Dans quatre mois se dérouleront les élections municipales et la campagne électorale est lancée. À cette occasion l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) met à disposition des candidats un guide intitulé « Demain mon territoire ». Partant du principe incontestable que les maires seront des acteurs clés de la « transition écologique », l’Agence veut faire pression sur eux pour les amener à intégrer dans leur programme des mesures qu’elle estime propres à favoriser cette transition.

Parmi les actions sur lesquelles les candidats aux municipales devraient s’engager selon l’ADEME, certaines sont pour le moins discutables. C’est notamment le cas de celle qui consisterait à servir deux repas végétariens par semaine en restauration scolaire. Le but de cet article est de monter qu’il s’agit d’une fausse bonne idée.


Résumé

L’affirmation liminaire de la fiche consacrée à l’alimentation selon laquelle notre façon de nous nourrir est mortifère est hors de propos en ce qui concerne la restauration scolaire et de façon plus générale, elle est non fondée (§2.1 et 2.2). Le §2.3 montre l’absence de justification à la mesure en cause d’un point de vue nutritionnel. Elle va à l’encontre des recommandations du Plan santé et risque d’induire des comportements alimentaires à risque chez les ados. Le §3 montre d’abord l’impraticabilité d’un changement de régime en faveur d’un régime végétarien dans la restauration scolaire. Cela est dû au caractère peu dense des protéines des légumineuses et des céréales, de leur pauvreté en fer, de la nécessité de les associer selon des proportions bien définies pour avoir dans une portion les acides aminés essentiels. Il montre ensuite que l’élevage et notamment l’élevage herbager peut être (et en France EST majoritairement) écologiquement vertueux en étant économe en eau, en préservant les puits de carbone que sont les prairies et la biodiversité qui leur est inhérente. Il en résulte que l’adoption d’un régime sans viande ne réduirait les émissions de GES qu’à la marge mais aurait par contre des conséquences graves tant écologiques que sociales et économiques.
Dire NON au lobbying pro-végétarien de  l’ADEME !

1. Cet opuscule traite de vingt thèmes au travers de vingt fiches, un par fiche, qui tentent de balayer tous les sujets concernant la « transition écologique ». Chaque fiche est construite selon un même modèle : un titre avec une illustration, puis un paragraphe « pourquoi c’est important » précède un paragraphe « comment faire » suivi de « chiffres clés » motivants. Ensuite on trouve des exemples de réalisation émaillés de quelques nouveaux chiffres encourageants. Ces exemples ne sont pas simplement des illustrations. Ils servent aussi, selon moi, à susciter l’émulation (Si eux font déjà tout cela, pourquoi pas moi !). Enfin la fiche se termine sur une liste d’actions où chaque item est assorti d’une case que l’élu devra cocher s’il souhaite s’engager à la réaliser lors de son prochain mandat ; le bon élu devant évidemment cocher toutes les cases !

Selon le directeur de l’ADEME, il s’agit « d'aller chercher des collectivités jusque-là éloignées des préoccupations de transition énergétique » [écologique a-t-il voulu dire, je présume. Lapsus révélateur !] Certes, l’ouvrage est bien fait pour mettre la pression sur les candidats. Il se veut pédagogique et pratique. Les paragraphes sont courts, les illustrations plaisantes, la mise ne page aérée. Mais il est aussi simplissime maniant les tartes à la crème du parfait petit écologiste et, revers de la médaille, il a une allure de « manuel pour les nuls », les nuls en question étant  les futurs élus maires, certes sacrés par l’ADEME « hussards de la transition écologique » mais qu’elle semble juger ignares en écologie et peu soucieux de la gravité des problèmes comme de l’urgence de leur solution dans le cadre de cette transition. Il faut donc inculquer à ces élus insouciants et incultes le b.a.-ba de l’écologie, les motiver et leur livrer un programme clé en main ! Je ne sais si cela plaira à tous les candidats d’être pris pour des écoliers un peu « bas de plafond » par les sages et savants professeurs de l’ADEME.

Ce programme prémâché tel qu’il se dégage de ces vingt fiches et des engagements associés à chacune d’elles est-il vraiment le « The best en matière de transition écologique » qu’il prétend être selon l’expression du Courrier des Maires et des élus locaux ? Pas si sûr ! Sur quelques thèmes qui font débat, on peut aussi considérer que les choix dogmatiquement déclinés ne sont pas les bons.

Dans cet article, c’est la fiche « Alimentation » que je vais critiquer mais elle n’est pas la seule critiquable !
 
