Pendant la campagne des élections régionales, le PS et l'UMP ont brocardé les écologistes qui prônaient la décroissance. Avec beaucoup de mauvaise foi, ils confondaient la décroissance et la récession.


En période électorale, bien des coups sont donnés sinon permis. Le PS avait une peur bleue que les écologistes fassent un meilleur score qu'eux au premier tour comme cela avait été le cas aux élections européennes. L'UMP tentait de rallier à son panache une frange de l'électorat écologiste, principalement ceux que la décroissance pouvait effrayer. Peut-être, y avait-il aussi de la part de ces partis classiques une certaine ignorance du sujet et une difficulté réelle à comprendre de quoi il s'agissait, tant la vision du monde écologiste diffère de la vision productiviste dominée par la rationalité économique?
Reconnaissons le honnêtement, même parmi les têtes de liste d'Europe Écologie,

il y en avait un certain nombre qui n'étaient guère à l'aise avec cette notion, peut-être parce qu'ils la reprennent du bout des lèvres et peut-être aussi parce que, pour la faire mieux passer, les programmes l'ont sensiblement édulcorée. Il était difficile aussi dans un débat de répondre brièvement et clairement aux contrevérités distillées par les adversaires ou les concurrents des écologistes. Pourtant, en peu de mots, il est possible d'expliquer la différence entre la non-croissance ou la récession et la décroissance. Il suffit de citer un texte de Serge Latouche tiré de son livre Survivre au développement, Mille et une nuits, Paris, 2004.

Un faux procès

Serge Latouche commence par bien distinguer entre récession et décroissance. Il reconnaît que dans une « société de croissance », l'absence de croissance ou pire encore une croissance négative ne peut être qu'une catastrophe. Voici ce qu'il écrit : « La décroissance n'est pas la croissance négative? On sait que le simple ralentissement de la croissance plonge nos sociétés dans le désarroi en raison du chômage et de l'abandon des programmes sociaux, culturels et environnementaux qui assurent un minimum de qualité de vie. On peut imaginer quelle catastrophe serait un taux de croissance négatif!(...) Il n'y a rien de pire qu'une société de croissance sans croissance » pp. 98- 99. Personne ne le contredira. Nous en faisons tous l'expérience avec la crise que nous vivons. Donc, Messieurs du PS et de L'UMP cessez de faire aux écologistes un faux procès, pas plus que vous, ils ne se satisfont d'une récession.

Pour une société de décroissance

La vraie différence n'est pas là. La différence est que les écologistes, ou du moins certains d'entre eux, proposent de passer d'une « société de la croissance » à une « société de la décroissance ». Cette société de la décroissance, il me semble que tout écologiste devrait être d'accord avec la manière dont Serge Latouche la décrit : « une tout autre organisation dans laquelle la place centrale du travail dans notre vie est remise en question, où les relations sociales priment sur la production et la consommation de produits jetables et inutiles, voire nuisibles, où la vie contemplative et l'activité désintéressée et ludique trouvent leur place. » Le passage à une telle société suppose « une réduction féroce du travail imposée pour assurer à tous un emploi satisfaisant et permettre un rééquilibrage des temps de vie ».C'est l'opposé du travailler plus pour gagner plus de Sarkozy. Pour enclencher le cercle vertueux qui permettra d'obtenir cette décroissance soutenable et conviviale, il faudrait poursuivre six objectifs interdépendants, réaliser « un programme en six R : Réévaluer, Restructurer, Redistribuer, Réduire, Réutiliser, Recycler. »

Un programme en six R

Serge Latouche explicite ainsi les six objectifs. « Réévaluer, cela signifie revoir les valeurs auxquelles nous croyons et sur lesquelles nous organisons notre vie. Restructurer, cela signifie adapter l'appareil de production et les rapports sociaux en fonction du changement de valeurs. Redistribuer s'entend de la répartition des richesses et de l'accès au patrimoine naturel. Réduire veut dire diminuer l'impact sur la biosphère de nos modes de produire et de consommer. Pour ce faire, réutiliser au lieu de jeter les appareils et les biens d'usage et, bien sûr, recycler les déchets incompressibles de notre activité. » (p.97-98). Si des progrès ont été réalisés ces dernières années, c'est surtout sur le dernier des six R, le recyclage. Cette activité participe d'une rationalité technicienne, s'intègre dans des méga-structures industrielles et s'accommode fort bien de la rationalité économique. Ce n'est pas seulement faire son compost ; ce n'est plus construire une éolienne domestique avec les restes de vieux vélos.
Il est évident que le plus important de ces six R est le premier, une révisions des valeurs, autrement dit un changement de vision du monde, une révolution culturelle, devrait-on pouvoir dire. C'est lui qui conditionne les autres. C'est aussi celui sur lequel peu de progrès ont été réalisés même si de plus en plus de gens prennent conscience que « cela ne peut plus durer comme cela », qu'il faut un changement radical des mentalités. Mais « dans quelle mesure chacun de nous est-il prêt à résister dans sa vie quotidienne, à la colonisation des besoins socialement fabriqués? » Majd Rahnema, cité par Serge Latouche (o.c., p. 96) Il n'est pas certain que les écologistes, les décroissants, les alter-mondialistes soient d'accord entre eux et avec les autres sur la révision des valeurs à effectuer. En ce qui me concerne, les valeurs a promouvoir ont pour nom antispécisme, amour de la nature, simplicité volontaire, autonomie et solidarité.

Mardi 20 Avril 2010 Commentaires (0)
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