Les perce-neige sont sortis. Ils décorent les fossés et fleurissent d’une multitude de petites clochettes blanches, de gouttes de neige les sous-bois le long de la rivière. Qui pourrait soupçonner que cette petite fleur à laquelle s’attachent tant de légendes et qui sauva Ulysse des manigances d’une sorcière, synthétise des substances qui sont employées en pharmacologie pour atténuer les symptômes de la maladie d’Alzheimer et soigner le sida mais qui sont aussi très utilisées par les apprentis sorciers qui bricolent des OGM ?


Le perce-neige Galanthus nivalis et espèces proches
Perce neige, goutte de neige messagère du printemps… Pour l’honorer, voici un extrait d’un des madrigaux de « La guirlande de Julie » (1641):
« Sous un voile d’argent, la Terre ensevelie
Me produit malgré sa fraîcheur
La neige conserve ma vie,
Me donnant son nom, me donne sa blancheur »

Le perce-neige annonce le printemps, la saison des amours. C’est bien ce que dit, à sa manière, avec sa grivoiserie désuète et pleine d’un charme suranné, cette chanson de 1860 :
« Veillez sur vos roses fillettes,
Le Perce-neige va briller !
(…)
Vous dont la blanche mousseline
Trahissait les jolis contours,
Dans l'hiver, sous la levantine
Vous fermez la porte aux amours.
Du bonheur, douces messagères
Laissez la pudeur sommeiller,
Reprenez vos robes légères,
Le Perce-neige va briller !

Nom
Galanthus nivalis L. 1753
[Famille des Amaryllidaceae]

Le nom du genre vient du grec γάλα, lait et de ἄνθος, fleur. Il signifie donc littéralement « fleur de lait ». Le nom de l’espèce est issu du mot latin signifiant « neige ».

En Français, le nom le plus courant est «Perce-neige», nom composé invariable, de genre masculin ou féminin sans qu’il y ait un usage bien établi. En italien il se dit bucaneve, c’est-à-dire comme en français la plante qui perce (buca) la neige (neve). En Anglais : Snowdrop, en Allemand : Schneeglöckchen (neutre), en Néerlandais, Sneeuwklokje (neutre). Dans toutes ces langues c’est la précocité du fleurissement de la plante qui est mis en avant pour la nommer mais en anglais et en allemand l’accent est mis sur la forme bombée de la fleur.

Parmi ses autres noms vernaculaires français, on peut citer : grelot blanc, goutte de lait en référence évidente à son aspect ; clochette d’hiver qui marie aspect et période de floraison ; violette de la chandeleur qui insiste plutôt sur la date que sur la couleur ; goutte de neige qui est la traduction littérale du nom anglais mais ne manque pas de charme et n’a guère été utilisé que par J.J. Rousseau ; galant d’hiver et galanthe des neiges qui sont des adaptations du nom savant.

Selon Pascal Vigneron, le vocable «perce-neige» apparaitrait pour la première fois en littérature en 1641 dans deux des madrigaux écrits pour célébrer la beauté de Julie d'Angennes dans un recueil intitulé « La guirlande de Julie » composé à l’instigation de son soupirant et futur mari le duc de Montausier.

Sous la dénomination « Perce-neige » ont longtemps été confondues deux espèces de plantes appartenant à deux genres différents : le Perce-neige et la Nivéole printanière jusqu’à ce que Linné les place dans deux genres distincts Galanthus nivalis et Leucojum vernum L. 1753. Certains botanistes contestent aujourd’hui cette organisation de la famille des Amaryllidaceae.
En fait le terme « perce-neige » comme les autres appellations vernaculaires sont ambigües botaniquement dans la mesure où elles désignent indistinctement plusieurs espèces du genre Galantheus. Cet article sera centré sur l’espèce G. nivalis, que l’on peut considérer, sinon comme indigène, du moins naturalisée depuis longtemps. Il abordera aussi d’autres espèces que l’on trouve surtout cultivées, parfois subspontanées.
 

Le perce-neige Galanthus nivalis et espèces proches
Période de floraison
De Janvier à Mars.

Description
Plante herbacée de 15 – 25 cm, monoïque,
●Vivace, géophyte à bulbe ± sphérique à ovoïde, d’environs 2 – 2,4 cm x 1 – 2 cm,
Tige cylindrique, dressée, gris vert,
Deux feuilles à la base plus courtes que la tige, un peu plus large au milieu que dans le tiers supérieur et apex obtus ou acuminé, marge entière, vert un peu gris à l’avers comme au revers, parfois carénée avec une bande médiane plus ou moins large gris-vert,
●Fleur solitaire, blanche, pendante, à odeur discrète de miel, au pédoncule sortant d’une spathe arquée au pourtour membraneux, diamètre 2 cm, ovaire infère à trois loges, périgone en cloche à avec deux couronnes à trois tépales pétaloïdes libres, les trois extérieurs obovales-oblongues obtus, les trois intérieurs plus courts, d’environ la moitié, en cloche, obovales en coin, échancrés. L’extérieur des tépales internes présentent à l’apex une tache verte en V tandis que l’intérieur est marqué de vert sur presque toute sa surface. Les tépales externes peuvent présenter ou non selon les variétés à l’apex de leur face externe des marques vert jaunâtre. La fleur possède 6 étamines à filet très court et à anthères dressées, disposées en deux verticilles. Le stigmate est simple,
●Fruit capsule de 10 – 16 mm charnue, subglobuleuse contenant des semences brun clair.

Les fleurs de G. nivalis sont mellifères. La pollinisation est entomogame et dans son aire naturelle la dispersion des graines est principalement due aux fourmis. L’extension actuelle de sa répartition est surtout le fait des cultures ornementales.

