Laurence Abeille, députée écologiste du Val de Marne et plusieurs de ses collègues du groupe Europe-Ecologie /Les Verts vont déposer une proposition de loi « relative à la suppression de l’autorisation exceptionnelle de sévices et d’actes de cruauté sur les animaux lors des corridas ». Cette nouvelle tentative pour interdire les corridas intervient trois ans après celle des députées Geneviève Gaillard (PS) et Muriel Marland-Militello (UMP) Sera-t-elle débattue dans l’hémicycle ou subira-t-elle le même sort que les précédentes qui n’ont jamais abouti ? Il n’y a, hélas, guère lieu d’être optimiste sur le sort qui lui sera réservé.


Laurence Abeille
Laurence Abeille
Certes ainsi que le souligne le CRAC, il s’agit d’une « avancée historique dans la lutte pour l’abolition de la barbarie des arènes » puisque «pour la première fois dans l’histoire de notre pays, des présidents de groupe cosignent une proposition de loi abolitionniste (François de Rugy et Barbara Pompili) » Mais rien n’est gagné pour autant.

Philippe Martin, ministre de l’environnement, élu du Gers, aficionado...

Philippe Martin qui est entièrement acquis à la tauromachie s’est empressé de rassurer ses amis aficionados quant à son soutien indéfectible dès sa nomination à son poste de ministre de l’environnement. On peut compter sur lui pour contrer cette proposition de loi et l’empêcher de voir le jour !

Les petites manœuvres de Jean-Marc Ayrault,
…en tant que président du groupe PS (2007 – 2012)


Jean-Marc Ayrault a tout fait pour enterrer les propositions de loi abolitionnistes lorsqu’il était président du groupe PS au cours de la législature précédente (2007-2012). Dans un article de Charlie Hebdo Jean-Pierre Garrigue président du CRAC et vice-président du CRAC Europe a relaté à Luce Lapin les manœuvres d’obstruction de celui qui est aujourd’hui Premier ministre : «Côté PS, l’hypocrisie, le mensonge et les petits arrangements entre amis étaient de rigueur » constate-t-il : « De juin 2010 (première proposition de loi commune PS et UMP) à mai 2011, le travail des militants et des associations avait permis d’obtenir la signature de près d’une centaine de députés PS supplémentaires en plus des 100 déjà signataires (essentiellement UMP). Signatures qui n’apparaissaient nulle part… bloquées par le président du groupe PS à l’Assemblée nationale, Jean-Marc Ayrault, sous la pression des députés aficionados Valls, Emmanuelli, Glavany et quelques autres. »

Le sénateur PS anti-corrida, Rolland Povinelli ayant réussi à « faire sauter le verrou », «J.M. Ayrault «permet» aux députés PS de déposer une nouvelle proposition de loi et de la signer (preuve qu’avant ils n’avaient pas le droit!) ». Cette proposition de loi fut déposée le 13 juillet 2011 par Geneviève Gaillard et quelques 25 députés socialistes. Il fallait obtenir la majorité absolue au sein du groupe PS, soit un peu plus d’une centaine de signatures, que le Crac avait déjà potentiellement, pour que la proposition de loi soit enfin inscrite à l’ordre du jour de l’assemblée. Mais, durant l’été 2011, c’est un nouveau blocage et de nouvelles consignes des instances du PS en direction des députés qui a fait échoué une nouvelle fois la tentative.

…en tant que Premier ministre

Lors de l’examen de la QPC déposée par le CRAC et Droit des animaux, Jean-Marc Ayrault s’est substitué aux deux ministres concernées, deux femmes, Aurélie Filippeti pour la culture et Christiane Taubira pour la justice, l’une et l’autre anti-corrida, l’une et l’autre réduite au silence, tandis qu’il faisait intervenir ses services juridiques pour plaider la constitutionnalité de cette pratique barbare avec des arguments qui seront repris par le Conseil constitutionnel. Aujourd’hui avec Ayrault et Valls, l’exécutif est acquis à la tauromachie comme il l’était hier avec Sarkozy, Fillon, Alliot-Marie, Morin, Bachelot, Le Maire, ou Juppé.

Le groupe EE/LV : un tigre de papier !

Enfin ce ne serait pas la première fois au cours de cette législature que le gouvernement et le groupe PS enterrent une proposition de loi déposée par Laurence Abeille et le groupe Europe Ecologie/ Les Verts. Ce fut le cas de sa proposition de loi sur les ondes électromagnétiques. Imposant une motion de renvoi en commission, les élus socialistes avaient empêché l'examen du texte proposé. Pour le gouvernement, pour le PS, ses instances nationales et son groupe parlementaire, Europe-Écologie/Les Verts n’est qu’un « tigre de papier ». À juste titre, d’ailleurs tant la ligne de ce parti est incohérente, tiraillée entre la nécessité d’avoir des résultats tangibles vis-à-vis de son électorat et la volonté des ministres, des ministrables, d’élus par la grâce du PS, soucieux de préserver leur portefeuille ou de retrouver leur siège, ce qui leur donne une robustesse d’estomac à l’épreuve des grosses couleuvres qu’ils avalent et savent qu’ils devront avaler.