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2.1 Elle commence par culpabiliser le lecteur. Notre cuisine dont nous sommes pourtant fiers à juste titre est mortifère selon l’ADEME :
« La façon dont nous nous nourrissons n’est bonne ni pour notre santé, ni pour la planète. Trop de graisses, de sucres et de protéines animales augmentent les risques d’obésité, de diabète, de maladies cardio-vasculaires et aggravent le changement climatique. »

« Pas bonne pour notre santé » la façon de nous nourrir ? Il ne faut rien exagérer. Dans nos pays dits « développés », les progrès ont été considérables du point de vue nutritionnels depuis le début du XIXe siècle : plus de dégâts ni de mort causés par des carences vitaminiques et minérales comme le scorbut (vitamine C), le rachitisme (vitamine D), la pellagre (vitamine PP), la cécité irréversible (vitamine A), certains goitres (Iode), etc. pour ne prendre que cet exemple des vitamines et minéraux. Le tableau n’est donc pas si noir même s’il y a toujours à faire, notamment pour assurer la sécurité des aliments comme le montrent les alertes et les crises  sanitaires récentes qui ont eu  parfois  des conséquences  dramatiques  en  matière  de  santé  publique  et  un  impact économique significatif (voir le rapport de la Cour des Comptes 2019, T.2, Ch. 7).

D’ailleurs à qui renvoie le «nous » de ce texte ? La façon dont JE ME nourris n’est sûrement pas la bonne mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit dans ce contexte. Peu importe la façon dont je me nourris, il s’agit de la nourriture que l’on va servir à des enfants, des  préados et des ados !

Or l’ADEME semble ignorer que les menus des cantines sont supervisés par des diététicien(ne)s ! Ils sont conformes au « Programme national nutrition-santé », adaptés à ceux auxquels ils sont destinés en quantité et en qualité ; ils sont variés et n’ont ni trop de graisses, de sucres ou de protéines. C’est la base ! Ce n’est pas les menus servis dans les cantines des établissements scolaires qui sont des vecteurs de ces maladies actuelles énumérées par l’ADME, ces maladies qui frappent les trop ou trop mal nourris.

2.2 Cela dit, que les gens se nourrissent mal au regard des recommandations des agences officielles, c’est probable mais ce n’est pas la question. Sans compter qu’il reste à savoir si ces recommandations sont suffisamment fondées sur des données expérimentales et cliniques. Ce n’est pas certain vu l’impossibilité d’effectuer des études randomisées sur le sujet, c’est-à-dire que dans les études sur lesquelles se fondent ces recommandations, on ne compare pas deux groupes de personnes  constitués suivant une distribution aléatoire dont l’un aurait reçu un type d’alimentation particulier (à base de viande rouge ou de charcuterie par exemple). Cet échantillonnage ayant pour but  réduire ou supprimer l'interférence de variables autres que celles qui sont étudiées, c’est seulement avec de telles études, impossibles dans ces cas pour de multiples raisons, que l’on pourrait justifier une relation de causalité avec une quasi-certitude. En la matière n’est possible que la mise en évidence d’une association positive sur la base de preuves plus ou moins contraignantes.

C’est d’ailleurs pourquoi l’OMS ni n’indique une relation de causalité entre viande rouge et cancer par exemple, ni ne quantifie le risque. L’OMS  via le CIRC « a classé la consommation de la viande rouge comme probablement cancérogène pour l'homme (Groupe 2A) et la viande transformée (donc la charcuterie) comme cancérogène pour l’homme (Groupe 1) à partir des travaux d’un groupe de travail de 22 experts venus de 10 pays différents ». Pour autant il faut bien comprendre ce que cela signifie. Cela ne signifie pas que manger du saucisson est aussi cancérogène que fumer du tabac ou de respirer de l’amiante pour la raison que, rappelle l’OMS, « Les classifications du CIRC décrivent la force des données scientifiques sur un agent comme étant une cause de cancer, mais n'évaluent pas le niveau du risque. » De plus, dans le cas de la viande rouge il s’agit d’ « indications limitées ». Il faut entendre par là «qu'une association positive a été observée entre l'exposition à la consommation de viande rouge et le cancer mais que d'autres explications pour ces observations (techniquement désignées par les termes de hasard, de biais ou de facteurs de confusion) ne pouvaient être exclues » (OMS, 2015).

La plupart des grands médias et de très nombreux sites ne s’embarrassent pas de ces «subtilités » et transforment allégrement « association positive » en « causalité ». Il est regrettable que l’ADEME fasse de même. Un tel biais de sa part n’est rien d’autre qu’une injonction dissimulée à l’adoption de régimes végétariens, sans doute parce qu’elle croit que cela peut aider à limiter l’importance du réchauffement climatique.

