ce propos, je cherche partout sur internet la quantité de carbone stockée par la biomasse
des prairies et je ne la trouve pas
à part ce tableau dont je ne connaît pas la source.
http://martial.svt.free.fr/index_fichiers/polychap9ts.pdf )

Autant je ne suis pas du tout d'accord sur la conclusion qu'il en tire.
Je ne pense pas qu'un milieu mérite d'être remplacé par un autre juste parce
qu'il stocke moins de carbone que le second.

2.Posté par Jean-François Dumas le 11/09/2017 21:58
Je suis tout à fait d'accord avec la fin de votre post.
Pour le carbone, ce qui compte pour une prairie, c'est ce qui est stocké dans le sol.
Dans les forêts non exploitées, la mortalité naturelle et le renouvellement continu font en sorte que pour de grandes superficies, le captage net de CO2 par la forêt (photosynthèse moins respiration autotrophe) égale le CO2 émis par la décomposition de la matière organique.

Il ne suffit pas de planter des arbres pour régler le problème de l'excédent de C dans atmosphère. L'article de Jancovici "Ne suffit-il pas de planter des arbres pour compenser les émissions ?" est une réfutation par avance du simplisme de la vidéo que vous citez (https://jancovici.com/changement-climatique/gaz-a-effet-de-serre-et-cycle-du-carbone/ne-suffit-il-pas-de-planter-des-arbres-pour-compenser-les-emissions/)

Bien cordialement,

JF D

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