Cet article complète un article précédent : " Les végans croient qu’un régime végétalien permet de manger sans tuer ou faire souffrir des animaux. C’est faux !" Il s'agit d'un examen de la critique de l'article Mike Archer "Ordering the vegetarian meal? There’s more animal blood on your hands" parue sur le blog de l'association L 214.Ce texte est révélateur de la façon dont cette association et ses membres traitent leurs contradicteurs : total contresens sur le propos assaisonné d'invectives et d'insultes contre quelqu'un qui a eu l'outrecuidance de contester leurs dogmes. Le rejet de la domestication et le tabou de la viande tels sont les deux piliers du véganisme comme le montre cette controverse.


En annexe, le lecteur trouvera la traduction de l'article de Mike Archer initialement publié en anglais sur le site "The conversation". Il pourra se faire ainsi sa prorpre opinion sur ce texte.

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Pour L214 , c’est l’astrophycien végan Aurélien Barrau qui s’était chargé de critiquer l’article de Mike Archer « Ordering the vegetarian meal? There’s more animal blood on your hands » lorsque celui-ci faisait le buzz sur les réseaux sociaux. Sa spécialité ne le recommandait pas spécialement pour effectuer ce genre d’exercice et dès le début de son texte, c’est vraiment mal parti.
 
Toute la réfutation est hors sujet. Barrau comme bien d’autres critiques végans ont négligé le fait que l’article d’Archer concerne l’Australie. Il suffit de lire son texte pour le voir. Mais de plus en réponse à des commentaires sous le texte il précise : « my focus was on the Australian situation ». Peine perdue pour beaucoup de commentateurs dont Barrau.
 
Barrau fait comme si Archer plaidait simplement pour un régime omnivore à base de viande. Or le régime qu’il considère éthiquement et écologiquement responsable POUR L’AUSTRALIE est certes un régime omnivore à base de viande, mais de viande bovine issue de bétails élevés à l’herbe sur des parcours et dans des pâtures australiennes ou de viande de kangourou provenant de chasses à but commercial. Il ne propose pas de manger de la viande de bovins nourris avec du blé et du soja dans des parcs d’engraissement. Il est sans doute opposé à ce type d’élevage, vues les références à Simon Farlie et Lierre Keith et son souci que la superficie des terres consacrées aux grandes cultures ne soient pas augmentée.
 
Selon Barrau, l’enjeu de l’article consisterait  à tenter de placer le lecteur dans la catégorie des gens qui font preuve d’une violence qui n’a même pas le courage de s’assumer ; la violence en question étant de faire le choix de consommer de la viande. « Celui qui non seulement poursuit l’activité [de consommer de la viande] et veut de plus se convaincre qu’il est bienfaisant envers ses victimes, adopte un positionnement particulièrement lâche et intenable au niveau éthique ». Mike Archer serait donc un lâche embrassant le mal. Comme injure, on ne peut guère faire mieux. Cet exergue particulièrement agressif et méprisant est bien dans le style des végans.
 
Barrau l’étaye sur deux prémisses qu’il considère incontestables « l’industrie de la viande cause d’infinies souffrances à des êtres sensibles » et « je sais que [je] n’ai pas biologiquement besoin de viande ». Abstraction faite de l’hyperbole « infinies souffrances » la première n’est pas fausse mais Archer ne plaide pas en faveur de cette industrie, bien au contraire.  Ce que défend Archer dans son texte est un élevage extensif herbager et dans ce cas parler d’infinies souffrances n’est pas seulement exagéré, c’est faux. Même des tenants de la libération animale moins excessifs que Barrau le reconnaissent : sans doute une vie de bovin dans un élevage herbager extensif vaut la peine d’être vécue même si elle renferme son lot de désagréments et de souffrances.  Mais existe-t-il une vie qui n’en renferme pas ?
 
La seconde est par contre très discutable. Les spécialistes de la question ne sont pas d’accord entre eux et il est difficile de croire qu’un régime végétalien soit une bonne chose, ne serait-ce que parce que l’équilibrer sans l’aide d’un nutritionniste professionnel est délicat. Pour les enfants, il est pour le moins aventureux. 
 