Malheureusement de tels biais sont le meilleur moyen de désorienter les gens lorsque paraît une nouvelle expertise qui évalue différemment les preuves disponibles et en tire d’autres conséquences. C’est ce qui s’est passé très récemment dans le cas de la viande rouge et de la viande transformée.
 
Cette expertise a été menée par quatorze experts de sept pays différents. Ces experts ont utilisé une nouvelle méthodologie pour juger de la qualité des preuves disponibles sur la base desquelles a été formulé le classement de la viande rouge et de la viande transformée. Il en résulte que le classement de la viande rouge en cancérogène probable ne repose que sur des preuves dont la certitude est « faible ». Les liens trouvés entre les viandes transformées (la charcuterie) et les maladies cardiovasculaires ou le diabète reposent sur des preuves dont la certitude est jugée « très faible » (Johnston et al. 2019). Dans ces conditions doit-on continuer à recommander de fortement limiter la consommation de ces aliments chez les adultes ?

La réponse des auteurs de l’étude est négative. Bradley Jonhston, coordinateur de l’équipe d’expert l’a résumée en ces termes « Nous livrons aux gens notre meilleure estimation de la vérité, qui est incertaine. Selon leurs propres préférences, ils peuvent décider de réduire ou d’éliminer [la viande rouge et la viande transformée]. Mais notre recommandation est que, pour la plupart des gens, la meilleure approche est de continuer, étant données la très faible réduction de risques et l’incertitude des preuves ». Ce n’est pas l’avis d’autres « experts » qui sans remettre en cause les résultats considèrent que les recommandations qui en découlent sont irresponsables.

Dans cette affaire extrêmement embrouillée, il faut d’abord remarquer que la méthode utilisée semble prometteuse et permettra de fournir des évaluations robustes notamment en matière d’épidémiologie. Il faut ensuite faire preuve de circonspection dans les conclusions que l’on en déduit en matière de recommandation. C’est pourquoi, je pense que la leçon qu’il faut en tirer est celle de John Ioannidis, épidémiologiste, professeur de médecine à Stanford, rapportée par Le Monde : «Il faut « être honnête lorsque les preuves sont de très faible qualité » » et de façon plus générale : «la façon dont les épidémiologistes promeuvent avec ferveur l’existence de bons et mauvais aliments depuis des années nous a détournés de messages plus simples et plus importants, tels que la nécessité de manger avec modération et de ne pas devenir obèses » (Le Monde 01 /10/ 2019). C’est précisément ce que fait l’ADEME dans sa volonté de dénigrer la viande.  

2.3 Dans le « Comment faire » de la fiche alimentation on peut lire « À la cantine et au self, on change de régime. Les  menus proposent  moins  souvent  de  la  viande mais de meilleure qualité et compensent avec  davantage  de  légumineuses,  de  céréales  et de produits de saison. On revoit les cahiers des charges, en introduisant des clauses sur la présence  de  labels  alimentaires,  d’indications  géographiques, de repas végétarien... »

L’un des engagements consiste à « Encourager d’autres habitudes alimentaires en proposant au moins deux repas végétariens par semaine à la cantine »

L’ADME mélange tout : produits de saison, labels, circuits courts avec les repas végétariens !

Pour les circuits courts et les produits de saison, on ne peut qu’être d’accord. Mais il faut hiérarchiser : les produits de saison doivent primer sur les circuits courts lorsque ceux-ci ne peuvent les fournir ; par exemple il ne faut pas s’interdire de manger des oranges en hiver. Ces deux catégories doivent primer sur les labels qui bien souvent ne font que renchérir le prix de vente du produit. Mais cela n’a rien à voir avec le fait de servir des repas végétariens. D’ailleurs de quel végétarisme s’agit-il ? Celui qui autorise les produits laitiers ou qui les prohibe ? Quid du poisson, des œufs ? Espérons que l’ADEME ne propose pas de servir des menus végétaliens (i. e. sans aucun produit d’origine animale) !

Pourquoi faudrait-il « au moins deux repas végétariens » ? Donc, éventuellement tous ! Pourquoi pas au plus deux ?  Pourquoi pas un seul voire aucun ? Pourquoi supprimer à la cantine des plats avec viande alors que l’on sait que le repas du soir risque fort d’être également sans viande pour beaucoup ? Sur quelles données se fonde l’ADEME pour décider que les enfants des cantines scolaires mangent trop de viande et que pour rétablir leur équilibre nutritionnel il faut leur donner x repas végétariens ? Et si certains, dans certains milieux, au contraire n’en mangeaient pas assez pour assurer leur bon développement ?

