Si son titre n’indique pas vraiment l’objet de cet ouvrage, le sous-titre, lui, annonce la couleur : faire « redécouvrir les plantes messicoles, nos sauvageonnes des moissons », en d’autres termes les « mauvaises herbes » qui poussent surtout dans les champs de céréales. Il ne s’agit pas seulement de les faire connaître mais aussi et surtout de les « réhabiliter » pour justifier et promouvoir la protection et la conservation de ces espèces dont beaucoup sont en déclin, certaines étant en danger, voire en danger critique d’extinction à cause notamment du perfectionnement continu des pratiques agricoles depuis la fin du XIXe siècle ; l’introduction des herbicides à partir des année 1950 n’ayant fait qu’accélérer et aggraver le processus. Il s’inscrit dans la perspective du Plan national d’actions en faveur des plantes messicoles 2012-2017, l’ouvrage datant de 2014.

En général il vaut mieux fuir ces ouvrages ou articles dans lesquels se mélangent partage d’un savoir et militantisme pour une cause, fût-elle bonne ! Et d’ailleurs dans ce cas, la cause est-elle bonne ? Faut-il se réjouir ou s’attrister que les champs de blé soient exempts de mauvaises herbes ? Cela dépend du point de vue, ce que reconnaît l’auteure au tout début de son ouvrage sans d’ailleurs en tenir compte par la suite.
L’ouvrage date de 2014. Il reste cependant d’actualité et si j’en fais aujourd’hui l’analyse, c’est parce que sa lecture est recommandée par Madame Jocelyne Cambecèdes, dans une vidéo de Téla Botanica remise en ligne au début de ce mois d’août 2025 dans le cadre de cahiers de vacances que Tela Botanica propose aux botanistes amateurs ou débutants pour affiner et tester leurs savoirs sur les plantes tout en s’amusant. J. Cambecèdes est rédactrice de ce plan national d’actions en faveur des plantes messicoles 2012-2017et de ceux qui ont suivi.
Personnellement je trouve que si on peut le recommander, c’est surtout pour sa seconde partie qui occupe près des deux tiers du livre. L’auteure y brosse le portrait de vingt de ces plantes en vingt fiches, une pour chaque plante, ensemble qu’elle nomme joliment et pertinemment « bouquet de moisson » puisqu’il s’agit d’une sélection sur un bien plus grand nombre. C’est déjà une raison de lire ce livre, il permet à ceux qui l’ignoreraient d’apprendre que les fleurs de champs ce ne sont pas seulement les coquelicots, les marguerites et les bleuets. Chaque fiche est illustrée d’une aquarelle et comprend une description de la plante avec l’indication de sa période de floraison, de son milieu préféré mais s’y ajoute aussi des rubriques plus ou moins fournies selon les cas qui concernent les noms vernaculaires, des curiosités botaniques, légendes, des pratiques rituelles et festives du passé, recettes de cuisines, contes pour enfants … L’aspect agricole reste peu abordé dans les fiches tant et si bien que s’i l’on s’en tenait à cet ouvrage, on en arriverait à se demander pourquoi on a nommé ces plantes des mauvaises herbes !
Ce qui est le but de l’auteure puisqu’il s’agit de réhabiliter ces plantes dans l’esprit du lecteur. Si on prend un peu de recul, on constate que c’est toujours pour montrer in fine l’intérêt de la plante pour au moins neutraliser dans l’esprit du lecteur les nuisances qu’elle occasionne. Un véritable tour de force lorsque l’on sait que les noms populaires de beaucoup de ces plantes nuisibles aux cultures sont des sobriquets peu flatteurs. L’auteure réussit même à trouver quelques bons côtés à la redoutée ivraie que, selon des croyances anciennes, le Diable sèmerait dans les champs de blé. Il n’était pas évident de faire pièce à la parabole de l’évangile selon Saint Mathieu ! Cependant il faut ajouter que dans certains cas l’auteure n’hésite pas à se faciliter la tâche en pratiquant l’exagération, le cherry picking et l’omission.
L’ouvrage date de 2014. Il reste cependant d’actualité et si j’en fais aujourd’hui l’analyse, c’est parce que sa lecture est recommandée par Madame Jocelyne Cambecèdes, dans une vidéo de Téla Botanica remise en ligne au début de ce mois d’août 2025 dans le cadre de cahiers de vacances que Tela Botanica propose aux botanistes amateurs ou débutants pour affiner et tester leurs savoirs sur les plantes tout en s’amusant. J. Cambecèdes est rédactrice de ce plan national d’actions en faveur des plantes messicoles 2012-2017et de ceux qui ont suivi.