Mais le pire est que Barrau se contente d’affirmer sans preuve que l’enjeu de l’article est celui qu’il indique alors que ce n’est pas du tout le cas. Archer ne pose pas le problème en ces termes. Pour lui, il s’agit de dénoncer l’hypocrisie des végans qui racontent que leur régime est « sans souffrance animale » et ne nécessite pas de tuer des animaux. Il s’agit ensuite de repenser la façon de vivre de façon soutenable des ressources naturelles de l’Australie, de s’y insérer de telle sorte que l’ile soit encore vivable, et capable de nourrir ses habitants sur le long terme tout en préservant la faune et la flore autochtone et en l’utilisant de façon responsable. Voir son ouvrage, Going Native, 2004 dont le titre est à lui seul tout un programme. Ce qu’il dénonce, c’est la destruction des milieux naturels primitifs de l’ile pour leur infliger des monocultures de plantes étrangères, ces plantes qui sont à la base des régimes végans.
 
Bref avec des insultes liminaires fondées sur des affirmations discutables ou fausses et sur des contresens, c’est vraiment mal parti. 
 
Et ça continue …
 

Barrau écrit : « il faut typiquement dix fois plus de cultures pour nourrir les animaux d’élevage que pour nourrir directement les hommes avec des végétaux ! L’argument de l’auteur joue donc précisément contre son propos. L’affaire est entendue. »
 
Malheureusement pour lui, il s’agit dans le cas d’espèce envisagé par Archer de modes d’élevage herbager dans lesquels le bétail est nourri à l’herbe. Il ne faut que des surfaces de cultures insignifiantes pour ces modes d’élevage, voire pas du tout. L’affaire est loin d’être entendue et Barrau a tout faux.
 
Barrau écrit « l’article est totalement incohérent parce qu’il compare essentiellement de la viande qui serait obtenue par prélèvement (gardons à dessein des termes froids et neutres) dans la nature à une alimentation végétarienne provenant de cultures de céréales ! S’il était logiquement conséquent il considérerait alors des végétariens qui se nourrissent en cueillant les fruits sur les arbres de forêts. »
 
Décidément, on dirait que Barrau ne connaît rien à l’élevage sur prairies ou en parcours. Cette viande n’est nullement « obtenue par prélèvement dans la nature », il s’agit d’élevage et non de chasse bien que Archer préconise aussi d’ajouter à la viande bovine d’élevage, de la viande de kangourou obtenue par une chasse soutenable, c’est-à-dire préservant la bonne santé des populations chassées. Ensuite si cet élevage et cette chasse sont réels et permettent d’obtenir une grande partie de la viande rouge consommée sur l’ile, les végétariens frugivores humains se nourrissant des fruits des arbres des forêts australiennes sont issus de l’imagination de Barrau. Comment opposer des pratiques réelles à des fictions saugrenues ?
 
Mais cette fiction est en fait un procédé rhétorique pour mettre les modes d’élevages herbagers entre parenthèses et opposer un régime végétalien à un régime omnivore avec de la viande d’animaux nourris aux grains (céréales/légumineuses). Barrau se réfère aux cochons, aux moutons et aux bovins. Ce qui va lui permettre d’assener ce dont les végans nous rebattent les oreilles : «L’essentiel des cultures aujourd’hui déployées sur Terre sont faites pour nourrir des vaches, des cochons et des moutons. C’est un fait que personne ne peut contester (…) Donc tous les arguments – très pertinents – suivant lesquels ces cultures sont nuisibles sont précisément ceux pour lesquels il faut en effet diminuer l’alimentation carnée » 
 
Pour les cochons, il est effectivement indiscutable que l’immense majorité d’entre eux  sont élevés hors sol avec des farines végétales, pour la France souvent importées, ce qui est une hérésie. Selon les modes d’élevage pour les moutons et les bovins, l’herbe et le fourrage peut aller de 60 à près de 100% de la ration.
 
