Le but de cet article n’est pas d’argumenter en faveur d’une politique familiale dénataliste, seule politique authentiquement écologiste. Le lecteur intéressé par cette question peut se reporter à un article de ce blog « Pas de transition écologique sans transition démographique ». L’objet de l’article qui suit est d’établir un constat : la politique familiale proposée par EELV n’est pas écologiste à la différence de celle défendue par le Mouvement Ecologiste Indépendant mais malheureusement ce parti peine à faire entendre ses propositions de telle sorte que pour les médias et donc l’opinion publique, est écologiste une politique qui soutient des propositions extrêmes sur le plan sociétal sans même s’interroger sur leurs incidences démographiques.


La politique familiale proposée aujourd’hui par EELV n’est pas écologiste !

On ne peut être écologiste sans proposer une politique familiale qui n’ait pas comme principe fondamental et comme étalon : la nécessaire dénatalité ou, dans une démarche de compromis, la stabilisation de la population à son niveau actuel bien que celui-ci soit trop élevé. Or, de cette dénatalité et de l’évaluation du bien-fondé des politiques familiales en fonction de l’objectif de réduction de la population, il n’est même pas question dans la tribune intitulée «Pour une politique familiale écologiste ! » parue sur le HuffingtonPost, reprise sur le site national d’EE/LV et censée exprimer la position actuelle de ce parti.

Tout d’abord, il est très discutable d’affirmer comme le font les auteurs du texte (Jean-Philippe MAGNEN, porte-parole national d’Europe-Ecologie Les Verts, Cyrielle CHATELAIN, responsable du Pôle social d’EELV et David BELLIARD, délégué EELV en charge de la protection sociale) que la politique actuelle est inefficace avec peu d’incidence sur la natalité. Si la France est vice-championne européenne pour son taux de fécondité et si, à l’inverse des autres pays européens, celui-ci n’a guère baissé malgré la crise, cela est dû selon les démographes de l’INSE et de l’INED, en partie au moins, à la politique familiale actuellement en vigueur. La politique familiale actuelle est nataliste et c’est pour cela qu’elle doit être revue.
Or, si EELV souhaite supprimer le quotient familial, ce n’est nullement parce que celui-ci peut avoir des effets incitatifs à la procréation mais seulement parce qu’il « bénéficie avant tout aux 10% des familles les plus riches ». D’ailleurs pour les auteurs du texte, il se saurait être question de supprimer aussi les allocations familiales mais, en contrepartie de la suppression du quotient familial de les donner « dès le premier enfant » et de les augmenter pour les « familles en situation de précarité ». Pour EELV cette ouverture de droits ne s’accompagnera pas d’une forte dégressivité dès le second enfant. En tout cas, il n’en est pas fait mention dans ce texte.
On peut disputer la question de savoir si ainsi réformées, les allocations familiales constitueraient une aide aux familles qui serait plus justement attribuée mais dans une politique écologiste, il ne faut pas mélanger politique familiale et solidarité. La solidarité vis-à-vis des personnes en difficulté économique doit s’exercer individuellement, en fonction de critères fondés sur les revenus et patrimoines de chacune de ces personnes.
Dans ce texte, les auteurs développent longuement leur conception d’une « aide à la parentalité » qui serait plus juste socialement, plus adaptée sociétalement. Mais pour un écologiste, les aides à la parentalité doivent d’abord être passées au crible pour déceler celles qui ont pour conséquence directe ou indirecte d’être aussi une incitation à la natalité. Cela n’est même pas envisagé dans cette tribune.
La dénatalité est l’impératif écologique premier, incontournable, fondamental parce que c’est une question de survie. Mais une politique résolument dénataliste se doit aussi d’être socialement juste et sociétalement adaptée, non seulement pour être applicable mais surtout pour être politiquement et moralement recevable. Une politique de ce genre sera d’autant plus difficile à mettre en œuvre que l’on tardera à le faire car les mesures à prendre seront de plus en plus drastiques.
Dans le texte de cette tribune censée représenter la position d’EELLV, il ne s’agit pas d’ouvrir des pistes pour définir une politique de ce type pour une raison simple : l’écologique est absent. Bien plus que supplanté, il est effacé par le social et le sociétal. Et, il en est sur ce sujet comme sur beaucoup d’autres. C’est pourquoi, il est assez insupportable d’y trouver des formules comme « les écologistes proposent », témoignant d’une appropriation indue de l’écologie politique par EELV comme si tous les écologistes se reconnaissaient dans ce parti et comme si ce parti avait le monopole de l’écologie politique alors que plus le temps passe, plus il s’en éloigne et la banalise en un brouet électoraliste insipide !
Désignons ce parti par son acronyme EELV, acronyme dont on oubliera à la longue le sens ; ce qui sera heureux car il ne mérite pas le qualificatif d’écologiste.

La politique familiale proposée par le MEI est écologiste mais manque d’ambition et est peu adaptée aux réalités familiales actuelles

Les analyses et propositions du MEI (Mouvement écologiste indépendant) sur la politique familiale sont, elles, véritablement écologistes. Le MEI s’inquiète de l’expansion démographique démesurée de l’espèce humaine. Voici un extrait de la motion sur les Allocations familiales adoptée par son Conseil national le 14 avril 2013 qui permet de le constater : « Néanmoins, partisans d’une réforme (des allocations familiales et partisans du statu quo semblent se retrouver sur le principe même d’une aide publique aux familles nombreuses, principe admis comme une évidence nationale consensuelle.
L’encouragement de la natalité par l’État français s’est pourtant développé dans un contexte historique et idéologique bien déterminé : celui du développement simultané d’un capitalisme industriel avide de bras et plus tard de consommateurs, et d’un militarisme gourmand en chair à canon, le tout sous le regard complaisant des institutions religieuses.
A la critique pionnière de ce natalisme par le courant néo-malthusien dès la première moitié du XXe siècle se sont ajoutés depuis plus de quarante ans les avertissements des écologistes, conscients des limites de la planète et des dangers de la bombe “P”.
C’est dans la continuité de cette remise en cause du consensus populationniste, qui ne peut qu’aggraver la crise globale dans ses multiples aspects, que les Écologistes du MEI préconisent, comme l’association Démographie Responsable, une refonte radicale des allocations familiales. »
Le MEI propose que les allocations familiales soient attribuées dès le premier enfant et s’élèvent à 100€ par mois, puis à 150€ pour une famille de deux enfants ou plus. Au-delà de deux enfants, les allocations n’augmenteraient pas et cela quel que soit le nombre d’enfants. Pour le MEI, cette réforme devrait être sans effet rétroactifs et ne s’appliquer qu’aux familles ayant à la date de sa promulgation deux enfants au plus et aux nouvelles naissances. Pour remplir les exigences de justice sociale, le MEI propose qu’« une telle refonte du principe des allocations devra être accompagnée d’une modulation suivant le revenu et d’une réforme de la fiscalité ».
Ces propositions devraient être reformulées pour couvrir le cas des familles «recomposées». Il faudrait mieux définir le nombre d’enfants par femme que par famille. Sans doute insuffisantes et en retrait par rapport aux mesures proposées par René Dumont en 1974, elles sont cependant à des années lumières en pointe par rapport au brouet que propose EELV. Ce serait un bon compromis pour commencer à inverser la tendance nataliste qui imprègne toutes les couches de la société française.
Mais voilà, dans sa lutte contre les Verts pour représenter l’écologie sur la scène politique nationale, le MEI a perdu et se trouve réduit à l’état d’un groupuscule qui a du mal à survivre, qui n’est plus représenté que dans quelques municipalités ou régions, qui réalise des scores insignifiants lors des élections lorsqu’il arrive à trouver des candidats. Sur cette question des allocations familiales comme sur beaucoup d’autres, c’est le MEI qui est le porte-parole de l’écologie politique et non EELV mais personne, ou presque n’écoute le MEI qui n’a d’ailleurs guère de tribunes pour se faire entendre!

Vendredi 7 Février 2014 Commentaires (1)

On peut espérer que l’aéroport de Notre Dame des Landes ne verra pas le jour grâce à la résistance sur le terrain de la ZAD, grâce aux manifestations, aux pétitions, aux prises de positions de personnalités diverses, grâce à la puissante mobilisation qui s’est étendue à toute la France notamment au travers des comités locaux de soutien qui se sont créés, y compris dans des régions bien éloignées du bocage nantais.
On compare la résistance à Notre Dame des Landes avec la lutte contre l’extension du camp militaire sur le Larzac. Rappelons donc que c’est l’élection de François Mitterrand en 1981 qui a stoppé l’extension du Camp militaire. Il l’avait promis et il a tenu sa promesse. Il a été élu le 10 mai 1981, la décision a été officialisée au Conseil des ministres du 3 Juin. Que ce serait-il passé si Valéry Giscard d’Estaing avait été élu ? S’il est impossible de répondre à cette question, il faut néanmoins retenir que c’est parce que la lutte de terrain avait trouvé un débouché politique que la victoire fut acquise.
Dans le cas de la lutte contre l’aéroport de Notre Dame des Landes aussi, il faudrait donner à cette lutte une expression et surtout un débouché politique permettant de faire reculer Ayrault et Hollande. Dans le contexte actuel, la seule possibilité serait une menace réelle, crédible d’EELV de faire exploser ses alliances avec le PS tant au niveau régional et local qu’au niveau national. Malheureusement, il ne faut pas y compter et c’est à tout le contraire que l’on a assisté et auquel, il n’est que trop prévisible, l’on assistera demain. De toute façon EELV a avalé tellement de couleuvres depuis que sévit le tandem Hollande/Ayrault qu’il a perdu toute crédibilité. Il ne fait guère peur aux caciques du PS.


L’opposition d’EELV au projet d’aéroport de Notre Dame des Landes est une «opposition de façade»
Faut-il rappeler que Ronan Dantec, vice-président de Nantes-métropole au côté de Jean Marc Ayrault a été élu au Sénat grâce à un accord avec le PS, accord qui est muet sur le projet d’aéroport de Notre Dame des Landes ? Un poste de sénateur vaut bien quelques silences d’ailleurs dénoncés par Jean-Marc Ayrault lui-même à l’occasion de la publication en Juin 2012 de la « contre-étude » publiée par les anti-aéroports remettant en cause la pertinence du projet. Jean Marc Ayrault a stigmatisé « l’hypocrisie des élus écologistes » opposés à ce projet : « Ronan Dantec était très silencieux sur son opposition à l’aéroport jusqu’à son élection » et il a ajouté « Quand ils négocient des places sur les listes, ils(les dirigeants d’EELV) n’ont pas d’état d’âme »

Au niveau régional, des élus EELV empêtrés dans leur alliance avec Jacques Auxiette et le PS

Même si l’on est écologiste, voire militant ou élu d’EELV, il n’est pas certain que l’on connaisse ce qui se passe que ce soit au Conseil Régional de la Région des Pays de Loire ou dans les instances EELV de cette région surtout si l’on habite et milite loin de Nantes. C’est pourquoi il n’est peut-être pas inutile d’entrer dans le détail de certains faits qui montrent qu’il n’y a rien à attendre d’EELV en tant que parti dans le combat contre NDDL. Ils révèlent avec une évidence accablante que son opposition en apparence radicale et déterminée contre NDDL n’est que de façade sauf chez un groupe de militants minoritaires.

En 2010, lors des élections régionales, le désaccord pourtant total sur ce projet d’aéroport entre EELV et le PS n’a pas été un obstacle à un accord de deuxième tour entre les deux formations qui ont convenu pour l’occasion de mettre la question de l’aéroport entre parenthèses. Personne n’a été dupe des prétendues « avancées significatives [obtenues] dans ce dossier » (celui de l’aéroport) par EELV. Au grand dam de beaucoup de ses électeurs qui se sont sentis trahis, EELV a accepté de se ranger derrière Jacques Auxiette farouche partisan du projet. Dans la foulée, EELV n’a rien trouvé d’anormal à appartenir à la majorité et à intégrer l’exécutif d’une région qui est l’un parmi les plus acharnés des promoteurs et défenseurs de cet aéroport. En fait, il s’agissait de faire comme si la décision de réaliser ou non cet aéroport ne concernait en rien la Région sous prétexte que cela ne relevait pas de sa compétence mais de celle de l’État alors que Hollande a affirmé à plusieurs reprise le contraire. «Les deux partenaires porteront le souhait commun que l’État ne se décharge pas financièrement sur la collectivité pour ce projet qui relève de la responsabilité du national » précise le texte de l’accord de mandature qui laisse cependant ouverte la possibilité aux élus PS de proposer « des avances remboursables pour la plateforme (…) suite à un débat et à un vote en plénière », les élus EELV ayant eux la liberté de voter contre. Liberté de vote qui ne pouvait déranger Jacques Auxiette qui était persuadé de l’emporter arithmétiquement d’autant qu’il savait qu’il pourrait bénéficier des voix de l’UPM favorable au projet ! Voilà comment PS et EELV ont en quelque sorte mis hors de leur contrat de mariage l’aéroport et « acté leur désaccord sur le sujet » avec EELV dans le rôle du dindon de la farce, un dindon consentant. L’un des principaux acteurs de cette véritable trahison, Jean-Philippe Magnen est aujourd’hui l’un des porte-paroles nationaux d’EELV, c’est tout dire…

Cerise sur le gâteau, Auxiette dans sa grande générosité a donné le poste de vice-présidente «en charge du plan régional pour la biodiversité, du développement des réserves naturelles régionale » à une élue d’EELV, élue condamnée ainsi à faire l’apologie des actions menées pour la préservation de la biodiversité par le Région sans oser dénoncer le saccage de cette biodiversité à Notre Dame des Landes et sans rien tenter non plus pour s’y opposer… par exemple en demandant le classement de certaines parties de la ZAD particulièrement riches en espèces patrimoniales en réserves naturelles régionales ! Comme si cela ne suffisait pas, EELV s’est vu attribuer aussi une vice-présidence ayant « en charge d’une délégation transversale sur l’ensemble des politique régionales en matière d’énergie » qui omettra bien entendu d’expliquer combien le mode de transport par avion est un gros émetteur de gaz à effet de serre et un gaspillage d’énergie fossile qu’il faut faire décroître dès maintenant et qui devra décroître de toute façon, rendant ainsi toute nouvelle plateforme aéroportuaire, et notamment celle de Notre Dame des Landes, inutile, superflue … Discours évidemment jamais entendu de la bouche de cette élue dans l’enceinte du Conseil Régional.

L’accord de dupes fut conclu en mars 2010. Le 18 octobre 2010, le Conseil régional vote son soutien financier à la construction de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Il apportera 40,4 millions d'euros au projet comme cela est annoncé en page d’accueil du site officiel de la Région Pays de Loire avec un commentaire de Jacques Auxiette dont voici un extrait : « Le coût total (hors desserte ferroviaire) est estimé à environ 550 millions d'euros. Vinci investira 310,5 millions d'euros, l'Etat apportera 125,5 millions et les collectivités locales ont proposé de financer 115,5 millions d'euros. Ce n'est pas une obligation mais bien un choix qui marque le soutien des collectivités au projet d'aéroport. Lundi 18 octobre, il s'agissait donc de voter la participation financière des collectivités. Une participation qui s'élève à 40,4 millions d'euros pour le Conseil régional ». Insistons : il s’agit d’un choix marquant le soutien du Conseil régional au projet d’aéroport déclare le Président de ce Conseil dont l’exécutif comprend des vice-présidents EELV.