Personnellement je trouve que si on peut le recommander, c’est surtout pour sa seconde partie qui occupe près des deux tiers du livre. L’auteure y brosse le portrait de vingt de ces plantes en vingt fiches, une pour chaque plante, ensemble qu’elle nomme joliment et pertinemment « bouquet de moisson » puisqu’il s’agit d’une sélection sur un bien plus grand nombre. C’est déjà une raison de lire ce livre, il permet à ceux qui l’ignoreraient d’apprendre que les fleurs de champs ce ne sont pas seulement les coquelicots, les marguerites et les bleuets. Chaque fiche est illustrée d’une aquarelle et comprend une description de la plante avec l’indication de sa période de floraison, de son milieu préféré mais s’y ajoute aussi des rubriques plus ou moins fournies selon les cas qui concernent les noms vernaculaires, des curiosités botaniques, légendes, des pratiques rituelles et festives du passé, recettes de cuisines, contes pour enfants … L’aspect agricole reste peu abordé dans les fiches tant et si bien que s’i l’on s’en tenait à cet ouvrage, on en arriverait à se demander pourquoi on a nommé ces plantes des mauvaises herbes !
Ce qui est le but de l’auteure puisqu’il s’agit de réhabiliter ces plantes dans l’esprit du lecteur. Si on prend un peu de recul, on constate que c’est toujours pour montrer in fine l’intérêt de la plante pour au moins neutraliser dans l’esprit du lecteur les nuisances qu’elle occasionne. Un véritable tour de force lorsque l’on sait que les noms populaires de beaucoup de ces plantes nuisibles aux cultures sont des sobriquets peu flatteurs. L’auteure réussit même à trouver quelques bons côtés à la redoutée ivraie que, selon des croyances anciennes, le Diable sèmerait dans les champs de blé. Il n’était pas évident de faire pièce à la parabole de l’évangile selon Saint Mathieu ! Cependant il faut ajouter que dans certains cas l’auteure n’hésite pas à se faciliter la tâche en pratiquant l’exagération, le cherry picking et l’omission.
A propos de la toxicité de la nielle des blés par exemple, comme ses graines contiennent 60% d’amidon et que la cuisson réduit en partie leur toxicité, elles ont été consommées faute de mieux malgré une toxicité résiduelle pendant les périodes de disette ou lorsque mauvaises récoltes et spéculations rendaient le prix du blé trop élevé. Cela aurait fait de ces graines une « manne providentielle » selon l’auteure. C’est beaucoup dire car qui aimerait manger un aliment au goût exécrable qui le rend malade ? Exagération d’un côté, minimisation de l’autre. Contrairement à ce qu’écrit l’auteure :« le plus souvent il ne s’agissait que d’une saveur amère du pain sans grande conséquence », en mangeant ce pain, les gens s’empoisonnaient à petit feu ! Ce n’est pas parce que chez l’homme, il n’y a eu que relativement peu d’intoxications fatales que la consommation de ces farines n’avait pas de conséquences sur la santé. Des petites prises de poison répétées entrainaient une intoxication chronique bien décrite et nommée githagisme par CH. E. Cornevin dans un article qu’il consacre à la nielle dans un traité paru en 1887 ( De plantes vénéneuses et des empoisonnements qu’elles déterminent). Il est assez surprenant que l’auteure ne s’intéresse qu’aux quelques lignes que dans cet ouvrage Cornevin consacre à un procès pour falsification de farines avec de la nielle alors qu’elle laisse de côté le long passage consacré aux intoxications dues à la nielle avec la description du githagisme, description qui est celle même que l’on trouve encore aujourd’hui dans les traités de toxicologie, githagisme dont elle paraît ignorer l’existence. Elle invente un effet d’accoutumance au poison qu’elle étaye en citant le cas des moutons qui mangent des graines de nielle sans être incommodés. Hélas pour elle, il se trouve que les ovins comme les caprins et les lapins sont insensibles aux toxines de la nielle. Cherry picking et omission sont combinés pour minimiser les effets délétères que la consommation, intentionnelle ou non de la farine de nielle occasionne.
Autre exemple, elle consacre seize pages au coquelicot et rien dans ces seize pages sur les nuisances induites par sa présence dans un champ de blé. Pire : est seulement mentionné la croyance fausse que le coquelicot était bénéfique aux moissons, blé et coquelicot étant réunis comme symbole de la déesse Demeter. En réalité, 22 pieds pour 1m2 entraînent une baisse de rendement de 5%. De plus le coquelicot pollue les récoltes avec ses graines et lorsqu’on sait qu’un pied peut en produire jusqu’à 30 000, on peut prendre conscience de l’ampleur de la nuisance. Les céréaliers cherchent à l’éliminer de leur champs mais ce n’est pas facile : l’abondance des graines fait que se constitue dans le sol une banque de semence qui ont la propriété de pouvoir rester très longtemps en dormance. Le labour est inefficace, il ne fait qu’enfouir les graines, les coquelicots suivant le même cycle que le blé d’hiver, ce qui une des caractéristiques des messicoles. Un champs infesté peut l’être longtemps. Et contrairement à ce que laisse entendre l’auteure, pour s’en débarrasser, ce n’est pas au chimique qu’il faut recourir en priorité mais casser son cycle de reproduction en diversifiant les cultures, en pratiquant des cultures de printemps ou d’été comme le maïs par exemple, le coquelicot affectant principalement les cultures d’hiver.
