C’est la leçon politique majeure que doivent tirer les écologistes d’une analyse « à froid » des événements du 22 février à Nantes.


Un succès sans précédent

La manifestation à Nantes contre le projet d’aéroport de Notre Dame des Landes du Samedi 22 février a été un succès : entre trente et cinquante mille manifestants et plus de cinq cents tracteurs, manifestation d’une ampleur sans précédent dans cette ville. Les quelques affrontements avec les forces de l’Etat PS- EELV n’ont produit que des dégâts limités sur des objectifs, somme toute ciblés comme est obligé de le reconnaitre Hervé Kempf dans son édito : « un bureau de la société Vinci, et deux agences de voyage, l’une de la SNCF (contre le projet Lyon-Turin), et l’autre de Nouvelles frontières (qui promeut des voyages en avion). Il n’y a pas eu de destruction généralisée, de volonté de saccage, de pillage. Les destructions avaient un sens politique, comme l’ont été le tagage d’un commissariat ou de l’hôtel de ville ou la destruction de deux engins de chantier » qui appartenait à l’omniprésent Vinci. Cela n’a rien à voir avec une «guérilla urbaine » D’ailleurs pour s’en rendre convaincre, il suffisait de comparer les images qui parvenait de Nantes, même savamment mises en scène et celles qui parvenaient de Kiev !

A Nantes, le 22 février, la violence, la vraie, était policière…

Il faut dégonfler le matraquage médiatique sur la manif qui dégénère et redonner aux événements leurs justes proportions. Nantes n’a pas été mise à feu et à sang ! La prétendue « violence » s’est exercée contre des bâtiments, des engins, du mobilier mais pas contre des personnes. Des destructions de ce genre ne sont pas incompatibles avec la « non-violence » même si elles sont limites comme le sont les « démontages » de Macdo et le « fauchage » des champs OGM. Il y a bien eu quelques gendarmes et CRS contusionnés mais les blessés sont surtout du côté des antis aéroports. Deux jeunes manifestants ont sérieusement touchés au visage et ils vont perdre un œil. Les témoignages sont concordants, les forces dites de l’ordre ont fait usage de grenades assourdissantes, de tirs de flashballs pour blesser et pas seulement pour disperser les manifestants. A Nantes, le 22 février, la violence, la vraie, était policière…
Aucune condamnation de cette violence-là de la part d’EELV, aucun mot de soutien pour les manifestants blessés. Mais une condamnation ferme, appuyée, répétée des « casseurs » ! Alors qu’EELV n’a jamais (et c'est heureux!) condamné les démontages de Macdo et les destructions de cultures OGM.
Les événements de Nantes contrarient les stratégies et plans de carrière des politiciens locaux et nationaux de ce parti et il est évident que si Duflot avait pu se douter de l’ampleur de la manifestation et de sa radicalité, elle se serait abstenue de toute déclaration de soutien. Certes, EELV continue d’affirmer son opposition à la réalisation de l’aéroport, affichant sa divergence avec le PS mais renoue avec Ayrault, Valls, et les caciques locaux du PS en condamnant les « violences » dues aux « casseurs » et en faisant de la question de l’aéroport une question secondaire.

Quentin, gravement blessé à l'œil le 22 février à Nantes
Quentin, gravement blessé à l'œil le 22 février à Nantes
Ainsi François de Rugy aurait déclaré selon l’Express (22/02/2014) : « Notre-Dame-des-Landes n'est pas fondamental pour l'avenir de Nantes » en accord avec un autre élu Vert Jaune par la grâce du PS, le sénateur EELV Ronan Dantec qui affirme, propos rapportés dans le même article de l’Express : «L'enjeu, c'est que le territoire reste à gauche. En 2001 déjà, lors de notre premier accord Verts-PS, notre divergence sur Notre-Dame-des-Landes avait été inscrite dans le programme. Après, sur chaque point, chacun vit sa vie. »

Canfin s'affirme sur la même longueur d'onde qu'Ayrault!

Les événements récents et notamment la manifestation du 22 février faisant qu’il devient difficile que « chacun vive sa vie » EELV et PS se retrouvent pour taper de concert sur les « casseurs » et même les « zadistes ». Ainsi le communiqué du Bureau National des verdâtres d’EELV « déplore la présence d’éléments perturbateurs et condamne fermement les dégradations et les actes de violences en marge de la manifestation. » tandis que pour Pascal Canfin, « il n’y a aucun problème » « Nous avons condamné fermement les violences. Nous n'avons rien à voir avec des gens qui viennent casser un centre-ville » a-t-il déclaré sur France inter le dimanche 23 Février précisant même : « Nous sommes parfaitement sur la même longueur d'onde que Jean-Marc Ayrault » ! Les manifestants blessés par les CRS seront sans doute très heureux de l’entendre dire.