Les conseillers régionaux EEELV peuvent bien multiplier les déclarations de soutien aux opposants de l’aéroport de NDDL, voire même se montrer sur le terrain de la ZAD, leur opposition n’est qu’une «opposition de façade» sauf en ce qui concerne Thierry Pradier, le seul qui a eu le courage de ruer dans les brancards et de démissionner de son poste de Vice-président de la commission finances en Janvier 2013 pour condamner le soutien de la Région et de son président au projet de NDDL. Malheureusement, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’a pas été soutenu par les autres élus EELV qui se sont empressés de souligner qu’il s’agissait d’une attitude personnelle n’engageant pas le groupe. En bon démocrate, Jacques Auxiette a fait en sorte que Thierry Pradier ne puisse expliquer en séance sa décision, sans doute avec l’accord, voire la complicité du président du groupe EELV. Auxiette a refusé de lui donner la parole et a fait voter le budget sans débat général, de telle sorte que Thierry Pradier n’a pas pu lire le texte qu’il avait préparé. Inutile de chercher ce texte sur le site des conseillers régionaux EELV, il n’y est pas, pas plus qu’il n’est sur le site d’EELV Pays de Loire. Il a été publié sur le site du Petit Courrier – Écho du Val de Loir. (On trouvera l’article et le texte en annexe)

Pour le congrès régional 2013 d’EELV Pays de Loire, la motion cosignée par Thierry Pradier présente une ligne claire en ce qui concerne les alliances avec le PS lors des prochaines municipales : « Disons-le clairement, participer à un premier tour électoral d’une liste commune avec le PS dans les collectivités engagées dans le syndicat mixte qui gère la question de NDDL est inconcevable. Faire battre la droite au second tour par une alliance n’est envisageable que si cette question est résolue (arrêt du projet) et non mise de côté, comme nous le fîmes (lors des élections régionales de 2010). Mais également soutenir les minorités de blocage au sein des collectivités où nous participons à des majorités quand cela est nécessaire. » Cette ligne claire qui permettait de combattre efficacement NDDL sur le plan politique régional et local n’a pas été majoritaire au Congrès régional.

En novembre 2013, au Conseil régional de la Région Pays de Loire se déroule le débat d’orientation budgétaire pour 2014, une occasion pour chaque groupe politique d’expliciter ses choix pour sa région. Dans les interventions des élus d’EELV, il n’est question de l’aéroport de Notre Dame des Landes que tout à fait indirectement au sujet du cambriolage et des dégradations commises contre le bureau d’étude Biotope accusé par ailleurs par certains opposants à l’aéroport de s’être montré trop complaisant vis-à-vis de son employeur Vinci, « oubliant » des espèces protégées dans ses inventaires réalisés dans de conditions discutables. Aucune mention dans l’intervention « générale » de Jean-Philippe Magnen, ni dans celles de la vice-présidente chargée de l’énergie, ni dans celle de la vice-présidente chargée du plan régional de la biodiversité. Cette dernière a lu une sorte d’apologue pour expliquer les menaces d’ordre anthropique qui pèsent sur les espèces sauvages en prenant comme exemple non pas le triton crêté, emblème de la ZAD mais le râle des genêts !

Ce n’est pas sur les conseillers régionaux EELV qu’il faut compter pour avoir un relais politique au combat contre l’aéroport de Notre Dame des Landes au sein de l’hémicycle du Conseil Régional, ligotés qu’ils sont par leur participation à l’exécutif et par leur participation à la majorité régionale qu’ils ne veulent pas remettre en cause. Pourtant c’est cela qui pourrait infléchir la position du PS régional et calmer ses ardeurs pro-aéroport parce que le départ des écologistes de la majorité pourrait lui faire courir le risque de perdre la Région. Les élus régionaux d’EELV peuvent bien aller sur la ZAD manifester leur soutien aux militants engagés sur le terrain si possible avec la Presse locale, c’est bon pour l’image mais d’une efficacité limitée. Cela est d’autant plus regrettable que, comme le PS, bien que dominant, n’a pas la majorité à lui seul dans ce conseil, EELV pourrait mener un combat politique efficace à l’intérieur de cette institution en mettant en difficulté Jacques Auxiette et son groupe. Encore faudrait-il en avoir le courage !

Il faut savoir si oui ou non, Notre Dame des Landes avec ses zones humides, son agriculture paysanne doit être sauvée. Il faut savoir si ce combat est exemplaire, s’il ne faut pas le perdre sous peine de voir fleurir ici ou là sur le territoire des projets d’aménagement conduits manu militari, justifiés par des études d’impacts bâclées et/ou biaisées, au détriment des populations résidentes, de leur environnement, des paysages et de la biodiversité. Si c’est oui, les élus EELV de la Région qui se disent écologistes auraient dû ruer depuis longtemps dans les brancards et se dépêtrer de ces alliances dans lesquelles ils se sont fourvoyés. Il n’est pas trop tard. Un tel enjeu vaut bien de risquer son fauteuil de vice-président(e). Mais ces élus ne le feront pas : le pragmatisme et le carriérisme seront les plus forts avec cet alibi béton : il ne faut pas faire le jeu de la droite. Il faut donc mieux faire celui des mégalos, des affairistes et de Vinci?

Un désaccord « acté », c’est-à-dire mis de côté pour ne pas gêner les accords politiciens

À l’échelon national aussi, seul un risque assuré de rupture de la majorité présidentielle actuelle pourrait faire reculer Hollande et Ayrault : la sortie d’EELV de la majorité présidentielle en cas de passage en force contre les occupants de la ZAD, l’arrachage des haies et le début des travaux sous la protection d’une pléthore d’escadrons de CRS et autres flics de Manuel Valls.

Certes, le poids électoral d’EELV calculé en nombre de voix est faible et risque de l’être plus encore dans les échéances à venir. Pourtant le PS a besoin d’EELV. EELV a tenté de s’approprier l’écologie politique et il a, hélas, en partie réussi, du moins aux yeux de l’opinion publique et des médias. Il en est encore considéré comme le représentant sur l’échiquier politique. Le PS a besoin d’accords avec EELV pour éviter que les électeurs de sensibilité écologique s’égarent à droite ou ailleurs. Il en a besoin aussi parce qu’il ne veut pas être la seule composante de la majorité présidentielle. Faute de pouvoir retrouver l’union de « la gauche plurielle et des écologistes » de l’époque Jospin, Hollande doit se contenter d’une union « Rose et Verte », sa politique le rendant incapable de rassembler la gauche, surtout aujourd’hui avec son « tournant » social-démocrate ou social-libéral. Sinon pourquoi aurait-il offert à EELV un nombre de députés que ce parti aurait été bien incapable d’obtenir par lui-même compte tenu du mode de scrutin pour l’élection à l’Assemblée nationale et après la calamiteuse campagne présidentielle d’Eva Joly ? Ce n’est évidemment pas par générosité. Ce n’est pas non plus pour le consoler de son échec à la présidentielle qu’il lui a offert deux postes dans le gouvernement. En attendant d’éventuels renversements d’alliances avec une partie du Centre notamment, Hollande et donc le PS ont besoin d’EELV ou du moins, mais cela revient au même, croient en avoir besoin. Et bonne aubaine, Hollande a pu mesurer l’opportunisme des cadres d’EELV qui n’ont pas hésité à laisser de côté bien des exigences programmatiques de leur parti dès lors qu’il leur offrait fauteuils de députés et portefeuilles de ministres en suffisance. Hollande a en quelque sorte « acheté » EELV à charge de ses dirigeants (Duflot, Placé et quelques autres : la firme) de tenir la structure, de maîtriser la base et de faire respecter le contrat.

Il est dès lors évident malgré certaines interventions quelques fois tonitruantes, d’apparitions sur le terrain de la ZAD soigneusement préparées par les services de communication et les attachés de presse, que le combat contre l’aéroport de Notre Dame des Landes n’a pas de véritable relais politique institutionnel capable de faire reculer Hollande/Ayrault et leurs affidés. EELV ni ne menacera de faire exploser, ni ne ferait exploser l’union des Roses et des Verts pour gagner le combat contre le projet d’aéroport.

On pourrait dire que les élus régionaux EELV et EELV Pays de Loire ont donné un mauvais exemple que s’est empressé de suivre le National avec Duflot à la manœuvre. Comme à la Région, le National a passé outre le désaccord sur ce projet d’aéroport pour signer un accord de mandature avec le PS et intégrer la majorité présidentielle. Dire comme le répète à l’envi la girouette Duflot que le désaccord sur ce projet a été «acté», ce n’est pas seulement dire qu’EELV s’est réservé la possibilité de soutenir les opposants au projet sur le terrain comme elle nous le serine avec les cadres d’EELV, c’est surtout considérer que ce désaccord n’était pas suffisamment important, profond, etc. pour empêcher que l’accord soit conclu et que des postes de ministres soient réservés au parti, que des membres d’EELV entrent dans un gouvernement dont le premier ministre fut l’un des instigateurs du projet d’aéroport de Notre Dame des Landes lorsqu’il était maire de Nantes et qu’il en est et a toujours été un actif partisan.

Si hier le désaccord sur le projet n’était pas assez profond pour faire obstacle à un accord politique de mandature, il ne le sera pas plus aujourd’hui ou demain pour le rompre. Sur ce « dossier » Hollande et Ayrault peuvent être tranquilles. Certes, EELV fera du bruit si les CRS investissent la ZAD et si les bulldozers détruisent le bocage mais ce sera, comme d’habitude beaucoup de bruit pour rien. Le parti peut bien mobiliser ses militants pour participer aux manifestations, faire signer les pétitions, cette mobilisation sert surtout, en fin de compte de soupape de sécurité devant ce qui pourrait prendre la forme d’une contestation interne trop forte et donc non maîtrisable et peut-être aussi à calmer la conscience de certains des cadres du parti. Certes, ce soutien logistique n’est pas négligeable, mais il ne doit pas masquer le fait que ce qui serait vraiment efficace dans ce combat et lui offrirait un débouché politique, c’est une menace réelle et crédible de sortie de la majorité présidentielle, associée à une rupture des alliances au niveau au moins des Régions concernées.

Si nous n’en sommes pas là, si nous en sommes loin, si le combat risque d’être perdu faute d’avoir un débouché politique et un relais véritable au niveau institutionnel, ce sera parce que, EELV, la formation politique qui aurait pu jouer ce rôle aura considéré que Notre dame des Landes valait la peine que l’on se mobilise pour le défendre sur le terrain mais ne valait pas la peine de mettre en jeu ses portefeuilles de ministre, de risquer la rupture avec le grand frère socialiste auquel on doit tout et sans lequel on n’est pas grand-chose. Lors de la négociation de l’accord national, François de Rugy, qui est un député de la région aujourd’hui président du groupe EELV, avait déclaré «on est contents que ce soit devenu un sujet national mais ce n’est pas cela qui fera ou défera l’accord.» Déclaration qui prouve à quel point, il n’a pas compris les enjeux de ce combat, à quel point il tenait à sa réélection, impossible sans cet accord, à quel point c’est un carriériste et guère un écologiste.
EELV fait de la réal politik… C’est un «parti de gouvernement» ! Sans surprise, la nouvelle secrétaire nationale, Emmanuelle Cosse, sorte de clone de Duflot, est sur la même ligne. Elle proclame : « Moi, en tant qu’écologiste, je certifie au gouvernement que Notre-Dame-des-Landes est une extrêmement grave erreur et que c’est pour ça que, jusqu’au bout, nous serons sur le terrain contre Notre-Dame-des-Landes » Voilà une déclaration qui semble avoir de quoi rassurer les opposants à NDDL, qui semble radicale. Mais à y regarder de plus près, rien est changé. Le soutien d’EELV, c’est sur le terrain, pas dans les hémicycles pour mettre solennellement en garde PS, Gouvernement à l’Assemblée et au Sénat, exécutif en Région, Conseil municipaux à Nantes, et dans les autres communes de la Région sur le retrait d’EELV des coalitions. Aucun appel national n’est lancé pour subordonner les accords municipaux a un arrêt du projet d’aéroport, au moins dans les régions Pays de Loire et Bretagne. De plus cette déclaration sonne bizarrement : pourquoi Cosse dit-elle qu’elle sera sur le terrain « jusqu’au bout » ? Pourquoi n’a-t-elle pas dit «jusqu’à ce que le gouvernement cède », « jusqu’à la victoire» ? Pense-t-elle, au fond d’elle-même que le combat est perdu ?

Si, ce qu’à Dieu ne plaise, cela devait être le cas, elle, l’appareil et les cadres de son parti en porteraient une grosse part de responsabilité. Sur NDDL, il n’est que trop évident que ces gens-là trahissent ce qu’ils prétendent défendre : ils trahissent l’écologie, trahissent ceux, humains et animaux, qui vivent sur la ZAD de Notre Dame des Landes. Ils trahissent aussi tous ceux qui vivent sur les zones d’aménagement futures, les terrains des grands projets à venir, utiles pour les uns, inutiles pour les autres mais toujours imposés, et pour lesquels la Nature fait toujours les frais.

____________________________________________________

Annexe

Texte de l’article paru dans Le petit courrier – L’écho de la vallée du loir (publié le 31/01/2013 à 16:39 - Mise à jour le : 7/02/2013 à 17:19)

Voici l’intervention que Thierry Pradier souhaitait faire devant l’assemblée du conseil régional mais qu’on lui a refusé. Il y explique les raisons de sa démission de la vice-présidence de la commission finances. Déjà annoncée, il y a quelques jours, cette démission plonge dans l’embarras les élus EELV (Europe écologie les verts) au sein du conseil régional.
On notera que Thierry Pradier use, non sans humour, de l’épiphore (répétition d’un mot ou groupe de mots en fin de phrase) “je me suis senti humilié”, référence assez flagrante à l’anaphore (répétition d’un mot ou groupe de mots en début de phrase) de François Hollande “Moi, président de la République”.