Il est d’ailleurs étonnant que l’auteure ignore qu’un retour massif des coquelicots dans les champs de blés est en cours depuis 2006. Ce retour était déjà bien documenté à l’époque de la parution de son ouvrage et la résistance de populations de coquelicots grâce à une mutation génétique était bien établie. Cela aurait pourtant dû lui plaire puisque toute une gamme d’herbicides chimiques devient inopérante contre le coquelicot. Mieux encore ou plus grave, ce retour en force est la preuve qu’il en y ira de même pour de nombreuses dicotylédones dont les messicoles. C’est d’ailleurs le cas pour la matricaire. « Chaque traitement herbicide sélectionne de la résistance quoi que l’on fasse. Le développement de résistance chez les dicotylédones est donc inéluctable. Nous ne pouvons que le retarder » (Christophe Délye, chargé de recherche à l’INRA) Pour le dire en des termes qui aurait pu être ceux de l’auteure : les sauvageonnes de nos cultures triompheront de leur ennemi mortel, les herbicides. Mauvaise nouvelle pour les céréaliers qui va leur compliquer la tâche, mais très bonne nouvelle pour ceux qui comme l’auteure souhaitent un retour des messicoles dans les champs de céréales. Cette question des résistances est une des préoccupations majeures des agriculteurs qui avaient trouvé avec les herbicides chimiques un outil de contrôle efficace des adventices. L’ignorance ou le silence sur ce sujet montrent que l’auteure ne s’intéresse guère aux problèmes posés par les mauvaises herbes dans les agrosystèmes. Il faut ajouter qu’exceptés le bleuet et le coquelicot, la plupart des autres espèces choisies ont sont devenues trop rares dans les champs pour nuire aux récoltes et celles qui ne le sont pas comme la pensée ou la mâche sont en général peu nuisibles. Ces deux espèces ne sont d’ailleurs pas ou plus des messicoles strictes.
Ces fiches sont précédées d’une étude générale des messicoles. Elle est biaisée par la volonté de l’auteure de réhabiliter les mauvaises herbes à tout prix, ce qui l’amène à avoir une vision négative non seulement des céréaliers qui pratiquent une agriculture standard mais aussi du jardinier « focalisé sur les plantes domestiquées dont il prend soin ».
Avant d’aborder le problème de la caractérisation précise des messicoles dont elle montre à juste titre les difficultés, l’auteure s’attarde sur l’appellation plus générale de « mauvaise herbe » contre laquelle elle part en guerre. Celle-ci a pourtant un mérite qu’elle est bien obligée de lui reconnaître : « “Mauvaise herbe”, voilà un terme clair est net ! » mais c’est celui de ce jardinier focalisé sur les plantes dont il prend soin, il est donc à rejeter : il faut employer le terme d’adventice qui désigne exactement la même chose avec une connotation neutre. Elle croit déceler un indice de l’abandon de la vision négative de ces plantes dans la modification de l’intitulé du laboratoire de malherbologie ( science des mauvaises herbes) de l’(ex)INRA en « Unité de recherche Biologie et gestion des adventices » alors que comme chacun sait ce siècle aime l’euphémisme qui ne change rien au statut de ce qui est désigné : ce n’est pas parce que le balayeur sera nommé « technicien de surface » qu’il sera mieux payé et mieux considéré ! Pour les adventices, c’est bien aussi le cas comme l’auteure est bien obligée de le constater, dès la page suivante, sans se rendre compte que ce constat infirme ses dires sur le changement de vision que l’usage du terme adventice impliquait . « Cependant en agronomie, un présupposé veut que l’adventice vienne interférer avec la bonne croissance des plantes cultivées », elle redevient donc, ce qu’elle n’a jamais cessé d’être : une mauvaise herbe ! « un ennemi à réguler », un doux mot pour éviter de dire arracher, abattre, bref éliminer. Et que certaines de ces mauvaises herbes soient comestibles n’y changera rien. Elles peuvent être consommées et elles l’ont été mais comme « plantes de soudure » ou « plantes de disette », expressions qui disent bien ce qu’elles veulent dire même si aujourd’hui des urbains s’amusent à en glaner pour les manger. Et comme ils ne les connaissent guère, ils le font dans des « stages salades sauvages » (sic !) qui enthousiasment l’auteure !
Contre la vision du jardinier et de l’agriculteur, l’auteure en appelle, à celle de l’horticulteur, de l’artiste et insiste sur la symbolique. Bien entendu sur ce terrain, la réhabilitation des adventices n’est même pas à faire, et dans son immense majorité le lectorat urbain ou rurbain lui sera acquis et applaudira lorsqu’elle considère que l’emploi des herbicides « a conduit à un génocide végétal » ! Qualification pour le moins inappropriée pour ne pas dire scandaleuse lorsqu’on songe aux vrais génocides ! Oui, le laboureur a choisi entre le joli bouquet et la bonne récolte. N’en déplaise à l’auteur, avec un champ propre, nettoyé des mauvaises herbes, il peut gagner sa vie et nourrir les gens : plus de disettes. Qui osera dire qu’il n’a pas fait le bon choix ?