On peut distinguer deux variétés la première indigène, naturalisée ou subspontanée, la seconde sans doute seulement subspontanée. Ces deux variétés peuvent s’hybrider entre elles.
G. nivalis var. nivalis, dont la spathe est formée de deux bractées soudées sur toute leur longueur, et dont les tépales externes sont dépourvus de tache verte ou jaunâtre au sommet, tache que possèdent les tépales intérieurs.
G.nivalis var. scharlockii, Caspary 1868 dont la spathe est plus longue et parfois constituée de deux bractées seulement soudées dans leur partie inférieure mais surtout dont les tépales extérieurs ont une tache vert ou vert jaunâtre au sommet comme les intérieurs. Cette variété est plus rare et son existence à l’état sauvage incertaine.
Nota bene : La nivéole printanière (Leucojum vernum, L. 1759) se distingue du perce-neige par ses 6 tépales égaux portant tous à l’apex une marque verte, par le nombre de ses feuilles de 4 à 6 au lieu de 2 dans le cas des perce-neige. Comme le tussilage ou les pétasites, ses fleurs apparaissent avant ses feuilles. La nivéole d’été (Leucojum æstivalis, L. 1759) fleurit plus tardivement avec des fleurs groupées en ombelles.

Habitat
Plante hémi-sciaphile [de demi-ombre], nitrophile, G. nivalis aime les sols profond, riches en humus, mais on le trouve aussi sur des sols à dominante sablo-argileuse. On le trouve sur différents substrats : calcaire, granitique, schisteux, volcanique, mais le pH ne doit pas être trop acide (pH ≥ 6). Son amplitude altitudinale varie de 100 à 1600 m, avec un optimum vers 600 m.
Il pousse dans les forêts caducifoliées, haies, prairies humides, parcs, abords des jardins.
Plante d’origine européo-caucasienne, finalement assez rare en France à l’état spontané, plus souvent naturalisée, uniquement naturalisée ou subspontanée au nord de la Seine.

Remarque importante
L’espèce sauvage est considérée comme quasi menacée sur la liste de l’Union internationale pour la conservation de la nature. Avec ses variétés, elle est protégée dans certains départements notamment le Calvados, le Cher, l’Indre et Loire, l’Isère, la Loire-Atlantique, le Loire et Cher, le Loiret, le Lot, la Lozère, la Manche, la Mayenne, les Pyrénées Atlantiques.
En Europe, le genre Galanthus est inscrit à l’annexe V de la directive Habitats-Faune-Flore. Cette annexe recense les espèces animales et végétales dont les Etats membres doivent s'assurer que les prélèvements effectués ne nuisent pas à un niveau satisfaisant de conservation en mettant en place des mesures qui dans le cas de Galanthus sont principalement la réglementation de la cueillette et de la vente de spécimens.
Au niveau international, il est inscrit à l’annexe II de la CITES (cf. ci-dessous au paragraphe concernant Galanthus elwesii)

Autres espèces du genre

Si en France il n’y a qu’une seule espèce indigène ou du moins naturalisée de longue date, le genre comprend dix-neuf espèces dont la majorité est originaire du Caucase, la limite orientale du genre étant le sud-est de la mer Caspienne. Plus au sud, d’autres espèces poussent en Turquie, dans les Balkans et la Crimée. Il existe une espèce endémique de la Mer Egée que l’on cultive ici en pots : G. ikariae Baker, 1893 (dédiée à Icare par son descripteur). Au sujet de cette dernière espèce, il faut noter une possible confusion terminologique. Dans des catalogues de bulbes et certaines encyclopédies des plantes à bulbes on trouve parfois le nom G. ikariae subsp. latifolius qui est en fait un synonyme (à éviter) de G. woronowii.

On regrettera qu’une certaine confusion terminologique règne à l’intérieur de ce genre.

Parmi les dix-neuf espèces du genre, on peut en rencontrer quelques-unes et leurs nombreux cultivars dans les jardins ou échappés et /ou naturalisés, beaucoup plus en Angleterre ou en Hollande qu’en France où seuls un petit nombre d’espèces et cultivars peuvent être facilement achetés. Compte tenu de la protection dont bénéficient toutes les espèces du genre et leurs cultivars, l’achat à l’étranger, notamment en Angleterre ou en Hollande implique un transport qui exige un permis.
En Angleterre, le genre a des collectionneurs passionnés et certains bulbes d’espèces ou cultivars rares où difficiles à se procurer coûtent jusqu’ à 45 £ le bulbe.
Dans cet article, on se limitera aux trois espèces les plus fréquemment cultivées.
 

Galanthus elwesii, Hook. f. 1875 Perce-neige géant
Galanthus elwesii, Hook. f. 1875 Perce-neige géant
Galanthus elwesii, Hook. f. 1875 Perce-neige géant
Cette espèce est la plus grande, environ le double des autres espèces. Elle a des feuilles plus larges, gris bleuté, qui retombent autour de la tige. Elle fleurit dès décembre. G. elwesii n’a pas de taches vertes sur les tépales externes, seulement sur les tépales internes.
◊ Dans la variété elwesii ils sont pourvus de deux taches vertes, l’une à l’apex l’autre à la base. La tache apicale a la forme d’un V ou d’un U suivant les contours de l’apex du tépale. La tache de la base est circulaire ou forme une bande transversale. Pour certains spécimens, les deux taches sont si rapprochées qu’elles ne forment qu’une seule et même tache en forme de X qui occupe toute la longueur et pratiquement toute la surface du tépale.
◊ La variété monostictus P. D. Sell 1996 possède quant à elle des tépales internes dotés d’une seule tache mais celle-ci s’étend sur plus de la moitié du tépale. On a obtenu des cultivars de cette variété qui fleurissent d’octobre à mai d’un grand intérêt horticole mais pour lesquels l’appellation « perce-neige » est quelque peu usurpée. Cette variété est souvent vendue sous le nom synonyme de Galanthus caucasicus Hort. 1956


Galanthus elwesii est originaire du nord de la Grèce, de la Bulgarie et de l’ouest de la Turquie. C’est une espèce de l’étage montagnard. Elle pousse au-dessus de 800 m jusqu’à environ 1600 m. Elle a été introduite en Europe occidentale en 1874. Dans la nature, à l’état sauvage, G. elwesii est une espèce d’une grande variabilité pour ce qui concerne notamment la hauteur de la plante, la forme et la couleur des feuilles, la forme des taches des tépales internes et de la forme des fleurs.