Les guides nutritionnels édités par les ministères et les organismes ad hoc, notamment les «  Guides alimentaires du Programme national nutrition-santé » mis en place par l’Afssa (Agence française de sécurité sanitaire des aliments, devenue ANSES) recommandent pour les enfants comme pour les ados de manger de la viande « une à deux fois par jours » (Cf. par exemple, Le Guide nutrition pour les ados 2006,  Le guide nutrition des enfants et ados pour tous les parents 2015). Dans le Guide 2015 on peut lire : « La déficience en fer est fréquente chez l’adolescente, notamment en raison des pertes liées aux règles. Elle est encore plus fréquente si votre ado mange peu de viande ou de poisson ou est végétarien. Ce manque peut entraîner une anémie et donc une grande fatigue. » (p. 96) Le végétarisme, quelle que soit sa forme n’est jamais recommandé et le végétalisme (sans aucun produit d’origine animale) est fortement déconseillé : « Le végétalien, lui, supprime en plus les œufs et les produits laitiers (c’est-à-dire tous les aliments issus des animaux). Ne suis surtout pas ce régime, tu aurais de graves déficiences non seulement en protéines mais aussi en fer et en calcium! » (Guide 2006)

Les guides édités par l’Afssa (ANSE) s’inquiètent du dégoût de la viande que sont susceptibles d’éprouver certains adolescents, de leur désir de se singulariser en adoptant ces régimes sans viande (Guide 2015). Tout cela est en contradiction avec les pressions de l’ADEME pour servir des repas « végétariens » dans les selfs et les cantines pour inciter à changer de régime (abandonner un régime omnivore carné ?). D’autant que l’on sait que pour les végans, le végétarisme est un premier pas facilitant l’évolution d’un individu vers ce végétalisme qu’ils espèrent lui faire adopter grâce à une propagande adéquate du type de celle de L 214 qui inonde les réseaux sociaux et à laquelle les grands médias donnent maintenant une large place.
 
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3. On pourrait dire : ce n’est pas grave, on remplacera la viande par des légumineuses et des céréales, et ce sera un changement de régime propre à réduire les émissions de GES. C’est ce que vise l’ADEME. Mais peut-on vraiment compenser la viande par  « plus de légumineuse et plus de céréales » dans le régime des enfants, des pré-ados et des ados en restauration collective ? Cela vaut-il la peine d’un point de vue écologique ? Contrairement à la doxa écolo semi-officielle et en tout cas en vogue dont l’ADEME est ici le parfait représentant, il faut répondre par la négative.

3.1 ● Peut-on vraiment compenser la viande par « plus de légumineuse et plus de céréales » dans le régime des enfants, des pré-ados et des ados en restauration collective?

Il en faudra beaucoup plus ! Par exemple, les lentilles une fois cuites n’apportent que 8g de protéines pour 100g, contre 25g pour la viande. Pour obtenir ces 25g, il faudrait ingurgiter plus de 300g de lentilles et cela ne serait pas suffisant ! Faut-il rappeler que les protéines animales contiennent selon les bonnes proportions tous les acides aminés qui sont nécessaires à l’humain tandis que celles fournies par les légumineuses manquent de cystine et méthionine, deux acides aminés indispensables à l’humain. Quant aux protéines issues des céréales, elles manquent de lysine. Ces acides aminés absents soit des légumineuses, soit des céréales sont cruciaux pour les muscles, les os et la peau. Ils interviennent également dans de nombreux processus, comme la reproduction ou le système immunitaire.

Pour compenser la viande, il ne faut donc pas seulement « d’avantage de légumineuses et de céréales », il faut aussi que ces légumineuses et céréales soient consommées en quantité suffisante dans les bonnes proportions au cours du même repas, de préférence dans le même plat, par exemple en mélangeant au riz des lentilles. Enfin, il faudra  aussi s’assurer que l’écolier ou le collégien ne trie pas dans son assiette les lentilles du riz qu’il n’aime pas (ou l’inverse) ! 

Quant au fer, essentiel pour prévenir la fatigue et l’anémie, celui issu des aliments d'origine animale est plus assimilable que celui des végétaux qui l’est peu. Il faut donc mieux mettre du persil sur son steak haché que se goinfrer des légendaires épinards chers à Popeye ! La vitamine C contenue dans le persil améliore encore l’absorption du fer présent dans le steak.