Cela dit, dans le régime que défend Archer, il n’est question ni de porcs ni de moutons, seulement de bovins élevés en herbager extensif et de kangourous « prélevés dans la nature ». Je ne sais ce que cherche à réfuter Barrau, mais ce n’est pas ce que défend ou propose Archer dans son article. Je pense qu’Archer n’est pas partisan de « l’industrie de la viande » que pourfend Barrau. En tout cas, pour ce qui est de l’Australie, compte tenus des arguments qu’il avance, Archer ne l’est pas. Pour lui l’Australie doit compter sur ses landes pour un élevage bien plus écologiquement responsable dans lequel les ruminants ont leur véritable utilité – transformer de l’herbe en protéines assimilables par l’homme – et se nourrissent conformément à leur nature de ruminants. Il est aberrant de nourrir les ruminants avec des céréales et des tourteaux de soja dans des élevages hors sols et de bousiller des milieux naturels pour les mettre en culture afin de les produire. Nul besoin d’être végan pour s’accorder sur un tel constat. Mais qui défend cela ? Pas Mike Archer en tout cas qui regrette même que l’Australie pratique des cultures de céréales pour l’export.
 
Au passage Barrau souligne que « cultiver pour les hommes et non les animaux d’élevage permettrait de nourrir environ 4 milliards d’humain[s] en plus ». Il reprend cet argument dans deux passages de son texte. Or ce n’est pas le régime végétalien qui est censé nourrir le plus de gens mais un régime lactovégétarien pour une raison simple, c’est que la majorité des terres pâturées ne peuvent être mises en culture, trop humides, trop sèches, sol trop pauvre ou pas assez profond… C’est notamment le cas de l’Australie pour 70% de son territoire comme le souligne Archer dans son texte.
 
De plus il faut se méfier d’une sorte d’effet rebond en la matière. Tout le passé de l’humanité montre que dès qu’il y a un potentiel de nourriture disponible la population croît. Or ce serait une très mauvaise chose du point de vue de la durabilité de l’espèce humaine car il y a déjà surpopulation par rapport à une capacité de charge terrestre qui ne pourra pas toujours être artificiellement augmentée. Pour Archer « « We can certainly agree about the most threatening elephant in the room in this and most other sustainability discussions: massive human overpopulation. » Donc inutile d’en rajouter et c’est Archer en la matière qui a raison.
 
Pour appuyer ses dires sur le caractère néfaste écologiquement de l’élevage, Barrau ressort un « visuel » de propagande de son association L214 où il est indiqué que pour produire 1 kg de viande de bœuf, il faut 1 500 litres d’eau sans préciser bien entendu qu’il ne s’agit pas d’eau potable mais d’eau virtuelle qui comptabilise l’eau de pluie qui tombe sur les parcours et les pâtures et qui y tomberait de toute façon qu’il y ait ou non des troupeaux qui y sont élevés. Cette eau de pluie dite « verte » constitue l’essentiel de ces fameux 1500 litres dont les végans nous rebattent les oreilles mais Barrau est astrophysicien, pas agronome et il peut colporter sans état d’âme les approximations qui l’arrangent.
 
Barrau qui croit avoir montré l’inanité éthique des préconisations de Mike Archer va dans une seconde partie de son article « noter quelques points signifiants ».

● « Il [Mike Archer] insinue qu’il va proposer un cheminement sous couvert de l’autorité de Singer afin de mettre le lecteur réticent en confiance. » Mike Archer n’insinue rien du tout. Il reprend le principe de Peter Singer selon lequel « si nous pouvons choisir la façon de nous nourrir, nous devons choisir celle qui cause le moins de souffrances inutiles aux animaux » et il veut de démontrer qu’en Australie, un type de régime à base de viande bovine et de kangourou est celle qui répond à ce principe et non comme l’ont conclu Singer et d’autres théoriciens et militants de la « libération animale » un type de régime végétalien. On remarquera les connotations péjoratives du verbe choisi « il insinue » et non « il suggère », terme neutre. Et bien entendu, il ferait cela pour « duper » le lecteur. C’est donc reparti pour les sous-entendus malveillants et les injures plus ou moins voilées en guise d’arguments.
 
