Le Comité économique, éthique et social (CEES) du Haut Conseil aux Biotechnologies (HCB) a rendu le 12 avril 2013 une recommandation demandant l’arrêt de l’essai de l’INRA sur des peupliers génétiquement modifiés et la destruction de ces arbres même si l’essai ne « présentait pas de risques «identifiables» pour la santé humaine ou animale ou pour l’environnement » selon l’avis du Conseil scientifique (CS) du HCB. Le CEES a estimé, à la majorité de ses membres que « les objectifs (de l’essai) sont mal définis, l’argumentaire flou, l’utilité collective limitée et les éventuels débouchés industriels à terme porteurs de nombreuses interrogations aux plans socio-économique et éthique » L’INRA sollicitait une prolongation de 5 ans de l’autorisation de cette plantation de peupliers grisards OGM à St Cyr en Val dans le Loiret sur une parcelle de 1363,5 m2. C’était le seul essai en milieu non confiné qui existait encore en France. Les peupliers devraient donc être détruits. Il faut qu’ils le soient mais compte tenu de l’avis du Comité scientifique, le seront-ils ? En d’autres termes, suffit-il qu’une recherche sur des OGM soit considérée sans risque pour la santé humaine et/ou l’environnement pour qu’elle soit autorisée ? On le voit l’enjeu est de taille.


Il faut noter qu’avec cette plantation, l’INRA avait pris quelques libertés avec le règlement. Alors que l’autorisation de 2008 concernait dix rangées de 5 arbres, soit 50 arbres, elle est passée sans autorisation à 120 arbres par rangée, soit 1200 arbres !! Ce que ne manque pas de souligner le CEES du HCB : « (la nouvelle demande vaut) pour un nombre d’arbres qui a considérablement augmenté en 2008 (passant de 5 à 120 arbres par lignée) à l’initiative de l’expérimentateur et sans que l'Autorité compétente en ait été avisée, ce qui constitue une violation des règles en vigueur » (Recommandation…, p.1, note 1)

Des peupliers OGM pour quoi faire ?

Avec l’essai s’achevant en 2013, l’INRA a voulu acquérir une meilleure compréhension de la biosynthèse et de la mise en place des lignines dans les parois des cellules du bois. Elle voulait aussi évaluer l’effet de modifications de ces lignines sur les propriétés du bois et leur apport en termes de production de pâte à papier. De fait, il s’agissait de créer des peupliers OGM pauvres en lignine pour les papeteries (*). Pour ce qu’elle pensait être les besoins de cette industrie, l’INRA a bricolé par génie génétique des peupliers dont on pourrait dire qu’ils sont affligés d’un squelette déficient et privés d’une partie de leur système immunitaire. En effet, les lignines donnent au bois sa rigidité. Elles assurent le soutien mécanique de l'arbre, confère l’imperméabilité à ses tissus et lui procure une barrière de protection contre les attaques microbiennes. Mais manque de chance pour l’INRA, les papetiers n’ont pas voulu de ses peupliers rendus génétiquement déficients. Dès lors, il faut trouver un autre débouché pour ces arbres transformés en fabriques de pâtes à papier. Ce seront les agrocarburants.

L’INRA n’est pas légitime pour définir « l’intérêt collectif »