Thierry Pradier
Thierry Pradier
Ce que souhaitait dire l’élu

"Suite à ma décision de démissionner de la vice-présidence de la commission finance, j’avais fait part de ma volonté de pouvoir expliquer mon acte devant l’hémicycle des conseillers régionaux des Pays-de-la-Loire lors du vote sur le budget 2013.
Dès jeudi matin le président de groupe EELV me fait savoir que je peux faire mon intervention vendredi matin ou en début d’après-midi au moment du vote sur le budget global. Le groupe écologiste envoie l’information au cabinet du président le jeudi matin comme convenu. Je prends donc la décision d’attendre le lendemain pour donner mon explication sur ma démission de la vice-présidence de la commission finance. Même si cette procédure est peu logique car je vais devoir voter avant sur les budgets de commissions et donner mon explication après (les budgets se votent d’abord par commission, il y en a 9, selon les textes de loi sur le fonctionnement des Conseil Régionaux).
Je vote durant la cession conformément avec ce que j’avais décidé et dis.
Le vendredi vers midi, les groupes de l’opposition de droite reviennent sur les bancs de l’hémicycle pour donner leur vote sur le budget général (ils avaient boycotté les votes précédents de la matinée du vendredi). Lorsque le Président du Conseil Régional annonce le passage au budget général, j’appuie donc sur le bouton de demande d’intervention. Le président annonce alors que l’on passe au vote. Il n’y a donc pas de débat, je ne peux donc pas m’exprimer. Je lève alors la main espérant pouvoir au moins donner mon explication : il clôt en un temps record la séance, alors que le repas était initialement prévu vers 13h00 : il est autour de 12h20. Nous avions donc le temps pour qu’opposition et majorité s’expriment. Je suis stupéfait ! Il est clair que le Président lui-même ne souhaitait pas que je puisse lire mon texte."

Voici donc le texte complet qui fait l’objet de ces évènements :

« Monsieur le Président, merci de me donner la parole : ce que je dirai, je le dirai en mon nom propre. Ma décision résulte d’une longue réflexion et n’a pas été facile à prendre, mais ma démission de la vice-présidence est tout sauf le fruit du hasard.

Le 8 mai 2012 un accord entre opposants au projet de NDDL (NDDLR – NDDL signifiant bien entendu Notre-Dame-des-Landes et son controversé projet d’aéroport) et le président F. Hollande avait été acté : il concernait les expulsions sur site de NDDL jusqu’à expiration judiciaire des procès en cours signé avant la date du 4 mai 2012.
Quand l’accord a été moralement rompu de facto par l’intrusion des forces de l’ordre sur le site, je n’ai rien dit, mais je me suis senti humilié.

Quand il fut évident que les responsables de l’État adoptaient en novembre dernier des mesures débouchant sur des violences policières avec la volonté manifeste de criminaliser le mouvement de résistance à NDDL, je n’ai rien dit, mais je me suis senti humilié.

Quand sont parues dans la presse des menaces explicites concernant les postes et responsabilités exécutives
dévolus aux membres d’EELV du Conseil Régional, je n’ai rien dit, mais je suis senti humilié.

Quand la communication régionale est devenue une machine de propagande mise au service du projet d’aéroport, sans concertation et sans recherche de compromis avec les membres écologistes de la majorité et
quand les finances régionales mobilisées sur cette communication n’ont fait l’objet d’aucune discussion ou accord au sein de la majorité régionale, je n’ai rien dit, mais je me suis senti humilié.

Quand ont été nommés les membres de la commission de dialogue, sans concertation et sans information préalable avec EELV, pourtant partenaire du PS au sein du gouvernement, je n’ai toujours rien dit, mais je me suis encore senti humilié.

Quand il y a moins d’une semaine une maison a été détruite au lieu-dit Saint-Jean-du-Tertre (la quatorzième depuis l’opération César), au moment même où la commission de dialogue travaillait, je n’ai rien dit, mais je me suis senti humilié.

Quand les quelques dizaines d’écologistes de ma propre famille et celle de ma compagne, de Loire-Atlantique ou d’ailleurs, émettent des doutes, des critiques ou des sarcasmes à propos de NDDL, je ne dis rien, mais comme eux je me sens offensé, méprisé dans mes convictions et humilié.

Quand je mesure la considération dans laquelle on tient l’écologie au niveau national à l’aune des décisions prises par le gouvernement actuel, quand des électeurs et des militants écologistes, m’interpellent en colère sur ces sujet et plus particulièrement sur Notre-dame-des-landes, quand ils sont des dizaines à le faire, comme eux je me sens bafoué dans mes engagements, méprisé et humilié !

Alors quand on me demande de prendre mes responsabilités politiques de simple élu du Conseil régional des Pays-de-la-Loire, je choisis de ne plus accepter ni l’intimidation ni l’humiliation. J’ai toujours été favorable au compromis quand il résulte d’une discussion d’égal à égal. Certains dossiers portés dans cette majorité régionale méritent toute mon attention et celle de mes collègues écologistes. Mais personne ne peut m’obliger à abdiquer mes convictions. Et ce serait le cas si je soutenais le projet d’aéroport à NDDL !

C’est par solidarité avec tous les paysans et habitants encore présents sur le site qui risquent d’être expulsés de chez eux cette année, du fait de ces presque 2000 ha de terres bocagères non remembrées qui forment un milieu environnemental exceptionnel et pour protester contre l’aberration économique que constitue ce projet pharaonique d’aéroport, que j’ai symboliquement remis ma démission du poste de vice-président de la commission finance.

Pour cette cession du Conseil Régional, je ne souhaite pas modifier mon vote : je voterai favorablement les budgets des commissions Emploi et Education présidées par les élus écologistes et je refuse de prendre part aux autres votes sur le budget des commissions et sur le budget global. Le refus n’étant pas admis par notre règlement intérieur du Conseil Régional, mon vote sera transformé de fait en abstention.

Sachez bien que quelles que soient les difficultés, désaccords, compromis et décisions pris au sein de la majorité actuelle, s’il n’y avait pas eu cette fracture au sujet NDDL, j’aurais voté l’ensemble des budgets des commissions et le budget général. Mais je ne puis me résoudre à renier 28 années de militantisme sur une question où la dignité de l’écologie et des écologistes est engagée. »

Photo : Le petit courrier – L’écho de la vallée du loir


Dimanche 2 Février 2014 Commentaires (0)

L’Etat et les pro-aéroport menacent de passer de nouveau en force. Ils prétendent débuter, dans les mois qui viennent, la destruction des espèces protégées et les chantiers de l’aéroport.


Notre Dames des Landes : Ne les laissons pas faire!
Appel lancé par la coordination des opposants (50 associations, syndicats, mouvements politiques et collectifs) – le COPAIN 44 – Les Naturalistes en lutte - Des habitant-e-s de la ZAD

Nous ne les laisserons pas faire ! Les travaux ne commenceront pas ! Sur place, le mouvement est plus vivant encore qu’à l’automne 2012, les liens plus denses, les champs plus cultivés et les habitats plus nombreux. Au-delà, plus de 200 comités locaux se sont créés, en solidarité avec la lutte et pour la faire essaimer par chez eux.

Nous appelons toutes les forces anti-aéroport à se joindre à la manifestation du 22 février 2014 à Nantes pour leur montrer qu’il n’est pas question qu’ils touchent au bocage.

Sites internet de référence :

- http://acipa.free.fr ici
- http://naturalistesenlutte.overblog.com/ ici
- http://zad.nadir.org ici


Événement Facebook : ici

Rendez-vous à 13 h devant la Préfecture, pont Morand.
Plus de détails prochainement http://22fevrier2014.blogspot.fr/

Lundi 27 Janvier 2014 Commentaires (0)

Aujourd’hui, la question de la limitation de la population humaine est taboue, y compris pour beaucoup d’organisations, partis ou associations écologistes. Parmi les militants, Il y a des exceptions, Yves Cochet par exemple, mais leurs prises de position, même si elles donnent lieu à un article ou un livre, restent individuelles. Sans doute à cause de leurs convictions religieuses, certains « décroissants » veulent voir décroître bien des choses, mais pas la population humaine et l’on trouve des « décroissants » mêlant leurs voix aux lanceurs d’anathèmes contre les dénatalistes et les néomalthusiens, les accusant de toutes les tares morales et politiques, d’égoïsme, de mépris des hommes, d’antihumanisme pouvant aller jusqu’au fascisme, à une nouvelle forme de ce dernier : «l’écofascisme». Les mesures propres à stopper l’expansion de la population humaine à défaut de l’inverser sont aujourd’hui absentes de tous les scénarios que concoctent les experts ès écologie, ès énergies renouvelables ou bien encore ès développement durable. Pourtant si la décroissance de la population humaine ne peut à elle seule résoudre les crises écologiques actuelles, elle est en quelque sorte un prérequis, une condition nécessaire, mais bien sûr non suffisante, de la réussite de toute transition écologique.


Pas de transition écologique sans transition démographique !
À la naissance de l’écologie politique en France : le dénatalisme de René Dumont et du mouvement écologiste lors de la campagne présidentielle de 1974.

Tous ces écologistes sont bien loin des positions sur la démographie défendues par ceux qu’ils reconnaissent néanmoins être des fondateurs de la pensée écologiste et notamment de l’écologie politique en France. Il est loin le temps où René Dumont, lors des élections présidentielles de 1974 dénonçait « la surpopulation et les problèmes démographiques ». En 1974, René Dumont et la quasi-totalité du mouvement écologiste français estimaient qu’il y avait « déjà trop d’hommes » alors que « nourrir plus d’hommes implique la destruction du milieu naturel ». Pour Dumont et le mouvement écologiste qui soutenait sa candidature, le problème était aussi urgent en France qu’en Afrique ou au Bengladesh parce que « chaque français consomme 50 à 200 fois plus qu’un habitant du Tiers monde » et « que notre nourriture et nos ressources viennent du pillage du Tiers monde » (1) . Au niveau local, « il n’y a pas de défense possible des sites et des «espaces verts» dans un pays surpeuplé », tandis qu’au niveau planétaire la surpopulation, « c’est la FIN du monde, ou la FAIM du monde ou d’autres mesures » (2) . Face au Grand Jury RTL, à une époque où des natalistes comme Michel Debré voulaient une « France de 100 millions de Français », Dumont insiste : c’est dans les pays riches qu’il faut d’abord arrêter la croissance démographique « même s’ils sont dépeuplés, parce que c’est dans les pays riches que le pillage du Tiers Monde, par le gaspillage de matières sous-payées, aboutit aux plus grandes destructions de richesses ».

Pour les fondateurs ou les précurseurs de l’écologie politique, la croissance exponentielle de la population humaine est un danger pour la survie de l’humanité même. Même s’il était outrancier avec des scénarios pas très bien fondés, La bombe P de Paul R. Ehrlich et Anne H. Ehrlich paru en 1968 est sans aucun doute une des origines de cette sensibilisation au problème démographique des écologistes des années 70. C’est d’ailleurs en 1970 que s’est constitué le groupe «Survivre et vivre» qui affirmait dans son premier bulletin que l’humanité ne pourra pas survivre « si elle n’arrive à contrôler sa population ». Juguler l’expansion démographique humaine était ressentie unanimement comme d’autant plus urgente que cette démographie possède « une grande inertie : elle répond lentement aux stimuli »(3) .Aussi lors de sa campagne, René Dumont n’hésite pas à proposer des mesures drastiques : le contrôle des naissances avec le droit inconditionnel des femmes à l’avortement, l’égalité homme/femme « leur permettant de n’être plus cantonnées dans leur rôle de mère », la suppression des allocations familiales et du quotient familial comme de tout encouragement à la natalité « mais seulement après que l’éventail des revenus soit resserré (il prévoyait un ensemble de mesures à cet effet), l’accès à la contraception soit général (ce qui n’était pas le cas à l’époque), la population prévenue »(4) .

Cette prise de position dénataliste est dictée d’abord par la nécessité de survie de l’espèce humaine même. Une expansion démographique continue, c’est la famine assurée, le chaos avec comme issue possible, la fin même de l’humanité. Une telle thèse peut paraître inutilement catastrophique et pour le moins douteuse alors que régulièrement, il y a des crises de surproduction agricole en France avec effondrement des cours et destruction de récoltes devant les préfectures par des agriculteurs en colère. Ces crises de surproduction surviennent aujourd’hui, à une époque où le pétrole est encore abondant. Mais demain ?
Il faut rappeler « la force du lien population-ressources : manger, c'est absorber de l'énergie exogène, et l'effectif humain qui, rappelons-le, a été multiplié par 7 en deux siècles, comme l'usage des énergies fossiles, ne pourra pas rester stable quand ses ressources énergétiques seront divisées par 7! » (5). Dans un avenir pas très lointain, même si l’extraction des « gaz de schiste » et de «pétrole non-conventionnel» retarde l’échéance, le pétrole deviendra rare et l’agriculture mécanisée d’aujourd’hui ne pourra plus fonctionner. « Même avec une empreinte carbone réduite à celle de Cro-Magnon, les besoins alimentaires vitaux par humain ne décroîtront pas. Or aujourd'hui ils pourraient probablement être satisfaits (je parle en ordre de grandeur) si les repus du Nord mangeaient moins de viande pour libérer les surfaces productives capables de nourrir les affamés du Sud. Demain, la conjonction de l'effondrement agricole post-pétrolier (qui est inéluctable) et d'une augmentation de 50% de notre nombre (qui n'est pas inéluctable) provoquerait des famines planétaires susceptibles de causer (directement ou par violence induite) des morts par milliards. »(6).
Donc, oui, l’expansion démographique jointe à la raréfaction des ressources, à l’épuisement des sols, combinée à la raréfaction des énergies fossiles et notamment du pétrole peut entraîner la fin de l’espèce humaine. Il n’y aura jamais 9 milliards d’hommes sur Terre.
Dans son Antimanuel d’écologie Yves Cochet déclare : « J'écris une dernière phrase d'une main tremblante : le déclin démographique proche sera catastrophique au-delà de ce que nous pouvons imaginer. Dire que la population du monde va perdre 3 milliards d'habitants en 30 ans n'est pas un froid constat de prévisionniste statisticien. La perspective est humainement insupportable. Hélas, elle est devant nous »(7) . Ainsi et cela n’a rien de paradoxal, les natalistes creusent la tombe de l’humanité.

Cette justification présente des thèses écologistes soutenues dans les années 70 montre qu’elles sont encore d’actualité en 2014. Dumont avait raison. Le problème était urgent, il l’est toujours et pourtant, hier comme aujourd’hui, rien n’est véritablement entrepris pour stopper cette expansion démographique. La situation a même empiré. En 1974, la population mondiale était de 4 milliards d’individus, en janvier 2014, au moment où j’écris cette ligne, elle est de 7 189 350 347. Elle augmente d’environ 232 000 habitants de plus chaque jour sur la planète tandis que la question de la démographie est devenue tabou y compris dans la plupart des mouvements ou partis se réclamant de l’écologie. Seule une poignée de militants et d’associations essaie de briser cette omerta, avec bien peu de succès, hélas !

Pour Dumont l’expansion démographique et la surpopulation, c’est non seulement une planète affamée mais c’est aussi une planète saccagée ou il ne fait pas bon vivre. Trop d’hommes sur terre, c’est la destruction des milieux naturels, l’aggravation de tous les problèmes environnementaux quand ce n’en est pas la cause. Et cela constitue aussi, de façon indirecte, une menace pour la survie de l’humanité. Enfin l’exigence du « bien vivre » ne peut être satisfaite dans un monde surpeuplé : la surpopulation, c’est l’entassement en milieu urbain, c’est l’impossibilité pour chacun de satisfaire son besoin d’espace et de nature « si trop de gens s’installent dans un endroit agréable, l’agrément de cet endroit est détruit », c’est l’impossibilité de défendre sites et espaces verts, etc. Pour que l’humanité puisse survivre, il faut moins d’hommes et si les hommes sont moins nombreux, ils pourront accéder à une qualité de vie bien meilleure. Survivre et bien vivre présuppose de juguler l’expansion démographique de l’humanité.