Plus encore qu’un adulte, un enfant ou un pré-ado a besoin de repas riches en protéines, en acides aminés et oligoéléments. Jusqu’à preuve du contraire la façon la plus simple et la plus sûre sera toujours de leur faire manger de la viande. Comme le rappellent White et Hall (2017) « Des travaux antérieurs [aux leurs JFD] ont confirmé les difficultés rencontrées pour satisfaire les besoins essentiels en vitamines, en minéraux et en acides gras dans les régimes à base de plantes. Il est tout à fait possible de satisfaire les besoins en nutriments d’un individu avec des rations à base de plantes soigneusement élaborées et non complétées, mais cela peut être difficile à réaliser dans la pratique pour toute une population » surtout lorsqu’il s’agit d’une collectivité comme les écoles ou les collèges !

La sagesse, c’est « un peu de tout », la juste mesure et non le stupide « sans … » ! Par contre une cantine offrant de temps à autre des repas pour découvrir et goûter les cuisines et les saveurs d’Ailleurs serait une bonne initiative propre à promouvoir l’ouverture à l’Autre et au Monde et donc favoriser la paix entre les peuples.

Il y a de la part de l’ADEME une absence totale de justification nutritionnelle ou de santé publique à son injonction de servir « au moins  deux repas végétariens » par semaine dans les cantines. Il n’y a pas plus de justification écologique à cette dangereuse lubie de vouloir changer de régime pour « sauver le climat » !

3.2 Cela vaut-il la peine d’un point de vue écologique ?

On nous avait raconté qu’il fallait 15 000 litres d’eau pour obtenir 1kg de steak, oubliant de préciser qu’il s’agit d’eau virtuelle, c’est-à-dire de la somme de l’eau bleue, de l’eau grise et de l’eau verte. Il n’est peut-être pas inutile de rappeler encore une fois en quoi consistent ces trois sortes d’eau et en quel pourcentage elles entrent dans la composition de ces fameux 15 000 litres.

L’ « eau bleue », c’est « l’eau circulant sous forme liquide et prélevée dans les rivières, les eaux dormantes ou dans les nappes phréatiques pour les besoins des activités humaines » C’est l’eau qui est la matière première de l’eau du robinet. C’est ce que tout un chacun nomme ‘eau’ et ce à quoi il pense lorsque l’on annonce 15 000 litres d’eau sans précision. Personne ne pense à l’eau virtuelle et la plupart des gens ne savent même pas de quoi il s’agit. Ils sont dupés.

Pour ce qui concerne la filière bovine, l’eau bleue sert dans l’étable ou au pré à abreuver les bêtes qui peuvent aussi en boire à la rivière ou dans les mares. C’est également celle qui est utilisée pour nettoyer les locaux de l’exploitation. L’eau d’irrigation des cultures fourragères qui nourrissent les animaux et l’eau nécessaire à la transformation de la viande sont aussi de l’eau bleue. La quantité d’eau consommée pour tous ces usages correspond en France à environ 3 à 4% des 15 000 litres d’ «eau virtuelle» estimés nécessaires pour obtenir 1kg de viande de bœuf. (Cf. Corson et al., 2013 p. 241)

L’eau grise, c’est la quantité théorique d’eau qu’il faudrait rajouter à une eau polluée pour qu’elle devienne conforme aux normes environnementales. Elle représente en France 3% des 15 000 litres d’ « eau virtuelle ».

Tout le reste des 15 000 litres, c’est de l’ « eau verte ». Grosso modo, il s’agit de l’eau de pluie qui tombe sur les prairies et fait pousser l’herbe. Plus précisément comme l’expliquent bien Corson et al., 2013, l’eau verte est l’eau nécessaire pour la croissance des plantes. On considère qu’elle est égale à l’évapotranspiration réelle, c’est-à-dire, à la somme de l’évaporation des sols et de la transpiration des plantes poussant sur ces sols. En d’autres termes, pour ce qui est de l’élevage bovin, il s’agit du volume d’eau de pluie stocké dans le sol sous forme d’humidité et qui s’évapore des plantes et du sol des surfaces cultivées pour l’alimentation des bêtes et des surfaces pâturées par les troupeaux. Ce volume d’eau correspond donc principalement à l’eau de pluie réceptionnée par les surfaces d’élevage.

Pour le mode d’élevage le plus vertueux écologiquement, l’élevage herbager extensif, la surface des prairies est importante et donc la quantité d’eau verte aussi. Qu’il y ait ou non des vaches dans le pré, s’il pleut, ce sera toujours la même quantité d’eau verte qui sera en jeu et ce n’est pas la soif des vaches qui risque de nous priver d’eau potable !