« Un organisme de recherche publique doit pouvoir préparer les innovations d’intérêt collectif» déclarait Marion GUILLOU alors directrice de l’INRA pour justifier que cet organisme public continue ses essais pour fabriquer des OGM bien que les gens n’en veulent pas. « Nous avons à ce propos sollicité une autorisation d’essai sur les peupliers afin que la lignocellulose puisse se dégrader, afin de rendre possibles les carburants de deuxième génération. Nous sommes convaincus que si nous n’obtenons pas cette autorisation, l’élaboration de carburants de deuxième génération sera retardée. » «Grenelle de l’Environnement» Rapport de l’intergroupe OGM, 25 septembre 2007, p.72) Bien entendu, Madame GUILLOU a oublié de dire aux membres de cet intergroupe que son organisme de recherche avait préparé avec ces peupliers une « innovation » pour l’industrie papetière que cette dernière, Dieu merci, n’a pas voulu.
En outre depuis quand un organisme de recherche publique a-t-il une légitimité quelconque pour définir ce qu’est « l’intérêt collectif » et une innovation susceptible de le servir ou non en contradiction avec ce que les gens veulent? Même s’il est moins légitime sur ces questions que les citoyennes et citoyens eux-mêmes, le Comité économique, éthique et social (CEES) du HCB possède néanmoins une légitimité certaine puisque selon la présentation de cette instance sur le site du HCB, ce comité « pluridisciplinaire et pluriprofessionnel (…) constitue une instance d’analyse et de débat entre des parties prenantes très diverses. (…) Il est composé d’élus, de représentants d’organisations professionnelles, de salariés, d’associations de protection de l’environnement, d’associations de défense des consommateurs et de personnalités qualifiées » que l’on peut estimer représentative de notre société. De plus comme le rappelle le texte de la « recommandation » relative à la demande d’autorisation d’essai de l’INRA, le Comité économique, éthique et social a dans ses missions de replacer ces dossiers dans un contexte éthique, c'est-à-dire dans une perspective de « bien commun» et donc, pour ce qui concerne le cas présent « de préservation de la biodiversité, de diminution de l'émission d'équivalents CO2 et de préservation des terres, tant agricoles destinées à l'alimentation d'une humanité croissante que naturelles (ou semi-naturelles, selon les expressions utilisées) » (Recommandation… , p.4, note 10).Et il n’est pas du tout d’accord avec les déclarations de l’ancienne présidente de l’INRA.

Tout d’abord, le CEES remarque que même si la poursuite de cet essai en milieu non-confiné ne pose pas de problèmes majeurs de sécurité aux dires des scientifiques, il ne s’agit que de recherche industrielle : «Plus que l’acquisition de nouvelles données, la demande telle que formulée auprès du HCB poursuivrait prioritairement un objectif de recherche industrielle visant à tester l’intérêt du bois issu des lignées génétiquement modifiées dans l’éventuelle mise en place d’une filière de production de peuplier cultivé pour la production de bioéthanol. » De ce point de vue, « il se pose des questions d’ordre socioéconomique et éthique quant à la pertinence de s’engager dans une telle voie puisque l'accomplissement d'un essai n'est pas neutre quant aux voies technologiques empruntées ultérieurement.» (Souligné par moi, JFD) La culture du peuplier, OGM ou non, pour la production d’agro-carburants entrainerait la destruction de milieux humides et notamment de forêts alluviales et riveraines des cours d’eau (ripisylve spontanée) dont le grand intérêt écologique est dû à leur biodiversité : « le peuplier pousse dans des sols humides non portants. Ces sols sont soit occupés par une ripisylve spontanée, de grande valeur écologique, soit par des populicultures destinées à la production de bois, essentiellement pour fabriquer des caisses qui, autrement, seraient en plastique. Une populiculture destinée à la production d'agro-carburant entrerait en concurrence avec des populicultures classiques ou avec des milieux naturels » (p. 5) Cette populiculture entrerait aussi en compétition avec des cultures vivrières. « Le CEES tend à le penser, du fait des difficultés d’exploitation en terrains marginaux, de l’importance des surfaces de culture devant se trouver à proximité des infrastructures industrielles et des primes PAC qui, en l’état, ne peuvent être obtenues qu’en cultivant des terres agricoles. » (Ibid.) Ce qui n’est pas acceptable selon le CEES. Son avis est dès lors sans appel : « Pour la majorité des membres du CEES, la demande d’extension ne devrait pas être satisfaite. Même si le risque direct est minime et quel que soit le montant des dépenses finalement engagées – qui, même réduites, pourraient être affectées à d’autres recherches - , ils ne voient pas de réel intérêt à procéder à un nouvel essai dont les objectifs sont mal définis, l’argumentaire flou, l’utilité collective limitée et les éventuels débouchés industriels à terme porteurs de nombreuses interrogations aux plans socio-économique et éthique. Ils recommandent donc que l’autorité publique rejette la demande de prolongation de l’essai et que le pétitionnaire, qui avait annoncé la destruction de son expérimentation en 2013, respecte cet engagement. » (p.7) En résumé, redondant du point de vue de la connaissance, la véritable finalité de cette « recherche » est de mettre au point une production de bioéthanol à partir d’une culture de peupliers qui aurait des conséquences sociales et écologiques inacceptables. C’est dans les arguments montrant cette inacceptabilité que réside, à l’évidence, la dimension éthique de la recommandation du CEES et en les avançant il ne sort pas de son rôle.