Initiée en 1874, l’importation en Europe via la Hollande de bulbes sauvages de G. elwesii récoltés en Turquie a pris une ampleur telle que l’on exportait plusieurs millions de bulbes au début des années 80 de telle sorte que l’espèce s’en trouvait menacée dans son aire d’origine. Ce fut l’une des raisons qui ont conduit à inscrire le genre Galanthus dans l’appendice II de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES) en 1990. Cette annexe énumère les espèces qui pourraient être menacées si le commerce de leurs spécimens n'était pas étroitement contrôlé. Cette régulation prévient cette menace sans interdire le commerce des spécimens dont l’exportation doit être soumise à un permis que les autorités ne doivent délivrer que si cette exportation ne met pas l’espèce en danger.
D’ailleurs, lorsque l’on veut planter des bulbes de G. elwesii, il est préférable de choisir plutôt que des bulbes sauvages provenant de Turquie, des bulbes selectionnés à partir de plantes qui ont survécu à leur mise en culture montrant ainsi leur aptitude à pousser et à se multiplier dans les jardins européens, voire à se naturaliser. Cette naturalisation est difficile au nord de la Seine. Au-delà de cette limite, on trouvera cette espèce surtout dans les jardins.
L’intérêt horticole de l’espèce tient au fait que ses fleurs sont grandes et spectaculaires, qu’elle est facile à cultiver, d’aspect varié permettant l’obtention de nombreux cultivars et que la floraison en culture s’étend dans le temps.

Intermède linguistique en forme de paradoxe : le perce-neige d’Elwes n’est pas le perce neige d’Elwes….

La plante fut dédiée à son découvreur et récolteur Henry John Elwes par Sir Joseph Dalton Hooker, directeur du Jardin Botanique Royal de Kew de 1865 à 1885, qui a cru en formuler la première description. D’où l’épithète du binôme de l’espèce : « elwesii ». On pourrait donc traduire le binôme Galanthus elwesii par Perce-neige de Elwes. En fait, les plantes qu’Elwes avait récoltées appartenaient à une autre espèce de Galanthus (un variant de Galanthus gracilis à feuilles larges) et ce sont elles que Hooker a utilisées comme spécimen type. L’usage s’est pourtant répandu avant que l’on ne découvre récemment cette méprise. Parce que le binôme G. elwesii avait été largement et depuis longtemps appliqué pour désigner cette espèce et non Galanthus gracilis, le nom a été maintenu et associé à un spécimen type différent. Donc le perce-neige d’Elwes au sens de Galanthus elwesii n’est pas le Perce-neige que celui-ci a découvert et rapporté en Angleterre. Plutôt que de changer le nom, on a préféré changer le référent mais du coup, le nom (le signe) devient un vrai nom propre ordinaire dont la signification ne nous apprend rien sur la chose qu’il désigne et pourrait même induire en erreur. Les « noms maintenus » sont l’une des voies par laquelle l’arbitraire du signe s’installe dans la nomenclature.

Le perce-neige Galanthus nivalis et espèces proches
Galanthus plicatus M.Bieb., 1819 est plus tardive et fleurit de février à mars, elle peut atteindre 20 cm de hauteur. Elle possède de larges feuilles vertes dressées plus larges que celles de G. nivalis. Elles ont le limbe replié sur le revers quand la plante est jeune. Ceci, et les marques de ce pliage qui persistent sur la feuille adulte, donnent à la plante son nom d’espèce, « plicatus » qui signifie plissé en latin. Chaque tépale du périanthe interne est sinué.
Ce sont des soldats anglais qui ont rapporté des bulbes de Crimée lors de la guerre éponyme en 1850. Ils avaient été surpris de voir les champs de bataille couverts de ces fleurs qui s’épanouissaient après un rude hiver. En fait ils auraient été cultivés dans les jardins d’Europe de l’ouest depuis le XVIème siècle. On distingue deux sous-espèces :
G. plicatus subsp. plicatus dont l’aire originelle s’étend du nord de la Turquie à la Roumanie et la Crimée. Elle se distingue par une tache verte unique à l’apex des tépales du périanthe interne. Elle peut s’étendre sur les deux tiers de la surface du tépale, parfois plus.
G. plicatus subsp. byzantinus dans les environs d’Istanbul et se distingue par la présence de deux taches vertes sur les tépales du périanthe interne, une au sommet, l’autre à la base. La tache de l’apex ne s’étend pas au-delà de la moitié de la surface du tépale.
Ce dernier taxon que l’on n’a guère de chance de rencontrer en dehors d’un conservatoire botanique est classé Vulnérable (IUNC 1997) du fait de sa rareté et de son aire réduite.
En culture dans les jardins, les deux sous-espèces s’hybrident naturellement de telle sorte que la distinction entre elles s’estompe.
 