Le dénatalisme d’Arne Næss et de la « deep ecology »

Ces deux derniers arguments en faveur de mesures dénatalistes rejoignent ceux avancés dans un cadre conceptuel et un contexte différent par la « deep ecology » d’Arne Næss. Dans la plateforme pour l’écologie profonde qu’il formule, la limitation de la population humaine est un des impératifs. C’est le point 5 de cette plateforme : « 5. L’épanouissement de la vie humaine et des cultures est compatible avec une baisse substantielle de la population humaine. L’épanouissement de la vie non humaine exige une telle baisse » (8). La première partie de cette formule est explicitée et justifiée en des termes semblables à ceux du programme de Dumont. Mais l’écologie profonde ne se soucie pas seulement de la «vie humaine». Elle se soucie de toutes les formes de vie et ce terme doit être pris dans un sens large. Pour Næss, les paysages, les rivières sont aussi des formes de vie. « Le terme de vie est utilisé ici dans un sens large non technique pour désigner aussi ce que les biologistes classent comme « non-vivant » : les rivières (lignes de partage des eaux), les paysages, les cultures, les écosystèmes, «la Terre vivante». Des slogans tels que « la rivière doit vivre ! » illustrent cet usage très courant et largement répandu dans de nombreuses cultures »(9) .

Arne Næss, philosophe, écologiste et alpiniste
Arne Næss, philosophe, écologiste et alpiniste
Pour l’écologie profonde, l’épanouissement de la vie non humaine est aussi important que celui de la vie humaine, c’est le principe de «l’égalitarisme biosphérique», le refus d’admettre que certaines formes de vie aient plus ou moins de valeur que d’autres. «Les espèces dites « simples », « inférieures » ou « primitives» de plantes ou d’animaux contribuent de manière essentielle à la richesse et à la diversité de la vie. Elles ont une valeur en soi et ne sont pas que des échelons vers des formes de vie prétendument supérieures ou rationnelles »(10). Næss précise que cet égalitarisme biosphérique vaut aussi pour les habitats et les écosystèmes « qui témoignent d’une telle similarité avec [les espèces] qu’il est logique de les prendre en compte ». Cet égalitarisme biosphérique est fondé sur une évidence intuitive : il est intuitivement clair pour les « écologistes de terrain », c’est-à-dire chez ceux qui ont l’expérience de la nature sauvage et qui se mobilisent pour la défendre dans la sphère publique. « La pratique de l’écologiste de terrain le conduit à éprouver un respect profond, voire une vénération, pour les différentes formes et modes de vie. Il acquière une connaissance de l’intérieur, une sorte de connaissance que les autres hommes réservent d’ordinaire à leurs semblables ; et qui est au reste fort limitée puisqu’elle n’embrasse généralement qu’un nombre restreint de formes et de modes de vie. L’écologiste de terrain tient que le droit égal pour tous de vivre et de s’épanouir est un axiome de valeur évident et intuitivement clair » (11)Envisagée du point de vue de l’égalitarisme biosphérique, du droit que chaque forme de vie a de s’épanouir, il est clair qu’il y a « déjà trop d’humains » sur terre pour reprendre une expression de Dumont.

Des considérations d’ordre évolutives militent aussi pour que de plus grands espaces soient réservés à la vie sauvage ou quasi sauvage afin que puisse se poursuivre « la spéciation évolutive des animaux et des plantes », ce qui n’est pas possible sans une réduction de la population humaine puisque la croissance démographique pousse les humains à occuper ou exploiter tous les milieux. Les naturalistes, sans doute des « écologistes de terrain » au sens de Næss, enfoncent le clou. Ainsi par exemple, l’écologue Alain Persuy : « Parler de sauvegarder la biodiversité, c’est bien, d’accord, bravo ! Mais où, concrètement ? Sur quelles terres, quels espaces protégés, parcs, réserves, refuges (?) qui ne soient considérés comme superflus, perdus, pour «nous» ?? Quelle place pour l’espace libre, pour l’animal sauvage, la fleur ou le papillon ?? »(12).

Une Terre surpeuplée d’humains, sans espaces où il soit encore possible de communier avec les autres formes de vie, sans une Nature libre de notre emprise serait dommageable aux humains eux-mêmes car comme le souligne Næss, la qualité de vie des hommes dépend en partie de « la satisfaction et du plaisir profond que nous éprouvons à vivre en association étroite avec les autres formes de vie »(13).

Les écologistes profonds s’accordent avec Dumont et le mouvement écologiste qui le soutenait pour rejeter l’entassement urbain. Næss dénonce ce que nous appelons la «surdensification» qui va à l’encontre du besoin d’espace de chaque individu: « les théoriciens de l’urbanisme ont largement sous-estimé les exigences humaines en termes d’espace de vie » ce qui est à l’origine « de névroses, d’agressivité et de perte des modes traditionnels d’existence »(14) . Pour l’écologie profonde comme pour Dumont, la densification urbaine atteint vite des limites au-delà desquelles elle devient pathogène. Il ne faut donc pas compter sur cette densification urbaine pour éviter de s’attaquer au problème de la décroissance de la population humaine.

Si elle doit rester tolérable, cette densification urbaine prônée par ceux de ces écologistes pour qui le dénatalisme est tabou ne peut jouer qu’à la marge dans la préservation des espaces naturels ou semi naturels. A cause de ce besoin d’espace que nous éprouvons par nature (en tant que mammifères selon Næss) et peut-être aussi à cause d’un besoin inconscient de retrouver d’autres formes de vie, cette densification peut même avoir des effets contraires à ceux recherchés. On appelle ceci l’«effet barbecue» ou «mobilité de compensation». À la recherche d’espace, les habitants des quartiers denses fuient la ville, les week-ends, pour randonner, se livrer à une activité de plein air ou pour rejoindre leur résidence secondaire. Leur empreinte écologique est donc beaucoup plus élevée que l’on pourrait croire, si l’on ajoute l’utilisation d’un moyen de déplacement motorisé individuel et pour ceux qui possèdent une résidence secondaire, l’usage d’un espace individuel(15) . Pour se convaincre de cet exode chaque fin de semaine, il suffit de constater l’ampleur des « bouchons » au sorties des grandes agglomérations le vendredi et à leurs entrées le dimanche soir !

Déjà grave lorsqu’il s’agit de ne prendre en compte que la survie et le bien-être des humains, l’expansion démographique de l’espèce humaine devient dramatique lorsque l’on prend en compte l’exigence de l’épanouissement de toutes les formes de vie. Il faudra du temps pour que la population humaine se stabilise et soit réduite. On peut même se demander s’il n’est pas trop tard si l’on suit les constats fait par les naturalistes. À ceux qui prétendent qu’il ne faut rien faire et attendre benoîtement les effets de la transition démographique et une baisse spontanée qui selon certains analystes est en train de s’amorcer, on rétorquera avec Claude Lévi-Strauss que « les désastres causés dans l’intervalle de seront jamais réparés ».

Pas de transition écologique sans transition démographique !

Pour rester en France – pays qui possède, hélas un des taux de fécondité les plus élevés d’Europe, pays où l’on se vante stupidement et où l’on se réjouit sottement du dynamisme de la natalité – même en admettant que les cités denses dans lesquelles veulent nous faire vivre les idéologues d’EE/LV ne soient pas un enfer, il ne faut pas croire que leurs habitants resteront enfermés à l’intérieur. Les agglomérés s’évadent déjà de leurs agglomérations… En zone périurbaine et bien au-delà les forêts et les espaces naturels sont déjà annexés par les citadins comme d’immenses terrains de jeu. C’est le cas de la forêt de Fontainebleau par exemple avec ses sous-bois piétinés, ses sentiers érodés pour cause de surfréquentation. C’est aussi le cas des volcans d’Auvergne et en particulier ceux du Puy de Dôme aux pentes dégradées, à la faune sans cesse dérangée tant et si bien qu’il a fallu en restreindre l’accès : interdiction pure et simple de pénétrer dans certaines zones comme le sentier d’accès au sommet du Puy de Côme et pour d’autres comme le Puy Pariou par exemple, interdiction d’y conduire les troupeaux de marcheurs des randonnées accompagnées. Sans parler de ces cauchemars écologiques que sont les stations de ski alpin, ces villes à la montagne aux réseaux d’assainissement parfois bien sommaires. Même dans les massifs difficiles d’accès, même au sein des Parcs nationaux, la montagne est utilisée comme un terrain de sport toute l’année. Les dérangements répétés en toute saison qui s’ajoutent aux pressions de la chasse dans certains cas mettent en danger les grands ongulés qui doivent déjà faire face à de rudes conditions en hiver. C’est la même chose pour des espèces patrimoniales d’oiseaux fragilisées et à terme menacées d’extinction comme le Lagopède, le Tétras Lyre ou la Perdrix Bartavelle.
Sur les falaises, l’escalade ajoute à la pression sur les rapaces et cause souvent des échecs reproductifs par abandon des nids. Une flore spécifique est mise en danger par les «purges», qu’elles soient effectuées pour protéger les voiries ou les habitations construites en dessous, ou bien qu’elles soient réalisées pour l’aménagement de « via ferrata » ou autres.
Les 2 000 000 de personnes qui fréquentent les plages et les cordons dunaires ne laissent guère de place aux oiseaux qui nichent dans ces habitats comme certaines espèces de Sternes qui ont du mal à trouver des lieux pour se reproduire et sont donc en danger. Et ces 2 millions ne sont qu’une petite fraction de la population française qui compte près de 66 millions d’habitants !
66 millions d’habitants qu’il faut loger, nourrir, éclairer, chauffer… L’urbanisation même dense induit des infrastructures de communication, des zones d’activité. Les zones naturelles diminuent, les zones humides sont asséchées pour leur mise en culture ou leur bétonisation (et pas toujours pour des projets inutiles comme l’aéroport en projet de Notre Dame des Landes). Plus grave peut-être encore que leur réduction en superficie, les habitats se fragmentent.

L’afflux de population dans le Sud-est, dans la région PACA dont la population a augmenté de 2 000 000 d’habitants en cinquante ans permet de constater sur le vif ce qu’implique pour les espaces naturels un accroissement de population. Outre une artificialisation des sols plus ou moins anarchique, on trouve toutes les atteintes citées avec en plus une exacerbation des pollutions de tout ordre. Pollution de l’eau par les effluents agricoles, industriels et domestiques, de l’air par le chauffage et la circulation automobile. Dans le Haut Pays, à la limite altitudinale de la forêt, les pins cembros, une espèce de conifères à la croissance extrêmement lente mais qui supporte les rudes conditions de l’étage préalpin, résistent depuis toujours aux conditions les plus extrêmes et vivent très longtemps, là où d’autres espèces ne peuvent survivre. Cet arbre est menacé par l’ozone dû à l’intense circulation routière du littoral qui remonte en altitude où le rayonnement solaire est le plus fort et s’accumule sur le massif du Mercantour, sommet d'une barrière montagneuse séparant les agglomérations de Nice et de Cuneo-Turin. L’ozone entre dans les aiguilles de l’arbre par les stomates et détruit la chlorophylle, perturbant la photo synthèse et entrainant un dépérissement de l’arbre. Non seulement les pins cembros sont en danger mais avec eux les cassenoix mouchetés, oiseaux avec lesquels ils sont étroitement associés.

Pas de transition écologique sans transition démographique !
Cet afflux de population concentrée sur le littoral ou à proximité met aussi en danger cette formation très particulière que sont les lagunes, concentrés de biodiversité qui n’existent en France que dans trois régions (Languedoc – Roussillon, PACA et Corse) et sont directement menacées par les activités anthropiques.
Dans quel état seront demain la Forêt de Fontainebleau, les pentes des volcans d’Auvergne, les forêts du Mercantour et le Casse-Noix Moucheté, les lagunes du littoral méditerranéen, et bien d’autres formes de vie lorsque la population décroitra enfin, si elle décroit un jour, avant que tout soit saccagé ?

Chaque année la population française croît de plus de 300 000 habitants, c’est-à-dire un peu plus que la population de toute l’agglomération de Nice ou de Clermont-Communauté (279 370 hab), le double de celle de Sud de Seine regroupant les communes de Bagneux, Clamart, Fontenay-aux-Roses, Malakoff) dans la Petite couronne dense parisienne (144 959 hab. en 2010). Les économies en eau, espace, énergies qui peuvent être réalisées sont englouties et au-delà dans ce tonneau des danaïdes de la croissance démographique : presque un million de plus tous les quatre ans…
Il n’est pas étonnant que les idéologues d’EE/LV veulent, selon le mot d’un député, transformer la France en « un immense ventilateur » en la couvrant d’éoliennes qui ont le défaut d’exiger beaucoup de place, d’artificialiser le peu d’espaces naturels ou semi-naturels qui restent et d’exercer une pression supplémentaire sur des espèces en danger. Si comme l’affirme Yves Cochet à juste titre «un enfant européen a un coût écologique comparable à 620 trajets Paris-New York », la transition énergétique en France est une sinistre plaisanterie avec 792 000 naissances par an et le taux de fécondité le plus élevé de l’Europe(17).

Il n’y aura pas de transition écologique en France tant que la population française continuera de croître. En parallèle avec des mesures de sobriété énergétique, de promotion de l’économie circulaire, et autres mesures, il faut donc proposer des mesures dénatalistes sérieuses et efficaces touchant les allocations familiales, le quotient familial mais pas seulement. Il est tout aussi urgent de travailler à un changement de mentalité vis-à-vis des autres formes de vie, vis-à-vis de la maternité et de la paternité, de la quasi-obligation «morale» de procréer, de sensibiliser l’opinion aux catastrophes auxquelles conduit la poursuite de l’expansion démographique, en France comme dans le Monde, catastrophes au moins aussi redoutables que celles que nous annonce le GIEC à cause du dérèglement climatique.