L’UFC Que Choisir et l’Association Française des Biotechnologies végétales, même combat ?

Les adhérents à l’UFC Que Choisir seront sans doute surpris que leur représentant au CEES, Sylvie Pradelle se soit prononcée pour la continuation de l’essai parce que, notamment, « les arbres sont en place et que les garder quelques années supplémentaires ne présente pas de risque et ne devrait pas entraîner de coûts importants. » (p.7) avec entre autres conditions celle d’étudier « la possibilité avancée par le pétitionnaire d'utiliser des sols marginaux » Pourtant, ces « terres dites "marginales" encore présentes sur notre territoire » sont de « véritables réservoirs de biodiversité » comme le rappelle la Confédération Paysanne. Mais L’UFC Que choisir ou du moins sa représentante au CEES semble se soucier de la biodiversité comme d’une guigne … Même si les arguments diffèrent, la position de l’UFC Que choisir rejoint pratiquement celle de l’Association Française des Biotechnologies Végétales (AFBV) qui dénonce la recommandation du CEES et demande au Gouvernement français et notamment au ministre de l’agriculture de ne pas suivre les conclusions du CEES. Pour l’AFBV « l’arrêt de cette expérimentation serait pénalisant pour la recherche de voies innovantes nécessaires pour développer en France une énergie renouvelable à partir de la biomasse » ; ce qui n’est que répéter ce qu’affirme l’INRA en faisant fi de l’argumentaire du CEES. Dans son communiqué, l’AFBV estime que le CEES « sort de sa mission d’évaluation des risques des PGM pour se positionner en censeur de la recherche publique » ; ce qui est faux puisque comme rappelé ci-dessus, le Comité économique, éthique et social a pour mission de replacer les dossiers qu’il examine dans un contexte éthique, « c'est-à-dire dans une perspective de “bien commun” », ce qui peut le conduire à se positionner comme « censeur » de la recherche. Dans une perspective de bien commun, toute recherche ne devrait pas être permise et cela déborde le cas des OGM pour rejoindre le problème d’une science citoyenne, c’est-à-dire d’une science et surtout d’une technoscience sous le contrôle des citoyen(ne)s. Pour le cas qui nous occupe, nul doute qu’une majorité des Français considéreraient que la recherche de l’INRA doit être drastiquement réorientée dans le sens défini par la Confédération paysanne : « Alors que nous manquons cruellement de terres agricoles, que chaque année 70 000 hectares d'entre elles disparaissent sous le béton, il n'est pas acceptable que les financements encore disponibles pour la recherche publique soient gaspillés pour des projets aussi scandaleux (que la fabrication de peupliers OGM). La mission de l'INRA devrait se recentrer sur le développement de l'agriculture paysanne et des pratiques réellement agro-écologiques » Encore faudrait-il que les gens puissent s’exprimer ! Cerise sur le gâteau, à la fin de son communiqué de l’AFBV instille insidieusement le soupçon sur l’objectivité du CEES avec cette question purement rhétorique puisque la réponse ne doit pas faire de doute : « N’assiste-t-on pas à une certaine instrumentalisation du HCB? » Le CEES serait sous l’influence d’affreux écologistes obscurantistes. Alors que le Conseil scientifique, lui… On pourrait faire remarquer que ce Conseil à la différence du CEES se borne à indiquer que ses avis sont pris à la majorité des participants sans indiquer le nombre des pour et des contre ainsi que leur nom. On pourrait aussi constater qu’un membre du CS a été nommé à la Direction Générale de l’INRA, organisme pro-OGM. Même si celui-ci a démissionné du CS dès cette nomination, cela serait aussi de nature à mettre en doute l’objectivité de ce Conseil et donc de ses avis. Mais ce qui garantit une certaine objectivité dans les avis rendus de chacune des instances, c’est le caractère pluriprofessionnel, puridisciplinaire de ces comités dont les membres proviennent de différents horizons.