● « De façon volontaire ou non, l’article a conduit nombre de lecteurs – la consultation des réseaux sociaux l’atteste – à croire à l’existence d’un vaste débat sur le sujet alors que ce n’est évidemment pas le cas : personne ne doute sérieusement que l’industrie de la viande soit hautement néfaste à l’environnement et hautement cruelle pour les animaux qui en sont victimes. » Encore faut-il préciser ce que l’on entend par industrie de la viande. En outre les méfaits écologiques que les végans attribuent à l’élevage herbager font effectivement débat. Voir le cas de l’eau, mon article « Stop au bourrage de crâne » https://www.jfdumas.fr/Stop-au-bourrage-de-crane-Le-mode-de-vie-vegan-n-est-ni-ecologique-ni-ethique-_a389.html et la bibliographie associée, les dossiers de l’INRA sur la question et les références associées (http://www.inra.fr/Chercheurs-etudiants/Systemes-agricoles/Tous-les-dossiers/Fausse-viande-ou-vrai-elevage/Quelques-idees-fausses-sur-la-viande-et-l-elevage/(key)/0). Pour ce qui concerne la cruauté de l’élevage industriel, il ne devrait guère y avoir de débat mais ce n’est pas le cas de l’élevage herbager au moins jusqu’au transport à l’abattoir. C’est à ce niveau que le bât blesse et que les choses devraient être singulièrement améliorées. Elles le seraient déjà beaucoup si les règles du « bien-être animal » étaient appliquées. Il y a donc débat.
 
● « Laisser croire à une situation incertaine quand il n’y a pas de débat authentique est une supercherie intellectuelle. Quand, de plus, il s’agit non pas d’un simple positionnement théorique mais de la légitimation de la mise à mort de 2000 êtres vivants par seconde, la technique devient nauséabonde » Donc dans son article Mike Archer se rendrait coupable d’une supercherie intellectuelle nauséabonde en faisant croire qu’il y a débat concernant les dégâts environnementaux de l’élevage industriel. Toujours l’injure et l’invective et toujours aussi mal à propos !
 
Comme on vient de le voir, les dégâts attribués à l’élevage qui n’est pas un élevage intensif hors sol font débat. Mais ce n’est pas la question que soulève Archer dans son article. Il oppose l’agriculture qui a détruit les milieux naturels de l’Australie, leurs végétations et leurs faunes autochtones et l’élevage qui les laisse intact pour l’essentiel. Et cela ne fait pas débat.

En outre est hors de propos la référence aux « 2000 êtres vivants tués par seconde » qui sont des animaux de boucherie,  volailles, monogastriques et ruminants, toute espèce confondue au niveau de la Planète : « estimation approximative du nombre d’animaux tués à l’échelle planétaire pour fournir la viande utilisée dans l’alimentation humaine », car répétons-le : l’article de Mike Archer concerne l’Australie.
 
● « L’article exprime une empathie attendrissante pour les souris tuées lors des labours ou dans les silos à grain. Il cherche à rallier la sympathie de ceux qui savent qu’en effet ces petits mammifères sont capables de ressentis très subtils (…). Le processus est assez grossier car il est difficile de croire que l’auteur puisse réellement se soucier du sort des souris compte-tenu de l’immense cynisme de son entreprise. » Toujours des invectives et des insultes. Il ne s’agit pas de rallier la sympathie mais de montrer qu’il s’agit d’êtres sensibles qu’il faut tuer pour préserver les récoltes qui sont les éléments de base du régime végétarien et végétalien. Il y a autant de raison de se soucier du sort de ces animaux que de celui des animaux de boucherie.
 
● « L’article use de l’argument suivant lequel nos dents et notre système digestif seraient adaptés à la consommation de viande. Il est fort regrettable qu’il utilise ici le mode assertorique – qui l’assène comme une évidence – alors que(…) il y a là un véritable débat chez les spécialistes ! » C’est faux. Il n’y a que certains végans qui nient cette évidence….
 