==============
Notes
==============


(1) René Dumont et les membres de son comité de soutien (1974), La campagne de René Dumont et du mouvement de l’écologie politique, Paris, Jean-Jacques Pauvert, édit., p. 51.
(2) Ibid., p. 110.
(3) René Dumont et ..., o.c., page 51.
(4) o. c., p. 52. L’esprit de ces mesures, notamment en ce qui concerne les femmes, doit être bien compris. L’essentiel n’était pas que les tâches ménagères soient réparties à égalité dans le couple bien que cela puisse compter, évidemment. Il ne s’agissait pas non plus de faire que l’homme contribue autant que possible à élever les enfants et que la femme ne soit pas la seule à en supporter le poids. Il s’agissait de refuser que les femmes soient vouées au statut de mère et de leur laisser le choix d’avoir un rôle social identique à celui des hommes. Il s’agissait de les détourner d’être des femmes au foyer destinées à élever des enfants et surtout de leur conférer le droit de ne pas en avoir. Dans cette optique, il n’est pas certain qu’à cette époque le mouvement écologiste aurait été unanime pour approuver le « congé parental » et son extension au père. Il s’agissait de supprimer tout encouragement à la natalité. De ce point de vue beaucoup de dispositifs actuels créés dans le but d’affranchir les femmes des chaînes inhérentes à l’élevage et à l’éducation des enfants pour leur permettre d’avoir accès à l’égal de l’homme au monde du travail pourraient apparaître comme de tels encouragements à procréer ; l’état, les collectivité publiques prenant à leur compte une partie des tâches et des charges liées à l’élevage et à l’éducation des enfants.
(5) Hugues Stoeckel (2009), « Le siècle des famines », consultable ici
(6) Même référence. L’argumentaire de l’article est extrêmement fouillé et appuyé sur de nombreuses références chiffrées. On peut aussi consulter l’ouvrage de l’auteur La faim du monde. L'humanité au bord d'une famine globale, préface d’Yves Cochet, Max Milo éditeur Paris, 2012, 310 pages.
(7) Yves Cochet (2009), Antimanuel d’écologie, Bréal éditeur, Paris, p. 220.
(8) Arne Næss (1989), Ecology, community and lifestyle, Cambridge, Cambridge University Press, trad. française Charles Ruelle, Ed. MF, p. 61 traduction modifiée.
(9) Arne Næss, o.c. cité, trad. fr. p. 62 ; traduction modifiée.
(10) Ibid., p. 62.
(11) Arne Næss, « The Shallow and the Deep, Long-Range Ecology Movement. A Summary », Inquiry, 16 (1973), p. 95 – 100, trad. fr. H. S. Afeissa in Ethique de l’environnement, Nature, valeur, respect, Paris, Vrin, 2007, p. 52.
(12) Dans un texte mis en ligne sur le site « démographie responsable » ici
(13) « The Shallow… », o.c., p.52.
(14) Ibid., p. 53.
(15) Voir à ce sujet la contribution à l’enquête publique (28 mars – 28 mai) sur le SDRIF de Madame Marcelle Vernet accessible ici
(16) Entretien avec Roger-Paul Droit, Le Monde 8 octobre 1991.
(17) En 2012, les «fondamentaux démographiques» qui font de la France une exception en Europe restent présents. Alors que la plupart des pays européens ont entamé une baisse démographique, le taux de fécondité reste supérieur à 2 enfants par femme depuis 2008. La France arrive seconde parmi les pays de l'Union, derrière l'Irlande (2,05 enfants par femme).
En 2013, la croissance démographique française reste supérieure à la moyenne de l'Union européenne, mais c'est la plus basse depuis l'an 2000. En 2013, le taux de fécondité (hors Mayotte) a reculé à 1,99 enfant par femme contre 2,01 en 2012 et 2,03 en 2010, année où le nombre de naissances avait atteint un pic. Peut-être la France va-t-elle prendre elle aussi, mais avec un peu de retard le chemin de nouvelle transition démographique qui se dessine dans une majorité de pays dits «développés».
Photos : X, Cyril Bonnet/Le nouvel observateur
Pas de transition écologique sans transition démographique !

Vendredi 24 Janvier 2014 Commentaires (1)
Ne votez pas pour lui!
Ne votez pas pour lui!

Jeudi 23 Janvier 2014 Commentaires (0)

EE/LV a publié sur son site un communiqué intitulé «EELV propose un plan Marshall pour l’emploi: 1 million d’emplois via la transition écologique» Selon ce communiqué, il s’agirait de tabler sur la « transition écologique » pour sortir de la « crise » et créer des emplois au lieu d’attendre en vain un retour à la croissance qui ne se produira pas. Les emplois de cette transition écologique seraient financés par une «réorientation» des 20 milliards du Crédit d’impôt pour la compétitivité (CICE) et l’emploi. Cette proposition manque de sérieux. C’est de la simple communication comme d’ailleurs le laissait prévoir le terme employé de « plan Marshall »…


Le mettre en évidence était l’objet d’un commentaire que j’ai posté sur ce site. En bref, dans ce commentaire je m’étonne des chiffres avancés que je trouve exagérément optimistes d’autant que le « Livre blanc sur le financement de la transition écologique » considère, au contraire, qu’à court terme la transition écologique entrainera une réduction du nombre d’emplois. Je montre aussi que vouloir financer ce « plan Marshall » en se bornant à utiliser les 20 milliards prévus pour le CICE n’était ni praticable, ni acceptable.

J’ai posté ce commentaire le 4 janvier. Il est toujours en cours de modération et risque de le rester longtemps encore… C’est pourquoi, j’ai décidé de le publier sur ce blog à la suite des extraits du communiqué objet de ma critique. Le lecteur jugera.

Extraits du communiqué d’EE/LV

« Pour prendre la mesure du chômage il est un impératif : arrêter de croire au retour de la croissance comme au retour de la bonne fortune et prendre des mesures radicales. La transition énergétique est créatrice de nombreux emplois mais elle suppose un engagement volontariste et massif de l’Etat vers les énergies renouvelables. Les circuits courts, le développement des services de proximité sont autant de sources d’emplois et aussi de bien-être. La préservation de l’environnement et de la biodiversité : un potentiel de 250 000 emplois, 700 000 emplois crées par la transition énergétique selon le centre d’analyse stratégique, 75 000 emplois pour une agriculture durable… Bref les sources existent mais elles sont très dépendantes des politiques publiques menées. Il est donc temps de prendre la mesure du changement de cap à opérer.
Nous disposons des moyens d’engager cette transition écologique: il faut réaffecter les fonds destinés au Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Ces 20 milliards d’euros offerts sans contrepartie aux entreprises ne servent ni aux salariés ni aux consommateurs ni aux chômeurs ni à penser l’avenir. EELV propose de les réorienter pour mettre sur pied un plan Marshall de la transition écologique pour l’emploi. »
nb: le texte complet du communiqué est ici

Commentaire de JF DUMAS posté le 4 janvier et toujours « en cours de modération »

1°) La transition écologique créerait des emplois, 1 025 000 au total, cela paraît bien trop beau pour être vrai !! D’où proviennent donc ces chiffres? Il faudrait des références plus précises d’autant que les auteurs du Livre blanc sur le financement de la transition écologique sont d’un avis différent. Ils soutiennent avec à l’appui de leurs dires une analyse précise et documentée que « L’adoption de technologies et de pratiques soutenables entraîne souvent des surcoûts à court terme qui s’imputent sur la croissance actuelle. […] La diminution de la croissance entraîne globalement une réduction du nombre d’emplois, même si cet effet peut être atténué par le développement de certaines filières «vertes » dont l’intensité relative en main d’œuvre serait plus élevée que les secteurs auxquels elles se substituent. » (p.21)
En outre, il ne faut pas prendre seulement en compte les emplois éventuellement crées, il faut aussi considérer les emplois détruits… J’ai bien peur que la réalité ne soit pas aussi rose ou plutôt aussi verte que vous l’affirmez !
2°) Concernant le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, il faut bien entendu le «réorienter» et en récupérant les 20 milliards qui lui sont affectés on aurait les moyens de financer au moins partiellement la transition écologique. Certes, mais il faudrait aussi revoir le financement de ce Crédit d’impôt transformé.
(a) – Pour la partie du CICE devant être financée sur des économies de la dépense publique, il faut demander à voir ! Ce financement-là est des plus théoriques !
(b) – Parce qu’il est financé en partie par le relèvement des taux de TVA « le CICE représente un transfert de revenu des ménages et des administrations publiques vers les entreprises. » (Mathieu Plane, «Évaluation de l’impact économique du Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE)», Revue de l’OFCE, no 126, ‎2012). Dans le cas du CICE transformé en « plan Marshall de la transition écologique pour l’emploi », si le financement reste le même, ce seront les mêmes qui financeront : administrations publiques et particuliers. Pourtant, parmi ces administrations, il y en a qui œuvrent à cette transition écologique! Est-ce à dire que ce qui leur serait pris d’une main, leur serait rendu de l’autre? Pour le reste ce sont les gens qui paieront et cela sans conditions de ressources. En fin de compte, c’est eux et eux seulement qui seraient sources de financements supplémentaires!
(c) – Une partie du CICE sera financé par une ponction des ¾ du produit de la « Contribution climat énergie »(CCE) alors que celui-ci devrait servir exclusivement à aider les gens à s’adapter à la transition énergétique et éviter que certains ménages se retrouvent en situation de précarité «énergétique». Cette ponction pour alimenter le CICE n’est pas acceptable. Toute ponction dans le produit de la CCE pour autre chose que l’aide à l’adaptation des particuliers à la transition écologique est inadmissible et rendra cette transition socialement inacceptable et insupportable. Le même argent ne peut à la fois financer les emplois du secteur des énergies renouvelables, de la préservation de la biodiversité, etc. et être restitué aux «ménages » ! Il ne faut donc pas compter sur les 4 milliards de cette contribution.

En bref, est-ce qu’il y aura création nette d’emplois avec la mise en œuvre de la transition écologique? Ce n’est pas du tout prouvé ! Le financement de ce plan Marshall est à revoir pas seulement parce qu’il est incertain mais aussi parce que le financement du CICE étant socialement inique, la seule « réorientation » de ce CICE en un « plan Marshall de la transition écologique pour l’emploi » ne suffit pas à rendre ce financement acceptable.


Samedi 11 Janvier 2014 Commentaires (0)

Parce qu’il vient de proclamer qu’il faut «éliminer les loups », éliminons José Bové comme tête de liste à l’occasion de la « primaire verte » aux élections européennes.


José Bové estime dans une déclaration au Dauphiné qu’ «ici, (…)il n’y a pas assez de place pour le loup ». C'est lui qui n’a plus sa place parmi les écologistes. Surtout il ne faut pas qu'il les représente lors de la prochaine élection européenne. Faisant cause commune avec ceux parmi les éleveurs et les chasseurs qui veulent réserver les espaces naturels montagnards à leurs usages exclusifs, il maintient contre les faits bien établis par les naturalistes que le loup européen n’est pas une espèce en danger. Il veut une augmentation des autorisations d’abattage en France et plus grave encore il exige une révision urgente de la directive européenne Habitat, qui, avec la Convention de Berne, protège le loup en Europe. Il a déclaré au Dauphiné : « Je lance un appel solennel aux ministres de l’Écologie et de l’Agriculture, Philippe Martin et Stéphane Le Foll, pour qu’ils entament au plus vite des discussions en ce sens avec la Commission européenne. »
Après le loup, ce sera le tour de l’ours, puis du lynx puis de l’aigle, puis …
Que José Bové retourne s’occuper de ses terres et de ses moutons. Tous les vrais écologistes doivent se mobiliser pour empêcher cet individu de nuire. C’est possible grâce à la « primaire verte européenne ».

Il faut être nombreux à voter à la « primaire verte européenne » pour un autre candidat que Bové

Nul besoin d’être membre d’un parti « Vert », tout citoyen de l’Union européenne âgé de 16 ans au moins (et heureux possesseur d’un téléphone portable) qui soutient les valeurs des écologistes peut participer à la primaire organisée par le Parti Vert Européen pour désigner qui représentera les Verts dans la campagne électorale à travers toute l’Europe. Il s’agit d’élire un binôme de porte-parole «têtes de liste», qui fera le tour des vingt-huit pays pour y porter le message de la campagne commune aux trente partis écologistes membre du Parti Vert Européen. Tous les défenseurs du loup, de la faune sauvage et de la nature doivent se mobiliser et voter à cette primaire pour un autre candidat que Bové. Le vote est électronique. À condition d’avoir un mail et un portable, il est très facile de voter en quelques clics. Mais attention le vote se termine le 28 janvier ! Pour voter se rendre sur le site greenprimary (ici)

José Bové ne doit pas être tête de liste de la Région Sud-Ouest !

En France même, José Bové a été désigné tête de liste de la Région Sud-Ouest par le Conseil Fédéral contre l’avis des adhérents qui avaient voté pour Catherine Grèze, députée européenne sortante plus proche des militants de terrain. C'est aux adhérents d'EE/LV d'agir pour que les instances dirigeantes de leur parti reviennent sur cette désignation. Elles ne peuvent accepter comme tête de liste d’une région, un individu qui prend des positions contraires à celle du parti qu’il est censé représenter. Certes l’écologie, ce n’est pas seulement la protection de la nature mais celle-ci est un des fondamentaux de l’écologie depuis toujours. Quel écologiste voudrait voter pour une liste conduite quelqu’un qui ne respecte pas cette nature et ne veut lui accorder aucune place, quelle que soit la justesse des autres combats qu’il ait pu mener ? Après tout, il n’est pas le seul « faucheur volontaire », pourfendeur de la malbouffe et au Parlement européen d’autres députés ont fait un aussi bon travail que lui. Catherine Grèze n’a pas démérité et il serait regrettable qu’elle ne soit pas élue à cause du véritable épouvantail à écolos qu’est Bové, le premier de sa liste !

Mercredi 8 Janvier 2014

Le Livre blanc sur le financement de la transition écologique (LB) met en évidence l’impact négatif sur la croissance et l’emploi que peut avoir à court terme un engagement dans « la transition écologique » contredisant ou à tout le moins relativisant les thèses de ceux qui voulaient voir dans un cet engagement le meilleur moyen de sortir de la crise dans laquelle il semblerait que la France, sinon l’Europe, est engluée.


Le Ministère de l’environnement et celui des finances ont chargé les technocrates du Commissariat Général du Développement Durable (CGDD) et ceux de la Direction Générale du Trésor (DGT) de trouver des solutions pour financer « la transition écologique » Le résultat de ce travail est couché sur les 38 pages du Livre blanc sur le financement de la transition écologique (LB). Telle que la conçoivent ces technocrates, et au regard des mesures proposées, on peut dire qu’il s’agit pour l’essentiel d’une transition qui serait gouvernée up to bottom dans une économie libérale mondialisée qui n’est guère congruente avec elle. Le but de cet article n’est pas d’analyser cet ouvrage dans sa totalité ni de discuter les financements proposés mais d’examiner les thèses développées sur l’impact de la transition écologique sur la croissance et l’emploi.

La transition écologique selon le Livre Blanc

Les auteurs définissent la transition écologique comme « la nécessité pour nos économies de rendre leur évolution compatible avec les ressources finies de la planète et le maintien des régulations naturelles indispensables à la vie telles que le climat ou le fonctionnement des écosystèmes. Elle recouvre tout processus de transformation de l’économie visant à maintenir ces ressources et régulations en-deçà de seuils critiques pour la viabilité de nos sociétés. » C’est donc tenter d’adapter l’économie aux ressources naturelles limitées d’un monde fini, faire qu’elle puisse s’insérer dans les régulations naturelles sans perturbations irréversibles. Les auteurs précisent que cette transition écologique « suppose donc non seulement un découplage entre la croissance économique et les prélèvements, en quantité et qualité, sur le capital naturel (habitats, ressources et régulations physiques, chimiques et biologiques), mais également l’adaptation du rythme de leurs utilisations à notre capacité à entretenir ces régulations et renouveler ces ressources » (p.3). On sait combien ce découplage entre les exigences de la croissance et celle de la préservation des richesses et régulations naturelles est illusoire. C’est l’illusion qui est à la racine de la conception canonique du développement durable, illusion que reconnaissent aujourd’hui beaucoup de ceux qui furent les chantres de cette notion comme Dominique Bourg, pour ne citer que l’un des plus influents d’entre eux. La sacro-sainte « croissance » ne sera pas remise, au moins explicitement, en cause dans ce livre blanc. Mais la croissance est-elle compatible avec la transition écologique ?

