Laurent Wauquiez, le nouveau président (LR) de la nouvelle région Rhône-Alpes-Auvergne a annoncé le mardi 4 Mai, à Lans-en-Vercors un plan de 200 millions d’euros sur cinq ans pour le développement de canons à neige dans les stations de ski de piste pour produire de la neige artificielle censée pallier un éventuel manque de neige naturelle et mettre le ski de piste à l’abri des caprices de la météo et des changements climatiques. On ne pouvait imaginer mieux en matière de plan anti-écologique : un gaspillage énorme d’énergie et d’eau. Il faut prévoir aussi de nouvelles atteintes à la biodiversité montagnarde et le massacre de nouvelles zones humides à cause de la création de « retenues collinaires », c’est-à-dire des barrages qui accumuleront de l’eau pour alimenter ces maudits canons. Ces retenues collinaires sont d’ailleurs un projet sur lequel le nouveau Conseil régional travaille avec la Compagnie nationale du Rhône.


On s’étonnera moins de cette gabegie et de ce saccage programmé lorsque l’on saura que le « Monsieur Montagne » du Conseil régional, Gilles Chabert, dirige aussi la structure qui chapeaute l’Ecole (privée) du ski français, un mélange des genres inquiétant mais que Wauquiez et l’intéressé acceptent sans aucun état d’âme. On en voit le résultat.

Cet homme dont Wauquiez a fait son « Monsieur Montagne » est un redoutable lobbyiste au profit de cette Ecole de ski et il sait  ménager ses intérêts. Voici un extrait du portait que trace de lui Nicolas Stiel, dans l’édition du  28-02-2014 du journal Challenge « Surnommé "le général de l’Armée rouge", Chabert règne sur la montagne. Son royaume dépasse les 17.000 moniteurs de l’Ecole du ski français (ESF) et leurs 250 millions d’euros d’activité. Membre des conseils d’administration de la Compagnie des Alpes, de la Banque populaire des Alpes et du Dauphiné libéré, il siège dans de nombreuses instances et associations de montagne. A Paris deux jours par semaine, il a ses entrées aux ministères des Sports, du Tourisme, de l’Education nationale. L’Assemblée et le Sénat, il y va quand il veut avec son badge d’accès. A Bruxelles, son ami Michel Barnier, commissaire européen, fait avancer ses dossiers. » Cet ancien bucheron est aussi un fervent chasseur qui se soucie comme une guigne de la Nature et de sa préservation.Il est typique des personnes dont s’entoure Wauquiez qui lui aussi n’a rien à faire de la nature et de sa préservation.

A propos de ces retenues collinaires contre lesquelles il existe heureusement de nombreux verrous dans la législation et la réglementation environnementale, Wauquiez aurait déclaré « S’agissant de l’environnement, il n’y a rien d’incompatible. Il faut arrêter de faire du foin ». Ce que, selon le journal La Montagne (4/5/2016), « Gilles Chabert (…)  traduit à sa manière en déclarant : « S’il est une espèce à protéger en montagne, c’est bien l’homme. Les libellules dépressives, on s’en fout » Mauvais jeu de mot, ou une grossière erreur (l’espèce en cause est la libellule déprimée, ainsi nommée à cause de son abdomen plat et large !) en tout cas, une belle absurdité qui classe le bonhomme !

On ne peut imaginer en effet plus grand mépris à l’égard de la Nature et la biodiversité mais aussi de tous ceux qui font partie de l’espèce humaine, habitent la montagne, en vivent mais en ont une autre pratique que celle, dépassée et sans doute condamnée à laquelle s’accrochent les maires et responsables des stations de ski que ces deux sinistres personnages caressent dans le sens du poil. Tout pour les stations de ski, pour cette activité en voie de ringardisation qu’est le ski de piste et rien pour les autres. Tant pis pour eux et tant pis pour la montagne, sa flore, sa faune, ses paysages, sa naturalité qui fait tout son attrait en dehors des domaines skiables et de tout l’artificiel de villes mises à la montagne.

Voici le texte de la lettre ouverte que Mountain Wilderness France a adressée aux sieurs Wauquiez et Chabert ce 12 mai 2016.


Plan neige de la région Auvergne-Rhône-Alpes
200 millions pour les canons ? Quelle politique pour les 97% restant des territoires de montagne ?
 