Je passerai rapidement sur la façon orientée dont est retracée l’histoire des messicoles où seule la question de l’origine est traitée sans a priori. Quant au retour en grâce qui s’opèrerait de nos jours, il est largement exagéré. Si retour il y a, ce ne peut être que retour en force de messicoles génétiquement modifiées par la pression sélective exercée sur elles par les herbicides. À la différence de l’auteure, je ne crois pas que jusqu’à une période récente, le cultivateur ne cherchait qu’à « tenir en respect » les mauvaises herbes et que le but n’était pas de les éradiquer. Simplement sans les herbicides, il n’en avait pas les moyens. Mais s’il en avait disposé … La plus belle preuve de ce que j’avance, c’est qu’il s’y est employé dès que ces moyens, les herbicides tant décriés, furent en sa possession. Il allait pouvoir réaliser ce rêve : plus de mauvaises herbes dans ses champs qui gâteraient ses récoltes !
Certes, il faut du discernement dans l’emploi des désherbants mais il en faudrait aussi dans la promotion des messicoles et plus généralement des adventices. Toutes ne sont pas des pestes dans les champs, leur rareté ou l’ absence de compétitivité de beaucoup d’entre elles font qu’elles se comportent plutôt comme des commensales. Mais il y en a qui le sont, soit parce qu’elles sont envahissantes ou/et qu’elles polluent les récoltes et entrainent leur déclassement. Celles-ci n’ont pas leur place dans les champs, exceptées quelques délaissées ou quelques parcelles destinées à leur conservation et non à la production. La flore des champs cultivée de Philippe Jauzein a, entre autres mérites, celui de préciser la fréquence de ces taxons et de distinguer les adventices qui posent de « réels problèmes de nuisibilité » de ceux qui n’en posent pas. Ce que ne fait pas cet ouvrage.
Un champ de blé envahi de coquelicots, c'est peut-être joli mais la récolte en sera sévèrement affectée. Si l'agriculteur sème du blé, ce n'est ni pour récolter de la graine de coquelicot ou de bleuet, ni pour la belle carte postale du touriste de passage ou pour le plaisir du bobo, heureux propriétaire d’une résidence secondaire campagnarde, qui croit que parce qu’un champs avec des coquelicots est bio! Alors que c’est souvent tout le contraire, le résultat d’un usage d’une quantité déraisonnable de pesticides …
Bien que l’auteure affirme qu’en ce qui concerne les messicoles « il est nécessaire d’aborder la question non seulement d’un point de vue écologique, naturaliste et paysager, mais aussi et surtout du point de vue du monde agricole » (p. 17), ce n’est pas ce qu’elle fait dans cet ouvrage. Le point de vue du monde agricole d’aujourd’hui n’apparaît guère si ce n’est pour être plus ou moins sévèrement critiqué. L’auteure choisit de se référer à un monde agricole de jadis (le bon vieux temps) ou à des modèles d’agriculture qui n’ont pas fait leurs preuves et qui ne préfigurent pas nécessairement l’agriculture de demain (l’imaginaire) ! La page de conclusion de l’ouvrage illustrée avec la reproduction d’une enluminure extraite des Grandes Heures d’Anne de Bretagne est significative à cet égard : réveillons le sauvage en nous en allant cueillir des doucettes (mâches), bannissons « le mythe du champ propre » pour « la cohabitation harmonieuse entre « messicoles et céréales » comme au temps d’Anne de Bretagne avec ses moissons où les taches de couleurs des messicoles se mêlaient à l’or du blé mûr…j’ajouterai : pourquoi pas aussi moissonner à la faucille, du moins lorsque le blé aura réussi à pousser et à mûrir comme sur cette enluminure, ce qui n’était, malheureusement pas souvent le cas. Si la récolte n’était pas bonne, venait le temps des famines et ce n’était pas une salade de mâches qui pouvait remplir les estomacs. Ce bon vieux temps d’avant la révolution verte avec ses moissons colorées fut aussi celui des famines qui hantent la mémoire collective, ravivée par les mesures de rationnement lors de la dernière guerre mondiale et plus récemment la crise agricole du début de ce siècle qui toucha durement les pays pauvres ou en voie de développement mais n’eut dans les pays développés que peu de conséquences.
Non, la « Révolution verte » n’a pas été seulement « une croisade qui croyait nourrir le monde en bannissant la part du sauvage » Cela est faux et réducteur et donc injuste. Faux parce que la révolution verte n’a pas fait que « croire nourrir le monde ». Elle a globalement réussi à le nourrir au sortir de cette guerre, notamment en France bien mal en point à l’époque. Grâce à elle, les famines ont disparu dans les pays développés et c’est dans les pays du sud qui avaient mis en œuvre cette révolution que la crise de 2007/2008 a eu le moins de conséquences. Réducteur, car cette révolution ne se limite pas à une croisade contre les adventices. Ce n’est même pas son but premier. Certes, le progrès des connaissances en matière d’agronomie permet de corriger ses excès mais si l’on jette le bébé avec l’eau du bain, c’est notre agriculture qui sera mise à mal, ses capacités exportatrices impactées et la suffisance alimentaire du pays même plus assurée.
Comme dans le cas du loup, fléau pour l’élevage défendu par des gens qui pour la plupart d’entre eux n’élèvent ni brebis, ni vaches, les messicoles et plus largement les adventices des champs sont défendues par des gens qui pour la plupart ne sont pas des agriculteurs, c’est-à-dire des gens qui n’ont rien à craindre des nuisances occasionnées ! Et dans les deux cas une masse d’urbains et de rurbains les soutient et refuse de comprendre le point de vue de ceux qui produisent le lait, la viande et les céréales qui sont pourtant à la base de leur nourriture.