Le perce-neige Galanthus nivalis et espèces proches
Galanthus woronowii Losinsk. (1935)
Synonymes : G. ikariae Baker subsp. latifolius Stern, en partie.
G. ikariae des jardins, auct. non G. ikariae Baker.
G. latifolius des jardins, auct. non G. latifolius Rupr.
Cette espèce a été souvent confondue avec d’autres du genre et il a longtemps régné une grande confusion dans les binômes qui lui ont été associés. Dans les catalogues de bulbes, il est parfois dénommé G. ikariae, ou latifolius alors que les espèces correspondantes à ces binômes diffèrent de woronowii par leur écologie, leur répartition et quelques caractères auxquels ne seront attentifs que les spécialistes, les autres observateurs pouvant être facilement abusés par les ressemblances manifestes entre ces espèces.
Par rapport aux trois autres espèces décrites ici, les différences principales que l’on peut observer concernent les feuilles et la forme des taches des tépales internes. Ces dernières sont courtes en forme de U, parfois divisées dans le sens de la longueur formant comme un œil sur chaque côté du sinus. Ces taches ne sont pas toujours identiques d’un individu à un autre. En outre on observe une variabilité du nombre des tépales du périanthe externe à l’état naturel. C’est la couleur des feuilles qui est le caractère distinctif le plus remarquable. Elles sont vertes, vert-clair à vert moyen et non gris-vert, le dessus légèrement brillant. Elles se terminent par une courte pointe en forme de capuchon, (parfois seulement plane) et possèdent sur le dessus deux à quatre sillons peu profonds qui correspondent à autant de plis sur la face inférieure, ce qui leur donne un aspect plissé caractéristique. Il fleurit entre janvier et avril dans la nature ; janvier et mars en horticulture.
C’est une espèce de plaine ou de moyenne montagne. Son amplitude altitudinale va de 20 à 1500 mètres avec un optimum entre 100 et 500 mètres en Turquie, jusqu’à 700 mètres en Géorgie et au sud de la Russie. Il pousse aussi bien dans les forêts caducifoliées qu’à dominante de résineux. Dans les régions bien arrosées, on le trouve dans les pierriers, sur le sommet de gros rochers, le rebord de falaises et même selon Davis (1999) comme épiphyte sur des arbres couverts de mousse. Il s’accommode de sols de diverses compositions.
Cette espèce est originaire des montagnes du nord-est de la Turquie, de l’ouest du Caucase. Il est particulièrement abondant en Géorgie où des millions de bulbes ont été récoltés pour l’exportation. La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES) permet de réguler ce commerce et de protéger l’espèce dans son aire d’origine. D’ailleurs comme pour G. Elwesii, des clones sélectionnés ou des cultivars sont plus adaptés à l’horticulture. Aujourd’hui, cette espèce est beaucoup plus fréquente dans les plates-bandes des parcs et jardins que dans la première moitié du siècle dernier, époque où elle a commencé à être couramment vendue et fait l’objet d’importations massives par des entreprises hollandaises spécialisées dans la vente de bulbes.
Cette espèce a été décrite par le botaniste russe A.S. Losina-Losinskaya en 1935 qui la dédiée à Georg Jurii Nikolaewitch Woronow (1874–1931) un autre botaniste et collectionneur de plantes, d’où le nom de l’espèce Galanthus woronowii que l’on pourrait traduire par le perce-neige de Woronow.
Davis (1999) rapporte que A.S. Losina-Losinskaya a décrit la plante d’après des spécimens récoltés dans le sud de la Russie, dans les environs de Sotchi, sur la rive orientale de la mer Noire et que des stations abondantes de la plante se trouve encore dans les zones de forêt primitive des collines et montagnes qui dominent cette ville. C’est là où peut-être pour son malheur se déroulent les jeux olympiques d’hiver de 2014 qui ont été l’occasion de travaux titanesques particulièrement destructeurs des milieux naturels.

MOSSA, Gustav-Adolf - Circé (1904) Nice, collection particulière
MOSSA, Gustav-Adolf - Circé (1904) Nice, collection particulière
Usages

1 – L’herbe magique d’Ulysse, le Moly (μῶλυ) était-il un perce-neige ?

Au chant X de l’Odyssée, Homère raconte les aventures d’Ulysse et de ses compagnons lorsqu’ils abordent l’île Αἰαία (Ééa) où vit la sorcière Circé. Un groupe de marins partis explorer l’ile découvre le palais de la sorcière qui leur offre un repas, drogue leurs boissons et les transforme en pourceaux, sauf l’un d’entre eux qui prudent et flairant un piège était resté à l’écart des agapes. Voyant ce qu’il advenait à ses compagnons, ce dernier retourne en hâte au navire et en informe Ulysse qui décide d’aller à leurs secours. Il traversait un vallon et allait atteindre le palais de la sorcière lorsque « Hermès à la baguette d’or » vient au-devant de lui, le met en garde contre Circé. « Je te dirai les sortilèges de Circé : t’ayant fait un mélange, elle y jettera une drogue mais sans pouvoir t’ensorceler ; car la bonne herbe que je te donnerai l’empêchera » Hermès lui explique alors comment il devra s’y prendre ensuite pour circonvenir la sorcière. Puis, nous dit Ulysse : « Ayant ainsi parlé, l’Éblouissant me donna l’herbe qu’il avait déterrée, et me décrivit sa nature. Sa racine était noire et sa fleur couleur du lait pur ; les dieux l’ont appelée Moly (μῶλυ), et les mortels ont peine à l’arracher ; mais les dieux peuvent tout » (Odyssée, Chant X, 302 – 306, trad. Philippe Jaccottet) [ὣς ἄρα φωνήσας πόρε φάρμακον ἀργεϊφόντης/ἐκ γαίης ἐρύσας, καί μοι φύσιν αὐτοῦ ἔδειξε./ῥίζηι μὲν μέλαν ἔσκε, γάλακτι δὲ εἴκελον ἄνθος·/μῶλυ δέ μιν καλέουσι θεοί· χαλεπὸν δέ τ᾽ ὀρύσσειν/ἀνδράσι γε θνητοῖσι, θεοὶ δέ τε πάντα δύνανται.](On traduit aussi ἀργεϊφόντης par « le Tueur d’Argos », une tradition qui remonterait à Hésiode).

