Fontenay-aux-Roses
Pour les amateurs de botanique, la lecture de La garance voyageuse est un incontournable. C'est une revue que l'on consulte toujours avec profit non seulement pour ses articles sur les plantes mais aussi parce qu'elle aide à protéger le monde végétal.
Cependant l'édito du numéro 91 m'a laissé perplexe. L'auteur s'en prend à l'installation de ruches dans les villes qu'il considère comme une mode néfaste. À Fontenay-aux-Roses, en ville donc, il y a longtemps que nous avons un rucher que nous avons installé grâce à une initiative des jardiniers de la ville. Nous sommes fiers de notre rucher. Notre miel a été deux fois primé. Aurions nous donc tout faux?
Dans ce rucher nous avons une ruche avec une paroi de verre pour montrer les abeilles à l'ouvrage. Les écoles et les centres de loisir viennent visiter ce rucher. Lors de fêtes et de manifestations diverses de la ville, nos jardiniers apiculteurs, parfois aidé d'apiculteurs bénévoles, anime un stand où les curieux peuvent enrichir leurs connaissances sur la ruche, le miel, la vie de l'abeille et depuis quelques années, hélas, des graves menaces qui pèsent sur l'espèce. C'est un stand qui a toujours beaucoup de succès. Grâce à notre rucher nous offrons aux mariés de Fontenay-aux-Roses un cadeau original : un pot du miel de leur ville pour leur lune de miel. Quels sont donc les reproches que Guillaume Lemoine, l'auteur de cet éditorial, adresse à ces ruches urbaines? Il y aurait quatre principaux effets pervers à ces implantations : l'incitation à privilégier dans les massifs des variétés horticoles exotiques fortement mellifères mais potentiellement envahissantes, se résigner à la stérilisation des campagnes par une agriculture chimique intensive et renoncer à protéger la biodiversité du reste du territoire, accepter une artificialisation de la nature et enfin privilégier l'abeille domestique sur les autres espèces d'hyménoptères pollinisateurs sauvages.
« To bee or not to bees »
Tel est le titre de l'édito de G. Lemoine.
Je laisserai la question des espèces exotiques qui est controversée. D'ailleurs, bien des villes qui n'ont pas de rucher en plantent.
Il est évident que l'on assiste à un mouvement spontané de repli des abeilles des campagnes dans les villes. L'auteur souligne ce fait et en évoque les causes possibles. J'ajouterai simplement que les abeilles ne sont pas les seules espèces à venir se réfugier en ville. Il y a les hérissons, les pies, etc. Ils ont été précédés par les renards, eux-mêmes précédés il y a fort longtemps par des espèces d'hirondelles. Et on peut s'attendre à voir d'autres espèces en faire autant si les pratiques agricoles n'évoluent pas. La campagne est devenue pour bien des espèces aussi inhospitalière que pouvait l'être nos contrées pendant la dernière glaciation. Lors de celle-ci, les espèces qui ont survécu sont celles qui ont réussi à trouver un refuge en « descendant » vers le sud. Nos villes jouent aujourd'hui le même rôle que les régions du sud lors des glaciations. Autant faire que ces refuges soient accueillants. C'est ce que nous essayons d'être à Fontenay-aux-Roses. C'est une des raisons de la politique d'entretien des espaces verts que j'essaie avec plus ou moins de bonheur de faire admettre et de mettre en place. En particulier, nous n'utilisons plus de pesticides issus de la chimie organique de synthèse, ni non plus de désherbants. Nous mettons en œuvre et popularisons auprès des Fontenaisiens des « bonnes pratiques » horticoles. Nos jardiniers apiculteurs savent bien que dans les campagnes des colonies d'abeilles disparaissent. Ils en parlent avec les gens qui viennent visiter le rucher ou leur stand. Du coup cette disparition n'est plus aussi silencieuse. Et cela peut être pour quelques urbains l'occasion d'une prise de conscience qui sinon, ne serait peut-être pas produite.
S'organiser pour être une « zone refuge » où flore et faune peuvent venir mais aussi repartir grâce aux « trames » vertes que nous mettons en place, aider à la prise de conscience des gens quant à l'état des milieux ruraux et naturels, c'est tout le contraire d'une résignation et d'un renoncement à la protection de la biodiversité sur l'ensemble du territoire. Nous la défendons au contraire, en agissant là où nous vivons mais pas seulement pour le lieu où nous vivons. Nos ruches jouent pleinement leur rôle dans cet objectif de protection de la biodiversité et de sensibilisation aux problèmes environnementaux globaux.
Nature, culture et horticulture.
Entre des ruches installées en bordure d'un champ de tournesol et nos ruches installées sur le coteau du Panorama, derrière le stade, en ville donc, je ne vois pas beaucoup de différence. Pourquoi donc cette installation inciterait-elle à « accepter une nature de plus en plus artificielle »? Que je sache la nature n'est pas la culture. Elle ne l'est pas plus que l'horticulture, ni moins. De plus, il y a en ville une « vraie » nature qu'une gestion « différenciée » permet de protéger et de montrer. Les abeilles domestiques vivent leur vie, la même que les ruches soient ici où là. Nous n'interférons principalement qu'en leur offrant un gite et en leur « volant » une partie de leur réserve de miel, en ville comme à la campagne. Bref, il n'y a ni plus, ni moins d'artificialisation de la nature que les ruches soient en bordure d'un parc ou en bordure d'un champ.