Cela a cependant moins d’importance car à la différence du loup pour l’élevage et à l’exception de quelques espèces comme le coquelicot ou l’ivraie, les messicoles décrites dans ce livre ne sont plus un problème pour l’agriculture, du moins pour quelques temps encore. De multiples causes bien détaillées dans l’ouvrage font qu’elles sont devenues rares, certaines sont en danger d’extinction. Dans les régions de grandes monocultures intensives, certaines sont même d’une très grande rareté, n’existent peut-être même plus, voire n’y ont jamais poussé. Originaire du bassin méditerranéen, le climat ne leur était guère favorable. Voir par exemple le cas de la Garidelle (p. 153).
Certes il est urgent de prendre des mesures pour conserver in situ et ex situ ces espèces sans lesquelles certaines d’entre elles disparaitront inéluctablement que ce soit à cause des pratiques culturales qui les excluent des champs leur lieu de vie le plus adapté, voire le seul ou elles peuvent se développer comme la Nielle, ou parce qu’elles sont moins concurrentielles que d’autres. C’est une chose, mais cela en est une autre de tenter de faire croire qu’elles sont bénéfiques quand elles s’incrustent dans les champs de céréales et que c’est une erreur de ne pas les y tolérer. Dans une parcelle conservatoire, dans une bande enherbée, elles pourraient être spontanées, elles le sont parfois, mais dans tous les cas, elles ne sont plus adventices. La qualité de mauvaise herbe n’est pas du même ordre que le diagramme floral ou le nombre de chromosomes, elle est relative à un projet et un contexte. Que le projet ou le contexte change et la qualification change. Il n’y a là rien qui les différencie de n’importe quelle autre espèce poussant dans d’autres milieux anthropisés ou non. Pour ces plantes exceptée peut-être l’ivraie, les champs et plus généralement les cultures sont des milieux secondaires, même si aujourd’hui, elles n’en ont pas d’autres. Dans un carré de mâches, les pissenlits sont des mauvaises herbes ; dans un champ de pissenlits cultivés comme médicinales, les mâches sont de mauvaises herbes. Le pissenlit peut être cultivé ou mauvaise herbe sans cesser d’être un pissenlit, une fleur bleue ne peut pas être un pissenlit. Sa couleur est une propriété intrinsèque, celle d’être une mauvaise herbe, non. Il n’y a donc rien d’extraordinaire qu’une plante puisse passer du stade d’adventice à celui de cultivée … qu’il faudra défendre contre d’autres adventice, peut-être avec des désherbants sélectif comme dans le cas de la cameline rapporté par l’auteure.
Bref il en est des messicoles comme de toutes les autres plantes en danger, ici comme ailleurs. Il y a d’abord une raison bassement matérielle qui justifie qu’on tente de les sauver de l’extinction. Elles peuvent avoir des propriétés ignorées ou négligées utiles en médecine humaine ou vétérinaire, en agriculture comme stimulateur de croissance, insecticide, herbicide, utilisables en agriculture bio, comme plante compagne en agroécologie, etc. À côté de cet intérêt « scientifique », il y a le caractère symbolique que revêtent quelque unes et leur beauté. Menacées, belles et rares , elles deviennent patrimoniales.
En conclusion, malgré toutes les critiques que l’on peut faire à cet ouvrage, il faut lui reconnaître le mérite de nous apprendre beaucoup de choses sur les messicoles que l’on ne risque pas de trouver dans les ouvrages de botanique ou d’agronomie actuels. Il est aussi indéniable que ce livre est plaisant à lire grâce à sa mise en page, ses illustrations, notamment les aquarelles de Nadine Jarentowski et surtout grâce au talent de narratrice de Sophie Lemonnier qui sait si bien raconter ces histoires de plantes. Cela rend ce livre captivant et fait oublier ses parti-pris et ses biais. J’en conseille vivement la lecture.
Sophie Lemonnier, Illustrations de Nadine Jarentowski L'aventure est dans les blés: Redécouvrir les plantes messicoles, nos sauvageonnes des moissons Broché – septembre 2014, Editions Savoirs de terroirs, 285 pages.
Autre exemple, elle consacre seize pages au coquelicot et rien dans ces seize pages sur les nuisances induites par sa présence dans un champ de blé. Pire : est seulement mentionné la croyance fausse que le coquelicot était bénéfique aux moissons, blé et coquelicot étant réunis comme symbole de la déesse Demeter. En réalité, 22 pieds pour 1m2 entraînent une baisse de rendement de 5%. De plus le coquelicot pollue les récoltes avec ses graines et lorsqu’on sait qu’un pied peut en produire jusqu’à 30 000, on peut prendre conscience de l’ampleur de la nuisance. Les céréaliers cherchent à l’éliminer de leur champs mais ce n’est pas facile : l’abondance des graines fait que se constitue dans le sol une banque de semence qui ont la propriété de pouvoir rester très longtemps en dormance. Le labour est inefficace, il ne fait qu’enfouir les graines, les coquelicots suivant le même cycle que le blé d’hiver, ce qui une des caractéristiques des messicoles. Un champs infesté peut l’être longtemps. Et contrairement à ce que laisse entendre l’auteure, pour s’en débarrasser, ce n’est pas au chimique qu’il faut recourir en priorité mais casser son cycle de reproduction en diversifiant les cultures, en pratiquant des cultures de printemps ou d’été comme le maïs par exemple, le coquelicot affectant principalement les cultures d’hiver.