Dès l’antiquité, on a tenté d’identifier la plante que décrit Homère. Diverses hypothèses ont été émises au cours des siècles. Aujourd’hui on interprète la transformation en pourceau comme une image pour une intoxication anticholinergique, dont les symptômes incluent des pertes de mémoire et des hallucinations. Pour Andréas Plaitakis et Roger Duvoisin la description du moly correspond à celle du perce-neige, fleur qui produit des métabolites secondaires qui contrecarrent les anticholinergiques. Ils proposent donc d'identifier le moly au perce-neige, Galanthus nivalis, dont le principe actif, la galanthamine, contrecarre aussi l'action de l'atropine, principe actif de la stramoine, poison qu’aurait utilisé Circé. (Andréas Plaitakis et Roger Duvoisin, 1983)

CERRINI, Gian Domenico (1609-1681) - La Magicienne Circé (XVIIe s.)Brive-la-Gaillarde, Musée Labenche
CERRINI, Gian Domenico (1609-1681) - La Magicienne Circé (XVIIe s.)Brive-la-Gaillarde, Musée Labenche
De son côté, Suzanne Amigues (1995) parvient à une conclusion différente en s’appuyant sur les descriptions de la plante désignée sous le nom de μῶλυ notamment par Théophraste et Dioscoride en comparaison avec la description succincte d’Homère. Selon ces textes il s’agit d’une plante rare poussant dans des zones humides plus précisément selon Théophraste en Arcadie « aux environs de Phénéos et dans le Cyllène ». Elle « a une fleur blanc de lait (Hom. ~ Thphr. ; Dsc.), assez voisine du perce-neige mais plus petite (Dsc), d'où le nom de « perce-neige sauvage » (Ps.-Dsc.) ; une racine bulbeuse (Thphr. ; Dsc.) ; petite (Dsc), noire ou du moins foncée (Hom. ~ Thphr.) comme un bulbe de narcisse (Carm.) ; en outre, des feuilles semblables à celles de la scille (Thphr.) ou du chiendent (Dsc), c'est-à-dire des feuilles de Monocotylédone, à nervures parallèles, charnues et luisantes comme celles de la scille, mais allongées comme celles du chiendent, quoique « plus larges et retombantes » (Dsc.) ; une tige assez haute et grêle (Dsc), portant à son sommet « comme qui dirait quelque chose qui rappelle l'ail » (Dsc) — expression aussi juste qu'embarassée pour désigner la spathe membraneuse d'où se dégage l'inflorescence de l'ail, cultivé ou sauvage, de même que la fleur de certains iris et des Amaryllidacées. Nos sources donnent au bulbe du moly un seul usage médical : broyé et mis en pessaire, c'est un remède efficace au relâchement de l'utérus (Dsc ; repris dans Galien, XII, 80 Kühn et Ps. -Apulée, 48). Mais avant tout le moly arcadien est, comme la plante d'Homère, une herbe magique, un antidote aux sortilèges, probablement aussi aux poisons (Carm.) » Cette plante ne peut pas être un ail comme on l’a longtemps supposé parce que, selon Suzanne Amigues : «il n'existe pas d'ail correspondant exactement aux descriptions du moly et propre aux Amaryllidacée des prairies humides et des marécages de l'Europe tempérées. « Rarissime » en Grèce selon E. de Halácsy, qui la signale seulement dans les prairies humides de la région du Cyllène, le moly arcadien n'est pas un ail. » Pour S. Amigues, il n’y aurait qu’une seule plante qui satisferait à tous les critères dégagés des textes, la nivéole d'été, Leucojum aestivum L.

Il est remarquable que dans les copieuses références bibliographiques fournies en notes dans son article, S. Amigues ne cite pas l’article d’ Andréas Plaitakis et Roger Duvoisin, antérieur au sien et qui retient une espèce de la même famille, le perce-neige, avec lequel la nivéole d’été a longtemps été confondue et qui possède les mêmes propriétés pharmaco-chimiques. Les deux espèces se ressemblent beaucoup, elles sont présentes en Grèce, peuvent pousser dans des prairies humides et au bord de l’eau, la nivéole d’été étant beaucoup plus rare. Les deux espèces renferment l’une et l’autre de la galanthamine. Difficile de choisir ! Trois points cependant : Homère dit que « sa fleur était blanche », n’aurait-il pas dit « ses fleurs étaient blanches » si Hermès avait donné à Ulysse une nivéole d’été dont la tige s’orne d’une ombelle composée de trois à sept fleurs ? Ensuite, contrairement à ce qu’affirme S. Amiges, la nivéole d’été est plus grande que le perce-neige. Enfin n’oublions pas que jusqu’à Linné, les nivéoles et les perce-neige n’étaient pas distingués. C’est pourquoi on peut conclure avec Andréas Plaitakis et Roger Duvoisin que « Thus the description of "moly" as an antidote in Homer's Odyssey may represent the oldest recorded use of an anticholinesterase to reverse central anticholinergic intoxication (Ainsi la description de « moly » comme antidote dans l’Odyssée d’Homère peut représenter le plus vieil usage enregistré d’un anti cholinestérase pour contrer une intoxication anticholinergique centrale ) » sans pour autant décider si cette plante était un perce-neige ou une nivéole !