S’il n’y a pas lieu de douter un instant de la sincérité de Laurence Abeille, il n’en va pas de même de tous les membres de son groupe, de ses deux co-présidents et notamment de François de Ruguy dont la démarche n’est sans doute pas dénuée de toute pensée électoraliste. Avec son collègue Christophe Gavard et d’autres proches de Cécile Duflot, il s’emploie à verrouiller le prochain Congrès d’EE/LV par la constitution d’un « pôle » qui, comme ligne politique, « revendiquera très clairement le maintien de la participation des écologistes au gouvernement ». Dès lors, signer un projet de loi sur l’abolition de la corrida « ne mange pas de pain » puisque l’on sait, à l’avance, que quel que soit le sort de cette proposition, comme de tout autre défendue par le groupe, on restera dans la majorité et que l’on y restera quoi qu’il arrive… Une telle ligne politique, en effet, conduit à se priver de tout moyen de pression sur l’exécutif. Cosigner une proposition de loi abolissant la corrida, cela permet de s’attirer à peu de frais les sympathies, voire les suffrages des défenseurs de la cause animale et de façon plus large des protecteurs de la nature, de récupérer des électeurs de sensibilité écologiste. Une bonne opération en somme… Sauf dans les départements où sévissent les aficionados. Ce qui expliquerait peut-être que des députés élus de ces départements et qui se disent écologistes n’aient pas signé cette proposition de loi.

Soyons donc conséquentialistes : s’il advenait que la proposition de loi soit débattue et pourquoi pas votée, peu importe motivations ou arrière-pensées de celles et ceux qui l’auront cosignée, ils auront fait progresser les valeurs de l’écologie et surtout, il auront sauvé d’innocents herbivores d’une fin aussi inéluctable qu’horrible !

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Annexe :

● Le projet de loi demande l’abrogation de l’alinéa 7 de l’article 521-1 du code pénal.

Rappelons que cet article stipule que « Le fait, publiquement ou non, d'exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle, ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende » mais introduit deux exceptions à l’aliéna 7, l’une pour les « courses de taureaux lorsqu'une tradition locale ininterrompue peut être invoquée » l’autre pour les « combats de coqs dans les localités où une tradition ininterrompue peut être établie »
Ce sont ces exceptions que les députés écologistes veulent supprimer du Code pénal à travers leur texte de loi. Ceci revient de fait à interdire les corridas et les combats de coqs sur l’ensemble du territoire alors qu’ils ne l’étaient que sur la majeure partie de celui-ci, à l’exception notable du Sud Ouest et de la basse vallée du Rhone pour les corridas. Comme cette proposition de loi vise à renforcer l’interdiction de sévices sur les animaux, ne seront pas concernés les courses camarguaises, courses landaises et autres spectacles n’impliquant pas de sévices et d’actes de cruauté sur les taureaux ou autres animaux.
D’autre part, la nécessité de passer par la voie législative pour abolir la tauromachie s’impose puisque en septembre 2012, le Conseil constitutionnel a rejeté le recours du CRAC (Comité radicalement anticorrida), estimant que cette pratique était conforme à la constitution, ce qui impliquait que c’était à la représentation nationale de prendre ses responsabilités en votant une loi si elle voulait qu’elle soit interdite.

L’exposé des motifs mérite une attention particulière, notamment les paragraphes concernant la dignité humaine, le statut de l’animal comme être sensible, l’extension aux animaux du devoir de protection des plus faibles.

La citation de Gandhi : «On peut juger de la grandeur d’une nation par la façon dont les animaux y sont traités » mérite qu’on s’y arrête un instant. Elle montre qu’avec ce critère, la France, même si elle fait partie du Conseil des Nations unies, possède la bombe atomique, vend des armes et se prend pour une démocratie exemplaire n’est qu’une naine, elle qui n’a aboli ni la chasse à courre, ni le gavage des oies, ni le braconnage des ortolans, ni l’élevage en batterie, ni l’expérimentation animale, etc. tandis que au Rajasthan, au nord-ouest de l'Inde, les Bishnoïs une communauté qui vit en osmose totale avec les animaux et qui protège la vie sous toutes ses formes est un géant. Un géant, que nous occidentaux, toutes les nations et tous les états confondus, nous ne pourrons plus jamais être. Puisse un tel constat nous rendre un peu moins arrogants, nous et notre civilisation que nous croyons avoir valeur universelle.
(Tous ceux qui sont passés par la station RER Luxembourg ont pu voir une remarquable exposition photos consacrée aux Bishnoïs sur un des murs de cette station)

Voici le texte intégral de la proposition de loi publié par Laurence Abeille sur son site.

Exposé des motifs

Mesdames, Messieurs,

L’objet de cette proposition de loi est l’interdiction de la corrida avec mise à mort et utilisation de piques et de harpons, telle qu’elle est pratiquée actuellement en France.