Il est d’ailleurs étonnant que l’auteure ignore qu’un retour massif des coquelicots dans les champs de blés est en cours depuis 2006. Ce retour était déjà bien documenté à l’époque de la parution de son ouvrage et la résistance de populations de coquelicots grâce à une mutation génétique était bien établie. Cela aurait pourtant dû lui plaire puisque toute une gamme d’herbicides chimiques devient inopérante contre le coquelicot. Mieux encore ou plus grave, ce retour en force est la preuve qu’il en y ira de même pour de nombreuses dicotylédones dont les messicoles. C’est d’ailleurs le cas pour la matricaire. « Chaque traitement herbicide sélectionne de la résistance quoi que l’on fasse. Le développement de résistance chez les dicotylédones est donc inéluctable. Nous ne pouvons que le retarder » (Christophe Délye, chargé de recherche à l’INRA) Pour le dire en des termes qui aurait pu être ceux de l’auteure : les sauvageonnes de nos cultures triompheront de leur ennemi mortel, les herbicides. Mauvaise nouvelle pour les céréaliers qui va leur compliquer la tâche, mais très bonne nouvelle pour ceux qui comme l’auteure souhaitent un retour des messicoles dans les champs de céréales. Cette question des résistances est une des préoccupations majeures des agriculteurs qui avaient trouvé avec les herbicides chimiques un outil de contrôle efficace des adventices. L’ignorance ou le silence sur ce sujet montrent que l’auteure ne s’intéresse guère aux problèmes posés par les mauvaises herbes dans les agrosystèmes. Il faut ajouter qu’exceptés le bleuet et le coquelicot, la plupart des autres espèces choisies ont sont devenues trop rares dans les champs pour nuire aux récoltes et celles qui ne le sont pas comme la pensée ou la mâche sont en général peu nuisibles. Ces deux espèces ne sont d’ailleurs pas ou plus des messicoles strictes.
Ces fiches sont précédées d’une étude générale des messicoles. Elle est biaisée par la volonté de l’auteure de réhabiliter les mauvaises herbes à tout prix, ce qui l’amène à avoir une vision négative non seulement des céréaliers qui pratiquent une agriculture standard mais aussi du jardinier « focalisé sur les plantes domestiquées dont il prend soin ».
Avant d’aborder le problème de la caractérisation précise des messicoles dont elle montre à juste titre les difficultés, l’auteure s’attarde sur l’appellation plus générale de « mauvaise herbe » contre laquelle elle part en guerre. Celle-ci a pourtant un mérite qu’elle est bien obligée de lui reconnaître : « “Mauvaise herbe”, voilà un terme clair est net ! » mais c’est celui de ce jardinier focalisé sur les plantes dont il prend soin, il est donc à rejeter : il faut employer le terme d’adventice qui désigne exactement la même chose avec une connotation neutre. Elle croit déceler un indice de l’abandon de la vision négative de ces plantes dans la modification de l’intitulé du laboratoire de malherbologie ( science des mauvaises herbes) de l’(ex)INRA en « Unité de recherche Biologie et gestion des adventices » alors que comme chacun sait ce siècle aime l’euphémisme qui ne change rien au statut de ce qui est désigné : ce n’est pas parce que le balayeur sera nommé « technicien de surface » qu’il sera mieux payé et mieux considéré ! Pour les adventices, c’est bien aussi le cas comme l’auteure est bien obligée de le constater, dès la page suivante, sans se rendre compte que ce constat infirme ses dires sur le changement de vision que l’usage du terme adventice impliquait . « Cependant en agronomie, un présupposé veut que l’adventice vienne interférer avec la bonne croissance des plantes cultivées », elle redevient donc, ce qu’elle n’a jamais cessé d’être : une mauvaise herbe ! « un ennemi à réguler », un doux mot pour éviter de dire arracher, abattre, bref éliminer. Et que certaines de ces mauvaises herbes soient comestibles n’y changera rien. Elles peuvent être consommées et elles l’ont été mais comme « plantes de soudure » ou « plantes de disette », expressions qui disent bien ce qu’elles veulent dire même si aujourd’hui des urbains s’amusent à en glaner pour les manger. Et comme ils ne les connaissent guère, ils le font dans des « stages salades sauvages » (sic !) qui enthousiasment l’auteure !