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Sur la question des émissions de GES dus à l’élevage, il faut, là aussi, vraiment remettre les choses au point. Les soi-disant 18% des émissions de GES dont serait responsable l’élevage ne sont pas plus significatifs que les soi-disant 15 000 litres d’eau pour un kilo de steak. La responsabilité de l’élevage dans l’émission des GES et le réchauffement climatique serait plus grande que celle des transports selon ce chiffre publié en 2006 dans un rapport de la FAO Livestock’s long shadow  traduit en français sous le titre L’ombre portée de l’élevage. Ces pourcentages sont pour le moins discutables et la comparaison est faussée.

Depuis on sait –  et l’ADEME devrait savoir – que la FAO a inclus dans ce chiffre 18% non seulement les émissions dues aux déjections animales et celles des consommations énergétiques des animaux mais aussi des émissions liées à la destruction des forêts au profit de cultures fourragères, à celles qui sont causées par la production des aliments pour bétail, par le transport de la nourriture des animaux et leur acheminement à l’abattoir. Comme le souligne Pierre Silberzahn (2018), la FAO elle-même a reconnu que « ses bases de comparaison avec les transports étaient « fausses » et qu’il aurait fallu inclure dans l’impact des transports celui de la fabrication des véhicules et de l’extraction des sources de l’énergie [voire la construction des routes et autoroutes et autres « voies de contournement » !]. Contributions indirectes que la FAO n’a pas prises en compte dans les calculs concernant les transports auxquels elle compare l’élevage. » (Voir Anne Mottet and Henning Steinfeld | FAO 2018).

Malheureusement, comme le constate  Keir Watson (2018) « Au cours de ces dix dernières années, ce rapport aura contribué au dogme quasi religieux faisant de la réduction de la consommation de viande une arme contre le réchauffement climatique. Cependant, dans les chiffres validés par l'ONU, d'importantes réserves permettent d'ôter quasiment toute sa noirceur à cette « ombre portée » des animaux d'élevage sur l'environnement. » Ce chiffre a eu « l’effet d’une bombe ».

 

Dire NON au lobbying pro-végétarien de  l’ADEME !
Comme on peut le voir avec ce document de l’ADME, il sert encore de base à tous les lobbies anti-viande et pro-végétariens, voir végans. Pourtant personne ne savait à quoi ces 18% correspondent « 18% des émissions de GES de la planète (volcans compris) ? Mesurés ? Calculés ? Sans importance, le chiffre est assez grand pour crier haro sur les vaches. »  (Silberzahn 2018)

Il faut aussi souligner que dans le rapport de 2006 il s'agit d'une moyenne mondiale. Le gros de ces émissions indirectes que la FAO attribuait à l’élevage provient de la déforestation visant à créer de nouvelles prairies pour les animaux ou de nouveaux champs de céréales susceptibles de les nourrir. En d'autres termes, la majorité des émissions de CO2 attribuées aux vaches, moutons, cochons, poulets… relèvent en réalité de la destruction de puits de carbone (forêts) précédant l'élevage plutôt que de l'élevage en tant que tel. On doit aussi prendre en compte que c’est souvent la valeur du bois qui conduit à la déforestation si bien que dans ces cas, même si la production de viande s’arrêtait les arbres seraient quand même abattus.

Si l’on regarde le cas particulier de la France, les surfaces boisées s’étendent et l’élevage bovin herbager est excédentaire. La forêt a augmenté de 30 000 ha par an entre 1998 et 2004, reprenant notamment du terrain sur les prairies dans les zones de déprise agricole. Dès lors ça ne servirait strictement à rien en ce qui concerne les émissions de GES de limiter la consommation de viande bovine (Il peut y avoir d’autres raison de le faire). Surtout si c’est pour remplacer les prairies par des champs de céréales ou de légumineuses !

Pour les USA, White et Hall (2017) estiment que la renonciation à la viande de toute la population de ce pays ne ferait baisser les émissions de GES que de 2,6 % : «En supposant que les émissions agricoles représentent 9% des émissions totales des États-Unis (47), et en supposant que les estimations d'émissions présentées ici soient représentatives des émissions nationales, l'élimination de l'agriculture animale permettrait de réduire les émissions totales des États-Unis d'environ 2,6%. » (p. 10305 – 10306 ; la référence de la note 47 : US Environmental Protection Agency (2010) Inventory of US Greenhouse Gas Emissions and Sinks(US EPA, Washington, DC) je le précise pour ceux qui douteraient du 9%). En outre les auteurs montrent que cette renonciation à la viande poserait des problèmes nutritionnels et environnementaux. [2,9% au lieu de 2,6% si l’on suppose que la question des fertilisants peut être résolue sans émissions supplémentaires de GES dans une agriculture sans élevage, voir White et Hall 2018] Quand on connaît comment fonctionne l’élevage en « feedlot » aux USA, il est évident que la réduction des GES en France obtenue grâce à la suppression de l’élevage serait encore plus faible !  