De Rugy crie haro sur les "casseurs" et ne veut plus de manifestation à Nantes

Mais celui qui a tapé le plus fort et avec le plus de constance, c’est François de Rugy, député local qui sait qu’il doit sa petite carrière politique et son siège de député au PS. Il n’est pas non plus dépourvu d’ambitions ministérielles. Et voilà que des trouble-fête qui osent tagger un commissariat et saccager des bureaux de la société Vinci risquent de réduire à néant ses belles espérances. Aussi dès le soir de la manifestation et avec un zèle jamais démenti depuis il s’est employé à condamner les « Black Blocs», les zadistes, la « violence », la prétendue « guérilla urbaine», en rajoutant même sur les propos du sinistre Ministre de l’Intérieur Manuel Valls pour vouer à la vindicte publique les « casseurs » qui auraient gâché la manifestation. Pour lui, il n’est plus question d’organiser des manifestations à Nantes contre le projet d’aéroport : « Nous, écologistes, nous prenons nos responsabilités et nous disons : « Plus jamais ça ! » Plus jamais nous ne laisserons ces violents avoir l’occasion de mener leur guérilla urbaine, à Nantes ou ailleurs. Donc pour être concrets, sur cette question de l’aéroport, nous ne manifesterons plus à Nantes. » En commentaire ironique, le Canard enchaîné propose qu’à l’avenir EELV aille manifester contre l’aéroport de Notre Dame des Landes à Bègles. Ce verdâtre qui tourne au jaune a le culot de s’approprier le mouvement écologiste « Nous, écologistes » a-t-il le toupet de dire comme si tous les écologistes soutenaient ses propos diviseurs et capitulards !

Après avoir refusé de mener le combat contre l’aéroport dans les hémicycles de la République, les assemblées des collectivités territoriales, donc après avoir refusé de donner un débouché politique à ce combat, voilà EELV qui renonce aussi à combattre sur le terrain pour ne pas fâcher le grand frère PS avec lequel il concocte une tambouille électorale de second tour. Vu le ton de la diatribe de de Rugy, il ne fait aucun doute qu’il n’hésiterait pas une seconde à faire appel aux CRS de Valls pour ne pas « laisser ces violents avoir l’occasion de mener leur guérilla urbaine, à Nantes » ! D’ailleurs, il n’a que mépris pour les « zadistes » qui occupent le terrain depuis des mois et sont aux avant-postes de la lutte. Ce cravaté se proclame lui-même un « français moyen » qui ne vit pas dans des cabanes et ne se pend pas aux arbres (sic) mais fait de la politique ! Contre toute évidence, il assène qu’ils nuisent à la cause anti-aéroport.

La réponse des « zadistes »

À François de Rugy comme à tous les faux culs carriéristes d’EELV qui poussent des cris d’orfraies devant les bureaux et les engins de chantier de Vinci mis à mal par les manifestants on peut répondre avec les Zadistes « Tritons crété e s contre béton armé » : « On nous demande aujourd’hui de rejeter toute idée de violence et de nous désolidariser de ceux qui ont brûlé leur machines, cassé leur vitrines, assailli leurs dispositifs. Mais personne ici n’oublie que si nous nous étions contentés de nous asseoir en travers de la route et de discuter quand ils ont débarqué le 16 octobre 2012, il n’y aurait aujourd’hui plus personne pour parler de la zad. Elle n’existerait sans doute déjà plus. »
Ayrault demandait à EELV de sortir de l’ « ambiguïté ». C’est chose faite : si Paris valait bien une messe pour Henri IV, les accords électoraux qu’ils peuvent conclure avec le PS valent bien Notre Dame des Landes pour EELV !
Mais devant l’ampleur prise par le mouvement de contestation, qu’EELV y participe ou non, l’aéroport ne se fera pas.

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Deux comptes rendus de la manifestation à lire :

Récit et analyse collective de la manifestation anti-aéroport ici

La véridique et surprenante histoire de la manifestation de Nantes par Hervé Kempf (Reporterre) ici

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Témoignage de Quentin

Quentin n'est ni un « militant pur et dur, ni activiste ». Il n'est pas plus un professionnel des manifestations. Celle-ci était sa deuxième contre l’aéroport. Il est « juste un charpentier» venu manifester avec son amie et des copains.
« J'étais pas armé, j'avais pas de masque à gaz, j'avais pas de lunettes de protection. On était là pour une manifestation familiale, festive, on était là pour faire masse, pour faire du nombre. Et après, c'est vrai que je suis resté même s'il y avait les lacrymos, parce que je trouvais ça injuste et qu'il fallait rester. Y'avait des gens, y'avait des pères de famille, y'avait des anciens, y'avait un petit peu de tout et voilà, moi je voulais rester aussi avec les gens pour montrer qu'on était là »

Mardi 4 Mars 2014 Commentaires (0)
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