Contre la vision du jardinier et de l’agriculteur, l’auteure en appelle, à celle de l’horticulteur, de l’artiste et insiste sur la symbolique. Bien entendu sur ce terrain, la réhabilitation des adventices n’est même pas à faire, et dans son immense majorité le lectorat urbain ou rurbain lui sera acquis et applaudira lorsqu’elle considère que l’emploi des herbicides « a conduit à un génocide végétal » ! Qualification pour le moins inappropriée pour ne pas dire scandaleuse lorsqu’on songe aux vrais génocides ! Oui, le laboureur a choisi entre le joli bouquet et la bonne récolte. N’en déplaise à l’auteur, avec un champ propre, nettoyé des mauvaises herbes, il peut gagner sa vie et nourrir les gens : plus de disettes. Qui osera dire qu’il n’a pas fait le bon choix ?
Je passerai rapidement sur la façon orientée dont est retracée l’histoire des messicoles où seule la question de l’origine est traitée sans a priori. Quant au retour en grâce qui s’opèrerait de nos jours, il est largement exagéré. Si retour il y a, ce ne peut être que retour en force de messicoles génétiquement modifiées par la pression sélective exercée sur elles par les herbicides. À la différence de l’auteure, je ne crois pas que jusqu’à une période récente, le cultivateur ne cherchait qu’à « tenir en respect » les mauvaises herbes et que le but n’était pas de les éradiquer. Simplement sans les herbicides, il n’en avait pas les moyens. Mais s’il en avait disposé … La plus belle preuve de ce que j’avance, c’est qu’il s’y est employé dès que ces moyens, les herbicides tant décriés, furent en sa possession. Il allait pouvoir réaliser ce rêve : plus de mauvaises herbes dans ses champs qui gâteraient ses récoltes !
Certes, il faut du discernement dans l’emploi des désherbants mais il en faudrait aussi dans la promotion des messicoles et plus généralement des adventices. Toutes ne sont pas des pestes dans les champs, leur rareté ou l’ absence de compétitivité de beaucoup d’entre elles font qu’elles se comportent plutôt comme des commensales. Mais il y en a qui le sont, soit parce qu’elles sont envahissantes ou/et qu’elles polluent les récoltes et entrainent leur déclassement. Celles-ci n’ont pas leur place dans les champs, exceptées quelques délaissées ou quelques parcelles destinées à leur conservation et non à la production. La flore des champs cultivée de Philippe Jauzein a, entre autres mérites, celui de préciser la fréquence de ces taxons et de distinguer les adventices qui posent de « réels problèmes de nuisibilité » de ceux qui n’en posent pas. Ce que ne fait pas cet ouvrage.
Un champ de blé envahi de coquelicots, c'est peut-être joli mais la récolte en sera sévèrement affectée. Si l'agriculteur sème du blé, ce n'est ni pour récolter de la graine de coquelicot ou de bleuet, ni pour la belle carte postale du touriste de passage ou pour le plaisir du bobo, heureux propriétaire d’une résidence secondaire campagnarde, qui croit que parce qu’un champs avec des coquelicots est bio! Alors que c’est souvent tout le contraire, le résultat d’un usage d’une quantité déraisonnable de pesticides …
Bien que l’auteure affirme qu’en ce qui concerne les messicoles « il est nécessaire d’aborder la question non seulement d’un point de vue écologique, naturaliste et paysager, mais aussi et surtout du point de vue du monde agricole » (p. 17), ce n’est pas ce qu’elle fait dans cet ouvrage. Le point de vue du monde agricole d’aujourd’hui n’apparaît guère si ce n’est pour être plus ou moins sévèrement critiqué. L’auteure choisit de se référer à un monde agricole de jadis (le bon vieux temps) ou à des modèles d’agriculture qui n’ont pas fait leurs preuves et qui ne préfigurent pas nécessairement l’agriculture de demain (l’imaginaire) ! La page de conclusion de l’ouvrage illustrée avec la reproduction d’une enluminure extraite des Grandes Heures d’Anne de Bretagne est significative à cet égard : réveillons le sauvage en nous en allant cueillir des doucettes (mâches), bannissons « le mythe du champ propre » pour « la cohabitation harmonieuse entre « messicoles et céréales » comme au temps d’Anne de Bretagne avec ses moissons où les taches de couleurs des messicoles se mêlaient à l’or du blé mûr…j’ajouterai : pourquoi pas aussi moissonner à la faucille, du moins lorsque le blé aura réussi à pousser et à mûrir comme sur cette enluminure, ce qui n’était, malheureusement pas souvent le cas. Si la récolte n’était pas bonne, venait le temps des famines et ce n’était pas une salade de mâches qui pouvait remplir les estomacs. Ce bon vieux temps d’avant la révolution verte avec ses moissons colorées fut aussi celui des famines qui hantent la mémoire collective, ravivée par les mesures de rationnement lors de la dernière guerre mondiale et plus récemment la crise agricole du début de ce siècle qui toucha durement les pays pauvres ou en voie de développement mais n’eut dans les pays développés que peu de conséquences.
Non, la « Révolution verte » n’a pas été seulement « une croisade qui croyait nourrir le monde en bannissant la part du sauvage » Cela est faux et réducteur et donc injuste. Faux parce que la révolution verte n’a pas fait que « croire nourrir le monde ». Elle a globalement réussi à le nourrir au sortir de cette guerre, notamment en France bien mal en point à l’époque. Grâce à elle, les famines ont disparu dans les pays développés et c’est dans les pays du sud qui avaient mis en œuvre cette révolution que la crise de 2007/2008 a eu le moins de conséquences. Réducteur, car cette révolution ne se limite pas à une croisade contre les adventices. Ce n’est même pas son but premier. Certes, le progrès des connaissances en matière d’agronomie permet de corriger ses excès mais si l’on jette le bébé avec l’eau du bain, c’est notre agriculture qui sera mise à mal, ses capacités exportatrices impactées et la suffisance alimentaire du pays même plus assurée.
