Le nucléaire est à la peine en France et avec lui, les pro-nucléaires. Comme la meilleure défense est encore l’attaque, ils accusent les écologistes (auxquels ils réduisent les anti-nucléaires) d’être la cause des problèmes rencontrés par les réacteurs d’EDF dont l’arrêt se prolonge. Comme si les écologistes étaient responsables des corrosions sous contraintes, des problèmes de planning, etc. ! Ils les accusent d’être responsables de l’absence de développement de la filière. Ce serait à cause d’eux qu’un seul réacteur a été construit depuis des années. Mais lorsque l’on constate que ce seul réacteur accuse douze ans de retard pour sa mise en service avec un dérapage des coûts passant de 2 milliard à plus de 12,4 milliards d'euros, soit une hausse de 265 % du prix initial, on comprend pourquoi il n’y en a eu qu’un seul !  Et là aussi, les écologistes n’y sont pour rien !
En fait, la spécificité des écologistes français c’est de n’avoir jamais été capables d’empêcher la nucléarisation à marche forcée de la production d’électricité et de n’avoir pu par la suite qu’influer à la marge sur son développement quoi que puissent dire les technocrates du nucléaire et leurs groupies.

Dès les années 1980, leur échec était patent. Voici le constat que faisaient dans un ouvrage paru cette année-là J. P. Faivret, J. L. Missika et D. Wolton « La mobilisation en cours n’a pas réussi à empêcher que notre pays soit le seul à définir un programme aussi rapide de basculement sur l’électricité nucléaire ; qu’il soit le seul à mettre en œuvre des technologies peu expérimentées comme celle des surgénérateurs ; qu’il soit un des seuls à accepter non seulement de stocker les déchets radioactifs mais encore de vendre son territoire pour accueillir les déchets des pays qui ne veulent pas prendre ce risque (Suède, Japon, etc.) ? Le message n’est pas bien passé et le rapport de force nettement moins bon que dans d’autres nations. Rien n’a été obtenu pour une démocratisation des choix : les régions n’ont pas leur mot à dire sur les implantations de centrales, les communes tout juste. Aucun moratoire n’est en vue, même si ce thème a été repris par des forces politiques traditionnelles. Comparé à l’Allemagne, où les écologistes ont obtenu des succès spectaculaires contre les projets du gouvernement, comparé à l’Autriche, où le nucléaire a été suspendu, le mouvement écologiste français fait figure de parent pauvre. Même dans le domaine de la simple information du public, rien ou presque n’a été obtenu depuis » (L'illusion écologique, p. 69 – 70). On ne peut trouver constat plus accablant !

La vérité est donc que pendant longtemps, les gouvernements et les industriels ont eu toute latitude pour développer la filière, quasiment sans aucun contrôle et avec personne pour leur mettre des bâtons dans les roues. Par la suite, les développements des CLI (Commission locale d'information), la constitution d’autorités indépendantes de contrôle – ASN (Autorité de sûreté nucléaire), IRSN (Institut de radioprotection et de sureté nucléaire)  – n’ont pas bridé l’électronucléaire, mais ont permis une meilleure transparence et un accroissement non négligeable de la sureté, le contrôleur n’étant plus le contrôlé.

Ce qui a freiné l’expansion du nucléaire civil mais ne l’a pas remis en cause, du moins en France, ce sont les catastrophes de Tchernobyl et de Fukushima. Tandis que ce fut le cas, en Allemagne, en Autriche et en Italie. 

Ce qui lui a permis de redorer son blason, c’est le réchauffement climatique ou plus précisément, la théorie du réchauffement climatique d’origine anthropique causé par les émissions de CO2 dues à la combustion d’énergie fossiles. C’est ainsi qu’on a vu naître des associations de nucléocrates qui se sont posées en défenseur du climat comme « Sauver le climat » (sic !) où les nucléocrates retraités ou non d’EDF sont en nombre. Cette théorie prétendue consensuelle est pain béni pour les nucléocrates d’autant que les média et certains scientifiques pas toujours climatologues ou physiciens en rajoutent sur « l’Urgence climatique »

Le CEA(Centre d'énergie atomique) quant à lui a réussi une quasi OPA sur la climatologie française. Presque  tous les Français qui ont collaboré aux rapports du GIEC sont issus du laboratoire du CEA « Institut Pierre-Simon-Laplace » et des six laboratoires satellites qui ont été fédérés autour de lui (Laboratoire Atmosphères, Milieux, Observations Spatiales LATMOS, Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement- LSCE, Laboratoire de Physique Moléculaire pour l'Atmosphère et l'Astrophysique, LPMAA, Laboratoire d'Océanographie et du Climat : Expérimentation et Approches Numériques, LOCEAN, Laboratoire de Météorologie Dynamique-LMD, Laboratoire Interuniversitaire des Systèmes Atmosphériques-LISA  selon le recensement établi sur le site « Les deux ailes.com »). Ceux qui, en France n’admettent pas la théorie du réchauffement climatique induit par les émissions de CO2 anthropique et ses conséquences catastrophiques sont marginalisés, accusés de conflit d’intérêt, leurs crédits de recherche coupés, leurs possibilités de publier réduites : c’est le fameux consensus que défendent aussi les écologistes ! En France il sert à  faire taire les voix discordantes.