2 – le perce-neige, la galanthamine et maladie d’Alzheimer

Jusque dans les années 50, les perce-neige des différentes espèces n’avaient, pour leur plus grand bien, peu d’usages reconnus : «L’usage traditionnel du perce-neige, autant externe qu’interne, a été présenté comme répandu dans différents pays d’Europe de l’Est, Bulgarie, Ukraine, Roumanie, Balkans, mais cette utilisation n’est relatée dans aucun ouvrage avant les années 50, et même de façon extrêmement rare ensuite. Les Amaryllidacées dans leur ensemble sont de façon générale peu mentionnées dans les pharmacopées traditionnelles européennes. » Mais ensuite tout change : «Un pharmacologiste bulgare remarqua en effet que des villageois s’appliquaient les feuilles de perce-neige sur le front pour soulager les douleurs nerveuses » (Alexandre Maciuk, 2005). Et tout va très vite : l’alcaloïde majeur est isolé de Galanthus woronowii en 1951 puis de Galanthus nivalis en 1954 et enfin de Leucojum aestivum en 1961. La première application thérapeutique a été celle de myorelaxant en anesthésiologie (la galanthamine neutralise le blocage musculaire induit par les curarisants). « Rapidement, son usage s’est élargi aux domaines de la physiologie (traitement de la paralysie post-poliomyélitique et de la myasthénie), de la neurologie, del’ophtalmologie (réduction de la pression intra-oculaire), de la cardiologie, des soins intensifs, et de la gastro-entérologie. La Nivaline®, (galanthamine HBr) est disponible commercialement en URSS dès 1958 sous forme injectable, et en comprimés en 1984, majoritairement pour le traitement de la poliomyélite» (Alexandre Maciuk o. c., p. 247). C’est dans les années 80 que sont entreprises des études cliniques comme traitement symptomatique de la maladie d’Alzheimer et « en 2004, la galanthamine bénéficie d’une AMM dans le traitement des symptômes faibles à modérés de la maladie d’Alzheimer dans la plupart des pays européens, aux Etats-Unis et dans quelques pays d’Asie. » (Alexandre MACIUK, ibid.).

Ces nouveaux usages constituent une menace pour les différentes espèces de perce-neige, les nivéoles et toutes les Amaryllidacées qui contiennent cet alcaloïde. Anna El Tahchy (2010) rappelle dans sa thèse qu’en fonction du poids du malade Alzheimer, il faut une dose quotidienne de bromhydrate de galanthamine dosée de 16 à 24 mg et qu’il faut 50 kg par jour pour traiter environ un million de patients, soit 18 000 kg par an au prix de 50 000 $ le kg en 2006. Pour obtenir ces 18 000 kg, il faut environ 18 000 tonnes de bulbes. Il n’est donc pas difficile de comprendre que face à la demande croissante du marché de l’industrie pharmaceutique, la source naturelle de galanthamine est insuffisante et il existe un risque d’extinction de certaines Amaryllidaceae de leurs habitats naturels notamment en Europe de l’Est. Par conséquent, l'offre de cet alcaloïde est un problème majeur que l’on tente de contourner par différentes techniques : synthèse chimique, cultures in vitro de certains genres pour la synthèse et l’accumulation se galanthamine, etc., ...
Cependant des évaluations récentes remettent en question l’utilité de la galanthamine comme médicament symptomatique dans la maladie d’ Alzheimer. « La maladie d'Alzheimer est un fardeau majeur de santé publique compte tenu de son incidence et de sa prévalence élevées, de son impact sur la perte d'autonomie et sur la mortalité, de son retentissement physique, psychologique et financier sur les proches des patients. Les médicaments dits « spécifiques » ne soulagent en aucun cas ce fardeau, mais au contraire peuvent l'alourdir du fait d'effets indésirables parfois très handicapants. Même en l'absence d'alternative médicamenteuse, on ne voit pas bien quel pourrait être le Service Médical Rendu (SMR) par ces médicaments, au mieux insuffisant. » Telle est la conclusion d’un article faisant le bilan des utilisations de ces médicaments (Philippe Nicot 2011). Conclusions qui semblent largement confirmées par des observations ultérieures et qui contribueront à alléger les pressions sur les espèces d’amaryllidacées contenant de la galanthamine.

En dehors de son utilisation controversée comme médicament symptomatique de la maladie d’Alzheimer, la galanthamine est utilisée pour traiter les lésions traumatiques du système nerveux. Emménagogue puissant, on a recours à cet alcaloïde comme substance abortive.

Árpád Pusztai
Árpád Pusztai
3 – Le perce-neige, le sida et les OGM

●Indiquons d’abord brièvement ce que sont les lectines végétales. Ce sont des substances synthétisées par une plante, propres à celle-ci, qui peuvent s’attacher de façon spécifique à la surface des membranes cellulaires ou de façon ciblée à des molécules. Une fois fixées sur les cellules elles peuvent pénétrer à l’intérieur et provoquer des désordres métaboliques allant jusqu’à la mort de la cellule. Ce mode d’action les rend très efficaces et leur permet d’agir à une très faible concentration. Elles sont utilisées par la plante comme insecticide ou comme défense contre les herbivores en se rendant indigestes. On a découvert que la lectine du perce-neige (GNA) se fixait préférentiellement sur les cellules porteuses du VIH et les détruisait alors que cette lectine est inoffensive pour l’organisme humain sain. Pour plus de détails sur ce sujet très spécialisé on se reportera à Gilljam G. (1993) ; Balzarini J., Hatse S., Vermeire K., Princen K., Aquaro S., Perno C.F., De Clercq E., Egberink H., Vanden Mooter G., Peumans W., Van Damme E., Schols D., (2004).

C’est la fonction insecticide de la lectine du perce-neige qui a retenue l’attention des apprentis sorciers fabricants d’OGM.