La croissance est-elle compatible avec la transition écologique ?

Aux dires même des auteurs, si l’on se place du point de vue de son financement, rien n’est moins sûr au moins pour le présent et le court terme. Ils écrivent : «L’équation économique de la transition écologique : des (sur)coûts à court terme, des bénéfices à moyen et plus long terme » (p.12) Pour l’économie capitaliste libérale, « notre » économie, cette équation est un défi difficile à surmonter. Le court terme est l’horizon des « acteurs » économiques donc de la plupart des gens et des « politiques » qu’ils élisent et qui souhaitent être réélus. En fait, la démonstration du livre blanc est implacable : la transition écologique ne peut se faire, à court terme, qu’au détriment de la croissance et de l’emploi même si on peut supposer qu’elle leur sera bénéfique sur le moyen et le long terme.

1°) « L’adoption de technologies et de pratiques soutenables entraîne souvent des surcoûts à court terme qui s’imputent sur la croissance actuelle » (p.21) Cette affirmation on ne peut plus claire est étayée par des constatations peu discutables. Tout d’abord les auteurs remarquent que l’adoption de ces technologies suppose de déclasser une partie du capital productif pour le moderniser et évidemment, « cette destruction du capital physique à court terme [a]un coût pour la collectivité » Elle conduit aussi à «une obsolescence d’une partie des compétences des salariés » qui va nécessiter « des actions de formation et de reconversion, qui constituent là aussi un coût supplémentaire à court terme »

2°) Les surcoûts de différentes origines sont détaillés de façon assez précise dans le LB bien que l’on puisse toujours discuter de leur chiffrage qui est un exercice difficile. Beaucoup d’entre eux sont en fait liés à des investissements qu’il faudrait financer. Quelle que soit l’hypothèse choisie pour réaliser ce financement, le résultat sera pénalisant pour la croissance, au moins à court terme et peut-être à moyen terme.
(a) – Hypothèse de substitution des investissements
Ces surcoûts et d’autres comme les investissements nécessaires à la transition écologique immobilisent des capitaux sur un très long terme. Ils ont une rentabilité moindre pour cette raison même : « Investir dans la transition écologique est aujourd’hui généralement perçu comme insuffisamment rentable par la plupart des financeurs. En effet, plus l’horizon d’un investissement est lointain, ou plus le contexte est perçu comme mouvant, plus l’évaluation des risques associés est complexe et plus la probabilité de tenir les objectifs de retour sur investissement est faible» (p.18) En se substituant à d’autres investissements moins soutenables mais plus rentables, ces investissements nécessaires à la transition écologique auront un impact négatif sur la croissance telle que « mesurée aujourd’hui » c’est-à-dire telle qu’elle est conçue dans une économie capitaliste libérale et sans prendre en compte « des conséquences actuelles et futures liées à la détérioration des ressources naturelles »(ibid. p. 21).
(b) – Hypothèse dans laquelle les investissements de la transition écologique sont financés par l’épargne des ménages
Si les investissements nécessaires à la transition écologique ne se substituent pas à d’autres mais sont financés par l’épargne des ménages, « accroissant le volume total d’investissements dans l’économie, le taux d’intérêt qui est le prix de l’épargne devrait augmenter et ralentir l’activité » donc pénaliser la croissance.
(c) – Si, dernière possibilité« le financement transite par les administrations publiques, en l’absence d’endettement nouveau, celui-ci doit être financé par de la fiscalité qui là encore réduit la consommation et réduit l’activité à court terme » donc la croissance et l’emploi.

En bref, la transition écologique demande d’investir une part des capitaux des entreprises et de l’épargne des ménages, qui ne sera donc pas consacrée à la consommation ce qui impacte au moins à court terme la croissance et l’emploi. « La diminution de la croissance entraîne globalement une réduction du nombre d’emplois, même si cet effet peut être atténué par le développement de certaines filières « vertes » dont l’intensité relative en main d’œuvre serait plus élevée que les secteurs auxquels elles se substituent. » (Même page)

Les économistes de la Fondation Hulot ont bien perçu la difficulté. Dans sa contribution à la consultation sur ce livre blanc, la Fondation Hulot propose de financer les surcoûts et les investissements nécessaires à la transition écologique en « monnaie de singe », si l’on ose dire. Elle propose la création d’« une banque publique » qui permettait un financement à crédit, en creusant la dette mais d’une façon astucieuse qui permette d’avoir l’air de se conformer à la rigueur budgétaire décidée au niveau européen ! Cette « solution » tient du tour de passe-passe, un tour de passe-passe dangereusement inflationniste qui plus est. Le LB va un peu dans le sens des propositions des économistes de la Fondation Hulot, mais beaucoup plus prudemment dans sa proposition 6.26 « 6.26. Promouvoir le développement de nouveaux modes de financement comme l’émission d’obligations pour le financement de projets d’intérêt collectif pour la transition écologique, public ou privé éventuellement territorialisés (régionaux), à l’instar d’expériences déjà réalisées en France et en Europe. »

Cette analyse du LB est une réfutation en règle des thèses des écologistes, notamment d’EE/LV, qui soutiennent que la transition écologique sera créatrice de milliers d'emplois. Certain allant même jusqu'à estimer un rebond de la croissance, une croissance vertueuse, une croissance verte. A propos de la transition énergétique, une des composantes essentielle de la transition écologique, EE/LV affirme qu’« À court terme, un plan d’investissement public(en associant l’État, les acteurs locaux et des acteurs “mixtes”) dans la transition énergétique constitue une réponse sensée et efficace à la crise économique en cours. En effet, de tels investissements ont le pouvoir de casser le cercle vicieux dans lequel l’économie se trouve, en créant des emplois et en relançant l’activité. Le tout sans accroître notre pression sur les ressources mais en réduisant notre consommation d’énergie ! »
Pour EE/LV le financement des investissements requis par la transition écologique est simple : «Comment financer ces investissements alors que les États sont endettés ? Nous avons montré qu’il s’agit ici d’investissements rentables – l’argent investi aujourd’hui sera récupéré demain grâce à la baisse de notre facture globale. La transition énergétique peut donc contribuer à une sortie de crise, et doit être assumée comme une alternative crédible et souhaitable aux politiques d’austérité promulguées dans toute l’Europe. »
Malheureusement, tout n’est pas si rose, ou plutôt si vert ! L’argent investi aujourd’hui ne sera pas « récupéré demain » mais bien plus tard au terme d’un retour sur investissement bien trop long pour être intéressant financièrement, sauf renchérissement significatif de l’énergie. D’ailleurs s’il n’est pas du tout assuré aux yeux des investisseurs que ces investissements soient rentables, c’est en partie, comme mentionné ci-dessus, à cause de la lenteur du retour sur investissement et de la part de risque qu’ils recèlent : « dans le cas de projets liés à la transition écologique, ces risques peuvent être perçus comme élevés pour plusieurs raisons : les choix technologiques sous-jacents peuvent ne pas être les bons, l’environnement réglementaire peut évoluer, les marchés correspondants peuvent ne pas se développer au rythme envisagé » (LB, p.18).
Au rebours de la conclusion d’EE/LV, LB cite une étude de « Schubert et alii (2012)[qui] suggère que l’objectif facteur 4 ne serait atteignable à l’horizon 2050 qu’avec un très haut niveau de taxe carbone et/ou de subventions au progrès technique, sur un sentier de croissance plus bas que le tendanciel » (LB, p.19) donc très, très bas…
Dans un tel contexte, inutile de dire que ce « très haut niveau de taxe carbone » sera inacceptable pour les gens, quelles que soient les bonnes paroles qui l’enroberaient ; ce qui pose le problème de l’acceptabilité sociale du financement de la transition écologique.

Les mesures qu’ implique la transition écologique telle que conçue par les technocrates de Bercy et du MEDDE risquent d’être rejetées plus ou moins violement comme on vient de le voir pour l’écotaxe pourtant bien moins douloureuse que celles proposées dans ce LB comme par exemple le renchérissement conséquent du prix de l’énergie pour « inciter » voire contraindre les gens à entreprendre des travaux d’isolation de leur logement ; investissements qui pour eux n’auraient pas été prioritaires, qu’ils n’auraient sûrement pas réalisés sans cette contrainte fiscale et qui n’auraient pas été « rentables ». La transition écologique, si elle nécessite de telles mesures sera très impopulaire, inacceptable même dans le contexte actuel de crise, de baisse du pouvoir d’achat, de chômage, d’avenir incertain qui fragilise les gens, même parmi les classes moyennes, voire moyenne supérieure.

Est-ce à dire que la transition écologique est impossible ? Non, bien entendu ! Mais elle doit s’effectuer bottom to up, dans un contexte de transformation sociale, à partir des initiatives citoyennes et des communautés de base qui, à la marge de la société de consommation actuelle, inventent et expérimentent dès maintenant un autre avenir.

==================
Addendum

Comment financer les surcoûts et les investissements de la transition écologique quand les caisses sont vides ?

La solution de la Fondation Nicolas Hulot : créer « Une banque de la transition » !

Les économistes de la Fondation l’expliquent sans ambages : « Une banque est une institution qui a obtenu du «souverain» une délégation dans le droit de frapper monnaie (c'est pourquoi tout le monde ne peut pas décider du jour au lendemain de créer une banque). Ce qui veut dire qu'une banque crée de la monnaie. Lorsqu'elle accorde un crédit à un de ses clients, disons, de 100, elle crée environ 90 qui n'existaient pas précédemment. Cette somme est inscrite au passif de la banque (où est comptabilisé le compte courant de son client) et simultanément à l’actif (c’est la créance du client). Le bilan de la banque gonfle ainsi des deux côtés sans se déséquilibrer. L'argent qu'elle octroie via un crédit ne correspond donc pas du tout à une somme d'argent qui dormait dans un coffre-fort; encore moins à un stock d'or enfoui au sous-sol de la Banque de France. Cet argent provient tout simplement d’une écriture comptable, matérialisée par un chiffre sur un écran, qui décrète que 90 viennent d'être créés ex nihilo. Certes, il existe des ratios qui limitent la quantité de crédit qu'une banque peut octroyer mais ces ratios sont assez facilement contournables (via la titrisation notamment) et, par ailleurs, lorsqu'une banque les dépasse (ce qu'elle constate toujours ex post), il lui suffit de se retourner vers la BCE pour se faire refinancer les réserves obligatoires qui lui manquent. »

Cette belle, pédagogique et quelque peu cynique analyse du fonctionnement des banques et des tours de passe-passe qu’elles s’autorisent est édifiante ! Mais sans doute pas pour un économiste puisque c’est un financement de cette sorte que la Fondation Hulot souhaite recourir en demandant la création d’une «banque de la transition». C’est-à-dire finalement en faisant « tourner la planche à billets » et donc en créant de nouvelles liquidités alors qu’il y a déjà surabondance, une surabondance alimentant une nouvelle bulle sur les marchés financiers qui tôt ou tard finira par éclater avec les conséquences que l’on sait. Ne serait-il pas plus pertinent dans ces conditions de réorienter ces liquidités pour financer la transition écologique ? Cela ne sera pas possible tant que les marchés financiers ne seront pas régulés par des mesures appropriées pour rendre la spéculation financière moins rentable afin que les flux financiers viennent abonder l’économie réelle et en particulier la transition écologique. Les économistes de la Fondation Hulot ont alors une argumentation étonnante. Il est possible que les autorités européennes et notamment la Commission mettent en place une telle régulation mais cela risque de prendre du temps. Or, selon eux, on ne peut pas d’attendre. Il faut agir immédiatement pour contrer le réchauffement climatique: « réorienter les trajectoires d’émissions de gaz à effet de serre est une action de longue haleine qu’il faut donc accentuer dès maintenant si l’on veut éviter un réchauffement de +4 à + 5°C. Il nous reste en Europe sans doute moins de 20 ans dans le domaine énergétique pour restructurer l’appareil de production d’électricité encore trop émetteurs de CO2 ».

En bref, on fait marcher la planche à billets et on recourt à des tours de passe-passe financiers quelque peu suspects parce que le réchauffement climatique n’attend pas : « La maison brûle ! » Le réchauffisme climatique catastrophique nous conduira-t-il à la catastrophe financière ?

==================

Le Livre blanc sur le financement de la transition écologique est téléchargeable sur le site du Ministère de l'écologie du développement durable et de l'énergie (MEDDE) et fait l'objet d'une consultation publique jusqu'au 15 janvier 2014 (ici)

Lundi 30 Décembre 2013 Commentaires (0)

Le 19 décembre 2013, l’Assemblée nationale a adopté définitivement le Projet de loi de finances 2014 dans laquelle est incluse la Contribution Climat-Énergie (CCE), dernier avatar de la taxe carbone. Les articles concernant cette taxe viennent d’être validés par le Conseil constitutionnel. Ce ne sont pas des bonnes nouvelles car malgré les apparences, malgré quelques cocoricos de victoire un peu rapide de députés écologistes, telle qu’elle a été votée dans la loi de finance 2014, cette CCE n’a rien d’écologique.


Résumé : La CCE favorise l’énergie électrique et à terme le chauffage domestique électrique par rapport au chauffage au gaz qui a déjà augmenté de 80 % entre 2005 et 2013. Or, cette électricité est à plus de 82% d’origine nucléaire en France. De façon plus générale, en ne considérant que les émissions de CO2 censées dérégler le climat, cette taxe assure la position de l’électronucléaire en France et conforte ceux qui comme EDF, le CEA ou AREVA en font la composante essentielle du mix énergétique français pour parvenir à diviser par quatre les émissions de GES d’ici 2050 (Facteur4). Elle dispense aussi les « renouvelables » et notamment les industries éoliennes de toute contribution alors que ces dernières ne sont pas non plus sans causer de graves nuisances. Une contribution énergie écologiquement adéquate ne devrait pas se réduire à une taxe carbone mais faire contribuer chaque produit énergétique en fonction des nuisances qu’il occasionne, ce qui permettrait pour chaque usage, la sélection écologiquement la meilleure. Le produit de cette contribution devrait servir intégralement à aider les « ménages » à s’adapter à la transition énergétique. Ce n’est pas du tout une contribution de cette sorte qui a été votée dans la Loi des Finances 2014.