C’est au Ministre de l’agriculture de décider de la destruction des peupliers OGM

Le Comité scientifique (CS) et le Comité économique, éthique et social (CEES) ont-ils rendu des avis opposés ? C’est l’avis de Michel Alberganti « C’est là l’originalité du dossier. Au sein de la même instance indépendante, les conclusions de deux comités divergent… » ici Il a tort. Le CEES ne met pas en doute les conclusions du CS. Il les tient pour acquises mais sa perspective est différente. Il doit juger le dossier sur d’autres critères que les seuls aspects de l’innocuité de l’essai pour l’homme et l’environnement. Et sur ces critères économiques, éthiques (ici principalement la responsabilité écologique), et sociaux (en particulier la nécessité de préserver les terres agricoles pour des cultures vivrières), il donne une recommandation défavorable. La décision finale est du ressort du ministère de l’agriculture. On imagine les pressions qu’il doit subir de la part des lobbies de l’industrie des PGM, pressions dont le communiqué de l’AFVB donne une idée. Pressions aussi d’organismes de recherche comme l’INRA , de ses mandarins et de chercheurs imbus de leur savoir, méprisant le vulgum pecus ignare « Si la recommandation du comité d’éthique devait être suivie d’effet, ce serait évidemment une déception pour l’équipe de recherche concernée. Mais cela n’aurait aucun impact sur la recherche publique en matière de plantes génétiquement modifiées, qui est aujourd’hui inexistante ! Plus exactement, on ne travaille pas à la création de variétés transgéniques, ni en France, ni d’ailleurs en Europe. Quant à la recherche privée, elle est partie ailleurs » a déclaré au journal La Croix, Olivier Le Gall, directeur général délégué aux affaires scientifiques de l’INRA ; une déclaration à demi-mots où suinte entre les lignes une résignation condescendante et pleine de morgue. Traduite en clair, elle donnerait ceci : « Si nos décideurs sont assez ignares et irresponsables pour laisser ces recherches prometteuses et à la pointe du progrès se faire chez nos concurrents (USA, etc. …) que voulez-vous que je vous dise !» Mais il faut espérer que le Ministre tienne bon. Au niveau européen, comme le rappelle La Croix « La France plaide notamment pour que les évaluations scientifiques de l’agence européenne soient renforcées et que soient mieux pris en compte les effets environnementaux à long terme de la culture des OGM » et « la commission propose de laisser aux États membres la possibilité de s’opposer à des cultures d’OGM sur leur territoire en arguant de facteurs « socio-économiques ». Jusqu’à présent, seuls des arguments scientifiques, prouvant un danger manifeste pour l’environnement ou la santé, pouvaient justifier « une clause de sauvegarde ». La logique de l’organisation du HCB qui ajoute à un Comité scientifique, un Comité économique, éthique et social va dans le sens de la proposition de la Commission.

En tout cas, l’enjeu est considérable.

