Dans le cadre de la discussion du projet de loi « relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique » le gouvernement a fait adopter le 2 Juin 2016 un amendement visant d’une part à élargir aux abattoirs et aux entreprises de transport le délit de maltraitance envers les animaux et permettant d’autre part de protéger les employés de ces structures qui dénonceraient de tels agissements s’ils advenaient dans leur entreprise.


Pour une fois que le gouvernement actuel prend une bonne initiative en ce qui concerne le traitement des animaux, il est juste de le souligner.

« L’exposé sommaire » qui accompagne un amendement est un texte relativement bref  qui  a pour fonction de l’expliciter, d’en fournir les motifs et le but.  Dans le cas présent, il est très clair. Je le cite en entier.
« La diffusion successive d’images inacceptables dans les abattoirs d’Ales, du Vigan et de Mauléon ont interpellé l’ensemble des acteurs du secteur et les pouvoirs publics, ainsi que les citoyens, et ont renforcé la volonté d’une mobilisation collective.
À ce titre, le présent amendement vise donc à renforcer et harmoniser le cadre des sanctions pénales en qualifiant de délit les mauvais traitements exercés sur les animaux en abattoir et dans les entreprises de transport, comme c’est déjà le cas pour les élevages ou les refuges pour animaux.
De fait, la protection de tous les salariés signalant manquement grave à la loi, apportée dans le présent projet de loi et reprise des dispositions de la loi sur la lutte contre la fraude financière de décembre 2013, pourra alors s’appliquer aux cas des mauvais traitements observés à l’abattoir. Il est indispensable que les personnes qui travaillent dans un abattoir puissent disposer d’une protection particulière lorsqu’ils seraient amenés à constater des infractions à la protection animale dans le cadre de leur travail quotidien. »
Dans cet « exposé sommaire », le gouvernement reconnait donc que c’est la diffusion par l’association L 214 de vidéos montrant les mauvais traitements infligés aux animaux dans ces abattoirs qui est à l’origine de son amendement. Tous ceux qui se soucient du bienêtre animal peuvent donc féliciter et le gouvernement et l’association L 214 ; l’association L 214 puisque sans ses révélations, rien n’aurait été entrepris, le Gouvernement qui a su donner un débouché légal à l’indignation suscité par ces révélations.
 

Bien entendu, les végétariens qui le sont pour des raisons éthiques et non pour des raisons diététiques ne seront pas satisfaits, pas plus que ne le seront les « végans ». D’ailleurs le but que poursuit L 214 n’est pas seulement d’adoucir le sort des animaux promis à l’abattoir. Ce que vise cette association, c’est la disparition des abattoirs, l’abandon d’une alimentation carnée pour des raisons éthiques. Cet objectif peut sembler parfaitement irréaliste mais comme l’énonce un aphorisme célèbre « il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer »

Si un jour, il advenait que les humains renoncent à une alimentation carnée, ce serait contraints et forcés, nécessité faisant loi sur une planète entièrement anthropisée et densément peuplée comme l’est l’ile de Tikopia, une des îles Salomon isolée au milieu de l’Océan Pacifique, un confetti de 5 km2 avec une densité de 240 habitants/km2, peuplée des seuls humains et de leurs cultures vivrières, où même l’élevage a dû être abandonné à cause du manque de place pour produire la nourriture des bestiaux.

Nous n’en sommes pas là et il faut espérer que nous n’y arriverons jamais bien qu’une planète jardin soit une utopie caressée par une certaine forme d’écologie, ce n’est pas celle de l’auteur de ces lignes. L’homme étant un mammifère omnivore, il y a peu de chance que les populations humaines deviennent en masse végétariennes et il y en a encore moins qu’elles deviennent véganes. Il ne faut donc pas se tromper de combat.

Que l’occidental mange moins de viande qu’il n’en mange et qu’il se souvienne qu’il est omnivore, qu’il peut donc aussi manger des céréales et des légumes, sa santé n’en sera que meilleure et cela sera bon aussi pour la planète. Mais vouloir que les hommes ne mangent plus du tout de viande, ce n’est pas conforme à leur nature et c’est une utopie dont les conséquences, multiples et diverses selon les pratiques agricoles, sont difficiles à déterminer. Elles ne seraient sans doute pas toutes positives. Paradoxalement cela pourrait conduire à la disparition des espèces et races d’animaux dont on refuse l’exploitation et/ou l’abattage. C’est ce que peut laisser supposer le cas de races de chevaux de trait ou de vaches jugées improductives ou moins productives que d’autres. Ces races ne subsistent que par la grâce quelques passionnés. Des sociologues considèrent qu’une idéologie végane triomphante pourrait conduire à la fabrication et à la mise sur le marché de viandes obtenues par cultures in vitro.

Après tout, ce n’est pas par pure compassion vis-à-vis des animaux de boucherie mais pour satisfaire l’opinion, choquée à juste titre par les vidéos de L 214 que le Gouvernement a introduit ces sanctions et contrôles par voie législative. C’est pour garantir, sinon la bonne santé, du moins la survie de la filière de l’élevage qui souffre déjà de mille maux. Pour cela, il est vital de rassurer l’opinion publique. Les bêtes seront sacrifiées mais « proprement ».

Cela est bien entendu inadmissible pour les végétariens « éthiques », a fortiori pour les végans. Leur objectif n’est pas d’obtenir que les animaux de boucherie soient abattus dans les meilleures conditions en leur évitant stress et souffrances mais qu’ils ne soient plus abattus du tout et que les abattoirs soient fermés. Cet objectif n’est pas entièrement compatible avec celui d’obtenir une amélioration de la condition des animaux de boucherie pour la raison simple que dans si l’abattage sans stress et sans souffrance d’animaux de boucherie était effectif et reconnu comme tel, végétariens éthiques et végans perdraient un argument de poids pour rallier les gens à leur cause.