La Contribution climat énergie votée dans la LF 2014

La CCE consiste en une augmentation progressive de la TIC (taxe intérieure sur la consommation) des produits énergétiques en fonction de leurs émissions de CO2. La taxe passera de 7€ la tonne de carbone émise en 2014 à 14,50€ en 2015 et à 22€ en 2016. En 2014 seuls seront concernés le gaz naturel, le fuel lourd et le charbon qui verront donc leurs prix augmenter. En 2015, la plus part des énergies fossiles y seront soumises. Elles seront taxées à hauteur de 4 milliards en 3 ans. L’introduction de cette CCE « aura un effet analogue à une hausse du prix des énergies fossiles » selon le rapport de la commission des finances de l’Assemblée nationale. Contrairement aux revendications de la plupart des associations environnementales ou des collectifs de ces associations, l’électricité sera exclue de cette CCE. Ces associations estiment également que la taxe sur la tonne de carbone n’est pas assez élevée. Pour le Réseau Action Climat la tonne de C02 devrait valoir 40 € aujourd’hui et 56 € en 2020. Pour France Nature Environnement, elle devrait être un peu plus chère en 2020 : 60€. EE/LV l’estime à 36€/tCO2 en 2013 pour monter à 100€ en 2030. Sur les 4 milliards de taxe collectés, les 3/4 vont abonder le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) qui sera attribué aux entreprises sans aucune «éco-conditionnalité» alors que les associations voudraient qu’elles soient entièrement redistribuées aux particuliers sous formes d’aides diverses pour leur adaptation à la transition énergétique avec un effort plus important pour les ménages les plus démunis afin d’éviter qu’ils se retrouvent en situation de précarité énergétique.

La CCE favorise l’énergie électrique d’origine nucléaire. Le cas du chauffage domestique.

Nouveaux compteurs EDF "intelligents"
Nouveaux compteurs EDF "intelligents"
Aujourd’hui, se chauffer au gaz revient nettement moins cher que de se chauffer à l’électricité même si le coût de l’installation est plus élevé. En chauffage électrique, il faut compter en 0,1329€ le kWh en tarif de base EDF et aux alentours de 0,1234€ en tarif différencié heure pleine/heure creuse. Avec le chauffage gaz, il faut compter entre 0,0568€ et 0,0604€ (tarif B1) le kWh. Avec une taxe CCE de 22€ en 2016 et selon les estimations de la commission des finances de l’Assemblée nationale, on peut en déduire une augmentation d’environ 7,5 % par rapport à 2013, ce qui met le prix du kWh de chaleur aux alentours de 0,0649€, ce qui reste encore très compétitif malgré un renchérissement certain. Selon le calcul du journal Les échos, pour un ménage de quatre personnes habitant une maison chauffée au gaz et consommant 15.000 kWh par an, le surcoût serait en 2014 d’environ 20€ mais il augmenterait fortement en 2015 et 2016 pour représenter en 2016, un surcoût de près de 70€. Et il n’y a pas de raison que la taxe sur la tonne de carbone ne continue pas de grimper peut-être pour satisfaire EE/LV mais certainement pour remplir les caisses de l’état qui sont de véritables tonneaux des Danaïdes ! Et si elle continue de grimper, l’écart de prix entre le kWh chaleur Gaz et le kWh chaleur électricité deviendra insignifiant, du moins si, contrairement à ce que souhaitent les écologistes, cette électricité continue d’être exemptée de cette CCE. Comme à la construction, l’installation d’un chauffage électrique est bien moins chère qu’un chauffage gaz…
L’industrie nucléaire qui se prétend « décarbonée » échappe donc à toute contribution. De nouveaux débouchés s’ouvriront devant elle en France. Les nucléocrates peuvent se frotter les mains, cette contribution, telle que votée dans la loi de Finance 2014 est pour eux une excellente affaire. En se focalisant sur les énergies fossiles et les émissions de CO2 taxées à hauteur de 4 milliards en 3 ans, le gouvernement et l’Assemblée nationale envoient aux usagers et aux consommateurs un signal-prix on ne peut plus clair : il faut passer au tout électrique. L’intégration de l’énergie électrique d’origine nucléaire dans cette contribution constituait donc une question stratégique. Le gouvernement et le parlement ont tranché en faveur de l’industrie nucléaire.

Production d’électricité électronucléaire et «défi climatique»

Aucune filière de production d’électricité n’est décarbonée au sens strict, c’est-à-dire si l’on prend en compte la totalité de son cycle de vie. Si l’on envisage exclusivement les émissions de CO2 et équivalent C02 prétendues responsables du «changement climatique», moins une filière sera émettrice de ce gaz et plus sa substitution à une autre plus émettrice sera considérée comme bénéfique pour le climat.
En ce qui concerne le nucléaire, il est incontestable qu’une fois en activité, une centrale nucléaire émet peu de C02 mais il faut envisager la filière dans son ensemble en prenant en compte l’extraction du minerai, son acheminement, son traitement, la construction de la centrale, son démantèlement… On obtient des résultats très différents selon les auteurs des calculs de ces émissions, sans compter que chaque installation est un cas particulier avec un bilan carbone propre sur son cycle de vie qui de plus peut varier au cours du temps. Les résultats avancés ne sont donc que des moyennes qui peuvent recouvrir des disparités fortes et qui sont de toute façon à prendre avec prudence.

Dans une estimation franco-française datant des années 2000 et relayée par tous les nucléocrates dont Jean-Marc Jacovici, la filière nucléaire émettrait 6gr/CO2 /kWh. Une telle estimation a été reprise récemment par le président de l’association de promotion du nucléaire baptisée « Sauvons le climat » sur la « chaîne Energie » de l’Expansion. Sans compter quelques raisonnements curieusement circulaires, il oublie le transport du minerai, le démantèlement, le stockage des déchets et accorde généreusement 60 années de vie à l’EPR encore en chantier.
Pour sa part l’ADME retient plus du double : 18gr/CO2/kWh. Mais l’étude qui fait référence (elle est d’ailleurs citée par l’ADME dans son Guide des facteurs d’émission) est celle de Benjamin K. Sovacool de l’université de Singapour qui aboutit à des quantités encore plus élevées. Il a montré que les émissions de C02 attribuables à la production d’électricité nucléaire sont en moyenne de 66gr/CO2/kWh sur la base d’un examen critique de 103 études consacrées à cette question. 38 % des émissions de CO2 du secteur sont dues aux opérations d’extraction des minerais d’uranium, à leur conditionnement et leur acheminement. Le démantèlement des centrales compte pour 18%, l’activité des centrales17 %, le stockage des déchets 15 %. Enfin la construction des centrales ne comptent que pour 12%. L’auteur explique les grandes divergences des résultats des études qu’il a examinées « en identifiant des erreurs à la fois dans les estimations les plus basses par manque d’exhaustivité et des plus hautes par l’absence de prise en compte des coproduits. » (« Valuing the greenhouse gas emissions from nuclear power: A critical survey » Energy Policy Volume 36, Issue 8, August 2008, Pages 2950–2963) ici

La centrale de Fessenheim bientôt démantelée?
La centrale de Fessenheim bientôt démantelée?
Parmi les paramètres susceptibles de faire baisser les émissions il y a la proximité du minerai, sa richesse et son accessibilité. Pour ceux-ci, il n’y a guère d’amélioration à espérer, au contraire. Il n’y a plus de mines d’uranium dans l’hexagone, il faut aller le chercher en Afrique, en Mongolie … Les paramètres sur lesquels il peut y avoir une amélioration sont le taux d’utilisation des centrales (pas toujours brillant pour EDF) et la durée de vie des centrales. En allongeant cette dernière jusqu’à quarante ans et au-delà, on fait décroitre sensiblement l’émission de CO2 par kWh produit mais on se trouve devant deux difficultés. La première, c’est qu’avec une centrale vieillissante, le taux d’utilisation décroit. La seconde, c’est le maintien de la sûreté. Plus une centrale vieillit, moins elle est sûre d’autant qu’elle n’était pas construite à l’origine pour durer aussi longtemps. Restaurer la sûreté minore les gains en CO2.
Il reste que le nucléaire, même avec des émissions revues à la hausse selon les calculs de Savocool, émet environ 15 fois moins de gaz à effet de serre que les centrales à charbon, au pétrole ou au gaz qui relâchent de 443 à 1.050 g CO2 par kWh ! Selon l’étude de Sovacool, la filière électronucléaire occupe une place moyenne moins bonne que les renouvelables mais bien meilleure et de beaucoup que les fossiles. (On entend ici par renouvelables : l’éolien off et on shore, l’hydraulique sous ses diverses formes, la biomasse sous ses multiples formes (ressources et modalités d’exploitation), la géothermie, le solaire thermique et le solaire photovoltaïque).

Par contre si l’on reprend les estimations de l’ADME (18gr/CO2/kWh), elle est placée avant le solaire photovoltaïque (32 gr/CO2/kWh) en concurrence avec certaines utilisation du bois et proche de l’éolien terrestre. Si l’on reprenait les estimations du président de « Sauver le climat », avec 6gr, elle serait en tête, largement devant le renouvelable le moins « carboné », l’éolien offshore qui émet 9gr par kWh et l’hydroélectrique avec réservoirs (barrages) qui émettrait 10gr !

Rappelons que la substitution d’une filière à une autre ne peut être réputée bénéfique pour le climat que si le résultat de cette substitution entraîne une baisse sensible des émissions de gaz à effet de serre. De ce point de vue, le développement des filières «renouvelable» ne doit pas avoir pour objectif de se substituer au nucléaire. Une fois que l’on a compris cela, on ne s’étonne plus de voir le CEA, EDF EN ou Areva se positionner sur le secteur des énergies renouvelables notamment l’éolien, complémentaire et non concurrent de leur activité principale, le nucléaire.

En se focalisant uniquement sur le C02 et sur le supposé réchauffement climatique qu’il induirait, on fait la part belle à l’énergie nucléaire. Du strict point de vue de l’émission de C02, elle apparaît comme le pilier du mix énergétique le plus réaliste pour la France. D’ailleurs le bureau d’étude PwC dans un communiqué de presse du 4 décembre 2013 écrit «Cette année encore, de par son important niveau de production et son parc essentiellement nucléaire (peu émetteur en CO2), le groupe EDF contribue de façon très significative à maintenir le facteur carbone moyen européen à des valeurs relativement basses » alors que les électriciens allemands, à cause de l’abandon du nucléaire et du recours au charbon sont parmi les plus gros émetteurs de C02 européens : « RWE reste cette année encore l’émetteur le plus important en Europe avec 159 Mt CO2, représentant à lui seul environ 22 % des émissions totales du panel et environ 12 % des émissions du secteur à l’échelle de l’Europe des 28. Le Groupe ENEL prend place dans la catégorie des cinq principaux émetteurs, conséquence d’une augmentation de ses émissions de +2,7 Mt CO2 ».

L’électronucléaire dangereux et sale mériterait une contribution énergie à hauteur de ses nuisances

Peut-être faut-il commencer ce paragraphe par un rappel. Le C02 n’est pas un polluant atmosphérique. Il n’a aucun effet néfaste sur la santé des hommes. Il est un élément nécessaire à la vie notamment des plantes. D’ailleurs l’augmentation de CO2 dans l’atmosphère a aussi pour conséquence un verdissement de la planète. Dans les forêts tempérées caducifoliées les arbres acquièrent une vigueur nouvelle qui se traduit notamment par l’augmentation de leur taille… En ce qui concerne le CO2 donc, on ne peut justifier la CCE par le principe « pollueur = payeur » comme on l’écrit à tort trop souvent et comme le propose la «commission énergie d’EE/LV» : «La mise en place d’une «contribution climat» doit permettre de mettre un coût sur les émissions de CO2 d’origine énergétique, en application du principe «pollueur-payeur»». (Les contributions climat énergie CCE)

La «Contribution Climat-Énergie» de la loi de finances 2014 n’est pas écologique et elle est inique !
Ce n’est certes pas en taxant exclusivement les émissions de CO2 émises par l’électronucléaire que l’on évitera que la CCE favorise ce dernier et que l’on dissuadera le recours à cette filière énergétique. Cette dissuasion est impérative car si d’un côté, EDF et l’électronucléaire français permet à l’Europe d’avoir un «facteur carbone moyen» bas en compensant les fortes émissions de l’Allemagne, il fait courir à cette dernière comme à la France, à toute l’Europe, voire à la planète entière le risque d’une catastrophe de grande ampleur dont les accidents de Tchernobyl ou Fukushima donnent un avant-goût. Développer la filière nucléaire pour lutter contre l’effet de serre, c’est tomber de Charybde en Scylla, ou si vous voulez se jeter à l’eau pour éviter d’être mouillé, la politique de Gribouille.

L’électronucléaire pollue : toute installation nucléaire en fonctionnement rejette de la radioactivité dans l’air et dans l’eau, notamment l’eau de refroidissement des générateurs qui est rejetée en rivière ou en mer comme à La Hague dans le Cotentin. Ces rejets sont faibles mais comme le rappelle la Commission internationale de protection radiologique « toute dose de rayonnement comporte un risque cancérigène et génétique ». En outre les éléments radioactifs rejetés en faible quantité peuvent se concentrer dans les canalisations ou dans les sédiments et de là contaminer la chaîne alimentaire comme on a pu le voir à La Hague. Cette contamination radioactive est une pollution même si l’opacité la plus grande règne quant à ses conséquences sanitaires.

Sur les sites miniers abandonnés dans le Limousin, la terre, l’eau, les plantes ont été contaminées et la dépollution est trop souvent insuffisante ou inefficace. L’industrie nucléaire est sale. Autour des grandes mines à air libre au Niger, l’air est pollué, l’eau est polluée, des ferrailles contaminées sont laissées s’oxyder à l’air libre. C’est un cauchemar environnemental avec les conséquences que l’on constate pour la santé des travailleurs et des riverains. (Cf. « Mine d'uranium d'Areva à Arlit : la population dénonce la situation sanitaire et environnementale » sur le site Novethic ici et les rapports de la CRIIRAD ici et ici)

L’industrie nucléaire ne sait que faire de ses déchets actifs sur des millénaires, empoisonnant dans le futur, terre, eau… quoi que puissent dire les nucléocrates qui veulent nous faire croire que les fûts de confinement de leurs saletés enfouis dans les profondeurs de la Planète seront éternels ! L’industrie nucléaire n’était pas propre hier, elle ne l’est pas aujourd’hui et elle empoisonnera demain. Il est nécessaire que l’industrie nucléaire ait l’obligation de provisionner les sommes nécessaires à la gestion de ses déchets et au démantèlement de ses installations en fin de vie, sommes devant être estimées de façon réaliste.

Arlit : ferrailles radioactives laissées à l’air libre (radiation gamma (512 c/s DG5) plus de 2 fois supérieur à la normale)AGHIRIN’MAN – CRIIRAD-2012
Arlit : ferrailles radioactives laissées à l’air libre (radiation gamma (512 c/s DG5) plus de 2 fois supérieur à la normale)AGHIRIN’MAN – CRIIRAD-2012
Une véritable contribution énergie qui sorte de sa polarisation sur le CO2 devrait détourner les consommateurs de l’électronucléaire dont le bas prix du kWh n’est dû qu’à l’absence de prise en compte de ces externalités dont on vient de donner un aperçu. Le montant de cette contribution pourrait être assis sur la production de déchets, sur les surcoûts occasionnés à la Sécurité sociale par les atteintes à la santé des riverains et des travailleurs du nucléaire, à l’estimation des dégâts environnementaux que la filière occasionne. La contribution CCE votée à l’Assemblée nationale ne fait au contraire, et en fin de compte que blanchir le nucléaire de tous ses méfaits.