● En 1998 elle fut, si l’on ose dire, l’une des protagonistes de « l’affaire Árpád Pusztai », un biochimiste de renommée internationale qui fut chargé d’une étude sur des pommes de terre transgéniques afin d’évaluer l’impact des OGM sur la santé humaine. Les pommes de terre génétiquement modifiées que lui et son équipe utilisèrent produisaient la lectine du perce-neige, ce qui leur permettait de résister aux attaques de pucerons ; cette lectine étant par ailleurs, inoffensive chez le rat comme chez l’homme. Le résultat inattendu de l’expérience fut de montrer que les rats nourris avec ces pommes de terre présentaient des cerveaux, des foies et des testicules moins développés que ceux du groupe contrôle, ainsi que des tissus atrophiés, notamment dans le pancréas et l’intestin. Ils présentaient aussi une prolifération des cellules dans l’estomac pouvant faciliter le développement de cancers causés par des produits chimiques. Le système immunitaire de leurs estomacs était en surchauffe, les organismes des rats traitant ces pommes de terre comme des corps étrangers. Comme cela ne pouvait être causé par la lectine elle-même, il fallait incriminer la manipulation génétique comme telle.
Árpád Pusztai rendit public les résultats de son équipe au cours d’une émission de TV. Le lendemain, il était licencié de son institut de recherche, son équipe était dissoute. On tenta de l’empêcher de publier ses résultats et une cabale scientifico-médiatique d’une rare violence fut organisée contre lui et son équipe orchestrée par la Royal Society qui a soutenu dès le début le développement des OGM, et dont de nombreux membres travaillaient comme consultants pour les firmes de biotechnologies. La décision de couper court à ces recherches fut prise au plus haut niveau Monsanto ayant téléphoné à Bill Clinton, Clinton à Blair, et Blair à James, le directeur de l’Institut où travaillait depuis trente ans Árpád Pusztai (Robin Marie-Monique, 2008).
Finalement malgré les pressions de la Royal Society, Árpád Pusztai et son collègue Stanley W. B. Ewen purent publier les résultats de leurs travaux dans la revue médicale The Lancet (Stanley W. B. Ewen et Árpád Pusztai, 1999a et 1999b). Richard Horton, le rédacteur en chef, a précisé que la décision de publication avait été prise malgré un avis mitigé de la part des experts chargés d’examiner l’expérience afin d’attirer l’attention scientifique sur ce domaine (les OGM) et d’ouvrir le débat.
On ne peut manquer de faire un parallèle entre cette affaire et la controverse et cabale lancées contre le Professeur Gilles-Éric Séralini et ses expérimentations sur la toxicité du maïs transgénique NK 603 de Monsanto.

● Aujourd’hui, le pamplemousse 'Rio Red' est un OGM incluant le gène de lectine du perce-neige, destiné à le protéger contre les pucerons vecteurs de virus.

La Station Expérimentale Agricole du Texas a créé une canne à sucre transgénique censée résister à la larve du papillon Eoreuma loftini en exprimant de la lectine de perce-neige. Or non seulement cette canne à sucre ne résiste pas mieux à cet insecte, mais elle a en outre des effets non prévus sur le parasite (Cotesia flavipes) d’un autre insecte ravageur (Sétamou M., Bernal J. S., Legaspi J. C., and Mirkov T. E., 2002)

On peut aussi l’utiliser pour lutter contre les ravageurs du riz, des tomates, du tabac, etc.
C’est certain, le perce-neige a fourni une substance précieuse aux apprentis sorciers des biotechnologies.

 

Légendes

Si l’on consulte le site de Pascal Vigneron consacré aux amaryllidaceae, on trouvera, une grande quantité de légendes liées au perce-neige. Cela est sans doute dû à l’époque où il fleurit : la fin de l’hiver. L'hiver est une saison dont la rudesse éprouve tout un chacun, hier bien plus qu’aujourd’hui où l’on peut plus facilement se défendre du froid, de l’obscurité, de la neige et autres intempéries. On connait l’expression « ne pas passer l’hiver ». L’hiver, c’est le risque de la mort. Le printemps, c’est le renouveau de la vie et le perce-neige en est comme la promesse.
C’est ainsi qu’autrefois la belle fée Printemps dût lutter avec la vilaine sorcière Hiver qui ne voulait pas quitter les lieux. Dans cette lutte la belle fée Printemps se coupa au doigt et quelques gouttes de son sang tombèrent sur la neige qui fondit. Il poussa aussitôt à la place un perce-neige. Et c’est ainsi que le Printemps vainquit l’Hiver.
Ces légendes nous apprennent aussi, à leur manière, bien des choses sur cette petite fleur. Par exemple pourquoi le perce-neige est-il la première fleur à illuminer nos sous-bois et jardins quand arrive le printemps et pourquoi la neige a-t-elle la couleur du perce-neige?
Eh bien, c’est parce que le perce-neige est généreux : «Quand Dieu fit tout ce qui est maintenant sur la terre il l'embelli avec toutes sortes de belles fleurs. Lorsqu'il créa la neige il lui dit de se procurer une couleur. Alors la neige alla vers l'herbe lui demander de lui donner un peu de sa couleur mais l'herbe refusa. Alors la neige alla vers la rose et lui demanda de lui donner un peu de sa belle couleur, puis elle demanda à la violette de lui prêter un peu de sa couleur, puis elle demanda au tournesol de lui donner un peu de son or mais toutes ces fleurs écoutaient sa prière et finalement s'en retournaient. D'une triste humeur la neige arriva au perce-neige et lui dit : "Personne ne veut me donner sa couleur, toutes les fleurs me renvoient ". Le perce-neige fut touché par le sort de la neige et répondit : "Si tu aimes ma couleur je la partagerai volontiers avec toi. " La neige reçu le cadeau du perce-neige avec plaisir. Depuis lors la neige est de couleur blanche comme le perce-neige. En remerciement la neige permet à cette fleur, le perce-neige, d'être la première à passer la tête hors de la neige quand vient le printemps. » (légende roumaine dont on trouve des variantes en Allemagne, notamment).
Mais au fait, le perce-neige, comment est-il apparu sur Terre ? Un de ses multiples noms populaires nous met sur la voie. En Angleterre le perce-neige est aussi appelé «white tear» ou « Eve's tears » c’est-à-dire « larme blanche » ou « larmes d’Ève ». On sait qu’Adam et Eve furent bannis du jardin d’Eden. Ils se retrouvèrent plongés en plein hiver, errant sans fin dans la tempête de neige, frigorifiés, terrorisés, désespérés. Eve se mit à pleurer. Alors Dieu eut pitié. Il envoya un ange pour les réconforter et leur annoncer l’approche du printemps. L’ange pointa du doigt le sol, là où étaient tombées les larmes d’Eve et il en jaillit alors des petites fleurs en forme de larme. L’ange en cueillit une et la donna à Eve et lui assura que c’était un gage de retour du bonheur pour elle et sa descendance (dont nous sommes).