C’est pourtant cet objectif qui doit être visé en priorité. Il est ou peut être consensuel au sein de la société et il y a encore beaucoup à faire pour que les animaux de boucherie soient abattus sans stress mais c’est possible comme le prouvent les résultats obtenus par Temple Grandin (Cf.  son ouvrage qui a eu plusieurs rééditions  Livestock Handling and Transport, 4th Revised ed. (June 27, 2014),  CABI éditeur). Il existe aussi des initiatives à encourager comme celle d’un  camion abattoir allant de ferme en ferme évitant aux animaux le stress et l’inconfort du transport et du séjour dans ces grandes unités qui abattent à la chaîne. D’autres éleveurs sont partisans de l’abattage dans le pré, d’un coup de fusil : « Vous savez, quand une vache est abattue dans le pré, elle ne s’y attend pas et les autres ne sourcillent pas. Cela change tout » (20 Minute «Nous voulons obtenir le droit d'abattre nos animaux dans nos fermes», 27/2/2016). Il faut qu’un mouvement d’opinion fasse évoluer la législation à l’échelle européenne. Jusqu’à présent, la loi interdit que les bêtes soient abattues à la ferme. 

Il va sans dire que cette recherche du bien-être du bétail suppose que l’on abandonne tout égorgement sans étourdissement préalable. Certaines autorités religieuses musulmanes considèrent que cet étourdissement, dès lors qu’il est en droit réversible permet un abattage hallal. Par contre, les autorités religieuses juives se sont montrées jusqu’à présent plus intransigeantes en ce qui concerne l’abattage casher. Il faudra leur faire comprendre qu’un peu plus de souplesse est nécessaire de leur part, d’autant que les fidèles de cette religion ont l’interdiction de manger la partie arrière de l’animal abattu qui est commercialisée sans qu’il puisse être fait mention de la façon dont il a été abattu, malgré la demande réitérée d’associations de consommateurs, d’éleveurs et de vétérinaires.

Récemment, lors de son audition devant la commission d’enquête parlementaire sur les « Conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français » le ministre de l’agriculture a encore déclaré qu’il était contre un tel étiquetage au motif que les barquettes de viande qui porteraient l’étiquette « abattu de manière casher » seraient invendables alors qu’il s’agit de morceaux que les non-juifs considèrent comme nobles : « Si on fait ça, on aura sur la barquette "abattu de manière casher". Bon, ça veut dire que la moitié de l’animal, quand il sera abattu ne sera pas commercialisable et sur les parties, pour ce qui nous concerne nous, les plus nobles [...] Moi sur ce sujet, je ne suis pas favorable à l'étiquetage. »

Lors de la dernière élection présidentielle seul Jean-Marc Governatori de l’Alliance Ecologiste Indépendante (AEI) avait proposé l’Interdiction de l'abattage sans étourdissement préalable, et l’interdiction de l'importation de viande issue d'animaux abattus sans étourdissement, et cela dès Janvier 2012, avant donc que cette question instrumentalisée par l’extrême-droite fasse irruption dans les médias. Mais en 2012 comme en 2007, Jean-Marc Governatori n’a  pas eu les 500 signatures pour se présenter. Quant à la candidate EELV, empêtrée dans les contradictions de son parti, elle avait choisi le déni de réalité, soutenant qu'ainsi sacrifiées, les bêtes ne souffraient pas !

Il est à noter que lors d’autres auditions de cette commission d'enquête parlementaire sur les «Conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français», des associations mais aussi des professionnels des abattoirs ont souligné que la recherche du bien-être animal était en contradiction avec l’absence d'étourdissement pour l'abattage rituel. Peut-être serait-il possible de s’appuyer sur les nouvelles dispositions législatives introduites par cet amendement pour rendre cet étourdissement obligatoire dans les abattoirs français avec interdiction d’importation de viande d’animaux abattus sans cet étourdissement préalable. Cela monterait que ces dispositions ne sont pas là seulement pour calmer l’opinion mais qu’elles sont utiles.

Le bien-être du bétail est un combat et un souci qui est actuellement porté sur la place publique surtout par les végétariens éthiques et les végans. Mais finalement, eux aussi instrumentalisent le combat contre cette maltraitance en s’en servant pour tenter de culpabiliser les gens ou de provoquer des sentiments de pitiés pour qu’ils renoncent à une alimentation carnée. Lorsqu’ils exhibent des portraits de petits veaux tout mignons, il serait bon de leur rappeler que si tout le monde suivaient le même régime qu’eux, ces veaux n’existeraient plus qu’en photo.  

Ce sont les omnivores qui devraient être à la pointe du combat pour le bien-être du bétail. En effet, assumer son statut d’omnivore opportuniste ne veut pas dire être insensible à la souffrance des animaux que nous mangeons. Il faut les tuer proprement, rapidement et par surprise. Il faut aussi que leur vie, bien que brève, ait été la meilleure possible et donc pas de gavage, pas d'élevage hors sol. C’est une exigence éthique et sa satisfaction concerne au premier chef tous les omnivores humains.

Ces dispositions légales ne sont qu'un début. Il y a encore beaucoup à faire et il faudra sans doute du temps pour que les choses changent vraiment.
 

Dimanche 19 Juin 2016 Commentaires (1)
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