Les enfants qui voient s'activer les abeilles derrière la vitre de la ruche pédagogique sont en contact avec une altérité assez radicale, le monde des insectes, avec un morceau de nature bien peu dénaturée. D'ailleurs à l'époque où nous avons mis en place ce rucher, notre objectif était avant tout pédagogique.
Pour l'instant, nous n'avons pas installé de gite pour les bourdons, les osmies, etc. mais nous le ferons peut-être lors de la mise en œuvre de l'un des objectifs du projet territorial de développement durable de notre agglomération dans le cadre d'un partenariat que nous voulons instituer avec le Muséum. Aujourd'hui déjà, grâce aux planches pédagogiques, ces autres hyménoptères ne sont pas inconnus de ceux, petits ou grands, qui s'intéressent à nos abeilles.
Dans certains cas, pour certaines collectivités, les critiques de G. Lemoine s'appliquent peut-être : tout est dans la manière. Toute modestie mise à part, je ne crois pas qu'elles valent pour Fontenay-aux-Roses.
Photo :Max xx flickr.com
« To bee or not to bees »
Tel est le titre de l'édito de G. Lemoine.
Je laisserai la question des espèces exotiques qui est controversée. D'ailleurs, bien des villes qui n'ont pas de rucher en plantent.
Il est évident que l'on assiste à un mouvement spontané de repli des abeilles des campagnes dans les villes. L'auteur souligne ce fait et en évoque les causes possibles. J'ajouterai simplement que les abeilles ne sont pas les seules espèces à venir se réfugier en ville. Il y a les hérissons, les pies, etc. Ils ont été précédés par les renards, eux-mêmes précédés il y a fort longtemps par des espèces d'hirondelles. Et on peut s'attendre à voir d'autres espèces en faire autant si les pratiques agricoles n'évoluent pas. La campagne est devenue pour bien des espèces aussi inhospitalière que pouvait l'être nos contrées pendant la dernière glaciation. Lors de celle-ci, les espèces qui ont survécu sont celles qui ont réussi à trouver un refuge en « descendant » vers le sud. Nos villes jouent aujourd'hui le même rôle que les régions du sud lors des glaciations. Autant faire que ces refuges soient accueillants. C'est ce que nous essayons d'être à Fontenay-aux-Roses. C'est une des raisons de la politique d'entretien des espaces verts que j'essaie avec plus ou moins de bonheur de faire admettre et de mettre en place. En particulier, nous n'utilisons plus de pesticides issus de la chimie organique de synthèse, ni non plus de désherbants. Nous mettons en œuvre et popularisons auprès des Fontenaisiens des « bonnes pratiques » horticoles. Nos jardiniers apiculteurs savent bien que dans les campagnes des colonies d'abeilles disparaissent. Ils en parlent avec les gens qui viennent visiter le rucher ou leur stand. Du coup cette disparition n'est plus aussi silencieuse. Et cela peut être pour quelques urbains l'occasion d'une prise de conscience qui sinon, ne serait peut-être pas produite.
S'organiser pour être une « zone refuge » où flore et faune peuvent venir mais aussi repartir grâce aux « trames » vertes que nous mettons en place, aider à la prise de conscience des gens quant à l'état des milieux ruraux et naturels, c'est tout le contraire d'une résignation et d'un renoncement à la protection de la biodiversité sur l'ensemble du territoire. Nous la défendons au contraire, en agissant là où nous vivons mais pas seulement pour le lieu où nous vivons. Nos ruches jouent pleinement leur rôle dans cet objectif de protection de la biodiversité et de sensibilisation aux problèmes environnementaux globaux.
Nature, culture et horticulture.
Entre des ruches installées en bordure d'un champ de tournesol et nos ruches installées sur le coteau du Panorama, derrière le stade, en ville donc, je ne vois pas beaucoup de différence. Pourquoi donc cette installation inciterait-elle à « accepter une nature de plus en plus artificielle »? Que je sache la nature n'est pas la culture. Elle ne l'est pas plus que l'horticulture, ni moins. De plus, il y a en ville une « vraie » nature qu'une gestion « différenciée » permet de protéger et de montrer. Les abeilles domestiques vivent leur vie, la même que les ruches soient ici où là. Nous n'interférons principalement qu'en leur offrant un gite et en leur « volant » une partie de leur réserve de miel, en ville comme à la campagne. Bref, il n'y a ni plus, ni moins d'artificialisation de la nature que les ruches soient en bordure d'un parc ou en bordure d'un champ.
Les enfants qui voient s'activer les abeilles derrière la vitre de la ruche pédagogique sont en contact avec une altérité assez radicale, le monde des insectes, avec un morceau de nature bien peu dénaturée. D'ailleurs à l'époque où nous avons mis en place ce rucher, notre objectif était avant tout pédagogique.
Pour l'instant, nous n'avons pas installé de gite pour les bourdons, les osmies, etc. mais nous le ferons peut-être lors de la mise en œuvre de l'un des objectifs du projet territorial de développement durable de notre agglomération dans le cadre d'un partenariat que nous voulons instituer avec le Muséum. Aujourd'hui déjà, grâce aux planches pédagogiques, ces autres hyménoptères ne sont pas inconnus de ceux, petits ou grands, qui s'intéressent à nos abeilles.
Dans certains cas, pour certaines collectivités, les critiques de G. Lemoine s'appliquent peut-être : tout est dans la manière. Toute modestie mise à part, je ne crois pas qu'elles valent pour Fontenay-aux-Roses.
Photo :Max xx flickr.com
Mardi 18 Janvier 2011
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