● « Plus généralement, l’article semble user d’un stratagème assez banal et étonnamment efficace : plus la supercherie est « grosse », plus le mensonge est « évident », mieux il fonctionne. L’abattage des animaux pour fournir de la viande tue environ 65 milliards d’animaux terrestres par an (et sans doute environ mille milliards de poissons, crevettes, poulpes, etc.). La mise à mort se passe souvent dans des conditions indescriptibles, après les avoir condamnés à une vie de pure souffrance. Présenter cela comme un bienfait pour les animaux est aussi logiquement stupéfiant qu’éthiquement innommable ». « Stratagème », « supercherie », « mensonge », les amabilités continuent de pleuvoir… Mike Archer n’a jamais présenté comme « un bienfait » pour les animaux d’être mis à mort. Il a simplement affirmé que la mort d’un bovin tué abattu dans les règles était moins cruelle, moins douloureuse que celle d’une souris tuée par empoisonnement. Le vrai reproche que l’on peut faire à Archer, c’est de ne pas s’interroger sur le respect effectif de ces règles et de le tenir pour acquis. Mais peut-être que même dans les cas où les bovins sont abattus de façon condamnable, la souris empoisonnée souffre encore plus…
 
C’est le sang de ces petits rongeurs et autres animaux des champs que les végans ont sur les mains pour se nourrir. Et au total, cela fait beaucoup plus de victimes que lorsque l’australien « carniste » mange son steak de kangourou ou de bœuf élevé à l’herbe sur le sol de son ile. Et bien entendu, c’est cela que Barrau ne veut pas entendre même si cette conclusion ne vaut que pour cette contrée lointaine très différente de la nôtre.
 
 
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Bien entendu le régime considéré comme éthiquement recommandable et écologiquement responsable pour l’Australie ne le serait peut-être pas en Europe, la situation de l’Australie, sa géographie, sa végétation, sa faune et sa flore étant tout à fait singulière.  D’ailleurs en Europe, il n’y a pas de kangourous à chasser ! Les pullulations de souris qui sont à la base de l’argument d’Archer n’existent qu’en Australie, en Chine et par endroit en Californie. Ailleurs, il semble que ce ne soit pas le cas. D’ailleurs Archer reconnait que « In other areas it's less clear how many sentient animals are killed to produce a given amount of grain. I can't comment on this because my focus was on the Australian situation. » Pourquoi ne pas l’admettre et s’en tenir là ?
 
Peut-être parce que les végans veulent que la consommation de viande soit bannie partout, ou du moins partout où la civilisation occidentale prédomine. Le véganisme ne défend pas « les animaux », catégorie hétérogène s’il en est. Ce qu’il condamne, c’est la domestication et donc parmi les espèces du règne animal, celles qui importent aux végans sont celles dont nous tirons notre nourriture, dont nous utilisons les produits dans le cadre de cette domestication, ce qui revient à se soucier d’avantage de ces espèces que des autres. Les espèces sauvages ne les intéressent que si elles sont chassables, mangeables, utilisables d’une façon ou d’une autre. Les ravageurs des cultures ne font pas partie de leur priorité. Ils refusent de manger du miel pour ne pas exploiter les abeilles et risquer de les tuer mais ils se soucient peu de l’extermination des doryphores dans les champs de pomme de terre ! Voilà bien la   preuve qu’un strict « anti-spécisme » est intenable.


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Mike Archer

Commander un repas végétarien ? C’est avoir plus de sang sur les mains !
 
L’éthique des mangeurs de viande rouge a été récemment mise sur la sellette par des critiques qui s’interrogent ses conséquences pour l’état de l’environnement et le bien-être animal. Mais si vous voulez minimiser la souffrance animale et promouvoir une agriculture soutenable, adopter un régime végétarien risque d’être la pire des choses  que vous pourriez faire.
 
