La réforme de la fiscalité sur le foncier non bâti qui doit s’appliquer à partir du 1er janvier 2014 va être un puissant levier pour l’urbanisation des terres agricoles en zone urbaine ou périurbaine : notamment le Plateau de Saclay et toute l’Ile de France où plus de 50000 hectares sont concernés. De façon plus générale, ce sera la fin de l’agriculture en zones urbaines et périurbaines où sont situées 44% des exploitations françaises selon le Ministère de l’agriculture. Finis aussi les potagers à la marge de villages qui ont résisté tant bien que mal à l’étalement urbain qui défigure leurs abords et les noient au milieu de lotissements et autres zones résidentielles. Ce sera enfin «une très grande difficulté à mener la trame verte et bleue et l’impossibilité de conserver les ceintures vertes » selon Guillaume Sainteny, maître de conférences à l’Ecole polytechnique, ancien membre du cabinet de Corinne Lepage. L’enseignant qui a révélé le danger de la mesure met en garde le monde agricole et celui des défenseurs de la nature et de l’environnement. Bref, la conséquence de cette réforme sera une catastrophe pour l’agriculture de proximité, les paysages et la biodiversité sous prétexte de pousser la construction de logements.

Comment ?

Grâce à une majoration de la valeur locative cadastrale à partir du 1er janvier 2014 pour les terrains constructibles non bâtis, classés en zone urbaine (U) et à urbaniser (AU) prévue par la loi de finances 2013.

L’article 82 de la loi, prévoit que pour des terrains constructibles, la valeur locative cadastrale sera augmentée de 25% et d’une valeur forfaitaire de 5 euros par mètre carré, en 2014 et 2015, et de 10 euros en 2016. Cela signifie, comme l’explique Guillaume Sainteny que, dès 2014 « quelqu’un qui aura par exemple un hectare de terrain constructible paiera un peu plus de 50 000 euros par an de taxe foncier non bâti, et à partir de 2016, ce sera un peu plus de 100 000 euros par an. Ce qui est impossible, sauf si on est Crésus » Il ne restera donc plus au propriétaire d’autre solution que de vendre à des promoteurs.

La ministre du logement Cécile Duflot en rajoute une couche…

Au milieu de mesures d'aide à la rénovation énergétique, une disposition du « plan d'urgence pour le logement » de la ministre du logement, Cecile Duflot (EE – LV) prévoit la suppression dès 2014 de l'abattement fiscal sur les plus-values de cessions des terrains constructibles.
L'objectif est de créer un « choc foncier » pour provoquer des ventes massives de parcelles pour construire des logements. Selon la législation actuelle, l'exonération de taxes sur la plus-value est progressive à partir de la sixième année et totale au bout de trente ans. Selon le texte du Plan d’investissement pour le logement publié par l’État : «le dispositif incite donc très fortement à la détention sur une longue durée pour bénéficier des abattements. Afin de lutter efficacement contre la rétention foncière, il est donc proposé de supprimer tout avantage pour durée de détention des terrains constructibles. Afin de créer un choc d’offre, la mesure s’appliquerait à toutes les cessions intervenues à compter du 1er janvier 2014 (les plus-values sur des cessions résultant de promesses de vente enregistrées jusqu’au 31 décembre 2013 conserveraient le bénéfice du régime actuel d’abattement). L’objectif est bien d’encourager les personnes propriétaires de terrains constructibles depuis de nombreuses années à bénéficier, en cas de vente intervenant avant cette date, du dispositif actuel qui leur ouvre droit à un abattement significatif (voire à une exonération) sur leur plus-value. » (p.19) S’il en reste, après ce choc de l’offre !
Une mesure de cette sorte figurait déjà dans la loi de finance de 2013 mais avait été censurée par le Conseil constitutionnel qui la jugeait confiscatoire. Le texte censuré non seulement prévoyait la suppression du régime d’abattement progressif sur trente ans et une taxe à hauteur de 31% en 2013 et 2014 mais en plus imposait à partir de 2015 la plus-value sur la vente de terrains constructibles au taux marginal de l’impôt sur le revenu qui pouvait s’élever jusqu’à 60,5%.
Même si le gouvernement s’en tient comme cela semble devoir être le cas à la taxation à 31%, les effets seront les mêmes. Il s’agit en quelque sorte de forcer les propriétaires à vendre ces terrains. Pour mémoire, on rappelle que sont considérés constructibles les terrains définis dans l’article 257 du Code général des impôts comme « terrains sur lesquels des constructions peuvent être autorisées en application d’un plan local d’urbanisme, d’un autre document d’urbanisme en tenant lieu, d’une carte communale ou de l’article L. 111-1-2 du code de l’urbanisme », c’est-à-dire tous les terrains situés en zone péri-urbaine ou urbaine. Il s’agit selon l’expression de Guillaume Sainteny «d’un coup d’accélérateur extraordinaire à l’étalement urbain »
Les propriétaires ruraux, le monde agricole se mobilisent contre cette mesure ainsi que de nombreux maires, y compris des maires PS. Ils contestent ces mesures qu’ils considèrent comme coercitives et mal ciblées. « Les villes ont besoin d'être urbanisées, pas les campagnes » dénonce le président de la FNSEA. Selon le JDD, « même chez Europe Écologie Les Verts, le parti de Cécile Duflot, on reconnaît que la mesure a été faite "un peu vite" et qu'elle devrait cibler davantage les régions denses. D'autant qu'elle vient s'ajouter à celle votée à l'automne sur la taxe foncière applicable aux mêmes terrains. »