Comme dans le cas du loup, fléau pour l’élevage défendu par des gens qui pour la plupart d’entre eux n’élèvent ni brebis, ni vaches, les messicoles et plus largement les adventices des champs sont défendues par des gens qui pour la plupart ne sont pas des agriculteurs, c’est-à-dire des gens qui n’ont rien à craindre des nuisances occasionnées ! Et dans les deux cas une masse d’urbains et de rurbains les soutient et refuse de comprendre le point de vue de ceux qui produisent le lait, la viande et les céréales qui sont pourtant à la base de leur nourriture.
Cela a cependant moins d’importance car à la différence du loup pour l’élevage et à l’exception de quelques espèces comme le coquelicot ou l’ivraie, les messicoles décrites dans ce livre ne sont plus un problème pour l’agriculture, du moins pour quelques temps encore. De multiples causes bien détaillées dans l’ouvrage font qu’elles sont devenues rares, certaines sont en danger d’extinction. Dans les régions de grandes monocultures intensives, certaines sont même d’une très grande rareté, n’existent peut-être même plus, voire n’y ont jamais poussé. Originaire du bassin méditerranéen, le climat ne leur était guère favorable. Voir par exemple le cas de la Garidelle (p. 153).
Certes il est urgent de prendre des mesures pour conserver in situ et ex situ ces espèces sans lesquelles certaines d’entre elles disparaitront inéluctablement que ce soit à cause des pratiques culturales qui les excluent des champs leur lieu de vie le plus adapté, voire le seul ou elles peuvent se développer comme la Nielle, ou parce qu’elles sont moins concurrentielles que d’autres. C’est une chose, mais cela en est une autre de tenter de faire croire qu’elles sont bénéfiques quand elles s’incrustent dans les champs de céréales et que c’est une erreur de ne pas les y tolérer. Dans une parcelle conservatoire, dans une bande enherbée, elles pourraient être spontanées, elles le sont parfois, mais dans tous les cas, elles ne sont plus adventices. La qualité de mauvaise herbe n’est pas du même ordre que le diagramme floral ou le nombre de chromosomes, elle est relative à un projet et un contexte. Que le projet ou le contexte change et la qualification change. Il n’y a là rien qui les différencie de n’importe quelle autre espèce poussant dans d’autres milieux anthropisés ou non. Pour ces plantes exceptée peut-être l’ivraie, les champs et plus généralement les cultures sont des milieux secondaires, même si aujourd’hui, elles n’en ont pas d’autres. Dans un carré de mâches, les pissenlits sont des mauvaises herbes ; dans un champ de pissenlits cultivés comme médicinales, les mâches sont de mauvaises herbes. Le pissenlit peut être cultivé ou mauvaise herbe sans cesser d’être un pissenlit, une fleur bleue ne peut pas être un pissenlit. Sa couleur est une propriété intrinsèque, celle d’être une mauvaise herbe, non. Il n’y a donc rien d’extraordinaire qu’une plante puisse passer du stade d’adventice à celui de cultivée … qu’il faudra défendre contre d’autres adventice, peut-être avec des désherbants sélectif comme dans le cas de la cameline rapporté par l’auteure.
Bref il en est des messicoles comme de toutes les autres plantes en danger, ici comme ailleurs. Il y a d’abord une raison bassement matérielle qui justifie qu’on tente de les sauver de l’extinction. Elles peuvent avoir des propriétés ignorées ou négligées utiles en médecine humaine ou vétérinaire, en agriculture comme stimulateur de croissance, insecticide, herbicide, utilisables en agriculture bio, comme plante compagne en agroécologie, etc. À côté de cet intérêt « scientifique », il y a le caractère symbolique que revêtent quelque unes et leur beauté. Menacées, belles et rares , elles deviennent patrimoniales.
En conclusion, malgré toutes les critiques que l’on peut faire à cet ouvrage, il faut lui reconnaître le mérite de nous apprendre beaucoup de choses sur les messicoles que l’on ne risque pas de trouver dans les ouvrages de botanique ou d’agronomie actuels. Il est aussi indéniable que ce livre est plaisant à lire grâce à sa mise en page, ses illustrations, notamment les aquarelles de Nadine Jarentowski et surtout grâce au talent de narratrice de Sophie Lemonnier qui sait si bien raconter ces histoires de plantes. Cela rend ce livre captivant et fait oublier ses parti-pris et ses biais. J’en conseille vivement la lecture.
Sophie Lemonnier, Illustrations de Nadine Jarentowski L'aventure est dans les blés: Redécouvrir les plantes messicoles, nos sauvageonnes des moissons Broché – septembre 2014, Editions Savoirs de terroirs, 285 pages.
Jeudi 2 Octobre 2025
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