Soit le Ministre décide sur la base du rapport du CS que l’essai peut se poursuivre car sans incidence sur la santé humaine et l’environnement, du moins pour autant que l’on puisse en juger sur la base des connaissances actuelles. Dans ce cas, c’est continuer à considérer que ces critères définis a minima sont les seuls qui doivent entrer en ligne de compte pour l’acceptation de PGM et plus généralement d’OGM. Soit il refuse la prolongation de l’essai en s’appuyant sur la recommandation du CEES. Et dans ce cas, il ouvre la possibilité de juger de l’introduction d’un OGM sur la base de critères qui vont bien au-delà. Pour qu’un OGM soit admis, il faudra prouver qu’il a un intérêt économique, écologique et social ou qu’en tout cas, il ne nuit ni écologiquement, ni socialement. La cohérence voudrait que ce soit la seconde branche de l’alternative qui soit choisie mais le gouvernement actuel a accumulé tellement de décisions antiécologique et a montré un tel désintérêt pour la protection de la nature que l’on ne peut qu’être modérément optimiste et rester mobilisé et vigilant.

(*) Ces lignines doivent être extraites du bois utilisé pour faire de la pâte à papier notamment pour la fabrication du papier blanc. Cette extraction est très polluante lorsque l’on emploie du chlore ou des produits organochlorés.

HAUT CONSEIL DES BIOTECHNOLOGIES COMITE ECONOMIQUE, ETHIQUE ET SOCIAL, Recommandation relative à la demande d’autorisation d’essai au champ intitulée :« Taillis à très courte rotation de peupliers génétiquement modifiés pour les propriétés du bois - Evaluations agronomique et environnementale - Evaluation du bois pour la production de bioénergie » Paris, 12 avril 2013

HAUT CONSEIL DES BIOTECHNOLOGIES COMITE SCIENTIFIQUE, Avis en réponse à la saisine 130213-saisine HCB-B/FR/12.12.011 concernant le dossier B/FR/12.12.01, Paris, le 15 avril 2013.

Mardi 30 Avril 2013 Commentaires (2)

Commentaires

1.Posté par Gilook le 05/05/2013 19:24
Contrairement a ce que vous écrivez, le CEES n'est pas représentatif de la population française avec un vingtaine de membres. De plus certains membres ne viennent plus participer depuis longtemps car ils considéraient y perdre leur temps. D'autre part d'autres membres ont démissionné en 2012, le dialogue s'avérant impossible avec les opposants systématiques aux PGM qui ne soutiennent que l'agriculture bio du fait de la volonté de Monsieur Borlo qui les a choisi. Ce CEES ne devrait pas être composé de représentants d'organisations mais uniquement d'experts. Cela éviterait bien des confusions.

Personnellement je considère que les citoyens sont représentés par nos élus et que ce sont nos élus qui doivent définir la politique de la France et donc celle de la recherche publique. La science citoyenne est un attrape nigauds très dangereux qui permet à certaines associations de se rendre plus importantes qu'elles ne le sont en réalité ( Elles sont des groupuscules qui n'ont aucune représentativité et dans lesquels on retrouve souvent les m^mes personnes). L' avenir de la science entre les mains de ces associations uniquement à vocation contestataire (et qui ne survivent que par des subventions de l'Etat) serait bien sombre. C'est pourquoi je pense que cette recommandation du CEES ne doit surtout pas être suivie car elle serait un premier pas symbolique vers cette science citoyenne qui n'est pas du tout appropriée à la situation de la France qui a besoin de toutes ses compétences scientifiques pour sortir du déclin économique dans lequel elle s'est engagée depuis une vingtaine d'années et dont on voit les "additions" et les pots cassés maintenant.