Il faut aussi constater un autre défaut de ce rapport de 2006 de la FAO. Il ne prend pas en compte l'utilisation des terres défrichées. On a établi depuis que la conversion en prairies constituait le moyen le plus efficace pour stocker le carbone du sol, supérieur bien entendu aux terres arables mais aussi aux forêts replantées. « Le gouvernement irlandais voit dans la restauration des prairies et des pâturages de par le monde une priorité au potentiel considérable pour minorer le réchauffement climatique. Dans son analyse, les émissions de gaz à effet de serre attribuables aux élevages britanniques et irlandais sont négligeables. Cela tient en grande partie au fait que les animaux outre-Manche se nourrissent principalement d'herbe presque toute l'année. » (Keir Watson (2018)). Dans les élevages français de bovins, c’est la même chose aujourd’hui (mais pour combien de temps encore ?).

La production de viande, et notamment de la viande de bovins ou d’ovins, donc l’élevage dès lors qu’il est herbager extensif dans le cadre d’exploitations familiales rend des services agro-environnementaux et sociaux comme le stockage de carbone par les sols des prairies et les haies, permet le retour de carbone et la fertilisation des sols par recyclage des fumiers et lisiers. Il préserve la biodiversité et le maintien de la diversité des paysages. Il faut le souligner encore et encore face à tous ces contempteurs de la viande rouge et du lait : la principale activité agricole qui peut être source de biodiversité, ce n’est pas la culture des céréales et des légumineuses, c’est l’élevage des ruminants car il entretient les prairies. Qui va se promener parmi ces déserts de biodiversité que sont les champs de blé, de tournesols ou de soja ? Si le bonheur n’est pas toujours dans le pré, il n’est jamais dans un champ de soja.

D’une manière générale « l’élevage valorise toutes les prairies de la planète : les 2/3 de la surface agricole mondiale ne sont pas exploitables pour des céréales, des protéagineux ou des arbres fruitiers, il s’agit de la savane africaine, la toundra, les steppes du Caucase… Les animaux, notamment les herbivores peuvent en revanche y produire des protéines et du lait. »

Enfin, ceux qui préconisent un régime végétarien qui ne proscrirait pas le lait et ses produits dérivés (fromages, yaourts, …) semblent oublier que « pour une grande part de l’élevage bovin la production de viande est un sous-produit de la production de lait. N’était sa production de lait, il y a longtemps que la viande bovine aurait été remplacée par la viande de cochon et de poulet. Sans le débouché en viande en fin de lactation, l’élevage bovin ne serait plus économiquement rentable » (Silberzahn 2019). Préconiser un régime à forte composante végétarienne avec des laitages mais sans « viande rouge » est économiquement non viable et peu praticable : que faire des veaux mâles et des vaches en fin de lactation qui s’accumuleraient comme en Inde ? S’il était sans aucun produit laitier, ce régime ressemblerait à un régime végétalien dont il serait le premier palier, régime contre lequel les nutritionnistes de l’Afssa mettent en garde, surtout lorsqu’il s’agit d’enfants et d’adolescents.

Bref, il serait temps de revenir sur l’idée qu’un régime végétarien dans les pays développés serait « bon pour la planète ». La généralisation d’un régime végétarien ne permettrait qu’une diminution insignifiante des émissions de gaz à effet de serre mais elle aurait, par contre, de graves répercussions sur la santé publique, l’environnement, les paysages et l’élevage français, donc de graves conséquences sociales et économiques. Je n’ai pas abordé ces deux derniers points mais faut-il l’argumenter plus avant, tant il est évident ?

Certes il y a encore des Français qui se méfient de la viande à cause des récents scandales sanitaires mais surtout ils se détournent de la viande et notamment de la viande rouge, intoxiqués par les discours du style de ceux de l’ADEME, par des initiatives stupides comme les lundis sans viande et les propagandes des végans comme celle, insidieuse, de L214.

Heureusement, ce n’est pas le cas des Chinois. Ce sont eux qui profiteront de la bonne viande des vaches élevées dans nos montagnes et nos campagnes. Ils l’apprécient à sa juste valeur. Tant mieux pour eux et tant pis pour nous ! Tant mieux surtout pour les éleveurs français qui trouveront là un débouché à leur production. Tant mieux pour nos prairies et la biodiversité qu’elles recèlent, tant mieux nos paysages !