Incompétence ou indifférence ?

Qu’il faille construire des logements est une évidence. Mais faut-il le faire n’importe où en créant de force des opportunités foncières qui vont pénaliser les villages qui s'efforcent de ne pas "bétonner" au milieu des champs, interdire l’autosuffisance alimentaire des régions contenant de grosses agglomérations, condamner l’autoproduction maraichère, sacrifier la biodiversité et massacrer les paysages de la campagne française ?
Il est pour le moins renversant qu’une ministre qui se prétend écologiste présente et défende de telles mesures qui de surcroît sont incohérentes avec celles qu’elle avance contre l’étalement urbain, que des députés qui se prétendent également écologistes votent une loi de finances qui contient ces dispositions fiscales sans même en mentionner les effets néfastes. Devant tant d’incompétence ou d’indifférence sur des questions qui relèvent des fondamentaux de l’écologie, on en est réduit à se féliciter de la réaction de députés UMP tels que Martial Saddier, député UMP de Haute-Savoie, qui affirme « on est d'accord avec l'analyse qu'il faut libérer du foncier. Mais cette disposition devrait se limiter aux zones les plus denses. » Et il faut compter sur le président de la FNSEA pour interpeller le ministre de l’agriculture et intervenir auprès des élus locaux ! Il serait temps que les associations de protection de l’environnement et de la nature se mobilisent au côté du monde agricole car, ici encore, il n’y a rien à attendre d’Europe Ecologie Les Verts.


Dimanche 21 Avril 2013 Commentaires (2)

Commentaires

1.Posté par maria le 22/10/2013 17:28 (depuis mobile)
Merci pour votre article. Consternes par cette mesure, nous avons voulu nous renseigner auprès de l urbanisme de notre localité. Personne ne semble informé à ce jour. Pourriez vous nous dire à qui nous adresser ? Merci

2.Posté par Paulette le 03/11/2013 21:00
Bonjour,
Je vous remercie pour cet article. Je rejoins l'interrogation de Maria. En sauriez-vous davantage sur l'application de cette loi?
Si je comprends les besoins de logements dans CERTAINES zones géographiques, il s'agit pour moi de problématiques locales qu'une loi appliquée à l'échelle nationale ne résoudra pas et au contraire, aboutira la disparition de zones vertes au profit de zones artificialisées sans compter le déploiement de communes dortoirs.

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