Pour la postérité, il vaut mieux avoir été littéraire que scientifique. On se souvient assez bien de Paul Léautaud à Fontenay-aux-Roses où il a vécu comme dans le reste du monde. Son œuvre est rééditée, commentée. Par contre son voisin de la rue Guérard, Georges Bohn, biologiste n’est plus guère connu aujourd’hui que de quelques spécialistes et historiens de la biologie et de la psychologie animale malgré ses nombreuses publications et une importante renommée de son vivant. On ne trouve ses ouvrages qu’en bibliothèque ou chez les bouquinistes. Certes, ces disciplines ont évolué depuis le premier quart du siècle dernier mais ce n’est pas pour autant que ses ouvrages sont sans intérêt. On peut constater qu’à son époque, le darwinisme n’était pas encore un dogme aussi bien installé qu’aujourd’hui et que la notion d’évolution était bien mieux questionnée qu’elle ne l’est de nos jours.



Voici quelques citations extraites de ses Leçons de zoologie et de biologie générale parues en 1935 chez Hermann. Elles concernent l’homme, homo sapiens sapiens et la notion d’évolution. Dans le tome VII, Georges Bohn remarque que « l’homme est un Mammifère redressé encore assez mal adapté à cette nouvelle attitude. Les viscères abdominaux, en particulier le foie, tendent à descendre. Les chutes d’organes s’appellent les ptoses ; elles sont fréquentes chez l’Homme et peuvent entrainer des désordres organiques. Chez les singes, les muscles de la paroi intérieure de l’abdomen sont plus forts et forment sangle » (p. 83) Voilà pour la station debout dont nous sommes si fiers.
Georges Bohn remarque que les « désharmonies du développement de l’œuf des Mammifères pourraient être considérés comme le résultat d’un conflit entre les « adaptations nouvelles » et les « souvenirs ancestraux » si l’on admet que les œufs des Mammifères dérivent des œufs à vitellus abondant des Vertébrés ovipares. La viviparité aurait entraîné la perte des réserves nutritives de l’œuf ; la lécithocèle serait un souvenir du sac vitellin de l’œuf des ancêtres des Mammifères. » (p.30)
Voilà donc pour le « progrès » de l’évolution et sa marche en avant qui peut être comme le souligne l’auteur une marche en arrière, une « dégénérescence » selon son expression. « Nouveau » ne signifie donc pas nécessairement « meilleur ». C’est nouveau, donc à certains égards, cela peut aussi être pire. Une leçon diamétralement opposée à celle que la publicité nous matraque, opposée aussi à l’idéologie du progrès dans laquelle nous baignons.


L’évolution est un changement, pas nécessairement un progrès ...

L’évolution est un changement, pas nécessairement un progrès : un organisme qui a évolué peut avoir à certains égards dégénéré. « L’évolution des Mammifères, qu’on a considérée longtemps comme l’aboutissement d’une « course vers le progrès », conduit trop fréquemment à des formes de déséquilibres : les Cétacés, les Proboscidiens, les Édentés en sont l’exemple » (p. 65). L’Homme ne fait pas exception à cette règle. Georges Bohn cite le cas du système pileux avec atrophie des poils et persistances des follicules pileux. Les poils de seconde formation sont « incapables de protéger la peau contre le refroidissement, ces rudiments du revêtement ancestral ne font que favoriser la pénétration des microbes, agents d’affections diverses cutanées » p.91. D’ailleurs, de façon plus générale « au point de vue de la régulation thermique, l’Homme civilisé serait, d’après Magne, un dégénéré » (p.103) Le biologiste mentionne aussi l’appendice cæcal, « cet organe ne parait exercer aucune fonction utile (…) Sa présence est la cause des appendicites dont on connait les dangers » (p. 91).

Commentaire en guise de conclusion

Si l’Homme est le terme de l’évolution, alors le résultat n’est pas des plus brillants comme on peut le constater lorsque l’on se remémore ces imperfections multiples que souligne Georges Bohn. Quant à ceux qui considèrent que Dieu aurait créé l’Homme à son image, soit l’image est peu fidèle, soit le modèle n’a pas la perfection supposée …. Mais si le modèle est parfait, l’image devrait être fidèle… Mais lorsque l’on croit, on n’en est pas à un paradoxe près.


Mardi 23 Août 2011 Commentaires (1)

Commentaires

1.Posté par Marc GUILLAUMIE le 28/06/2015 22:22
Bonjour,
je viens de lire "La Forme et le mouvement", de Georges Bohn. C'est vrai que la fin du XIXè siècle (et ses prolongements : ce livre est de 1921, semble-t-il) est une époque passionnante, où s'est exprimée une vraie liberté dans la recherche. Aujourd'hui peut-être la grande masse des chercheurs en sciences de la vie, plus soucieux de rentabiliser leurs efforts ou d'entrer dans des labos à gros budget capables d'assurer les renommées par de vastes opérations de "marketting", me semblent beaucoup plus suivistes - et nettement moins inventifs, malgré le tapage de l'industrie et des médias. Mais je ne suis pas biologiste et j'en juge peut-être mal.
En revanche, je suis certain que vous vous trompez en attribuant implicitement au darwinisme l'idée d'un progrès évolutif. Cette idée, en partie d'origine lamarckienne, est rejetée par Charles Darwin à plusieurs reprises dans des termes très clairs dès 1859 et jusqu'à la fin de sa vie. L'évolution darwinienne n'est ni un progrès ni un recul. L'idée de dégénérescence, quant à elle, est une vieille lune très antérieure à Lamarck ou au darwinisme : elle a son origine dans la pensée religieuse. Que Georges Bohn mette cette idée en avant est plutôt une faiblesse de ce naturaliste, par ailleurs très intéressant, et que je vous remercie d'avoir cité.
Bien à vous.
Marc Guillaumie.

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