On comprend pourquoi un organisme comme le CEA dont ce ne semble nullement être la vocation s’intéresse au changement climatique avec ses papes et papesses du catastrophisme réchauffiste, Jean Jouzel et Valérie Masson-Delmotte. Le CEA est même, via l’institut Pierre Simon Laplace, l’un des organismes les plus influents de la climatologie française par les chercheurs qu’il a su recruter et les partenariats qu’il a su nouer. C’est lui-même qui l’écrit : «En 1998, le CEA a créé le Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement (LSCE), regroupant les moyens consacrés à la climatologie, en partenariat avec les autres organismes de recherche français (CNRS et Université de Versailles St Quentin). Ce laboratoire fait partie de l’Institut Pierre Simon Laplace (IPSL), qui fédère les laboratoires de la région parisienne travaillant sur le climat et l’environnement. C’est un acteur majeur dans le domaine des sciences du climat, ses résultats de recherches contribuant aux rapports du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). » ici.
Il est certain que tout ce réseau ne comprend aucun laboratoire ou chercheur qui remette en question le « réchauffement du climat », ses conséquences catastrophiques ou sa cause principale, les émissions anthropiques de CO2.

Et les renouvelables ?

Si les associations regroupées au sein du collectif RAC (Réseau action climat) réclament une taxation de l’électricité d’origine nucléaire, en revanche elles veulent exclure de toute contribution les « renouvelables » : «Par ailleurs, la contribution climat énergie ne peut se limiter à une taxe carbone, non seulement parce qu’elle doit être élargie aux autres gaz à effet serre que le CO2, mais surtout car elle doit porter sur toutes les énergies non renouvelables, notamment l’électricité nucléaire.» Ici encore la partialité est de mise. Car au nom de quoi blanchir ces filières des nuisances qu’elles peuvent occasionner si ce n’est qu’elles sont parmi les énergies les plus «bas carbone» que l’on connaisse et qu’elles n’ont pas les inconvénients de l’électronucléaire, notamment sa dangerosité. Cela ne les dédouane pas pour autant des nuisances qu’elles génèrent : substituer un problème environnemental à un autre n’est pas du tout satisfaisant.

Pour lui, l'éolien était un piège mortel...
Pour lui, l'éolien était un piège mortel...
Pas plus que pour le nucléaire, leur contribution énergie ne pourrait être une taxe carbone. Par contre un de leur défaut principal tient à leur nature même : « parce qu'elles font appel à des éléments diffus comme le vent ou le soleil, elles consomment en grande quantité un espace, ou un paysage, qui est aussi une ressource limitée pour l'humanité » (Jean-Pierre Bourdier). Jean-Pierre Bourdier est un ancien polytechnicien, directeur de l’environnement à EDF. C’est un nucléocrate donc, ce qui ne signifie pas pour autant que ses arguments sont dépourvus de tout intérêt. Car, il faut bien en convenir : ce n’est pas aux Syndicat des énergies renouvelables et aux supporters des renouvelables tels que le RAC qu’il faut s’adresser si l’on veut connaître les défauts de ces filières énergétiques et les nuisances qu’elles engendrent. Dans son article JP Bourdier présente un tableau comparatif des surfaces au sol nécessaires pour produire 1 TWh/an. Il en ressort que les « renouvelables » occupent beaucoup plus d’espaces que les « fossiles conventionnelles » ou que le nucléaire, la palme revenant à l’éolien terrestre avec plus de 15km2, une surface sans commune mesure avec les autres filières et qui constitue incontestablement un facteur limitant pour cette filière en Europe.

Pour s’en tenir à cette filière de l’éolien terrestre que l’on peut prendre comme exemple, un autre de ses défauts majeurs, c’est de tuer des oiseaux et des chauves-souris mettant en danger les espèces à faible effectif. On compte qu’en moyenne une éolienne tue environ vingt chauves-souris et vingt oiseaux par an. Avec plus de 4500 éoliennes construites ou en projet, cela fait 86000 victimes ailées estimées pour l’ensemble du parc français sur une année. Enfin, mais non des moindres, les modèles de turbine utilisent en plus ou moins grande abondance des « terres rares » dont l’extraction produit des ravages environnementaux autour des mines, notamment en Chine, premier exportateur de ces minerais, ravages au moins aussi graves que ceux que produisent les mines d’uranium. Une taxation de chaque « ferme » d’éoliennes en fonction de la surface utilisée pour produire un kWh, des distances auxquelles les éoliennes sont visibles, de la quantité de terres rares qu’elles contiennent et d’une estimation du nombre de volatiles tués par an serait de nature à obliger les industriels de l’éolien à minimiser les nuisances proximales et distales causées par leurs parcs. Qu’une telle taxation pèse sur la rentabilité déjà aléatoire de cette filière n’est pas une objection recevable. Une filière qui ne peut ni atteindre le seuil de rentabilité sans subventions (comme un tarif de rachat du kWh supérieur au prix du marché), ni compenser ses nuisances n’est pas mûre pour le passage à l’étape industrielle. Les subventions empêchent cette maturation en ne rendant plus impératives les recherches pour atteindre cette étape, recherches qui, elles, pourraient être subventionnées.
Quoi qu’en disent Greenpeace, le RAC et autres zélateurs des renouvelables, il est indispensable de taxer chaque produit énergétique en fonction des nuisances qu’il occasionne, les produits issus des renouvelables y compris pour obtenir une Contribution énergie qui soit écologiquement eficace.

La CCE : une pompe à fric inique

Comme le rappelle une proposition d’amendement aux articles concernant la CCE dans la loi de Finance 2014 : « les carburants mis à la consommation sur le marché français contiennent une fraction de biocarburants issus de la biomasse et respectant les critères de durabilité de la directive 2009/28/CE relative à la promotion de l’énergie produite à partir de sources renouvelables. » Dans l’exposé des motifs de ce texte il est précisé que ces biocarburants conformes à la directive citée ont un facteur d’émission de CO2 « égal à zéro » selon le règlement (UE° N°601/2012) de la Commission relatif à la surveillance des émissions de gaz à effet de serre. C’est pourquoi, très logiquement et conformément à l’esprit de la CCE, cet amendement demandait que les carburants soient exemptés de cette contribution pour la partie de biocarburants qu’ils contiennent, partie connue très exactement ; les biocarburants en cause étant l'éthanol, un alcool mélangé à l'essence (SP95 et SP98, SP95-E10, E85) et le biodiesel, dérivé d'huile végétale, utilisé dans les moteurs diesel. L’amendement n’a pas été adopté !

Dans le projet de plan commenté du projet de loi sur la transition énergétique rendu public le 11 décembre 2013 par le Ministère de l’écologie, au chapitre transport, il n’est prévu que de traiter du développement de la mobilité électrique et hybride. Il s’agit une fois de plus de favoriser le tout électrique, donc d’abord l’électronucléaire… En revanche, il n’y a aucune mesure pour définir une politique d’aménagement du territoire afin de réduire la mobilité contrainte, aucune mesure non plus pour favoriser les transports en commun et alternatifs, rien pour réduire la consommation des véhicules… C’est-à-dire qu’il n’y a pas de véritables solutions de rechange à la voiture ni pour aujourd’hui, ni pour demain. La CCE, elle, s’appliquera dès maintenant et à chaque plein, il faudra la payer...

Cette CCE sur les carburants ne sera donc rien d’autre qu’une taxe supplémentaire avec un nom de baptême choisi pour lui donner un air vaguement écolo. Il aurait mieux valu qu’elle ne l’ait pas. Le chapitre transport pèse de plus en plus lourd dans le budget des ménages ; plus encore pour les ruraux que pour les citadins et ce sont eux qui ont le moins de solution de rechange. Pour les foyers ruraux les plus modestes, le budget automobile pèse jusqu’à 12% de leur budget annuel et il est constitué principalement par l’achat de carburants selon le Centre d’analyse stratégique. Il estime qu’une hausse des prix des carburants « viendrait fragiliser leur situation financière » (CAS, 2010. Les nouvelles mobilités. Adapter l’automobile aux modes de vie de demain). Les aides à l’achat d’une voiture électrique ou hybride bien plus chère que la voiture à essence ou diesel ne servira pas à ces ruraux qui n’ont que les moyens de s’offrir des voitures d’occasion !
La CCE n’est pas écologique, elle n’a rien de social non plus. Elle va peser sur le budget des ménages d’un poids d’autant plus lourd qu’ils seront moins aisés, allant jusqu’à fragiliser financièrement les plus modestes. L’argent pris aux ménages sera pour l’essentiel redistribué aux entreprises par le Crédit Impôt Compétivité, sans aucune éco-conditionnalité, sans engagement social. Cette contribution n’est pas écologique, elle est inique.

-----------------

Photos : anonyme, Remi Stosskopf (Wikimedia), AGHIRIN’Man – CRIIRAD, inconnu.

Dimanche 29 Décembre 2013 Commentaires (0)

La Cour Européenne de Justice a donné raison au Collectif d’associations anti-éoliennes « Vent de Colère ». Elle considère que le système de «tarif de rachat» de l’électricité d’origine éolienne tel qu’il est organisé en France est « un avantage accordé au moyen de ressources d’État » au bénéfice des industriels de l’électricité éolienne contraire au règlement du marché européen. Cet avis va sans doute donner un coup d’arrêt, au moins temporaire, à la montée en puissance de cette filière et donc à la multiplication de « parcs » ou « fermes » d’éoliennes géantes qui n’ont de « parc » et de « ferme » que le nom. Voilà une bonne nouvelle pour la Nature, les oiseaux, l’écologie et la santé des riverains de ces parcs.


Rien n’est encore gagné. Ce sera au Conseil d’État de qualifier ce système d’aide d’Etat et d’annuler le mécanisme français de soutien à a production d’électricité éolienne ; à savoir l’arrêté tarifaire du 17 novembre 2008. Si cette annulation n’est assortie d’aucune modulation temporelle, elle s’appliquerait aussi de façon rétroactive. Et c’est là qu’il y aurait un véritable coup d’arrêt porté à une filière déjà mal en point. Outre les problèmes financiers que cela posera aux « acteurs » de l’éolien, la situation d’incertitude concernant la question tarifaire et de ce fait la viabilité même de la filière qui ne peut subsister sans soutien fera fuir les investisseurs.

Pour le collectif d’associations « Vent de colère » qui fédère plus de 900 associations locales, « La Commission européenne doit quant à elle enquêter dès aujourd'hui afin que soient déterminés et remboursés les bénéfices excessifs captés par les investisseurs éoliens en France depuis 2001. Ce qui a été présenté depuis 2001 comme une incitation au développement des énergies renouvelables, est en réalité une aubaine financière fonctionnant à guichet ouvert aux frais des consommateurs. »

Pour les investisseurs dans l’éolien, il s’agit bien en effet d’une « aubaine financière fonctionnant aux frais des consommateurs ». Le système est le suivant : EDF et les Distributeurs Non Nationalisés (DNN) ont l’obligation d’acheter la production d’électricité des fournisseurs éoliens à un tarif réglementé largement supérieur au prix du marché, ce qui leur occasionne un surcoût. Ce surcoût leur est remboursé sur les sommes collectées au titre de la contribution au service public de l’électricité (CSPE) payée par les consommateurs sur leur facture d’électricité. Les sommes ainsi prélevées sont centralisées sur la Caisse des Dépôts et Consignation qui procède à la redistribution aux opérateurs concernés. C’est ainsi que fonctionne le racket qui rend l’éolien rentable pour les investisseurs privés qui non seulement font des profits avec l’argent des Français, mais pourrissent la vie d’un grand nombre d’entre eux et lardent le territoire de leurs hachoirs à volatiles, de préférence dans des lieux peu anthropisés où la présence et la marque de l’homme s’étaient faites discrètes depuis longtemps, sinon toujours. Il faut rappeler que cette CSPE n’était pas prévue à l’origine pour « soutenir l’éolien » mais pour que tout habitant sur le territoire français ait accès à l’électricité au même tarif, quel que soit le lieu où il réside, ville ou petit hameau reculé et quels que soient les difficultés de raccordement au réseau.

Comment un écologiste peut-il se réjouir de la mise en difficulté de l’éolien alors que les députés « Verts » à l’assemblée nationale, à une heure avancée de la nuit, font le forcing pour soutenir la filière à coup de cavaliers législatifs ajoutés à la loi Brottes sur la tarification progressive de l'énergie au mépris du débat démocratique; amendements qui visent tous à déréglementer et faciliter au maximum l’installation d’éoliennes partout sur le territoire sans que les personnes impactées et les associations de défense ou les Conseils municipaux aient leur mot à dire ?
La réponse est simple.

Tout d’abord, pour la sortie du nucléaire comme pour la lutte contre le problématique « effet de serre », la contribution de l’éolien ne peut être que négligeable. Ce n’est pas l’auteur de ces lignes qui l’a démontré de façon irréfutable mais le rédacteur en chef et éditorialiste de « L’écologiste », Thierry Jaccaud. Dans son article sobrement intitulé « L’éolien industriel est une erreur », il écrit : «Combien coûte à la collectivité une tonne de CO2 évitée lorsqu’elle subventionne l’isolation thermique des bâtiments ? Deux euro. Combien coûte à la collectivité une tonne de CO2 évitée lorsqu’elle subventionne l’éolien industriel terrestre ? Entre 230 et 280 euro. » Chiffres à l’appui, il montre ensuite que «: l’électricité produite par les 14 000 MW d’éoliennes à venir permettrait […] de remplacer seulement 0,7 réacteur. Même pas un réacteur. » Tout compte fait « concernant la réduction des émissions de gaz à effet de serre, subventionner l’éolien industriel terrestre est un gaspillage d’argent public. Concernant une sortie du nucléaire, sa contribution est infime. La conclusion s’impose : le choix du développement massif de l’éolien industriel terrestre est une erreur. »

En ce qui me concerne, dans l’article qui suit celui-ci, j’ai montré les ravages que causent les « parcs » d’éoliennes sur la biodiversité, les oiseaux, les chiroptères, certaines espèces menacées de papillons… Et il y a les atteintes à la santé des riverains, à leurs biens et aux paysages.

Beaucoup plus d’écologistes qu’on ne le croit sont opposés au développement de l’éolien industriel. Le considérer comme un élément essentiel de la transition énergétique serait une lourde erreur : on ne supprime pas un mal environnemental en lui en substituant un autre. Voilà pourquoi, en tant qu’écologiste, on ne peut que se réjouir si cet avis de la Cour européenne de justice permettait de donner un coup d’arrêt à un éolien industriel devenu « contre-productif » au sens d’Illich.



Samedi 21 Décembre 2013 Commentaires (0)
1 ... « 17 18 19 20 21 22 23 » ... 39
Profil
Jean-François Dumas
Jean-François Dumas
Dernières notes
Un peu d'humilité 28/09/2023
Un verger fantome 11/03/2022
Recherche
Galerie
Tilleul Boulevard de la République
Square Pompidou
Cerisier Rue des Ormeaux
Boîte aux lettres, chemin de Pont haut, Colmars-les-Alpes (04)
Sans titre, chemin de Pont haut, Colmars -les-Alpes
Meurtrière, Colmars-les-Alpes