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4. Que les têtes de liste aux municipales dans les grande villes soient tentées de cocher la case «Encourager d’autres habitudes alimentaires en proposant au moins deux repas végétariens par semaine à la cantine » pour flatter dans le sens du poil un électorat supposé croire que la conversion végétarienne est la planche de salut nous préservant de l’Armageddon qui s’annonce, on peut le comprendre mais il faut tenter de les convaincre de ne pas le faire. Et il le faut d’autant plus si eux aussi croient vraiment à ces vésanies.

Convaincre les maires ou les postulants maires des communes rurales de ne pas cocher cette case, cela sera moins difficile surtout dans les régions d’élevage mais il ne faudrait pas que ce refus entraîne chez eux un sentiment de culpabilité. En refusant de s’engager à mettre en œuvre cette mesure, ils ne sont pas de mauvais « défenseurs » de la Planète et de son climat, ils sont lucides et attentifs à la santé des enfants de leur commune, au bien-être de leurs administrés, à la vie et aux charmes de leur territoire.

Dire NON au lobbying pro-végétarien de  l’ADEME !
  Références

ADEME, 2019 Demain mon territoire. Idées et solutions...Document institutionnel, novembre 2019, 83 p. Réf. 010970 https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/demain-mon-territoire-complet_010970.pdf

Afssa [ANSES], 2006 Le guide nutrition pour les ados https://cache.media.eduscol.education.fr/file/Action_sanitaire_et_sociale/49/9/guide_ADO_114499.pdf

Afssa [ANSES], 2015 Le guide nutrition des enfants et ados pour tous les parents https://www.fondation-enfance.org/wp-content/uploads/2016/10/inpes_guide_nutrition_enfants_ados.pdf

ANSES, 2017 Table de composition nutritionnelle Ciqual 2017 https://ciqual.anses.fr/#/cms/la-table- ciqual-2017/node/19

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Dumas J. F., 2016 « Stop au bourrage de crâne : Le mode de vie végan n’est ni écologique, ni éthique! » https://www.jfdumas.fr/Stop-au-bourrage-de-crane-Le-mode-de-vie-vegan-n-est-ni-ecologique-ni-ethique-_a389.html

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Mottet Anne, Steinfeld Henning | FAO, 2018 « Cars or livestock: which contribute more to climate change? » Thomson Reuters Foundation new,  18 September 2018 http://news.trust.org/item/20180918083629-d2wf0

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Silberzahn Pierre, 2018 Le blues du carnivore: L'homme et la viande des origines à nos jours Editions L'Harmattan, 256 pages, Paris.

Silberzahn Pierre, 2019 « Les Gaz à Effet de Serre (GES) émis par l’élevage des bovins : 18% ou 3%? » En ligne, https://bluescarnivore.wordpress.com/2019/04/23/les-gaz-a-effet-de-serre-ges-emis-par-lelevage-des-bovins-18-ou-3/

US Environmental Protection Agency, 2010 Inventory of US Greenhouse GasEmissions and Sinks(US EPA, Washington, DC) https://www.epa.gov/ghgemissions/inventory-us-greenhouse-gas-emissions-and-sinks

White Robin R., Hall Mary Beth, 2017 « Nutritional and greenhouse gas impacts of removing animals from US agriculture » Proceedings of the National Academy of Sciences Nov 2017, 114 (48) E10301-E10308; doi: : https://doi.org/10.1073/pnas.1707322114 ou https://www.pnas.org/content/114/48/E10301

White Robin R., Hall Mary Beth, 2018  « Reply to Van Meerbeek and Svenning, Emery, and Springmann et al.: Clarifying assumptions and objectives in evaluating effects of food system shifts on human diets. » Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 115(8), E1706–E1708. . doi: https://doi.org/10.1073/pnas.1720895115 ou https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5828631/

Illustrations
De haut en bas

Sans nom d’auteur, « Steak haché de boeuf aux trois poivres et aux champignons » sur le site « La Viande.fr » Steak haché de bœuf aux trois poivres et aux champignons https://www.la-viande.fr/recettes/boeuf/steak-hache-boeuf-poivres-champignons

Sans nom d’auteur, sur le site « Maison du Charolais »  http://www.maison-charolais.com/doc/lamaisonducharolais/90_er-elevage-viande-et-d-veloppement-durable-civ.pdf

Photo de l'auteur  Vaches pâturant dans la réserve nationale de la Vallée de Chaudefour (63)

Sans nom d’auteur,  un bel étal de viandes d’origine Française, certifiées et garanties « Biosur » sur le site « Panier bio » http://panierbiodole.com/fr/content/11/boucherie-charcuterie

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Vendredi 22 Novembre 2019 Commentaires (2)
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