Un éthicien réputé Peter Singer déclare que si nous pouvons choisir la façon de nous nourrir, nous devons choisir celle qui cause le moins de souffrances inutiles aux animaux. La plupart des avocats des droits des animaux considèrent que cela signifie que nous devons manger des végétaux plutôt que des animaux.
 
Il faut environ entre deux et dix kilos de végétaux, selon le type de céréales considérées, pour produire un kilo d’animal. Etant donnée la quantité limitée de terres productives dans le monde, il peut paraître à certains qu’il est plus logique de réserver notre intérêt culinaire aux végétaux, parce que l’on pourrait sans doute obtenir plus d’énergie par hectare pour la consommation humaine. Théoriquement ceci devrait aussi signifier que moins d’animaux sensibles seraient tués pour rassasier les appétits voraces de toujours plus d’humains.
 
Cependant avant de rayer la viande rouge produite dans des zones de parcours (rangelands-produced  red meat)  de la liste des « bons à manger » pour des raisons éthiques ou environnementales, testons ces hypothèses.
 
Les données publiées suggèrent que, en Australie, produire du blé ou autres céréales conduit à :
     ●       au moins 25 fois plus d’animaux sentients tués par kilogramme de protéines exploitables
     ●       plus de dommages environnementaux, et
     ●       bien plus de cruauté envers les animaux qu’il en résulte de l’élevage pour la viande rouge.
 
Comment cela est-il possible ?
 
Pour produire du blé, du riz et des légumineuses, l’agriculture nécessite le défrichage de la végétation indigène. À lui seul cet acte cause la mort de milliers d’animaux et de plantes australiennes par hectare. Depuis que les Européens arrivèrent sur ce continent, nous avons perdu plus de la moitié d’une végétation indigène endémique, principalement pour augmenter la production de monocultures d’espèces introduites pour la consommation humaine.
 
La plupart des terres arables de l’Australie sont déjà exploitées. Si plus d’Australiens veulent que leurs besoins nutritionnels soient satisfaits par des plantes, nos terres arables devront être cultivées encore plus intensivement. Cela nécessitera une nette augmentation de l’usage d’engrais, d’herbicides, pesticides et autres fléaux pour la biodiversité et la santé environnementale. Ou, si les lois actuelles étaient changées, plus de végétation indigène devrait être éradiquée pour l’agriculture (une surface de la grandeur de l’état de Victoria et de l’état de Tasmanie pour produire la quantité supplémentaire requise pour une nourriture végétalienne).
 
La plupart du bétail abattu en Australie se nourrit uniquement sur des pâturages. Ce sont habituellement de zones de parcours qui constituent environ 70% du continent.
 
Le pâturage se déroule principalement  sur des écosystèmes indigènes. Ceux-ci ont et maintiennent un niveau beaucoup plus haut de biodiversité indigène que les cultures. Ces zones de parcours ne peuvent pas être utilisées pour produire des récoltes, de telle sorte que dans ces zones la production de viande ne limite pas la production d’aliments végétaux. L’élevage est la seule façon pour les humains d’obtenir de substantiels nutriments de 70% du continent.
 
Dans certains cas, les zones de pâturages extensifs ont été considérablement altérées pour augmenter le stock de végétaux faciles à stocker. Le pâturage peut aussi causer des dommages significatifs comme la perte de terre arable et l’érosion. Mais il ne conduit pas à la « blitzkrieg » contre l’écosystème naturel requise pour faire pousser les cultures.
 
Ces dommages environnementaux ont amené des environnementalistes célèbres à remettre en question leurs préconceptions. Le défenseur de l’environnement britannique Georges Monbiot, par exemple, rendant publique sa conversion de végan à omnivore après avoir lu le plaidoyer de Simon Fairlie sur la soutenabilité de la viande. Et la militante environnementaliste Lierre Keith a documenté les incroyables atteintes à l’environnement global impliquées dans la production de nourriture végétale pour la consommation humaine.
 