Le droit applicable : une exception injustifiable

L’article 521-1 du code pénal punit de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende « le fait, publiquement ou non, d’exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle, ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité ». Or, ces dispositions, selon l’alinéa 7 du même article, « ne sont pas applicables aux courses de taureaux lorsqu’une tradition locale ininterrompue peut être invoquée. Elles ne sont pas non plus applicables aux combats de coqs dans les localités où une tradition ininterrompue peut être établie. »
La corrida est donc reconnue par la loi comme un acte de cruauté pénalement répréhensible, mais qui est tolérée dans certaines localités au nom d’une prétendue « tradition locale ».
Cette exception apparaissant comme injustifiable, la présente proposition de loi a pour objectif de la supprimer.

La corrida comme patrimoine culturel français ?

La « course de taureaux » à pied, à cheval, ou dite portugaise est un spectacle qui consiste en un face-à-face entre un être humain et un taureau à l’issue duquel l’animal est généralement mis à mort.
Autour des taureaux, d’autres spectacles, officiellement reconnus par le ministère de la Jeunesse et des Sports, existent. Il s’agit des courses camarguaises et landaises, qui n’impliquent ni sévices, ni mise à mort de l’animal. Ces courses locales pourraient perdurer, puisque l’objet de cette proposition est d’interdire l’exception de sévices accordée aux spectacles tauromachiques.
En janvier 2011, et de façon assez peu transparente, la corrida a été inscrite à l’inventaire du patrimoine culturel immatériel français. Or, si l’objet est de défendre le patrimoine culturel de notre pays, mieux vaudrait défendre les courses camarguaises et landaises, reflétant davantage notre patrimoine culturel, que la corrida, pratique importée au 19ème siècle et qui, paradoxalement, est pénalement répréhensible dans certaines régions, et autorisée dans d’autres. C’est une manière très particulière de concevoir l’inventaire du patrimoine culturel d’un pays.
De plus, la corrida semble mettre à mal l’un des fondements de notre République qui est la dignité de la personne humaine, dès lors que ce spectacle est fondé sur la blessure, voire la mort éventuelle du torero. Dans son arrêt du 27 octobre 1995 dit « commune de Morsang-sur-Orge », le Conseil d’État, ayant considéré que le respect de la dignité de la personne humaine devait être regardé comme une composante de l’ordre public, avait, en l’espèce, interdit la pratique du « lancer de nain », même avec le consentement dudit nain. Si cette pratique est considérée comme mettant en cause la dignité humaine, le parallèle peut être facilement fait entre le nain et le torero qui, s’il ne sacrifie pas sa dignité d’homme, sacrifie la dignité de la vie en mettant en spectacle sa mort potentielle dans une scène désuète de vaine tentative de domination de l’homme sur la nature.

Une souffrance animale de plus en plus inacceptable

L’époque où l’animal n’était qu’un objet au service de l’homme, dans une conception cartésienne d’« animal-machine », est révolue. L’animal est désormais reconnu comme un être sensible, qui peut souffrir. Une nouvelle conception qui n’épargne pas le sujet de la corrida : il ressort d’un sondage CSA du 19 septembre 2012 que « 57 % des Français penchent en faveur de l’interdiction de la corrida ».
Une société civilisée qui se veut porteuse de valeurs se doit d’adopter un cadre juridique respectueux des animaux. C’est ce qu’exprimait Gandhi en déclarant en 1931 « On peut juger de la grandeur d’une nation par la façon dont les animaux y sont traités ». C’est en protégeant les plus faibles (les plus âgés comme les plus jeunes, les plus pauvres, les malades, etc.) que l’humanité a progressé pour devenir ce
qu’elle est aujourd’hui. La protection des plus faibles doit continuer et s’intensifier, en englobant également l’animal.

Des initiatives passées déjà nombreuses

Sous les précédentes législatures, plusieurs propositions de loi ont déjà été déposées à l’Assemblée nationale et au Sénat, notamment dans le cadre du Groupe d’études sur la protection des animaux de l’Assemblée. Elles reposent toutes sur la suppression de l’exception inscrite à l’article 521-1 du code pénal. Malheureusement aucune n’a été examinée.
Alors que des régions de tradition tauromachique comme la Catalogne ont interdit la corrida, la France peut difficilement considérer qu’un tel spectacle, décrié par une large majorité de la population, puisse perdurer au nom d’une prétendue tradition.
Les deniers publics se font rares mais la corrida et les écoles taurines continuent à être majoritairement financées par des fonds provenant des collectivités locales De telles subventions ne sont pas justifiées a fortiori puisqu’elles financent une pratique cruelle.
Et alors que certains films sont interdits aux publics fragiles, comme les enfants, la corrida, spectacle de mort et de souffrance, reste autorisée pour tous.
Il est donc nécessaire d’interdire l’exception de cruauté accordée à la corrida.

Proposition de loi

Article unique
Le septième alinéa de l’article 521-1 du code pénal est supprimé
.

Jeudi 26 Septembre 2013 Commentaires (0)

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