Monsieur Wauquiez, Monsieur Chabert,
Nous avons écouté avec attention vos différentes déclarations relatives à la nouvelle politique "montagne" de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Vos propositions d’investissements visent à lever 200 millions d’euros sur 6 ans pour financer un "plan neige" axé principalement sur le développement des capacités de production de neige artificielle. Ces investissements concernent les stations de ski de piste soit, moins de 3% du territoire montagnard pour 3 mois d’activité par an.

Qu’en est-il du "reste" des territoires de montagne ?

Ceux-là même qui portent la valeur inestimable d’être parmi les derniers espaces de nature préservée en Europe, riches d’une beauté exceptionnelle et de patrimoines rares, riches d’expériences humaines extraordinaires, garants d’un tourisme 4 saisons, multi-activités et porteurs d’emplois pérennes ?

Qu’en est-il des femmes et des hommes, pluriactifs, qui vivent et travaillent à l’année au sein de ces territoires et des visiteurs qui s’y rendent tout au long de l’année ?

Nous nous interrogeons sur votre plan d’actions concernant les 97% restants des espaces montagnards. Quelle est votre politique pour ces territoires qui font eux aussi la renommée de nos montagnes dans le monde entier ?
Rappelons que le ratio du chiffre d’affaires de l’activité touristique est de l’ordre de 50% en hiver et 50% en été. Ainsi sur les 11 milliards d’euros dépensés en 2013 par les touristes dans nos montagnes, si 4,81 l’ont été en station, 6,13 l’ont été dans la montagne hors station ! Par conséquent, investir toutes les ressources publiques pour la seule mono-industrie du ski de piste nous semble résolument une vision passéiste et tellement réductrice face aux mutations observées de toutes parts au cœur de nos montagnes et de nos sociétés humaines. Ce serait un véritable gâchis !

Gâchis de ressources énergétiques et de capital environnemental

L’essor du ski connu dans les années 70 et le miracle de l’or blanc se trouvent 50 ans derrière nous. À l’époque, la pratique du ski de piste sur des terrains aseptisés explosait. Aujourd’hui, elle stagne et préfigure une probable régression. Les aspirations humaines sont ailleurs.

Les changements climatiques à l’œuvre modifient fortement la donne en montagne, avec une conscience de plus en plus claire que ce mouvement va en s’accélérant. Le réchauffement des températures, compris entre +1,6 et +2,2°C depuis 1950, est particulièrement sensible dans les Alpes et s’est accéléré depuis la fin des années 80. C’est deux fois plus que la moyenne mondiale et la région des Alpes du nord est celle qui se réchauffe le plus en France. Faut-il rappeler que les canons à neige consomment beaucoup d’énergie et d’eau ? Et que pour être produite et conservée, la neige nécessite des températures froides ?

La montagne, espace de rêves

Les tendances se dessinent de plus en plus clairement autour de motivations à rejoindre nos montagnes simplement, pour respirer, se ressourcer, retrouver un peu de sérénité dans nos sociétés actuelles en pertes de repères, de plus en plus secouées par les tensions et le stress. Aller en montagne, pour s’émerveiller et redécouvrir des sensations fortes a peut-être à voir avec le sens même de la vie humaine. Cette recherche d’authenticité des liens avec la nature explique sans doute la forte progression des pratiques douces de la montagne, en terrains peu ou pas aménagés. Preuve en est la très bonne santé des pratiques de randonnée, à ski, à pied ou en raquettes.

Pour l’avenir de nos montagnes, investissons dans l’énergie humaine !

Hébergeurs, agriculteurs, restaurateurs, guides et accompagnateurs en montagne, gardiens de refuge, garde-moniteurs des parcs nationaux et régionaux, artisans, artistes, bergers, producteurs locaux, acteurs du développement territorial ou encore élus des territoires de montagne : une multitude de femmes et d’hommes font aujourd’hui preuve de créativité et d’audace pour aller vers un tourisme, vers des activités économiques, vers des modes de vie plus en harmonie avec nos territoires montagnards, leurs singularités uniques et leurs véritables richesses. Tournons la page des anciens modèles de développement. Investissons dans les passions et l’énergie humaine !
Monsieur le Président et Monsieur le Conseiller spécial, nous sommes disponibles pour travailler et inventer un autre avenir, l’avenir de la montagne.

Frédi Meignan,
Président de Mountain Wilderness France
Association nationale de défense de la montagne, agréée protection de l’environnement et reconnue d’utilité publique.



Malheureusement, il y a toutes les malchances pour que cette lettre reste lettre morte. Les associations de défense de la Nature, de la montagne et de l’environnement vont avoir du pain sur la planche.
 

Samedi 14 Mai 2016 Commentaires (0)
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