En Australie nous pouvons aussi satisfaire une part de nos besoins en protéines en utilisant de façon soutenable la viande de kangourous sauvages. A la différence des animaux de boucherie introduits, ils ne portent pas atteinte à la biodiversité indigène. Leur démarche est légère, ils produisent peu de méthane et ont de relativement faibles exigences en eau. Ils fournissent aussi une viande exceptionnellement saine, pauvre en matière grasse.
 
En Australie 70 % du bœuf produit pour la consommation humaine provient d'animaux élevés sur des pâturages avec très peu ou pas de suppléments de céréales. En permanence, seulement 2 % du troupeau de bovins national de l'Australie mangent des céréales dans des parcs d’engraissement ; les autres 98 % sont élevés à l'herbe. Les deux tiers de bétail abattu en Australie se nourrissent uniquement  au pâturage.
 
Pour produire des protéines à partir de la viande de bovins élevés à l’herbe, on tue du bétail. Une bête morte livre (en moyenne, sur l’ensemble des pâturages Australiens) une carcasse d’environ 288 kilogrammes. C’est approximativement 68% de viande désossée qui, à raison de 23% de protéines donne 45 kg de protéines par animal tué. Ceci implique 2,2 animaux tués pour 100 kg de protéines animales utilisables.
Produire des protéines à partir de céréales implique de labourer les praires et de les ensemencer. Tous ceux qui se sont assis sur un tracteur en train de labourer savent que les oiseaux de proie qui vous suivent toute la journée ne sont pas là parce qu’ils n’ont rien d’autre de mieux à faire. Labourer et récolter tue des petits mammifères, des serpents, des lézards et autres animaux en grand nombre. En outre des millions de souris sont empoisonnées chaque année dans les installations de stockage des grains.
 
Le plus grand nombre de pertes d’êtres sensibles et le mieux documenté est celui des souris empoisonnées lors de leurs invasions. 
Partout en Australie où l’on produit des céréales, une invasion de souris a lieu en moyenne tous les quatre ans avec 500 à 1000 souris par hectare. Le poison en tue au moins 80%.
Au moins 100 souris sont tuées par hectare et par an (500/4 x 0.8) pour faire pousser les céréales. Les rendements moyens sont de 1.4 tonnes de blé/hectare ; 13% du blé constitue des protéines utilisables. Par conséquent, au moins 55 animaux sentients  meurent pour produire 100kg de protéines végétales utilisables : 25 fois plus que pour la même quantité de viande de bovins élevés en terre de parcours (rangeland beef).
 
Une partie de ces céréales sont utilisées pour « finir » les broutards dans les parcs d’engraissement (une autre est destinée aux vaches laitières, aux porcs et à la volaille), mais malgré cela, beaucoup plus d’êtres vivants sensibles sont sacrifiés pour produire des protéines utilisables à partir des céréales que du bétail de zone de pâturages extensifs.
 
Il y a une autre question à aborder ici : la question de la sensibilité (sentience) – la capacité à ressentir, percevoir ou être conscient.
 
Vous pouvez ne pas penser que les milliards d’insectes et d’araignées tués par la production de céréales sont sentients, bien qu’ils perçoivent et répondent au monde qui les entoure. Vous pourriez ignorer les serpents et les lézards en tant que créatures à sang froid incapables de sensibilité bien que qu’ils forment des couples et prennent soin de leurs jeunes. Mais pour les souris ?  
 
Les souris sont beaucoup plus sensibles (sentientes) que nous le pensons. Elles chantent les unes aux autres des chants d’amour complexes, personnalisés qui deviennent de plus en plus complexes au cours du temps. Chanter quel que soit le genre de chant est un comportement rare parmi les mammifères qui n’était connu auparavant que chez les baleines, les chauves-souris et les humains.
 
Comme des adolescentes humaines en pamoison, les jeunes filles souris essaient de se rapprocher d’un chanteur de charme talentueux. A présent les chercheurs tentent de déterminer si les  innovations dans les chants sont génétiquement programmées ou si la souris apprend à varier ses chants lorsqu’elle grandit.
 