Même des bureaux d’étude comme celui de Jean-Marc Jancovici, qui a l’oreille de certains écologistes, considèrent que le développement du nucléaire et du tout électrique est incontournable pour atténuer le réchauffement climatique et arriver à l’objectif de 0 émission nette de CO2.

En résumé de ce bref retour en arrière, si l’électronucléaire est aujourd’hui en difficulté, les écologistes n’en sont nullement la cause. Ils n’ont jamais eu le pouvoir de remettre en question le primat du nucléaire en France. Aujourd’hui moins que jamais ! La crise énergétique que nous subissons, pour ce qui est de l’électricité provient incontestablement de l’insuffisante diversification de notre mix énergétique et de l’incurie des gouvernements et des énergéticiens français.

Tous nos œufs sont dans le même panier, ou presque puisqu’il n’y a à côté du nucléaire comme source d’énergie pilotable que l’hydraulique mais celui-ci ne peut guère être développé plus avant. Il est la principale  source d’énergie renouvelable en France et produit environ 20 % de l’électricité, les ENRi (énergie nouvelles renouvelable intermittentes) en produisant un peu moins de 10%. En voulant poursuivre le tout nucléaire avec une transition énergétique au (presque) tout électrique comme la rêvent et voudraient l’imposer les afficionados de cette source d’énergie, on risque de gros déboires si l’anse du panier venait à casser ou à se fragiliser dangereusement ! Les mêmes causes produisant les mêmes effets : Errare humanum est, perseverare diabolicum ! Diversifier, certes mais comment ? Avec les énergies renouvelables intermittentes  solaire et éolien ?  


******

Aujourd’hui, le nucléaire se taille quant à lui la part du lion avec près de 70% (chiffres 2021) de la production d’électricité. Evidemment en terme de puissance installée les chiffres sont différents et les ENRi font meilleure figure au moins en apparence car ce n’est pas la puissance installée qui compte mais  la puissance produite.  Si elles ont un certain potentiel de développement, il est assez faible si l’on veut respecter les paysages, la biodiversité, les restes de naturalité et la tranquillité des gens. En effet le défaut de ces ENRi, notamment de l’éolien terrestre, est de nécessiter beaucoup d’espace à cause de leur faible densité énergétique. Cela les expose à des risques d’opposition non seulement des locaux mais aussi des associations environnementales qui ne sont pas complètement polarisées par le climat.

Avec 24% de la puissance totale, les ENRi ne produisent au mieux que 10% (éolien Installé : 14% ; production :   ͌ 6.90%, Photovoltaïque : installé 10%, production :   ͌2.70% !). Avec les réacteurs à l’arrêt pour cause de soudures défectueuses, on peut estimer entre 80 et 100 TWh le manque à combler (379 TWh produit en 2021 contre 275 – 285 TWh estimé en 2022). Les ENRi sont bien incapables d’y pourvoir ! Elles le seront pendant encore longtemps, peut-être toujours !

Malgré une puissance installée en constante hausse des ENRi, la part de l’électricité produite par  les ENR avait baissé en 2021 à cause de l’absence de vent et de la sécheresse. Le facteur de charge de l’éolien était de 26% en 2020, il n’était plus que de 22% en 2021, ce qui explique que la production d’électricité éolienne a baissé de 7% malgré une mise en service de nouveaux engins pour une puissance installée de + 7% (1,2 GW) par rapport à 2020 !

Avec un parc en extension augmentant sa puissance installée de 26% par rapport à 2020, la production d’électricité voltaïque quant à elle n’a augmenté que 13% passant à 14,3 TWh, son facteur de charge étant de 13,7 % en 2021 contre 14,7% en 2020.