C’est sur cette note optimiste que se terminera cet article.

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Références et sources

Amigues Suzanne, 1995 « Des plantes nommées moly », Journal des savants, 1995, pp. 3-29, p. 16

Balzarini J., Hatse S., Vermeire K., Princen K., Aquaro S., Perno C.F., De Clercq E., Egberink H., Vanden Mooter G., Peumans W., Van Damme E., Schols D. 2004. « Mannose-specific plant lectins from the Amaryllidaceae family qualify as efficient microbicides for prevention of human immunodeficiency virus infection», Antimicrob Agents Chemother, 48(10): 3858-3870.

Bishop M., Davis A.P. & Grimshaw J. (2006). Snowdrops: A Monograph of Cultivated Galanthus. Griffin Press, Cheltenham.

Davis A.P. (1999). The Genus Galanthus. Royal Botanic Gardens, Kew in association with Timber Press, Oregon.

Davis AP, McGough HN, Mathew B, Grey-Wilson C (2010) CITES bulb, checklist, Timber Press
City, Portland, Oregon.

Anna El Tahchy 2010, Étude de la voie de biosynthèse de la galanthamine chez Leucojum aestivum L. – Criblage phytochimique de quelques Amaryllidaceae, Université Henri Poincaré, Nancy.

Gilljam G. 1993. « Envelope glycoproteins of HIV-1, HIV-2 and SIV purified with Galanthus nivalis Agglutinin induce strong immune responses. » AIDS Res Human Retroviruses, 9: 431-7.

Heinrich M. & Teoh H. L. (2004). «Galanthamine from snowdrop – the development of a modern drug against Alzheimer’s disease from local Caucasian knowledge.» J. Ethnopharmacol. 92: 147-162.

Homère, Odyssée, chant X

Lambinon J., Delvosalle L., Duvigneaud Jacques (2004 – 2008) Nouvelle flore de la Belgique, du G.D. du Luxembourg, du Nord de la France et des régions voisines, Jardin botanique national de Belgique, Meise.

Larsen MM, Adsersen A, Davis AP, Lledó DM, Jäger AK, Rønsted N. 2010. «Using a phylogenetic approach to selection of target plants in drug discovery of acetylcholinesterase inhibiting alkaloids in Amaryllidaceae tribe Galantheae», Biochemical Systematics and Ecology,38(5):1026-1034.

Maciuk Alexandre (2005), Nouvelles méthodologies en chromatographie de partage liquide-liquide sans support solide : application à l’isolement de substances naturelles, Thèse de doctorat en pharmacie, Université de Champagne – Ardennes, Reims.

Nicot Philippe (2011), « Médicaments indiqués en traitement symptomatique de la maladie d'Alzheimer Deuxième partie : effets indésirables » Médecine. Volume 7, Numéro 10, 453-8, Décembre 2011, Thérapeutiques, DOI : 10.1684/med.2011.0772

Plaitakis Andréas et Duvoisin Roger, « Homer's Moly identified as Galanthus nivalis L., Physiologic Antidote to Stramonium Poisoning », dans Clinical Neuropharmacology, 1983, vol. 6, no 1, p. 1-5

Stanley W. B. Ewen et Árpád Pusztai,1999a « Health risks of genetically modified foods », The Lancet, vol. 354-9179, 21 août 1999, page 684

Stanley W. B. Ewen et Árpád Pusztai,1999b « Effect of diets containing genetically modified potatoes expressing Galanthus nivalis lectin on rat small intestine », The Lancet, vol. 354-9187, 16 octobre 1999, pages 1353-1354.

Robin Marie-Monique, Le monde selon Monsanto coédition La découverte/Arte ed., 2008

Sétamou M., Bernal J. S., Legaspi J. C., and Mirkov T. E., 2002 « Effects of Snowdrop Lectin (Galanthus nivalis Agglutinin) Expressed in Transgenic Sugarcane on Fitness of Cotesia flavipes (Hymenoptera : Braconidae), a Parasitoid of the Nontarget Pest Diatraea saccharalis (Lepidoptera : Crambidae) », Annals of the Entomological Society of America, 95(1), 2002, pp. 75 – 83


Roman

Jacques Bullot, Le Gène du Perce-neige, préface de José Bové, Edition du bout de la rue, Vanves, 2008

Liens

http://citesbulbs.myspecies.info/
http://www.kew.org/plants-fungi/Galanthus-nivalis.htm
https://web.archive.org/web/20190206004021/http://www.amaryllidaceae.org/ethno/snowdrop.htm
http://www.tela-botanica.org/page:eflore
http://www.combat-monsanto.org/spip.php?article43
http://www.freenetpages.co.uk/hp/a.pusztai/
http://ogmdangers.org/action/cr_conference/colloque_2003/Pusztai.htm
http://www.infogm.org/spip.php?article885

Illustrations (de haut en bas)

Avenarius, Prof. Dr. Otto Wilhelm Thomé Flora von Deutschland, Österreich und der Schweiz 1885, Gera, Germany, Bulb'argence, Simon Garbutt,Meneerke bloem, X.

On trouvera une abondante iconographie consacrée à Ulysse et Circé sur le site MEDITERRANEES
 
Le perce-neige Galanthus nivalis et espèces proches

Dimanche 16 Février 2014 Commentaires (1)
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