Les bébés souris laissés au nid chantent pour leur mère – un genre de chant pleureur pour lui dire de revenir. Pour chaque femelle tuée par le poison que nous répandons, en moyenne six bébés souris entièrement dépendants mourront de faim, de déshydratation ou par prédation malgré qu’ils aient chanté de tout leur cœur pour appeler leur mère, lui dire de revenir à la maison.
 
Quand le bétail, les kangourous, ou d’autres animaux de boucherie sont abattus, ils sont tués instantanément. La souris meurt lentement et d’une mort par empoisonnement très douloureuse. Du point de vue du bien-être, ces méthodes de tuer sont parmi les moins acceptables. Bien que les bébés kangourous soient parfois tués ou laissés à eux-mêmes, seulement 30% des kangourous tirés sont de femelles, dont quelques-unes seulement auront des jeunes (Selon le code déontologique de l’industrie, les chasseurs doivent éviter de tirer sur des femelles avec des jeunes dépendants). Cependant, lorsque nous empoisonnons délibérément leurs mères par millions, souvent nous laissons mourir de nombreux bébés souris dépendants.
 
Remplacer la viande rouge par des céréales conduirait à la mort de beaucoup plus d’animaux sensibles (sentients), une souffrance animale beaucoup plus grande et entrainerait significativement plus de  dégradations environnementales. Des protéines obtenues à partir de bétails élevés à l’herbe coûtent bien moins de vies par kilogramme : c’est un choix qui est plus humain, plus éthique et bénéfique à l’environnement.
 
Ainsi, que doit faire un humain affamé ? Nos dents et notre système digestif sont adaptés à un régime omnivore. Mais aujourd’hui nous devons prendre en compte des questions philosophiques. Nous nous soucions de l’éthique mise en jeu dans la mise à mort d’herbivores et nous nous demandons s’il n’y aurait pas une autre façon plus humaine d’obtenir des nutriments adéquats.
 
Compter sur les céréales et les légumineuses conduit à la destruction des écosystèmes indigènes, à des menaces significatives sur les espèces indigènes et à au moins 25 fois plus d’animaux sensibles (sentients) morts par kilogrammes de nourriture. La plupart d’entre-eux se chantent des chansons d’amour les uns aux autres, jusqu’à ce nous les tuions en masse de façon inhumaine.
 
L’Honorable Michael Kirby, ancien juge à la Haute Cour, écrit que :
 
« Par notre sensibilité (sentience) partagée, les êtres humains sont intiment connectés aux autres animaux. Pourvu de raison et de parole, nous sommes les seuls capables de prendre des décisions éthiques et de nous unir pour un changement social au bénéfice d’autres qui n’ont pas de voix. Les animaux exploités ne peuvent protester contre leur traitement ou demander une vie meilleure. Ils sont entièrement à notre merci. Ainsi toute décision concernant le bien-être animal, que ce soit au Parlement ou au Supermarché, nous met en face d’un grave test de caractère moral »
 
Nous savons que les souris ont une voix mais nous ne l’avons pas écoutée.
 
Le défi pour un mangeur éthique est de choisir le régime qui cause le moins de morts et de dommages à l’environnement. Il semble qu’un régime omnivore qui inclut la viande bovine d’élevage herbager soit plus soutenable d’un point de vue éthique et même que le soit un régime qui inclut du kangourou prélevé dans la nature de façon durable.
 
Je remercie de nombreux collègues et parmi eux Rosie Cooney, Peter Ampt, Grahame Webb, Bob Beale, Gordon Grigg, John Kelly, Suzanne Hand, Greg Miles, Alex Baumber, George Wilson, Peter Banks, Michael Cermak, Barry Cohen, Dan Lunney, Ernie Lundelius Jr et les experts relecteurs anonymes de l’article de l’ Australian Zoologist pour leurs utiles critiques.
 

Tf. : JF D.

Titre original :  Ordering the vegetarian meal? There’s more animal blood on your hands
https://theconversation.com/ordering-the-vegetarian-meal-theres-more-animal-blood-on-your-hands-4659

Dimanche 21 Janvier 2018 Commentaires (0)
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