Ajoutons que lorsque l’on a le plus besoin d’électricité, en hiver le facteur de charge du solaire est au plus bas (5.7 en Janvier 2021, 9 en Février, 6.9 en Novembre, 5.5 en Décembre). Il ne faut donc pas compter sur lui pour éviter les coupures en hiver. Les performances de l’éolien étant étroitement dépendantes de la météo, il faut comme Brassens prier Dieu qu’il y ait du vent mais pas trop fort sinon ces gigantesques hachoirs à oiseaux se mettent en drapeau !
Mais même avec des conditions météo idéales jamais vraiment réalisées, ce ne serait pas suffisant  vu les ordres de grandeur ! Il faudrait couvrir la France d’éoliennes et de panneaux photovoltaïques pour pallier une déficience sévère du parc nucléaire ou pour le remplacer.

En conclusion, la diversification du mix énergétique avec des ENRi ne sert à rien d’autre qu’à mobiliser des capitaux qui seraient plus utiles ailleurs et à remplir les poches des opérateurs des ENRi. À coup de lois d’exception, l’Etat, aiguillonné par la Commission Européenne livre en pâture à ces opérateurs le territoire national avec ses paysages et ce qu’il possède encore de naturalité, et ces opérateurs sont des investisseurs en quête de profits juteux, de retours sur investissement rapides bref, des fonds de pension spéculatifs, étrangers pour la plupart auxquels les lois françaises et règlements ont fait un pont d’or, lois et règlements établis avec le soutien et la participation des ministres et députés Verts, parti qui a changé de nom mais pas de doctrine.
Ce parti reste un partisan acharné de ces ENRi au point de remettre en cause deux acquis essentiels de l’écologie, les lois Montagne et Littorale votées en 1985 et 86 alors qu’il n’y avait aucun député Vert à l’Assemblée nationale. A cette époque ; ce parti n’arrivait pas à dépasser le cap des 1000 adhérents tandis que ses résultats électoraux étaient en chute (1,2% sur l’ensemble du territoire lors des législatives de 1986, alors qu’il s’agissait d’une élection à la proportionnelle, la seule de la 5ème république !).

Le Réseau Action Climat qui, comme les Verts, ne veut ni nucléaire ni effet de serre, fédère des ONG parmi lesquelles on trouve les grandes associations supposées défendre la Nature. Lui non plus ne trouve rien à redire – ou si peu – aux révisions des lois montagne et littorale pour permettre le développement des ENRi.

La conséquence qui s’impose est qu’une diversification efficace du mix énergétique pour faire face à des éventuelles défaillances de l’électronucléaire qui restera pour longtemps dominant, est le recours aux énergies fossiles, bon gré, mal gré et pour longtemps aussi! D’ailleurs c’est bien ce qui se passe aujourd’hui avec la remise en fonction de centrales au charbon que l’on voulait envoyer à la casse ! Plutôt que de persévérer dans cette politique stupide de destruction d’outils de production, il vaudrait bien mieux regarder les choses en face et faire bénéficier de ces centrales des derniers perfectionnements qui les rendent plus performantes et moins polluantes, ce qui est aussi un savoir-faire développé par EDF et vendu ailleurs. Le nuc a besoin de roues de secours pour passer les pics et en cas de problème. Ce ne sont pas les ENRi qui peuvent en tenir lieu.
 

******

Pour résumer, le tort des pro-nucléaires est de vouer une confiance aveugle en la fiabilité du nucléaire ; on voit où cela nous a mené. On rencontre donc des gros problèmes d’offre alors que dans le même temps la demande explose du fait de la multiplication des usages qui sont fortement encouragés aujourd’hui, notamment chauffage et  déplacements. Il est trop facile d'accuser les anti-nucléaires de ses propres insuffisances et erreurs : ce ne sont pas eux qui sont responsables des malfaçons et retards de l'EPR ni des problèmes rencontrés sur le parc actuel. Avec le tout électrique de la transition énergétique à la sauce française, les choses ne sont pas prêtes de s’arranger.
Elles ne sont pas prêtes de s’arranger d’autant que EELV et les anti nuc du Réseau Action Climat (RAC )sont d’accord avec ce quasi-tout  électrique alors que dans le même temps leur tort est de surestimer les capacités des ENRi à produire de l'électricité et de négliger la question de l'intermittence. Avec eux, on serait encore plus mal parti. La prétendue « sobriété énergétique » dont ils font l’apologie n’étant qu’une fallacieuse façon de présenter la pénurie qui en découlerait.
 

Jeudi 22 Décembre 2022 Commentaires (1)
Profil
Jean-François Dumas
Jean-François Dumas
Dernières notes
Un peu d'humilité 28/09/2023
Un verger fantome 11/03/2022
Recherche
Galerie
Tilleul Boulevard de la République
Square Pompidou
Cerisier Rue des Ormeaux
Boîte aux lettres, chemin de Pont haut, Colmars-les-Alpes (04)
Sans titre, chemin de Pont haut, Colmars -les-Alpes
Meurtrière, Colmars-les-Alpes