2.Posté par Jean-François Dumas le 07/05/2013 17:51
En réponse à Glook et ses semblables
Non, la science citoyenne n’est pas « un attrape-nigauds » dangereux. Ce qui serait dangereux, ce serait de laisser la bride sur le cou à des chercheurs embrigadés dans une technoscience oublieuse que « science sans conscience n’est que ruine de l’âme » De conscience, d’ailleurs elle n’a plus. Elle l’a sacrifiée sur l’autel de la compétitivité, du profit, et pour le cas qui nous occupe d’une agriculture productiviste qui ne voit plus dans les vaches que des usines à lait, dans les moutons des usines à laine ou à viande, et dans les forêts des usines à bois ou à pâte à papier. Il n’y a plus d’arbres dans ces pépinières OGM de l’INRA mais de la biomasse à transformer en agrocarburant. C’est cette vision réductrice qui conduirait à coup sûr notre civilisation dans le mur si on laissait faire. Et c’est précisément ce que l’on peut espérer d’une science citoyenne, qu’elle ne laisse pas faire. Une « science citoyenne », ce n’est rien d’autre qu’une recherche scientifique soumise au contrôle des gens qui décident des limites et de l’orientation de cette recherche.
Ce contrôle et ces orientations doivent bien sûr être définis démocratiquement. Mais la démocratie ne se résume pas à sa dimension représentative, elle a aussi une dimension participative pour laquelle les associations, que vous décriez de façon caricaturale, sont un élément essentiel. Il y a aussi la démocratie « directe », le référendum. La conception simpliste que vous exprimez vous sert bien. Elle vous permet de masquer ce fait : les gens ne veulent pas d’OGM, ni dans leurs assiettes, ni dans les forêts et plus généralement dans la nature.
C’est facile de s’attaquer à la représentativité du CEES, plus facile que de réfuter ses arguments que j’expose dans mon article. D’ailleurs dans cette affaire qui a fait preuve de sectarisme, si ce n’est les pro-OGM qui ont claqué la porte du CEES en refusant de faire valoir leur point de vue dans le débat au sein de l’instance, débat considéré comme une perte de temps (sauf bien sûr s’il n’y avait que des gens qui pensent la même chose que vous, ce qui abrégerait ce débat ) ? De plus, il est faux de dire que le CEES actuel est monolithique.
Vous voulez un comité d’éthique composé uniquement d’experts… Passons sur le fait que ce comité composé uniquement d’experts existe au sein du HCB, c’est le comité scientifique. Un comité d’éthique composé uniquement d’experts, voilà bien une absurdité scientiste poussée à l’extrême ! Le domaine des experts est le savoir, savoir qui concerne ce qui EST. Or, de ce qui est, on ne peut déduire, sauf à faire un sophisme, ce qui DOIT ÊTRE. C’est ce qu’a montré le philosophe anglais David Hume au XVIIIe siècle… Il n’y a pas d’expert dans le domaine de l’éthique. Il peut y avoir des personnes que l’on considère pour diverses raisons comme des autorités morales et qui sont plus ou moins reconnues comme telles par les gens. Mais surtout, le « sens moral » qui est au fondement de l’éthique est indépendant de tout savoir et il est partagé par tous (Rousseau, Kant). Ce qui peut prêter à confusion, c’est que sur certains sujets comme il en existe en biotechnologie, il faut une certaine formation pour bien en saisir les enjeux mais comme le montre les panels de citoyens, chacun peut acquérir grâce à une formation pluraliste, s’il est motivé, une compréhension suffisante de ces sujets pour trancher en connaissance de cause et de conséquence.
Croire que la science et la technique comme telles nous sortiront de la crise actuelle, voilà encore une illusion scientiste qui peut tranquilliser les gens à bon compte et avec laquelle on voit qu’aujourd’hui, c’est ce scientisme qui est l’opium du peuple. Et c’est cet opium que vous dispensez pour nous faire admettre ce que nous ne voulons à aucun prix : le bricolage irresponsable du vivant et ses monstrueux OGM.

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